WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Ressources fourragères et représentations des éleveurs, évolution des pratiques pastorales en contexte d'aire protégée. Cas du terroir de Kotchari à  la périphérie de la Réserve de biosphère du W au Burkina Faso

( Télécharger le fichier original )
par Issa Sawadogo
Museum national d'histoire naturelle de Paris (ED 227) - Docteur du museum national d'histoire naturelle spécialité physiologie et biologie des organismes  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.2.1.2. Les feux, un facteur de régulation des savanes

Les spécialistes du fonctionnement et de la dynamique des écosystèmes savaniens sont, de nos jours, unanimes sur le fait que les feux, qu'ils soient d'origine naturelle (la foudre) ou anthropique, sont une composante à part entière des savanes (Lamotte, 1970 ; César, 1991 & 1992 ; Dolidon, 2005). Ils contribuent à maintenir cet écosystème (Lamotte, 1979 ; Schnell, 1971; Monnier, 1981 ; Bruzon, 1990 ; Fournier, 1991 ; César, 1992 ; Scholes & Walker, 1993 ; Gaucherand, 2005 ; Fournier & Devineau, 2009) avec lequel ils ont de tout

temps co-évolué (Frost et al. 1986 ; Fournier, 1990). Ils constituent donc un élément fondamental de fonctionnement de l'écosystème au même titre que le climat (Naveh, 1975). Vu sous cet angle, le feu peut être considéré comme un facteur naturel de conservation ou de régulation en zone de savane (César, 1991 ; Hoffmann et al. 2003), il évite l'évolution de celle-ci vers les formations forestières (Schnell, 1971 ; Monnier, 1981 ; Fournier, 1991). Ce rôle du feu dans l'entretien des écosystèmes de savane est confirmé par Aubreville (in Dolidon, 2005) qui affirme que « si les feux de savane ne sévissaient pas chaque année, la reconstitution de la forêt se produirait instantanément sur une grande partie de l'aire qu'elle a perdue ».

2.2.1.3. Impacts des feux sur les écosystèmes

Les feux interviennent dans le fonctionnement global des écosystèmes en accélérant, contrariant ou supprimant certains de ses processus (germination et croissance des espèces, successions végétales, etc.). Leurs effets sont fonction de leur intensité, de leur fréquence, de la saison à laquelle ils interviennent (Alexandre, 1989 ; Lavorel et al. 2007), mais aussi du type de végétation, de la topographie et de la nature du sol dans le site considéré (Bruzon, 1995; Pyne et al. 1996). Les impacts des feux sur les milieux peuvent s'analyser à travers les changements provoqués dans la végétation (richesse floristique, composition spécifique, diversité spécifique, structure spatiale, types biologiques, physionomie et phénologie) et dans les caractéristiques physico-chimiques des sols (teneur en nutriments et en microorganismes).

2.2.1.3.1. Les feux et leurs impacts sur la végétation

Les feux entretiennent les savanes en agissant comme des agents sélectifs et régulateurs qui permettent d'empêcher le remplacement de la strate herbacée par la végétation boisée (Shantz, 1947 ; César, 1991 & 1994 ; Lavorel et al. 2007) et, comme rappelé précédemment, l'évolution des formations savanicoles vers les types forestiers parfois denses (Schnell, 1971 ; Monnier, 1981 ; Fournier, 1991 ; Jacquin, 2010). Leurs effets sont multiformes, ils diffèrent notamment selon la nature ligneuse ou herbacée de la formation végétale considérée et les types biologiques végétaux qui ont développé à l'égard du feu des stratégies assez diversifiées (Schnell, 1971; Ozenda, 1982 ; César, 1992 ; Bruzon, 1995). Du point de vue de l'utilisation pastorale des milieux, on note que les feux influencent le niveau de la production primaire nette, son évolution cyclique (disponibilité saisonnière du fourrage) ainsi que sa qualité fourragère (appétence et qualités nutritionnelles) (Schnell, 1971).Par ailleurs, le moment (précoce ou tardif) de survenue des feux peut être déterminant sur l'évolution des écosystèmes pastoraux.

En ce qui concerne les types biologiques, les hémicryptophytes (les graminées pérennes surtout) et les géophytes disposent respectivement soit de bourgeons basilaires protégés dans les talles et qui rejettent après le passage du feu (Fournier, 1991) soit de semences enfouies dans le sol et supportant l'élévation de température consécutive au passage des feux. L'effet dépressif observé chez les ligneux, est bien moindre ou parfois absent chez les herbacées chez lesquelles on peut noter, dans le temps, une stimulation du tallage et un élargissement des touffes (Bruzon, 1995).

27

Les feux précoces ont des effets peu nocifs sur la végétation ligneuse, ils retardent mais ne compromettent pas son développement. Ces feux surviennent, en effet, à une période où l'herbe est encore un peu humide (stress hydrique faible), et se contentent de consumer la litière de feuilles et des herbes fanées (Beani & Dessi, 1984) là où l'accumulation de combustible de l'année précédente n'est pas élevée. Manquant donc d'assez de combustible (César, 1994), ils sont bas, lents et leur température n'est pas très élevée ; ils n'affectent que la couche supérieure du sol préservant ainsi les racines et les graines, ils ne s'attaquent pratiquement pas aux arbres. Au contraire, en éliminant une bonne partie de la strate herbacée pendant son passage, ils réunissent les conditions (abaissement de la compétition herbe-arbre) d'une bonne croissance des ligneux plus tard au moment de leur reprise. De ce fait, en favorisant le développement des ligneux, ils seraient favorables aux savanes arborées ou boisées (César, 1994). Les feux pastoraux, généralement précoces, qui visent, selon Boutrais (1994), à favoriser, par des repousses, le renouvellement du pâturage (Bruzon, 1994 ; César, 1994) relèvent, en conséquence, de stratégies du court terme (Boutrais, 1994). Ils conduisent, en effet, à long terme à l'embroussaillement des formations de savane et à la perte d'une bonne partie du fourrage herbacée.

Notons qu'en zone subhumide, si le feu est précoce - pas assez précoce cependant pour interrompre la mise en réserves des nutriments dans les organes souterrains (GTZ, 1979 in Hoffmann, 1985) - les repousses des graminées vivaces après le passage des feux précoces sont plus importantes à cause de l'humidité des sols encore élevée à cette période (Bruzon, 1995), ce qui accroît la valeur pastorale des milieux.

Cependant, les feux précoces répétés, en favorisant le développement de la végétation ligneuse, vont entraîner l'élimination des hémicryptophytes, les plus recherchées par le bétail (Daget & Godron, 1995 ; Kagoné, 2000), au profit des types biologiques de plus grande taille (chamaephytes et nanophanerophytes) et une réduction de la contribution des Graminées. A la longue il se produit un embroussaillement puis une reforestation (Boutrais, 1994 ; César, 2005). Ceci a des incidences négatives sur la valeur pastorale et les potentialités fourragères de la savane qui dépendent des graminées pérennes. Rippstein (1985) a observé par exemple, suite à des études conduites dans l'Adamaoua (Nord-Cameroun), qu'à partir d'un recouvrement ligneux de 40% environ, la productivité et la valeur pastorale des milieux devenaient faibles.

Les effets des feux dits « tardifs » sont généralement plus nocifs que ceux des feux précoces surtout sur la strate ligneuse (César, 1994 ; Bruzon, 1995). En effet, au moment où ces feux surviennent (précisément en saison sèche chaude), le combustible herbacé, assez sec, est abondant ce qui permet un feu violent au moment même où les ligneux sont en train d'émettre de nouveaux organes, notamment les feuilles et aussi, pour certains, de fleurs et de fruits (Schmitz et al. 1996). Ces organes, y compris les jeunes branches, sont alors brûlés, obligeant les ligneux à une seconde et épuisante foliaison (César, 1992). La croissance en zone de savane peut ainsi être réduite faute de feuilles pour assurer la photosynthèse. Par ailleurs, les rejets, les arbustes et les jeunes pousses, particulièrement vulnérables (Beani & Dessi, 1984), sont en grande partie détruits, ce qui empêche l'installation de nouveaux individus ligneux (Bruzon, 1995). Étant inclus dans la strate herbacée, ces derniers, encore fragiles, sont en effet brûlés par les feux (Western & Maitumo, 2004 ; Bond & Keeley ; 2005)

lors de leur passage. Les feux, en particulier le type tardif, empêcheraient donc l'embroussaillement des milieux et favoriseraient l'installation de savanes arbustives (César, 1994, cf. figure II-1).

Cependant, la réponse des ligneux à l'action du feu, même tardif, serait assez diverse selon l'espèce considérée (Schnell, 1971) et l'âge de l'individu ligneux. Selon Bruzon (1995) en effet, certaines espèces comme Afzelia africana Smith ex Persoon et Nauclea latifolia Smith sont résistantes ou «pyrotolérantes» (on les qualifie alors de pyrophytes), elles rejettent abondamment à partir de souches munies d'écorces épaisses, isolantes et subérifiées protégeant les tissus vivants de leurs troncs. Elles ont, en outre, des graines qui supportent les températures élevées. Par ailleurs, d'après Schnell (1971), les arbres surtout les plus jeunes, rejettent de la base et prennent un port buissonnant, lorsqu'ils sont atteints par le feu.

Figure II-1. Rôle du feu dans l'évolution des savanes (Source : César, 1994)

Légende :

En l'absence de feu, la végétation de savane évolue vers la forêt dense. Le feu annuel maintient la végétation des savanes, les feux précoces (courant novembre) permettent l'installation de savanes arborées ou boisées, tandis que les feux tardifs (mars) plus violents (le combustible est devenu sec en ce moment) n'autorisent qu'une savane arbustive claire.

2.2.1.3.2. Les feux et leurs impacts sur les sols

Schnell (1971) puis Bruzon (1995) expliquent clairement et en détail comment le feu influence les qualités chimiques et biochimiques des sols. De manière générale, la couverture du sol par la cendre induit une modification de sa température et de son humidité relative. Par ailleurs, le sol est enrichi en éléments assimilables comme le calcium, le magnésium, le potassium et surtout le phosphore, de même, l'activité des actinomycètes et des bactéries est stimulée par suite d'une élévation du pH. Ces observations sont confirmées par de nombreux

29

travaux conduits sous divers horizons (Senthilkumar et al. 1997 ; Jeensen et al. 2001 ; Wan et al. 2001). Les travaux de Senthilkumar et al. (1997) apportent des précisions sur le fait que seule la couche supérieure du sol (0-10 cm) est affectée notamment par une augmentation de la population de la microfaune ainsi que leurs activités enzymatiques du fait justement de la disponibilité en matière organique.

Des feux fréquents et intenses (Bird et al. 2000 ; Parker et al. 2001 ; Mills & Fey, 2004) ou de plus en plus tardifs (Bruzon, 1995) conduisent cependant à des effets contraires. Mills & Fey (2004), à partir d'expérimentations menées sur des savanes sud-africaines, observent, en effet, une destruction de la matière organique produite par la végétation et la litière, ce qui affecte, selon Laclan et al. (2002), la disponibilité en nutriments pour la faune du sol. Roscoe et al. (2000) au Brésil n'observent pas de différence dans la chimie des sols brûlés par rapport à ceux mis en défens. Ils constatent en particulier que les teneurs en carbone et azote ne changeaient pas significativement, mais cela peut s'expliquer par le fait que ces auteurs n'ont pas considéré séparément la couche (0-10 cm) très affectée et celle (10- 20 cm) qui ne l'est pas du tout.

Au-delà de ces impacts directs, selon Bruzon (1995), le feu en éloignant ou détruisant la faune du sol, joue sur la structure de celui-ci. Par ailleurs, l'adsorption et l'infiltration de l'eau diminuant par suite de la destruction de la litière et du couvert végétal, l'évaporation se trouve accrue.

2.2.1.3.3. La végétation de savane, une végétation adaptée au feu.

Les plantes de savane, par suite de l'élimination des espèces sensibles, sont essentiellement des espèces adaptées au feu auxquelles s'ajoutent des espèces qui lui sont sensibles et qui se cantonnent sur des sites habituellement épargnés par les flammes (anciennes termitières, affleurements rocheux, cuirasses) (César, 1992 & 1994). Hoffmann W. et al. (2003) montrent que les espèces ligneuses de savane ont une plus grande tolérance au feu que celles de forêt, elles développement une écorce plus épaisse, ont une plus grande capacité de rejeter après le passage du feu et leurs jeunes pousses atteignent plus vite la taille de reproduction ce qui leur donne plus de chance d'atteindre la maturité entre deux feux consécutifs. Cette évolution vers les formations forestières se produit progressivement par la fermeture du milieu avec la disparition de la strate herbacée graminéenne et la densification de la strate ligneuse dans laquelle prend place des espèces auparavant peu compétitives du fait du feu (Bruzon, 1995).

Le feu entretient donc le cortège floristique des savanes - le « pyroclimax » (Schnell, 1971) - le protégeant contre la concurrence des espèces forestières, dans cette mesure il constitue un bon outil de gestion des pâturages savaniens (Campbell, 1954 ; Dolidon, 2005) riches en Graminées surtout pérennes. Dans nos milieux cependant, où les savanes sont fortement dégradées avec un envahissement des écosystèmes savaniens par des graminées annuelles, il apparaît de plus en plus évident que la mise à feu des pâturages constitue une menace quant à leur équilibre et une perte de fourrage (même de faible valeur) pour le bétail (Kièma S., 2007).

Par ailleurs, il importe de noter que, si les feux sont favorables au maintien de groupements savanicoles pyrophiles originaux, lorsqu'ils sont intenses et répétés par contre, ils homogénéisent la végétation en réduisant la richesse spécifique de la strate ligneuse et/ou de la strate herbacée (Gill, 1975 ; Briggs et al. 1998 ; Achard et al. 2001 ; Cochrane, 2003 ; Western & Maitumo, 2004 ; Archibald et al. 2005). Dans une certaine mesure, il en est de même pour les effets de la pâture notamment intense (Yates et al. 2000 ; Achard et al. 2001 ; Archibald et al. 2005) sur lesquels nous revenons dans le point 2.2.2 suivant.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote