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La recherche de l'Absolu dans la pensée de Plotin: dépassement du premier moteur d'Aristote

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par Jean Claude NGENZIRABONA NIYITEGEKA
Université catholique d'Afrique Centrale/ institut catholique de Yaoundé - Licence en philosophie 2008
  

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CHAPITRE II : L'UN OU L'ABSOLU : LA DÉCOUVERTE DU PRINCIPE PREMIER CHEZ PLOTIN

Après avoir exposé dans le premier chapitre la théorie aristotélicienne du Premier moteur, nous voulons dans le présent chapitre montrer en quoi consiste le dépassement de cette théorie tel qu'il a été conçu par Plotin. Néoplatonicien par excellence, Plotin était très attaché à la pensée grecque. Il vivait en outre dans une vie intensément mystique marquée en grande partie par des traits du pythagorisme. Il semblait avoir honte d'être dans un corps. Il aurait même déclaré dans les derniers moments de sa vie à un ami, son disciple et médecin Eustochius : « Je suis actuellement occupé à renvoyer à la divinité ce qu'il y a en moi de divin »47(*). C'est pourquoi sa pensée a apporté un élan mystique particulier dans l'histoire de la philosophie. L'une de ses premières préoccupations philosophiques est de découvrir le principe de toutes choses ainsi que leur fin première. Mais, pour lui, la réalité véritable reste une vie spirituelle unique qui part du monde sensible pour aboutir à un principe premier. Mais, selon lui, ce principe ne peut non plus rester en lui-même, il a plutôt besoin de s'étendre, allant de l'indivisible, jusqu' à ses effets qui parviennent à leur tour au dernier des êtres sensibles48(*).

En effet, tout l'univers lui apparaît comme une série de trois formes de réalité (l'Un, l'Intellect divin et l'Âme) connues sous le nom d'Hypostases et dont chacune dépend hiérarchiquement de la précédente. Parmi ces dernières, c'est l'Un qui nous intéresse car, étant supérieur à toutes les autres, il se révèle comme source absolue de toutes choses. Selon Plotin, l'Un engendre à la fois l'Intellect divin et l'Âme. Pourtant, cet Intellect fait penser à l'Idée platonicienne et à la "Pensée qui se pense" d'Aristote. Mais alors, s'il en est ainsi, pourquoi Plotin va-t-il encore postuler un autre principe au-delà de cet Intellect divin ? Et, en quoi ce principe est-il premier ? Il est question pour nous de présenter la nature de ce principe et son rôle dans la connaissance ainsi que le rapport que Plotin établisse entre le monde sensible et son principe premier qu'est l'Un ou le Bien.

II.1. L'Un et son rôle dans la connaissance : l'ascension de l'âme vers l'Un

Considérer l'Un comme principe premier chez Plotin nous semble une entreprise d'une grande envergure, car ce principe tel qu'il a été pensé par ce néoplatonicien parait d'abord comme n'ayant pas de nature. Or, partant des autres réalités dont il est principe, Plotin arrive à concevoir sa propre nature avant d'en préciser son rôle. Pour lui, le Premier moteur proposé par Aristote comme principe premier et cause de toutes choses ne correspond pas à la nature même du principe puisqu'il s'avère composé. Il faut plutôt trouver un autre principe qui soit une réalité absolument première et simple. Plotin est donc convaincu que c'est le Bien ou le premier principe qu'il faut trouver et propose dans sa doctrine quelques moyens et méthodes pour y arriver49(*). Mais de quelle nature est-t-elle exactement cette réalité? Et quelle est son importance vis-à-vis des autres formes de réalité, mais surtout en ce qui concerne la connaissance de l'homme et celle du monde ?

II. 1.1. La nature de l'Un

Dans la philosophie de Plotin, l'Un ou le Bien comme premier principe n'est ni la totalité des êtres ni l'intelligence ni l'être, car : « Le principe n'est pas l'ensemble des êtres, mais tous les êtres viennent de lui ; il n'est pas tous les êtres ; il n'est aucun d'eux, afin qu'il puisse les engendrer tous ; il n'est pas une multiplicité, afin d'être le principe de la multiplicité »50(*). Ainsi, de part sa nature, il est générateur de tout ce qui existe et en plus de cela, « il faut qu'il soit principe et, par conséquent, qu'il soit antérieur à toutes choses, afin que tout vienne après lui »51(*). Quoiqu'il ait du mal à nommer un tel principe et à le reconnaître, Plotin précise cependant : « En réalité aucun nom ne lui convient ; pourtant, puisqu'il faut le nommer, il convient de l'appeler l'Un, mais non pas en ce sens qu'il soit une chose qui a ensuite l'attribut de l'un. Il est d'ailleurs bien difficile de le connaître de cette manière, et on le connaît mieux par son produit qui est l'être »52(*).

C'est pourquoi, en décidant de le reconnaître ainsi, Plotin pense que ce principe premier devra être d'une nature aussi bien simple que séparé. Ces dernières caractéristiques nous sont également connues à travers Platon et Aristote. Par conséquent, comme l'affirmera L. Jerphagnon, Plotin ne s'écarte pas radicalement de ces derniers : De la conception de Platon, il lui reste l'idée selon laquelle « la source du monde des Idées, c'est l'Un-Bien »53(*), mais il se démarque pour ainsi dire de la conception aristotélicienne selon laquelle le principe premier (le Premier moteur ou l'Intellect divin) est considéré comme la "Pensée qui se pense", puisque pour Plotin : « L'être qui pense est double ; il se pense lui-même ; il y a donc un défaut en lui parce son bien ne consiste pas à exister, mais à penser »54(*). A cet effet, l'originalité de Plotin est d'avoir fait de l'Un un principe puissant, illimité, indépendant, bref, un principe qui est autarcique, c'est-à-dire qui doit être nécessairement un et autosuffisant55(*). Mais pour mieux le concevoir, Plotin lui confère quelques exigences dont deux principales sont la simplicité et la supériorité.

Concernant la simplicité de l'Un, il convient de souligner avec Plotin que, contrairement à l'Intellect, « si le Bien est simple et sans besoin, il n'a pas besoin de la pensée »56(*). Et c'est justement « l'Un qui est simple et qui est le principe de toutes choses »57(*), ajoute-t-il. C'est de là que l'on aperçoit mieux l'identité que Plotin se permet d'établir entre le Bien et l'Un comme le témoigne également le titre de l'Ennéade VI 9 [9] "Sur le Bien ou l'Un".

Quant à la supériorité de l'Un comme principe premier, Plotin déclare que « rien ne doit être avant lui »58(*). C'est pourquoi il doit demeurer le Premier et être « identique, même si d'autres uns viennent de lui »59(*). Ainsi, il devient le « principe de l'être et supérieur même à l'essence »60(*). Rappelons-nous également que les termes être, essence et réalité semblent signifier la même chose chez Plotin61(*). Conçu donc de cette façon, l'Un ou le Bien plotinien devient en quelque sorte la « la puissance productive de la vie sage et intellectuelle ; de lui viennent la vie et l'intelligence, puisqu'il est principe de l'essence et de l'être ; et il l'est parce qu'il est Un... »62(*). Autrement dit, « il est la puissance de tout »63(*) ; sans lui, aucune chose n'existerait.

A ces deux principales exigences de l'Un plotinien comme premier principe, l'on pourrait volontiers ajouter une troisième comme le précise Sylvain Roux lorsqu'il affirme : « L'appeler principe, c'est donc le caractériser par rapport à nous, c'est-à-dire par rapport aux choses dont il est principe, et non le qualifier par ce qu'il est. C'est l'appréhender par ses effets et non par sa nature »64(*). Par conséquent, la troisième exigence qui n'est pas loin de deux autres précédemment citées devient le rattachement de l'Un aux choses dont il est principe. C'est de là également que Plotin le fait un être supérieur et source de toutes choses, bref la cause de ces choses. Cependant, pour mieux saisir la nature propre de l'Un par rapport à d'autres hypostases, il a plu à Plotin d'emprunter une analogie partant d'un double rapport  entre la lumière et le soleil, et entre le soleil et la lune : « On peut comparer le Premier à la lumière, l'être qui vient après lui au soleil, et le troisième à la lune qui reçoit sa lumière du soleil »65(*). C'est donc cette lumière (premier principe ou l'Un), bien qu'elle soit simple, « qui donne à l'intelligence le pouvoir d'être ce qu'elle est »66(*).

En effet, pour Plotin, autant que l'Un est au-dessus de toutes choses, autant il est au-delà de l'"Idée du Bien" de Platon et de la "Pensée qui se pense" d'Aristote. Puisque, en tant que principe, aucune chose ne peut lui être attribuée : « Certes, ce principe n'est rien, rien de ce dont il est le principe ; certes, rien ne peut être affirmé de lui, ni l'être, ni la substance, ni la vie ; mais c'est qu'il est supérieur à tout cela »67(*), cependant toutes choses viennent de lui. C'est ainsi que pour Plotin l'Un reste toujours le principe hautement absolu et simple, et il demeure pour ainsi dire un principe absolument libre et indépendant de tout. A cet effet, Plotin affirme aisément : « Seul l'Un doit être tel qu'il n'ait besoin de lui-même ni d'autre chose. Il ne cherche aucune assistance ni pour être, ni pour être bien, ni pour occuper sa place ; étant cause d'autres choses, il ne tient pas d'elles son être »68(*). Aussi, va-t-il affirmer que l'Un est indépendant de toute pensée, car il n'a pas besoin de penser puisque : « Avant de penser, il serait ignorant, et il aurait besoin de pensée pour se connaître, lui qui se suffit absolument à lui-même ! »69(*). C'est donc en remplissant toutes ces conditions précédentes que l'Un devient pleinement le principe premier et la cause première de tout ce qui pense et de tout ce qui existe.

* 47 PORPHYRE, Vie de Plotin, II, in PLOTIN, Ennéade. Trad. E. Bréhier, Paris, Les Belles Lettres, 1924.

* 48 Cf. Enn. IV 8 [6], 6, 1 - 10.

* 49 Cf. Enn. I 3 [20], 1, 1 - 2, 1ss.

* 50 Enn. III 8 [30], 9, 40 - 44.

* 51 Enn. III 8 [30], 9, 51.

* 52 Enn. VI 9 [9], 5, 32 - 33.

* 53 L. JERPHAGNON, Histoire de la pensée. Antiquité et Moyen Âge, Paris, Tallandier, 1989, p. 283.

* 54 Enn. III 9 [13], 7, 4 - 5.

* 55 Cf. Enn. VI 9 [9], 6, 1 - 24.

* 56 Enn. V 6 [24], 4, 1.

* 57 Enn. VI 9 [9], 5, 26.

* 58 Enn. V 5 [32], 4, 16.

* 59 Enn. V 5 [32], 5,1.

* 60 Enn. V 5 [32], 11, 11.

* 61 Cf. Enn. V 5 [32], 5, 13 - 14.

* 62 Enn. V 5 [32], 10, 12 - 13.

* 63 Enn. III 8 [30], 10, 1.

* 64 S. ROUX, Op. cit., p. 212.

* 65 Enn. V 6 [24], 4, 14 - 15.

* 66 Enn. V 6 [24], 4, 20.

* 67 Enn. III 8 [30], 10, 31 - 32.

* 68 Enn. VI 9 [9], 6, 25 - 28.

* 69 Enn. VI 9 [9], 6, 44 - 45.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery