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La problématique des limitations juridiques à  l'intervention du pouvoir constituant dérivé :cas de la Constitution du 18 février 2006

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par Chris Shematsi
Université protestante au Congo - Licence 2010
  

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Chapitre I : CONSIDERATIONS THEORIQUES

Ce chapitre est consacré à l'étude de la notion du pouvoir constituant dans ses deux aspects traditionnels à savoir, le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constitutionnel dérivé puis il portera sur les procédures de révision constitutionnel en droit constitutionnel comparé.

SECTION 1 : NOTION DU POUVOIR CONSTITUANT

La notion du pouvoir constituant est inhérente à celle de la Constitution. Emmanuel SIEYES a dans ce sens dégagé un postulat tranché selon lequel : "une constitution suppose, avant tout, un pouvoir constituant"5(*)

Dans cette optique, il faut noter que le pouvoir constituant est à la base de l'établissement des Constitutions ou la révision des Constitutions.6(*)

Ainsi, le pouvoir constituant revêt deux modalités à savoir, le pouvoir constituant originaire (§1) et le pouvoir constituant dérivé (§2).

§.1. Du pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant originaire est celui qui permet d'établir une constitution à titre initial, sans lien avec un ordre constitutionnel antérieur, c'est-à-dire afin de créer un Etat nouveau.7(*)

Malgré cette définition lucide de Thierry DEBARD, il ressort que la nature juridique et le titulaire de ce pouvoir n'apparaissent pas.

Ainsi, dans le cadre de ce paragraphe, nous allons relever ce double problème ci-haut souligné.

a. La nature juridique du pouvoir constituant originaire

La question de la nature juridique du pouvoir constituant originaire est très controversée pour autant qu'elle oppose deux thèses doctrinales. Les jus naturalistes considèrent en effet que le pouvoir constituant originaire est un pouvoir de nature juridique tandis que les positivistes estiment que le pouvoir constituant originaire est de nature extra juridique, par voie de conséquence, un pour fait non susceptible de qualification juridique.

1. Le pouvoir constituant originaire est de nature extra-juridique

Le Professeur Carré de Malberg dans son précieux ouvrage intitulé "Contribution à la théorie générale de l'Etat" indique que « le droit, au sens propre du mot, n'est pas autre chose que l'ensemble des règles imposées aux hommes sur un territoire déterminé par une autorité supérieure, capable de commander avec une puissance effective de domination et de contrainte irrésistible. Or, précisément, cette autorité dominatrice n'existe que dans l'Etat : cette puissance positive de commandement et de conviction, c'est proprement la puissance étatique. Dès lors, il apparaît que le droit proprement dit ne peut se concevoir que dans l'Etat une fois formé ; et par suite, il est vain de rechercher le fondement ou la genèse juridique de l'Etat. L'Etat, étant source du droit, ne peut pas avoir lui-même sa source dans le droit »8(*)

Il renchérit en disant que "la formation initiale de l'Etat, comme aussi sa première organisation, ne peuvent être considérées que comme un pur fait, qui n'est susceptible d'être point gouverné par des principes de droit"9(*)

Ensuite, il affirme avec clarté qu'il n'est pas sans exemple que la formation de l'Etat ait été le résultat de la force, ainsi que... la naissance de l'Etat et son premier statut sont purement un fait naturel. En d'autres termes, à l'origine de l'Etat, il n'y a place que pour du fait, et non pour du droit.

Tout ce que peut faire le juriste, c'est de constater que l'Etat se trouve formé à partir du moment où la collectivité nationale, fixée sur un certain territoire, possède, en fait, des organes exprimant sa volonté, établissant son ordre juridique et imposant supérieurement sa puissance de commandement. Quant à rechercher par quel processus juridique ces organes primitifs ont été constitués, non seulement ce n'est pas là le problème capital de la science du droit public, mais ce n'est même pas du tout un problème juridique.

La doctrine qui prétend, en remontant le cours successif des constitutions, finir par découvrir la source juridique de l'Etat, repose sur une erreur complète. La source de l'Etat, c'est du fait : à ce fait se rattache ultérieurement le droit.10(*)

Il ressort, en somme, de ce brillant exposé de Carré de Malberg que la formation de l'Etat n'est commandée par aucun ordre juridique préexistant ; elle est la condition du droit, elle n'est point conditionnée par le droit.

Dans la même logique, Georges BURDEAU dans sa thèse de doctorat affirme que « le juriste ne devrait parler que du pouvoir de révision et jamais du pouvoir constituant, car le pouvoir constituant proprement dit, celui qui établit la première constitution, n'est qu'un fait »11(*)

En conséquence, il sied de retenir que l'examen du pouvoir constituant originaire échappe complètement à l'analyse juridique.

2. Le pouvoir constituant originaire est de nature juridique

Le Professeur Georges BURDEAU fait un examen critique de la thèse selon laquelle le pouvoir constituant originaire est un pur fait.12(*)

Cette thèse soulève, à son avis, une objection très grave, car « elle conduit à rejeter hors du droit, non seulement l'acte créateur de la première constitution de l'Etat, mais tout exercice, dans sa plénitude, du pouvoir constituant »13(*)

Il ne saurait, dit-il, souscrire à un tel ostracisme qui, laissant intact le pouvoir constituant... et son mystère, ne saurait que réduire la science juridique à l'exégèse des procédures »14(*)

Après cette critique de la doctrine positiviste sur le pouvoir constituant originaire, il explique, dans sa conception, la nature juridique du pouvoir constituant originaire. Selon lui, « derrière le débat relatif à la valeur de l'activité constituante en dehors de tout ordre juridique préétabli, il y a nécessairement une prise de position sur la signification des révolutions »15(*)

En clair, la question de la nature juridique du pouvoir constituant originaire est liée à celle de la nature juridique des révolutions. Car, estime-t-il, « si l'on refuse de leur reconnaître un sens juridique, il est évident que l'acte par lequel leurs auteurs fondent le nouvel ordonnancement étatique ne pourra être considéré comme un simple fait, phénomène historique échappant à l'emprise du droit. Je me propose, poursuit-il, au contraire, de mettre en relief le caractère juridique de la révolution, et les arguments qui me paraissent devoir être avancés en ce sens viendront tout naturellement établir la juridicité du pouvoir constituant originaire »16(*)

D'après BURDEAU, « la révolution implique la création d'un ordre nouveau. La validité de cet ordre n'est pas un effet de la réussite du mouvement révolutionnaire, qui transformait le fait en droit... elle est fondée sur un changement de l'idée étatique dominant dans le groupe. De même qu'en période paisible, tout ordonnancement juridique repose sur l'idée de droit mise en oeuvre par le gouvernement régulier, de même le soulèvement révolutionnaire s'appuie sur une idée de droit qui concurrence celle qui est officiellement incorporée dans l'Etat »17(*)

Ainsi, la pensée de Georges BURDEAU se résume en ceci : « la victoire de l'idée révolutionnaire n'est pas par le seul effet de quelques mitrailleuses bien placées, ou de l'occupation opportune des centrales électriques » ; mais aussi par l'effet de la « substitution d'une idée de droit à une autre »18(*)

Dans ces conditions, poursuit-il, la validité juridique de l'oeuvre révolutionnaire et, par voie de conséquence, de l'activité du pouvoir constituant originaire, ne saurait être contestée.19(*)

Ainsi, selon lui, la révolution « n'est pas une rupture de droit, c'est une transformation de la structure du droit : l'organisation existante se vide de son contenu juridique tandis que celle qui s'ébauche puise par tous les mécanismes dans le droit nouveau »20(*)

En définitive, pour BURDEAU, « l'oeuvre du pouvoir constituant originaire est donc au premier chef une oeuvre juridique, puisqu'elle consiste à réintroduire le droit dans une organisation politique et sociale que la sclérose de l'idée de droit ancien avait desséchée »21(*)

Dans la même philosophie, Maurice DUVERGER tente d'expliquer la légitimité des gouvernements de fait sur la base du droit positif. On est dans ce sens porté à croire que les développements de DUVERGER ne cadrent pas avec l'objet de notre étude à savoir, la juridicité du pouvoir constituant originaire, dans la mesure où il aborde d'une part la notion des "gouvernements de fait", et non du "pouvoir constituant " et d'autre part, il examine la "légitimité" des gouvernements de fait, et non leur "juridicité". Certes la première objection est exacte car notre étude à pour objet le pouvoir constituant originaire et non pas les gouvernements de fait.

Cependant, il est certain qu'il existe un rapport étroit entre le pouvoir constituant originaire et les gouvernements de fait pour autant que ceux-ci soient des événements du pouvoir constituant originaire, à proprement parler, soient une phase importante du processus du pouvoir constituant originaire.

La deuxième objection correspondant à la vérité car le thème abordé dans ce point est la "juridicité" du pouvoir constituant originaire, non pas sa "légitimité". Cependant, cette objection est vidée de substance dans la mesure où elle est fondée sur l'hypothèse où il y a une différence entre la légitimité et la juridicité. Or, Maurice DUVERGER refuse d'examiner la légitimité sur base du droit naturel, il essaye plutôt de l'expliquer sur celle du droit positif.

Ainsi, sur cette base les notions de la légitimité et de la juridicité coïncident.

3. Appréciation générale de la question

Après ce profond débat doctrinal sur la nature juridique du pouvoir constituant originaire, force est de constater que c'est la notion de la juridicité de ce pouvoir qui est au coeur du débat.

A cet effet, l'école du droit naturel a retenu le critère de justice pour dégager la juridicité.

Elle estime en effet que le droit est identifié à la justice en ce sens qu'une "loi pour être loi doit être juste". Autrement dit, pour cette école, le droit doit être juste ; un acte pour avoir la qualité "juridique", doit être conforme à la justice.

Ainsi, selon cette conception jus naturaliste du droit, le pouvoir constituant originaire est juridique dans la mesure où il est conforme à la justice. Nous estimons que l'argument évoqué par l'école jus naturaliste n'est pas solide pour autant qu'il n'existe pas de critère universel et objectif qui permet de distinguer "ce qui est juste" de "ce qui est injuste".

Dans ce sens, le Professeur Hans KELSEN démontre qu'il n'existe pas de valeur absolue. Selon lui, "toutes les valeurs morales sont relatives". Ceci étant admis, on ne peut attribuer à l'affirmation que des normes sociales ne peuvent être considérées comme droit que si leur contenu est moral, est juste"22(*). Et "étant donné l'extraordinaire diversité de ce que les hommes tiennent pour bon ou mauvais, pour juste ou pour injuste, selon les époques et selon les lieux, on ne peut constater l'existence d'aucun élément à tous les ordres moraux"23(*)

Par contre, l'école positiviste a retenu le critère de validité pour dégager la juridicité.

La validité peut être perçue comme le fait pour une norme de faire partie ou non d'un ordre juridique déterminé.

En d'autres termes, la validité d'une norme se détermine par son appartenance à un ordre normatif donné, non pas une qualité factuelle et abstraite émanant de son contenu.

Ainsi, KELSEN, qui est le père du positivisme juridique estime "à juste titre que la validité d'une norme dépend de son élaboration conformément aux conditions posées par une norme supérieure et préalable".

Autrement dit, le fondement de la validité d'une norme est toujours une autre norme, la norme ne peut naître que d'une norme préexistante.

Au demeurant, nous considérons que le critère de la juridicité est celui de la validité, non de la justice pour autant qu'il nécessite une recherche empirique, rationnelle fondée sur la comparaison d'une norme à une autre, tandis que le critère de justice nécessite une recherche déontique basée sur la comparaison d'une norme avec un idéal, avec une valeur morale.

Ainsi donc, nous épousons la thèse positiviste selon laquelle le pouvoir constituant originaire est de nature extra-juridique ou non juridique.

* 5 Emmanuel SIEYES cité par Kemal Gozler, Op.cit, p.33

* 6 Pierre PACTET, Op.cit, p.75

* 7 Thierry DEBARD, Dictionnaire de Droit Constitutionnel, Paris, Ellipses, 2004, p.221 

* 8 Raymond Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l'Etat, Paris, Sirey, 2004, Tome II, p.490

* 9 Idem, pp.490-491

* 10 Raymond Carré de Malberg, Op.cit, pp.490-492

* 11 Georges BURDEAU cité par Kemal GOZLER, Op.cit, p.13

* 12 Dans la pensée juridique de Georges BURDEAU, il y a eu 2 phases. Dans sa thèse de doctorat, il était positiviste puis il a fini par rompre avec ce "péché de jeunesse", d'après certains auteurs, en accusant le positivisme de "réduire la science juridique à l'exégèse des procédures" dans son traité de science politique

* 13 Georges BURDEAU, Traité de science politique, Pa ris, L.G.D.J., 3ème édition, 1983, Tome IV, p.200

* 14 Idem p.202

* 15 Ibidem

* 16 Georges BURDEAU, Traité de science politique, Op.cit, p.206

* 17 Georges BURDEAU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, L.G.D.J., 14ème édition, 1969, pp.79-80

* 18 Georges BURDEAU, Traité de science politique, Op.cit, p.202

* 19 Georges BURDEAU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Op.cit, p.80

* 20 Idem

* 21 Georges BURDEAU, Droit constitutionnel et institutions politiques, Op.cit, p.80

* 22 Hans KELSEN, Théorie pure du Droit, Traduction française de la 2ème édition de la "Reine Rechtslhre" par Charles Eisenmann, Paris, Dalloz, 1962, p.87

* 23 Idem

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