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Les réécritures bibliques dans l'oeuvre de Pascal Quignard

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par Daphné Pulliat
Université Paris IV- Sorbonne - Master II littératures françaises 2008
  

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partie II . Ç il était une fois È la Bible

Le Christ écrivain, Marie jouant dans les rues de Nazareth, Noé dénudé, autant de petites légendes, de petits contes que Pascal Quignard nous raconte. Petits épisodes bibliques, ayant pour source tant le Nouveau que l'Ancien Testament, mais aussi des sources apocryphes, dont Pascal Quignard fait des contes

enfantins, des fragments, des enchantements brusques et inattendus.

C'est entre l'héritage et la critique de ces sources que l'écrivain reprend et livre sa propre interprétation, sa propre compréhension de ces paraboles, épopées et autres épisodes bibliques. Nous l'avons vu et le verrons à nouveau dans cette partie, la connaissance biblique de l'écrivain est pointue. Il conna»t précisément les textes majeurs des Ecritures, ainsi du texte de la Genèse, source majeure largement ma»trisée par l'écrivain. Mais il conna»t également des textes plus discrets du canon, ainsi le livre d'Ezéchiel, plus spéciÞquement source juda
·que, et, surtout, il conna»t des textes hors du canon, des textes apocryphes.

La multitude des sources bibliques de l'écriture quignardienne constitue à nos yeux une forme de syncrétisme. Dans la culture judéo-chrétienne, l'écrivain semble ne pas faire de discrimination mais faire au contraire preuve d'ouverture puisqu'il fait de nombreuses références aux Chrétiens d'orient. Nous souhaitons mesurer et apprécier le sens de cette démarche syncrétique dans une première partie. Nous reviendrons ensuite sur les modes de restitution des textes bibliques, aÞn de déÞnir ce qui est conservé du texte original, la trame commune, et ce qui est invention de Pascal Quignard, recréation dans une esthétique du détail et de

l'inÞme. Nous dégagerons le sens de ces réécritures dans une perspective non plus idéologique mais littéraire cette fois, en interrogeant les sens et conséquences du changement de forme littéraire.

1 . les textes sources de Pascal Quignard : une forme
de syncrétisme

Les sources de Pascal Quignard sont en effet peu discriminantes. Textes du canon oecuménique, textes de sources apocryphes, mais aussi textes d'herméneutique et éléments de tradition orale sont à la source de l'écriture quignardienne.

Nous souhaitons dresser ici l'inventaire de ces sources, citer pour chacune la référence quignardienne et rendre ainsi tangible la variété des références de l'écrivain.

a . l'Ancien et le Nouveau Testaments

De l'Ancien Testament Pascal Quignard utilise comme source majeure le texte de la Genèse : le récit de

la création (Petits traités IVème traité p. 77, XVIIème traité p. 359, XXXIIIème traité p. 202 et Sur le Jadis chapitre LXV p. 178 ; Genèse 1, TOB pp. 22-23) avec des points précis sue Adam et Eve (Sur le Jadis chapitre XXV p. 70, Ab»mes chapitre VII p. 27-28, et Les Paradisiaques chapitre IV p. 19 ; Genèse 2, TOB pp. 23-24), sur l'Eden (Les Paradisiaques chapitre XLIX pp. 169-171 ; Genèse 2, TOB p. 24) et sur la sortie du jardin (Sur le Jadis chapitre LXXII p. 191 et Les Paradisiaques chapitre XLI p. 152 ; Genèse 3, TOB pp. 24-25).

Pascal Quignard consacre des lignes à Noé enivré (Les Paradisiaques chapitre LIII p. 179-180, chapitre LXIX p. 239 et Sordidissimes chapitre VI p. 20 ; Genèse 9, TOB p. 30) et à Abraham sacriÞant (Petits Traités XVème traité p. 294 et Sur le Jadis chapitre XCV p. 302 ; Genèse 22, TOB p. 41).

Une attention particulière est portée à l'épisode de Babel aussi (Petits Traités IXème traité p. 150, XXXVIIème traité p. 254, Les Ombres errantes chapitre IV p. 18, Sur le Jadis chapitre LIV p. 145, Les Paradisiaques chapitre IV p. 19 ; Genèse 11, TOB p. 31). Les autres livres de l'Ancien Testament qui retiennent son attention et génèrent une écriture, une réécriture sont le Deutéronome (Ab»mes chapitre XII p. 68 sur la mort de Mo
·se ; Deutéronome 34, TOB p. 251-252), les livres des Rois : le Premier livre des Rois sur Salomon (Sur le Jadis

chapitre III p. 10), l'épisode de son jugement (Petits Traités XIVème traité p. 257 ; I Rois 3, TOB p. 388-389) et sur la dédicace du Temple lors de laquelle sont sacriÞés vingt-deux mille bÏufs et vingt mille chèvres (Petits Traités XVIIème traité p. 353 ; I Rois 8, TOB p. 397) et le Second livre des Rois sur Elisée héritier d'Elie et sur sa mort (Petits Traités LVIème traité p. 619, Les Paradisiaques chapitre LI pp. 175-177 et chapitre LXIII p. 219 ; II Rois 2, 13, TOB pp. 418-419, p. 433).

Le livre d'Esa
·e fait aussi l'objet de réécritures ; il fascine particulièrement l'auteur par le fait que certains fragments du livre ont été découverts à Qumrân. L'image de l'homme-amadou est reprise par Pascal Quignard (Petits Traités XVIIème traité p. 348 ; Esa
·e 1, TOB p. 456). Les prophéties d'Esa
·e sont consultées elles-aussi (Petits Traités LVIème traité p. 644 et Sordidissimes chapitre XXXII p. 108 ; Esa
·e 66, TOB pp. 534-535).

Il cite deux versets du livre d'Ezéchiel (Les Paradisiaques chapitre VIII p. 37 et chapitre LII p. 178 ; Ezéchiel 1 ; 9, 7 ; 22 TOB p. 622 et p. 627).

Le livre de Jonas est quasiment réécrit dans son intégralité (Sur le Jadis chapitre LXXVIII p. 226 et Les Paradisiaques chapitre LXXIV p. 252 ; Jonas 1-4, TOB pp. 712-714).

Sont souvent rappelés les Psaumes (Petits Traités XLVIème traité p. 437 ; les psaumes LXV et LXXV sont

cités aux LVIème et XLIXème traités p. 644 et p. 504 ; TOB p. 832 et p. 846).

Référence est faite au livre de Job, sa mise à l'épreuve et sa plainte (Petits Traités LIVème traité p. 589 et p. 643 ; Ab»mes chapitre XL p. 124 et Les Paradisiaques chapitre LX p. 204 ; Job 1-42, TOB pp. 931-934).

De même du livre des Proverbes ( L e s Paradisiaques chapitre XXVIII p. 106) et du Cantique des cantiques (Les Paradisiaques chapitre LXVII p. 232 ; Cantique des Cantiques 1-8, TOB pp. 1007-1014) dont une lecture érotique est proposée par l'auteur.

Est cité le Qohéleth ou l'Ecclésiaste (Petits Traités XXeme traité p. 488 et Sur le Jadis chapitre LXV p. 178 ; Qohéleth 3, TOB p. 1019) sur le souffle de l'homme qui, à l'inverse de celui des bêtes, va vers le haut et pas vers la poussière dont il vient.

EnÞn, le shéol juif, le concept d'enfer dans le Juda
·sme, est convoqué, introduisant une référence à l'ensemble des livres dans lesquels cette notion est évoquée. La Bible en propose 57 occurrences ; Pascal Quignard y fait référence dans Sur le Jadis, au XIème chapitre, page 29. Sont ainsi convoqués les livres de la Genèse (37 ; 33-35, 42 ; 37-38, 44 ; 27-31), les Nombres (16 ; 23-33), le Deutéronome (32 ; 22), le livre de Samuel (I Samuel 2 ; 6, II Samuel 22 ; 5-6), les livres des Rois (I Rois 2 ; 6, II Rois 2 ; 9), les livres d'Esa
·e (5 ;

14, 7 ;

11,

14 ; 11,

28

;

15-18,

38

;

10-18,

57

;

9),

Ezéchiel (31 ; 15-17,

32

;

21-27,

22

;

26-31,

23

;

38,

44 ; 24,

45 ;

17, 46 ; 1-12), Osée (13 ; 14), Amos (9 ;

2),

Jonas (2 ; 2), et Habaquq (2 ; 5), et Job (7 ; 9-10, 11 ; 7-8, 14 ; 11-14, 17 ; 13-16, 21 ; 13, 24 ; 19, 26 ; 6), les Psaumes (6 ; 5, 9 ; 17, 16 ; 10, 18 ; 4-5, 30 ; 3, 31 ; 17, 49 ; 14-15, 55 ; 15, 86 ; 13, 88 ; 3, 89 ; 48, 116 ; 3, 139 ; 8, 141 ; 7), les Proverbes (1 ; 11-12, 5 ; 5, 7 ; 27, 9 ; 18, 15 ; 11, 15 ; 24, 23 ; 14, 27 ; 20, 30 ; 16) et l'Ecclésiaste (9 ; 5-10).

Dans le Nouveau Testament des références sont faites aux évangiles en général, à des épisodes tels que la nativité (Petits Traités LIIème traité p. 547), Jésus et les enfants, Ç le royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux È (Sur le Jadis chapitre LXXVI p. 216 ; Matthieu 19 ; 14, Marc 1O ; 14-15, Luc 18 ; 16-17, TOB pp. 1421, 1453, 1498, phrase absente de Jean), les marchands chassés du Temple par Jésus (Petits Traités XLème traité p. 307 ; Matthieu 21, Marc 11, Luc 19, Jean 2, TOB pp. 1423, 1455, 1500, 1515), ou encore l'épisode de la trahison de Judas (Petits Traités XLème traité p. 313 ; Matthieu 26 ; 15, Marc 14, Luc 22, Jean 13, TOB pp. 1431, 1459, 1503, 1534).

Le récit est fait de la Cène et du reniement de Pierre (Petits Traités LIVème traité p. 584, Les Ombres errantes

chapitre XIX, p. 64 et Sordidissimes chapitre LXIV p. 192 ; Matthieu 27, Marc 14, Luc 22, Jean 14, TOB pp. 1433, 1461, 1505, 1535), de la crucifixion (Petits Traités XXIIème traité p. 531) et de la passion du Christ sur la croix (Petits Traités XIème traité p. 210, XLIIIème traité p. 358-359, LVIème traité pp. 615-617, et p. 622, Sur le Jadis chapitre XLVI p. 130, Ab»mes chapitre LV p. 165-166, Sordidissimes chapitre XI p. 41 et chapitre LXXVI p. 230 ; Matthieu 27, Marc 15, Luc 23, Jean 19, TOB pp. 1435, 1463, 1507, 1542) avec une attention particulière portée aux deniers mots du Christ Ç Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? È (Petits Traités XLVIème traité p. 427, selon Matthieu : Ç Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné125 ? È ; selon Marc : Ç Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné126 ? È ; selon Jean : Ç J'ai soif127. È Phrase absente de Luc.)

Pascal Quignard fait enfin des références aux codes chrétiens, ainsi aux emblèmes des évangélistes (Petits Traités XVIIème traité, p. 349) ou au saint suaire (Les

125 Evangile selon Matthieu, Ç Mort de Jésus È, 27 ; 46, TOB, op. cit., Paris, Cerf, [1975], 2004, p. 1435

126 Evangile selon Marc, Ç La mort de Jésus È, 15 ; 34, TOB, op. cit., Paris, Cerf, [1975], 2004, p. 1463

127 Evangile selon Jean, Ç La crucifixion et la mort de Jésus È, 19 ; 28, TOB, op. cit., Paris, Cerf, [1975], 2004, p. 1542

Paradisiaques XXXVII p. 140 et Sordidissimes chapitre XXX p. 70).

S'il fait des références aux évangiles de Matthieu (Petits Traités XVIIème traité p. 349 et Les Ombres errantes chapitre XIX p. 64) et Luc (Les Paradisiaques chapitre LXXV p. 260-261 sur l'enfant Jésus placé dans une mangeoire, Luc 2, TOB p. 1470, Petits Traités XXXIVème traité p. 220 sur la nomination de Jean par son père Zacharie, Luc 22, 63, TOB p. 1467 et p. 1469 et Sordidissimes chapitre LIV p. 168-171 sur la femme qui, touchant le manteau du Christ, guérit de son hémorragie, Luc 8, TOB p. 1482), la référence privilégiée de l'écrivain reste l'évangile de Jean. Il y fait constamment référence (Petits Traités XIème traité page 203), le cite en latin (Petits Traités LVIème traité p. 632) et se pla»t à relever des détails de cet évangile, ainsi il nome les villes Cana (Sur le Jadis chapitre LXXVIII p. 227 ; Jean 2, 4, TOB pp. 1515 et 1518) et Sychar (Petits traités XXXème traité p. 144 ; Jean 4, TOB p. 1517) mentionnées dans cet évangile uniquement. L'épisode majeur de Jésus baissé pour écrire enÞn, (Petits Traités XXIème traité p. 515 ; Jean 8, TOB p. 1525), lui aussi unique à cet évangile.

Il reprend le récit des derniers jours de Jésus, lors qu'il est emmené chez Ca
·phe (Les Ombres errantes chapitre XIX p. 59 ; Jean 18, TOB p. 1540) et la scène du

noli me tangere (Les Paradisiaques chapitre XXII p. 78-79 et chapitre LXV pp. 224-225 ; Jean 20, TOB p. 1543) lorsque Marie-Madeleine ne le reconna»t pas.

Sa préférence pour Jean se manifeste enÞn dans les références fréquentes qu'il fait à l'Apocalypse (Sordidissimes chapitre VI p. 21) - une tradition attestée depuis le IIème siècle identiÞe l'évangéliste et le rédacteur de l'Apocalypse - : décrivant l'»le de Patmos où il rédige le livre : Ç je me trouvais dans l'»le de Patmos È (L'Apocalypse 1, TOB p. 1744) et toutes les réécritures du genre apocalyptique que nous avons déjà signalées.

Telles sont le principales références aux textes canoniques que fait Pascal Quignard. Elles sont nombreuses : on dénombre au total 78 références directes, sans compter les allusions qui sont elles aussi nombreuses - pêle-mêle : allusion aux évangiles lors qu'il évoque leurs emblèmes (Petits Traités XVIIème traité p. 349), toutes les références à Jérôme (Petits Traités XVIIème traité p. 354) ou à la béguine ßamande qui semble le fasciner, Hadewijch (Les Paradisiaques chapitre XXVII p. 105, chapitre LXVIII p. 235), les citations de Bernard de Clervaux (Petits Traités XLIIIème traité pp. 358-359, Les Paradisiaques chapitre XLI p. 152) ) ou de la Legenda aurea de Jacobi a Voragine (Petits Traités LVIème

traité pp. 615-617), précisément le récit du martyr d'Eustache (Les paradisiaques chapitre LX pp. 200-205), ou encore des citations de saint Jean de la Croix (Ab»mes chapitre XXXIX p. 122, Sordidissimes chapitre LXII qui lui est consacré), des allusions à Thomas d'Aquin (Les Paradisiaques chapitre LXV p. 225), des remarques sur le culte des saints (Petits Traités XLIIIème traité pp. 362-363), ou encore des évocation de l'errance des Juifs (Ab»mes chapitre LIV p. 160).

La diversité de ces 78 références est manifeste : 45 sont issues de l'Ancien Testament et 33 du Nouveau. Ces données sont le signe d'une grande érudition de l'auteur. Si lui-même ne chérit pas ce terme, reste que la précision des références atteste d'une connaissance pointue des textes bibliques.

Si cette connaissance pourrait être réduite à l'argument de l'éducation chrétienne classique reçue par l'écrivain, les référence aux textes apocryphes que nous allons énumérer à présent sont la preuve de la profondeur de connaissance et de curiosité de l'écrivain.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius