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Fécondité des adolescentes en RDC: recherche des facteurs explicatifs

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par Frédéric POUMBOU
Université de Yaoundé II - Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie 2008
  

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b) Mutations socioculturelles actuelles

La société congolaise est aujourd'hui en proie à d'importantes transformations. Les changements politiques, économiques et sociaux intervenus depuis l'indépendance (en 1960) ont érodé l'autorité des aînés et accru l'autonomie des jeunes (Colonna, Lacombe et Boungou, 1985 cités par Antoine et Nanitélamio, 1990). Les circonstances modifient les conditions qui pendant des siècles ont déterminé le sort des femmes. Les principaux éléments dans ce processus de changement ont été l'urbanisation et l'élargissement des possibilités d'accès à l'instruction et à la formation. Les nouvelles générations sont davantage touchées par ces évolutions et ont acquis surtout grâce à la vie en milieu urbain et à la scolarisation des prétentions nouvelles. L'influence de ces phénomènes (scolarisation et urbanisation) a été décisive. En se greffant sur le système traditionnel, ils ont réduit le rôle de la mère et des parents en général. La plupart des mères congolaises se réfèrent aux principes coutumiers qui ont inspiré leur propre éducation, et désirent élever leurs filles de la même manière qu'elles-mêmes l'ont été. Cependant, les conditions sociales ayant changé, elles doivent désormais concilier tradition et modernité.

Le comportement matrimonial est fortement touché par les mutations en cours. Le mariage reste relativement précoce pour les jeunes filles, mais on assiste toutefois à un recul de l'âge médian au premier mariage et au prolongement de la période de célibat : estimé à 16,9 ans en 1960-618(*), l'âge médian d'entrée en première union est passé à 20,4 ans pour le sexe féminin en 2005 ; la fréquence du célibat féminin dans la tranche d'âge 15-19 ans est passée de 18,0% à 80,1% dans la même période. Cette étape vécue dans un environnement où le contrôle familial s'affaiblit, permet à la jeune fille de connaître une véritable période d'adolescence qu'auparavant le mariage précoce l'en épargnait. En outre le milieu urbain, où vivent la majorité des adolescentes, est devenu plus permissif, la sexualité hors mariage est plus facilement affichée ; et de nouvelles formes de relations homme-femme, comme celles de « deuxième bureau », s'établissent. Cette multitude de formules relationnelles implique une diversité de parcours entraînant au mariage : partenariat sexuel, concubinage, fiançailles avec ou sans enfants, mariage coutumier, mariage civil. Chez les jeunes générations, fortement urbanisées (plus de 57% en 2005) et scolarisées (TBS=128,3% pour l'ensemble du pays en 2005), le célibat féminin est bien accepté, et la tendance pour certaines femmes à vivre seule s'est fortement accentuée. Le premier mariage se conclut de plus en plus tard : en 1961, 13% des femmes brazzavilloises de 20-24 ans étaient encore célibataires, cette proportion passait à 33% en 1974, et atteignait 52% en 1984. A Brazzaville où réside plus d'un tiers des adolescentes la maternité hors mariage est grandement tolérée et les grossesses en milieu scolaire prennent de l'ampleur. En 1984 le nombre moyen d'enfants chez les femmes célibataires était de 1,5 enfants à 25-29 ans contre 3 enfants pour les femmes mariés ; pour les adolescentes (15-19 ans) 42% des naissances provenaient des élèves, et à 20-24 ans 22% des mères étaient des élèves ou des étudiantes (Antoine et Nanitélamio, 1990).

En définitive, ces nombreuses mutations de fécondité entraînent des changements dans les processus d'entrée en union, surtout en milieu urbain : « dans la majorité des cas (90%), le concubinage des jeunes est la conséquence directe d'une grossesse précoce - souvent inattendue »9(*). Généralement, la grossesse (voire maternité) est contractée avant ou en dehors de l'union. La jeune fille qui contracte une grossesse est souvent envoyée chez son partenaire, à titre de punition pour le déshonneur subi, parfois dans l'intention de la reprendre quelques mois après l'accouchement. Mais quelques fois, cette union « forcée » finit par engendrer une seconde grossesse ; dans ce dernier cas cette jeune fille sera abandonnée et contrainte à demeurer définitivement dans cette union. Ces grossesses souvent non désirées conduisent parfois à des conflits familiaux dus au refus d'assumer la responsabilité de la grossesse par le père biologique qui, le plus souvent est un jeune homme encore sous tutelle de ses propres parents ; ceci provoque parfois la mise hors foyer familial de la jeune fille suite au désespoir des parents compte tenu du non aboutissement des investissements consentis, ce fait n'est pas sans lien avec la prolifération des « jeunes filles mères », des enfants abandonnés et des enfants de la rue très répandus en milieu urbain congolais.

Les adolescentes d'aujourd'hui vivent quotidiennement une « crise de personnalité ». Les valeurs et les aspirations nouvelles, acquises grâce à la modernité, entraînent chez l'adolescente des répercussions psychosociales. La jeune fille se trouve entre deux modes d'éducation (traditionnelle et moderne). Le plus souvent l'éducation moderne prend le dessus puisque celle-ci peut lui procurer prestige, bien-être, promotion sociale et économique. Par ailleurs, cette pression du modernisme pousse parfois les jeunes filles à se livrer à tous les vices qui ont pour conséquences, rapports sexuels (non protégés), grossesses très précoces, avortements.

L'adolescente dont l'éducation sexuelle est très limitée (celle-ci étant encore un sujet tabou), n'est donc pas suffisamment préparée pour s'éviter certains abus de la part de son partenaire ; ce dernier pouvant abuser d'elle sans qu'elle n'affiche une certaine réticence. Certes, la vie urbaine et la scolarité prolongée des jeunes filles ont considérablement modifié les comportements et les pratiques traditionnelles, comme nous l'avons souligné précédemment, néanmoins la jeune fille reste encore victime de certains préjugés socioculturels. La situation conflictuelle qu'elle vit quotidiennement l'empêche de s'épanouir et de profiter convenablement des nouvelles opportunités qui lui sont offertes. En outre, le mariage précoce, selon les règles coutumières, qui était traditionnellement le cadre réservé de la sexualité et de la fécondité tend, de nos jours, à reculer au profit du concubinage. Il existe plusieurs raisons à cela, notamment le libertinage sexuel avec pour corollaires les grossesses précoces ou le coût de plus en plus élevé de la dot. Ce coût est d'autant plus élevé que la dot est considérée chez certaines ethnies (les Teke et les Kongo notamment) comme une sorte de preuve de la détermination du prétendant.

* 8 Les chiffres de cette année (1960-61) sont tirés du livre de F. GUBRY, 1984, Analyse de la nuptialité, Les documents pédagogiques de l'IFORD, p.15. tandis que ceux de 2005 proviennent du CNSEE et ORC Macro, 2006.

* 9 Mandello Carole, 2007, Congo : les jeunes congolais adeptes du concubinage, Article publié le 15 mars 2007 sur www.etudiantcongolais.com

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand