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Le conte et l'éducation chez les Lokpa du Bénin

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par Akéouli Nouhoum BAOUM
Université d'Abomey- Calavi (Bénin ) - Maà®trise en lettres modernes 2010
  

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2.3.5 Les personnages dans le conte Lokpa

Le conte Lokpa regorge de différents types de personnages : humains, animaux, surnaturels. Les personnages animaux et humains portent tous les caractères des humains. Mais les personnages surnaturels renvoient à des divinités, à Dieu, aux génies, aux forces maléfiques ou bienfaisantes. Ces personnages sont aussi choisis volontairement par le conteur. C'est lui qui leur donne le caractère qu'il veut. Mais certains personnages ont toujours la même fonction dans les contes. Les caractères que portent ces personnages animaux ressemblent de très près à leurs comportements, à leurs physiques réels. Ainsi le lièvre dans les contes n'est pas trop loin du lièvre dans la brousse.

105 Conte n°2, syntagme 27

106 Toutes deux situées dans le conte n°3, respectivement aux syntagmes 31 et 32

107 Pour plus de détails, voir les notices du corpus portant sur les onomatopées.

Le personnage le plus populaire, c'est le lièvre ou Acì (Atchi). C'est un animal prudent, éveillé et toujours sur le qui-vive. Il est bon coureur et difficile à attraper au cours de la chasse. C'est le décepteur ou le Trickster qui est « un personnage qui se définit par son mode d'action : la ruse. Tablant sur les défauts de caractère qu'il connaît bien - stupidité, gourmandise, vanité, lâcheté - il tournera en ridicule un adversaire qui eût dû l'écraser facilement, car lui-même est une créature insignifiante, apparemment la plus faible de toutes108. » Contre la force, le personnage du décepteur oppose la ruse. C'est à ce type de personnage que nous avons à faire dans le conte n°1 de notre corpus. Il s'agit du lièvre et de la tortue. Ces deux personnages, faibles, usent presque toujours de ruse. Le lièvre, sachant que le singe aime les femmes, utilise cette faiblesse et se fait remplacer par le singe qui sera battu plus tard. La tortue dans la première séquence du conte utilise le pet pour séparer le Peul de sa femme. Elle doit aussi la vie à son intelligence en éteignant plusieurs fois le feu qui était destiné à sa grillade. La tortue s'illustre aussi dans le conte n°10. Elle a permis, en effet, au chasseur d'éviter la mort. En faisant croire au boa qu'elle accepterait qu'il dévore le chasseur si elle revivait les faits et s'en rendre compte par elle-même, la tortue a usé de l'assurance du boa, qui se trouvait en situation de force, contre le chasseur et la tortue. Dans ce même conte, le chasseur est aussi un personnage décepteur dans cette séquence du conte où le boa a voulu le dévorer. S'il n'avait pas été rusé en proposant au boa un procès avant sa condamnation à mort, il aurait été dévoré, et l'intervention de la tortue n'aurait pu jamais exister. Le poisson dans le conte n°3 est aussi un personnage décepteur. Il se sauve grâce à sa belle voix. Ayant constaté que le paysan dansait au son de sa voix, le poisson utilise cette faiblesse pour se tirer d'affaire.

Le décepteur est avant tout un personnage intelligent, très intelligent. Qu'il soit animal ou humain, c'est cette intelligence qui le caractérise. C'est elle qui lui permet d'avoir des ruses qui tombent à point nommé. Le lièvre, la tortue, le poisson, le cabri et le chasseur sont des décepteurs. Ils ont pour la circonstance des personnages plus forts en face d'eux.

Le personnage du décepteur (lièvre, tortue, poisson, cabri) est une représentation allégorique des hommes malins, intelligents, qui réussissent où d'autres échouent dans la vraie vie. D'ailleurs chez les Lokpa, on appelle Acì, toute personne rusée et qui sait se servir de cette ruse pour s'en sortir.

Le lièvre était opposé au singe qui est le symbole de la gloutonnerie, de la méchanceté gratuite. Il est puissant et brutal. Contre un tel adversaire, la prudence recommande la diplomatie, c'est-à-dire la ruse.

Le singe subit le même traitement que l'hyène qui « incarne dans les contes un individu stupide, incapable de réfléchir et qui succombe à la première tentation109 », nous apprend Denise PAULME. Pour elle, « l'imagination populaire accable de défauts cet animal à la démarche boiteuse et au cri déplaisant, qui rôde la nuit autour de tombes et déterre, s'y l'on n'y prend garde, les cadavres pour s'en repaître. Gloutonnerie, mais aussi lâcheté, traîtrise, hargne, les malheurs dont Hyène est lui-même responsable ne lui attirent aucune pitié et sa punition est toujours accueillie avec satisfaction110. » L'hyène est détestée et joue toujours le rôle de bourreau dans les contes. Les Lokpa ne font pas exception à cette règle. Dans les contes Lokpa, l'hyène est victime de sa méchanceté. Elle est toujours une menace. Tout comme le singe, elle est gloutonne et méchante. Face à de faibles adversaires, elle échoue, dupée par ceux-ci. Le conte n°6 nous en fait une illustration. Hyène, pourtant, heureuse au début de dévorer le cabri et le mouton, tombe dans le piège du cabri et s'enfuit dans la forêt. Cette fuite est la victoire du faible sur le fort. Le singe a aussi subi le même sort dans le conte n°1. Le choix du conteur de mettre face à ces puissants des faibles, permet de montrer la supériorité de l'intelligence sur la force. Ce choix permet également de punir les forts qui usent de leur force pour abuser les faibles. Mais également, il permet de donner aux auditeurs, les techniques, les moyens pour faire face à un adversaire plus fort que soi. La didactique à ce niveau conseille la diplomatie, l'usage de l'intelligence.

A l'instar de ces personnages concrets cités dans leurs rôles d'opposants ou de héros décepteurs, le conte Lokpa met en scène des personnages humains ou animaux caractérisés par leur traîtrise. Face à ces personnages traitres, les contes associent des personnages loyaux, bons, à la limite, naïfs. Dans le conte n°3 le poisson et la perdrix illustrent ces types de personnages. Le poisson naïf et confiant se laisse embarquer dans une périlleuse aventure. Alors que le poisson a placé toute sa confiance en la perdrix, celle-ci n'hésite pas à l'abandonner une fois qu'elle s'est sentie menacée, oubliant la parole donnée au poisson.

Dans le conte n°8, le hérisson est la figure de la traîtrise. Le conteur nous dit : « Tu le vois ainsi, son intérieur est vilain et cela a atteint l'extérieur111 » en parlant du hérisson. Pour notre conteur, il n'y a pas de doute, le hérisson est aussi laid à l'extérieur qu'à l'intérieur. Sa

109 Denise PAULME. « Hyène, monture de Lièvre (vingt versions d'un conte africain) ».Cahiers d'études africaines. Vol. 15 N°60. 1975. pp. 619-633.

110 Idem

111 Conte n°8, syntagme 42

traîtrise envers son ami le démontre. Alors que celui-ci lui faisait confiance au nom de l'amitié, le hérisson en a profité pour abuser de cette loyauté. En réponse à la bonté de Kànkànààmí, le hérisson oppose la ruse, l'égoïsme, la trahison. Il mange tout ce qui est pris au piège, mais invite son ami quand le piège prend le soleil. Pour pousser loin sa traîtrise, le hérisson tord la queue de Kànkànààmí plusieurs fois (??úcànt? kpà tàp??? t?? ? m?l?nt? ? m?l?nt? ? m?l?nt? ? m?l?nt?112) (revoir la formulation), au lieu d'une comme le lui a demandé celui-ci. Cette attitude du hérisson et celle de Kànkànààmí contrastent, et permettent au conteur de mettre en garde l'auditoire des conséquences d'une confiance absolue en l'autre. Puisque pour finir son conte, le conteur en résumé soutient que l'homme est ingrat (syntagmes 173 à 180).

Dans le conte n°10, la trahison va plus loin. Le chasseur accepte qu'on exécute la tortue à laquelle il doit pourtant la vie. Elle l'a sorti de la gueule du boa, mais il la sacrifie pour sauver sa femme. Le choix de la tortue et du chasseur n'est pas gratuit et des actions attribuées à chaque personnage permettent de se rendre compte de la nature humaine. L'homme trahit une fois que son intérêt est en jeu. Si nous nous amusions à remplacer la tortue par un autre être humain, la situation choquerait. Or c'est à cela que nous invite le conte, du moins implicitement.

A l'instar de ces personnages ordinaires, le conte Lokpa met en scène des entités divines : Dieu, les génies, les ancêtres. Ces personnages jouent la plupart du temps le rôle d'adjuvant, d'accompagnateur, d'aide ou de soutien au héros. Ils peuvent également s'opposer au héros qui se comporte mal. C'est le cas souvent dans les contes à deux héros : le héros et l'antihéros. Alors que le héros reçoit l'aide de ces personnages pour son comportement exemplaire, l'antihéros échoue et est puni pour son comportement non exemplaire. Dans ce cas, les personnages surnaturels jouent le rôle d'opposant. Ces personnages sont nés des croyances des peuples. Ils portent et défendent les valeurs chères à ces peuples.

Dieu (?s6) est dans le conte Lokpa ce qu'il est dans les écritures saintes. C'est-à-dire un personnage créateur de l'homme, omnipotent et omniscient, créateur de la terre et du ciel, bon, généreux etc. Sa grandeur est immense. Rappelons que "?s6" signifie également " en haut", "le ciel", des termes dont l'interprétation renvoie à la grandeur, à l'immensité, à l'illimité. On le désigne aussi par " kàwúlà?àt?113", littéralement " celui qui a la royauté". Tout ceci renvoie aux croyances monothéistes, et montre la présence de Dieu dans la vie des Lokpa. Dans le conte n°5, Dieu (Ciel) est un personnage sage, à coté de la Terre qui, à

112 Conte n°8, syntagme 162

113 Conte n°9, syntagme 3

l'opposé de Dieu, est gloutonne. La preuve de cette gloutonnerie, c'est qu'elle a mangé son oeuf pendant que celui de Dieu est resté intact et a éclos en donnant vie à une femme.

A part le personnage de Dieu, un autre personnage a aussi presque la même importance que lui : l'ancêtre, dont les personnes âgées sont l'incarnation. Il joue, comme Dieu dans les contes n°3 et n°5, le rôle du sage, du censeur, du régulateur. Les contes n°2 et n°7 mettent un vieillard en action et celui-ci guide, par ses conseils, son savoir-faire, sa sagesse, les jeunes, les humains. L'ancêtre peut aussi apparaître comme un génie (conte n°2) venu de nulle part, ou certainement envoyé par Dieu. Car même si l'ancêtre joue un rôle très important dans la vie des Lokpa, il reste sous les ordres du Tout-Puissant (Dieu).

Le personnage, nous l'avons vu, permet au conteur de mettre sa didactique en exécution. Il joue un rôle très important dans le récit. Il se « définit entièrement par ses rapports avec les autres personnages114i C'est dans leur ensemble que les personnages d'un même récit se distinguent les uns des autres. C'est par leurs actions que le récit se construit. Ce qui témoigne de leur importance. C'est également leurs actions qui permettent au conte d'avoir une logique et de constituer une histoire, portant une valeur didactique née de l'affrontement des actions des personnages.

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