WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le calcul de l'horreur comme instrument psychologique de prévention de la violence directe. Cas du Nord Kivu en RDC

( Télécharger le fichier original )
par Falk Litane PETEGOU
Université protestante d'Afrique Centrale (Cameroun ) - Master 2 en paix et développement 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2- Facteurs politiques endogènes

Dans le processus d?appréhension de la violence directe au Nord Kivu, les facteurs politiques endogènes viennent renforcer ceux exogènes pour fournir une explication du « dedans »125 et du « dehors »126 telle que le préconise l?approche dynamiste balandierienne dans la compréhension des dynamiques sociales. Ainsi, le dedans de cette violence concerne principalement l?action de l?élite et la problématique du foncier et de la nationalité.

a. L'action de l'élite

La violence directe au Nord Kivu est également imputable aux élites politiques qui se sont succédé à la tête du gouvernement congolais. Chronologiquement, on peut identifier trois

123 Il est à préciser que plusieurs groupes mayi-mayi sont crées sous cette dynamique. Ceux-ci, à la base des groupes d?autodéfense, se constituent pour sécuriser leurs familles et leurs territoires contre l?invasion externes des étrangers à savoir Rwanda et Ouganda.

124 Tranca, Oana : la diffusion des conflits ethniques, une approche dyadique in, Etudes Internationales, vol.37, no 4, 2006, pp. 501-524

125 Balandier, Georges : Sens et Puissance, les dynamiques sociales. PUF, Paris, 1971

126 Id

periodes. La première periode qui va de 1960 à 1962 est marquee par une decolonisation manquee. En effet, celle-ci fut arrachee dans de très mauvaise conditions : assassinats et pertes des principaux leaders notamment Patrice Emery Lumumba, tentatives de secession au Katanga et aux Kivus. Cette periode fût marquee par de violents troubles consequences des divisions ethniques introduites par le colon Belge. La deuxième periode qui va de 1962 à 1990 vit l?institutionnalisation d?un régime autoritaire à partie unique durant lequel Mobutu fit appel à l?armée et aux solidarités ethniques et régionales pour asseoir son pouvoir. Sous Mobutu, le système politique ne favorise pas l?expression des libertés ; la concentration du pouvoir entre les mains d?une bourgeoisie comprador, le favoritisme et le tribalisme créent des frustrations et l?impunité entraînant la loi de la jungle. Dès lors, la débacle s?installe dans les institutions, « le décloisonnement de l'armée où s'affrontent les généraux à travers des recrutements massifs sur base ethnique pour préserver leur leadership vis-à-vis des autres généraux »127 devient une realite. Durant cette periode, la violence structurelle prit une très grande ampleur et l?administration politique n?était autre que la perpétuation du système colonial à travers le paternalisme, le mythe de la superiorite et une gestion calamiteuse des ressources publiques. La troisième periode qui va de 1990 à nos jours voit egalement les crises traversees tout le pays et, le Nord Kivu vie encore dans cette spirale. Ces violences sont dues par deux choses. D?une part, il y?a la mauvaise gouvernance et des politiques divisionnistes basées sur l?idéologie du génocide, de la haine et de l?exclusion. À ce titre Rusamira affirme « Le régime Kabila a déçu les Hutu congolais depuis le début de cette deuxième guerre. Les diplomates appartenant à cette communauté furent chassés au même titre que les Tutsi : c'est le cas par exemple du professeur Oswald Ndesho, qui était ambassadeur en Ethiopie, mais qui fut remercié au mois d'ao~t 1998, juste quelques semaines après le début de la guerre. Ceux qui sont restés à Kinshasa n'ont pas été non plus bien traités : ils ont obtenu certes un portefeuille ministériel, celui de la Santé publique, en faveur d'un des leurs, le Dr Mashako, mais on leur a refusé un siège au sein du parlement de transition mis en place par Laurent Désiré Kabila. Ce refus peut facilement s'expliquer par l'opposition farouche de certains extrémistes de l'est du Congo envers les Banyarwanda »128. Les grands services, la direction du pays, sont repartis selon des considerations ethniques. D?autre part, il y?a la dictature et le mauvais leadership. Les grandes decisions sont toujours prises par une poignée de personnes qui s?approprient tous les pouvoirs, les conservent jalousement et qui excluent les citoyens dans la gestion du pays. Et, lorsque le pouvoir

127 Ngbanda, Honore : Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Mobutu. GIDEPPE, Paris, 1998, p.51

128 Rusamira, op.cit. p. 9

politique devient une source de revenus il se présente comme une question de vie ou de mort129. L?élite est donc en partie responsable de la calamité sévissant au Nord Kivu. Son action se matérialise également dans la gestion des terres et de la nationalité.

b-Le foncier et la question de nationalité

L?accès, l?utilisation et la gestion des terres sont inextricablement liés aux conflits au Nord Kivu. Pression démographique, retour des réfugiés et des déplacés, conflits liés à l?utilisation des terres, réclamation des terres spoliées, luttes locales de pouvoir sont autant de problèmes liés à la question foncière et de nationalité. Cette question est complexe de par ses dimensions : économique, politique, juridique, sociale et spirituelle. En effet, deux principaux liens peuvent être établis entre foncier, nationalité et violence directe au Nord Kivu. Primo, foncier et nationalité génèrent la violence directe, secundo, foncier et nationalité servent à alimenter cette violence.

Tout d?abord, le chevauchement entre pouvoirs décisionnels coutumier, légal et informel sur le contrôle de la terre produit la violence directe. Ces trois pouvoirs disputent leur autorité sur le contrôle de la terre au Nord Kivu. Le système coutumier est administré par des chefs traditionnels qui fondent leur autorité sur la terre par leur rôle de chef ethnique et des prétentions dues à l?histoire de la communauté de vivre et exploiter la terre dans une zone géographique précise. Le système informel est celui né de l?absence de l?Etat et auquel le système coutumier ne s?applique pas. Tandis que, le système légal repose sur les lois et les réglementations nationales, mais n?est pas appliqué partout dans le Nord Kivu. Seuls les grands domaines d?exploitation ou possédant des richesses sont du ressort légal (public), les petits sont du ressort du système coutumier. Ces systèmes se chevauchent géographiquement si bien que des groupes ou des personnes peuvent simultanément les réclamer. Dans le système coutumier l?appartenance ethnique détermine l?octroi de la terre par le chef. Ce système ne peut être dépossédé de la terre. Avant la période coloniale, l?accès à la terre par les étrangers était subordonné au paiement de la redevance au chef, mais, ceux-ci ne pouvaient jouir du même statut social que les autochtones. Le régime Belge changea le système d?acquisition des terres en introduisant le titre foncier. Désormais, on pouvait acheter des terres, mais il ne le fit pas partout. Ainsi, système légal et coutumier continuèrent à se chevaucher méme après l?indépendance quoique la majorité des terres reste sous le régime coutumier. La loi de propriété de 1973 annula en théorie ce double système, ramenant dans le

129 Gahama, op.cit, p. 106

ressort de l?Etat toutes les terres. Mais, aucune ordonnance de l?Etat ne clarifia le statut des terres, ce qui rendit superflu la décision. Dans cette perspective, les chefs locaux furent attribués le rôle d?administrateurs dans la vente des terres aux particuliers. Ils en profitèrent pour tirer profit par la corruption et la surenchère. De là, les terres commencèrent à se raréfier. Ajoutée à cela, la croissance démographique accentua le processus. C?est à ce moment que le concept de communautés autochtones trouva un stade d?expression favorable, entraînant avec elle la question de nationalité liée au pouvoir politique et au contrôle de la terre. Ceci est une résultante de l?action coloniale qui força certaines communautés à se déplacer pour servir comme main d?oeuvre pour des projets spécifiques. Il s?agit notamment de la « mission d?immigration des Banyarwanda » ayant drainé au Nord Kivu de milliers de Rwandais pour aller travailler dans les plantations agricoles au Nord Kivu. Il est vrai, certaines populations immigraient toutes seules ; cependant, très peu de ces communautés disposait d?un droit d?accès à la terre par le biais de leur chef. Le régime Belge en était le centre et l?octroyait à des groupes en fonction de ses alliances et intéréts. A ce titre, les Banyarwanda n?eurent qu?un statut controversé, ajouté à cela des tensions interethniques liées aux multiples vagues de migration. La conséquence en est que, les disputent entre Hutu et Hunde sur l?autorité des chefs locaux provoquèrent la guerre Kanyarwanda130. A ce moment, le concept d?autochtones sert de base pour toute sorte de revendications, conduisant à des conflits. Il est dès lors lié à l?appartenance à une lignée congolaise, politisé et ambiguë.

Ni les accords de paix de 2003, non plus la loi de 2004 même si elle définit deux catégories de citoyenneté : par origine et acquise, ne résout le problème des nationalités des Banyarwanda. En raison des crimes économiques et du service rendu à un Etat étranger, éléments de refus de la nationalité acquise, des communautés rwandophomes doivent se voir refuser la citoyenneté congolaise. La loi sur la citoyenneté se sert des groupes ethniques et de leur identification historique à un territoire comme critère premier d?acquisition de la nationalité. Ainsi, l?appartenance ethnique est le fondement de l?appartenance nationale.

Par ailleurs, la terre alimente la violence directe. Profitant du vide institutionnel pendant la guerre, des groupes occupent des terres prolifiques et n?ont aucun intérét à ce que la paix revienne. Les mouvements rebelles RCD-ML, RCD-G, CNDP ont bénéficié sur les plans politiques et économiques du contrôle des terres arables et des pâturages ainsi que des tracés de nouvelles limites administratives. Ils ont bafoués les autorités traditionnelles,

130 Conflit interethnique qui éclate au Nord Kivu en juillet 1963 et met au prise pendant plus de deux ans les différents groupes ethniques de la région. D?un côté, Hutu et Tutsi s?affrontent, de l?autre côté Hunde et Nande, Hunde et Nyanga ou Nande et Tembo. Cette série d?opposition fait suite aux tentatives d?autonomie des provinces de la RDC après l?accession à l?indépendance le 30 juin 1960.

utilisant l?argent des revenus miniers pour exproprier des populations et, gagner aussi de l?argent en échange de sécurité pour le compte de gros propriétaires terriens impliqués dans les conflits fonciers. Par exemple, le parc national de Virunga a été empiété par des milices où elles effectuent des trafics de bois, de charbon et crée des camps de pêcheurs afin de s?alimenter pendant la guerre. Le gouvernement a procédé à l?intégration du CNDP dans les forces armées congolaises, mais, le CNDP, divisé, garde un pied en dehors des structures de l?Etat. Bien plus, l?afflux des réfugiés rwandais depuis 2002 vers le Nord Kivu augmente la proportion de personnes réclamant la citoyenneté congolaise, donc la terre. Avec ces multiples déplacements, certaines personnes ayant fuis les guerres au Nord Kivu peuvent eux aussi revenir et réclamer leurs terres sans doute occupées par d?autres. Ce qui constitue un potentiel facteur aggravant la violence directe de par sa prégnance sur la revendication des terres donnant lieu à l?obtention de la nationalité qui, à son tour détermine l?accès au pouvoir pour le contrôle des ressources.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle