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Le respect des sauvegardes sociales relatives aux droits des populations locales et autochtones dans la préparation et la mise en œuvre du REED+ au Cameroun et en république démocratique du Congo. Essai d'analyse comparative

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par Samuel Mathieu TANG
Université de Limoges - Master 2 en droit international et comparé de l'environnement 2012
  

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I. LE DOMAINE FONCIER

Depuis 2002, le gouvernement congolais a lancé une série de mesures de réforme du système foncier congolais. Il a ainsi créé un Cadastre minier, sous la tutelle du ministère des Mines, et un Cadastre forestier, sous l'autorité du ministère de la Conservation de la Nature et des Eaux et Forêts. Les espaces touristiques, quant à eux, sont gérés par le ministère du Tourisme et de l'Hôtellerie. Mais, pour mieux comprendre le droit foncier congolais d'aujourd'hui, il faut remonter jusqu'à la période de la colonisation.

A- L'évolution ancienne du droit foncier congolais

Il est important de situer le droit foncier de la République Démocratique du Congo à partir de son indépendance.

 Aux termes de l'article 2 de la loi fondamentale congolaise du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo, les lois, les décrets et les ordonnances législatives, leurs mesures d'exécution, ainsi que toutes les dispositions réglementaires existantes au 30 juin 1960, resteront en vigueur tant qu'ils n'auront pas été expressément abrogés. Cette disposition a pratiquement reconduit le régime foncier hérité de la colonie belge. Après son accession à la souveraineté internationale (1960), le Congo s'est doté d'une loi aux répercussions multiples et d'une importance considérable. Il s'agit de l'ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966, dite loi Bakajika (L'ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966 tire son nom de « loi Bakajika » du député qui en a pris l'initiative en rédigeant le projet initial), « assurant à la République Démocratique du Congo la plénitude de ses droits de propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans la concession des droits fonciers, forestiers et miniers sur toute l'étendue de son territoire ». En effet, la loi Bakajika qui annulait toutes les cessions et concessions successivement accordées par l'État indépendant du Congo, par la colonie belge et par tous les pouvoirs concédants avant le 30 juin 1960 (L'ordonnance-loi n° 66/343 du 7 juin 1966, dite loi « Bakajika », a été complétée par une ordonnance d'exécution invitant les bénéficiaires à introduire de nouvelles demandes dans un délai déterminé. Les terres (fonds) n'ayant fait l'objet d'aucune demande ont été déclarées « biens abandonnés » par le ministre de plan de l'époque, en vertu d'un texte qui lui en donnait le pouvoir). Aux termes de cette ordonnance-loi, l'État congolais s'est vu reconnaître le droit de reprise des droits fonciers, forestiers et miniers cédés et concédés avant le 30 juin 1960 (article 1er) ; ceci même dans le cas de droits de propriété dont les tiers (personnes physiques ou personnes morales) étaient devenus titulaires, ou exerçaient des droits subjectifs en participation avec l'État »67(*).

1- La loi foncière de 1973 et la situation des droits de peuples autochtones 

Il est important de se rappeler qu'en République Démocratique du Congo comme dans la quasi-totalité des pays d'Afrique noire francophone, deux régimes fonciers se trouvent actuellement en conflit : le droit écrit (appliqué plutôt dans les milieux urbains), et le droit coutumier (appliqué plutôt dans les milieux ruraux et autochtones). Ce paradoxe suscite le plus souvent des conflits entre l'État congolais et les communautés autochtones quant à la propriété et donc à la cession des terres. Finalement c'est le principe de la souveraineté de l'Etat sur les terres qui a fini par prendre le dessus. La souveraineté foncière donne un droit supérieur à L'Etat congolais sur tout autre pouvoir foncier. L'Etat ne peut pas le transmettre à quelqu'un ; et personne ne peut l'acquérir quelque soit le temps pendant lequel il est en possession du sol. Ce principe est d'ordre public en matière foncière en RDC68(*).

II. LE DOMAINE FORESTIER

La forêt reste toujours un atout économique important pour la République Démocratique du Congo73(*).

La loi n° 011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier constitue le cadre légal de base de protection des forêts en RDC. Cette loi fait table rase des textes existants - hérités de la période coloniale, pour répondre aux nouveaux objectifs socio-économiques que l'Etat assigne alors à la gestion du domaine forestier. Il est important de souligner ici que le cadre juridique forestier en RDC accorde une place importante à la conservation des forêts. La loi protège ainsi les forêts contre toute forme de dégradation ou de destruction du fait notamment de l'exploitation illicite, de la surexploitation, du surpâturage, des incendies et brûlis ainsi que des défrichements et des déboisements abusifs. C'est ainsi que plusieurs pratiques sont interdites et des mesure de contrôle prévues pour assurer la protection effective des forêts congolaises. On peut citer comme exemple l'établissement de listes d'essences protégées, en conformité avec la Convention CITES, ratifiée par la RDC. Ce régime de protection est assez ambitieux73(*).

Plusieurs de ses dispositions juridiques peuvent, néanmoins, être profitables aux peuples si elles sont bien appliquées. Tout d'abord cette loi définit ce qu'elle entend par communautés locales (article 1)74(*). Et tout au long du texte, elle prévoit certains droits à celles-ci, entre autres, premièrement, le droit à la consultation préalable de la population riveraine pour le classement des forêts en forêts classées.75(*) Deuxièmement, « une communauté locale peut, à sa demande, obtenir à titre de concession forestière une partie ou la totalité des forêts protégées parmi les forêts régulièrement possédées en vertu de la coutume. Les modalités d'attribution des concessions aux communautés locales sont déterminées par un décret du Président de la République. L'attribution est à titre gratuit. ».76(*)Troisièmement, elle accorde aussi des droits d'usage aux populations vivant à l'intérieur ou à proximité des forêts à son titre III intitulé « Des droits d'usage forestiers » (articles 36 à 44 de la loi de 2002 portant Code forestier). Selon l'article 36 : « les droits d'usage forestiers des populations vivant à l'intérieur ou à proximité du domaine forestier sont ceux résultant de coutumes et traditions locales pour autant que ceux-ci ne soient pas contraires aux lois et à l'ordre public. Ils permettent le prélèvement des ressources forestières par ces populations, en vue de satisfaire leurs besoins domestiques, individuels ou communautaires ». Les droits d'usage forestiers leur sont accordés non seulement dans les forêts protégées, mais aussi dans les forêts classées. Quatrièmement, le chapitre III du Titre VII est également consacrée à l'exploitation des forêts des communautés locales ; ce qu'on peut encore qualifier de « foresterie communautaire » (article 111 à 113 de la loi portant Code forestier). Cependant, l'absence de texte d'application fait qu'il n'existe presque pas encore de forêts de communauté. Il convient de noter que ce droit d'obtenir un titre de concession forestière apparait comme une faveur accordée à la communauté locale (celle-ci doit préalablement faire une demande expresse auprès de l'administration forestière) alors que ces forêts leurs appartiennent le plus souvent en vertu de la coutume. Comme on le voit, la reconnaissance de droits traditionnels ou coutumiers des communautés locales sur des espaces forestiers entraine ipso facto la superposition des systèmes de gestion des ressources naturelles et des droits sur les mêmes espaces, qui sont consacrés par le droit positif. Il est donc souhaitable que les textes réglementaires en préparation concernant la gestion des forêts de communautés locales, soient non seulement publiés dans un délai raisonnable (afin de régulariser la pression déjà exercée par les communautés locales sur les forêts qui les entoure), mais aussi et surtout prévoient une flexibilité d'action pour faciliter la mise en oeuvre des mesures de gestion durable de la ressource forestière77(*). Cinquièmement enfin, cette loi prévoit une sorte de partage de revenu (RFA) entre les collectivités publiques et les communautés locales. Car l'article 125 de la loi précise que

... Les fonds résultant de la répartition dont il est question au point 1° du présent article, en faveur des entités administratives décentralisées, sont affectés exclusivement à la réalisation des infrastructures de base d'intérêt communautaire. Ils reviennent de droit, à raison de 25%, à la province et de 15% à l'entité décentralisée concernée. Ils sont versés dans un compte respectif de l'administration de la province et de la ville ou du territoire dans le ressort duquel s'opère l'exploitation.

Dans la pratique, la faiblesse de l'administration, en particulier au niveau local, n'a pas permis jusqu'ici une application visible de cette disposition. En effet, après la promulgation du Code forestier, certaines de ses réformes essentielles n'ont toujours pas été réalisées. Parmi les mesures mises en oeuvre, le nouveau régime fiscal applicable au secteur forestier n'a pas encore rapporté d'argent aux projets sociaux locaux et les mesures conçues pour que les communautés bénéficient de l'exploitation forestière. Depuis, un nouveau système de taxation a été promulgué, mais les autorités à divers échelons n'ont pas aboli les anciennes taxes. Il se pose toujours de gros problèmes de gouvernance jusqu'à l'heure actuelle en République Démocratique du Congo. Le phénomène de corruption a également pris une place importante dans la société congolaise, sans oublier les interférences politiques, la pauvreté et les problèmes d'insécurité à l'intérieur du pays. Les textes d'application du Code forestier ne changent rien dans la présente analyse (lire les textes juridiques ci-dessus).

* 67 Cf. Prosper NOBIRABO MUSAFIRI, Dépossession des droits fonciers des autochtones en RDC : perspectives historiques et d'avenir, Forest People Programme, Septembre 2008, P. 6-7

* 68On pourrait néanmoins faire quelques nuances, car lorsqu'il est disposé à l'article 387 de la loi foncière que « Les terres occupées par les communautés locales deviennent, à partir de l'entrée en vigueur de la présente Loi, des terres domaniales », cela ne veut nullement dire que ces communautés n'ont plus de droit foncier sur les terres dont elles sont traditionnellement attachées. Avant tout, il suffit de remarquer que la Constitution du 18 Février 2006 en son art 34 al 2 garantit le droit sur le bien (ou droit de propriété au sens large) acquis conformément à la coutume en ces termes « L'Etat garantit le droit à la propriété individuelle ou collective acquis conformément à ... la coutume ». En outre, il y a lieu de souligner que la même constitution en son art 153 al3 élève la coutume au rang de la loi en ce sens qu'elle ne la soumet plus à se conformer à elle pour être applicable mais, simplement à l'ordre public et aux bonnes moeurs. En effet cet article énonce que « les cours et tribunaux ... appliquent ... La coutume pour au tant que celle-ci ne soit contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs ». A ce sujet, toutes les coutumes reconnaissent un droit foncier aux communautés traditionnelles sur les terres dont elles ont exercé la souveraineté avant même l'avènement de l'Etat.69 Et ce principe n'est pas contraire à l'ordre public congolais aussi longtemps qu'il ne s'oppose pas à la propriété foncière de l'Etat, et peu importe que la loi foncière ne le dit pas expressément d'au tant plus que la coutume (ainsi conforme à l'ordre public) lui est paire. De même, l'article 123 de la constitution prévoit que les principes fondamentaux du régime foncier relèvent de la loi, ceci suppose que les principes secondaires et supplémentaires peuvent relever de la coutume et d'autres sources juridiques; d'au tant plus que la même constitution garantie déjà la propriété acquise conformément à la coutume (art 34 al2). Bien mieux, les articles 388 et 389 de la loi foncière reconnaissent pertinemment le droit foncier de communauté locale. Le premier article dispose que « les terres occupées par les communautés locales sont celles que ces communautés habitent, cultivent et exploitent d'une manière quelconque- individuelle ou collective - conformément aux coutumes et usages locaux ». Le deuxième article poursuit que « les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces terres.

Seront réglés par une ordonnance du président de la république ». Maintenant, le vrai problème se Pose au niveau de la définition du terme « communautés locales ». La loi foncière ne la définit pas. En fait, la définition de la communauté locale foncière et traditionnelle doit dépendre réellement de la coutume qui la régit et qui l'organise. En considération des coutumes congolaises, on s'accorde généralement que la communauté foncière originelle ou de base est le CLAN70 et le chef du clan est simple gestionnaire foncier au nom des ancêtres qu'il représente. On reconnait aussi qu'il existe sur les terres d'attachement de communauté foncière originelle, d'autres sous communauté qui dispose parfois de jouissance et gestion exclusives sur les terres que leur reconnait la coutume sous la direction du chef de clan. C'est le cas, notamment de la lignée et de la famille/ La jurisprudence congolaise ne s'écarte pas de cet entendement71. C'est d'ailleurs ce sens que le législateur du code forestier a confirmé lorsqu'il définit à l'article 1er qu'il faut entendre par communauté locale « une population traditionnelle organisée sur base de la coutume et unie par des liens de solidarité clanique ou parentale qui fonde sa cohésion interne. Elle est caractérisée en outre par son attachement à un terroir déterminé ». Sans qu'il soit question de se perdre dans la discussion sur la nature de la communauté foncière locale (clan, tribu ou ethnie ?), il reste vrai que cette dernière est une réalité indiscutable et particulière; et il s'agit du groupement traditionnel qui exerçait autrefois, une souveraineté plus ou moins autonome sur une terre donnée, avant la domination européenne72 ! Ces communautés gardent encore, leurs personnalités et effectivités, bien qu'à des degrés différents, et elles ont été, en principe identifiées par l'administration coloniale. Au regard de ce qui précède, il appartient à l'Etat congolais dans la perspective de résolution des conflits inter et intra communautaire, de recenser et publier officiellement les communautés foncières originelles, leur mode de gestion ainsi que leurs limites (ou communautés limitrophes) pour réconforter, assister et surveiller ces communautés dans l'application et le respect des coutumes et de les lois foncières dans leurs ressorts respectifs. A noter que ces communautés ne se confondent pas avec les subdivisions locales et coutumières créées actuellement par l'Etat (chefferie, secteur, groupement ou village), lesquelles ne reflètent pas souvent la réalité de communauté foncière traditionnelle et risque de nourrir les conflits fonciers au lieu de les résoudre. Car la reconnaissance des collectivités où vivent les peuples autochtones en dépend aussi. (Lire Nsolotshi Malangu, Muembonkumbaet Kasonga Mutombo,Statut et protection juridiques des droits fonciers en vertu de coutume et usages locaux en République Démocratique du Congo.)

* 73MISE EN APPLICATION DE LA LOI FORESTIERE ET DE LA GOUVERNANCE ANALYSE DE LA LEGISLATION FORESTIERE DE LA RDC, Observation Indépendante de la mise en application de la loi forestière et de la gouvernance en RDC (OI-FLEG RDC), par Resource Extraction monitoring (REM), Décembre 2011, P.9

* 74 D'après l'article 1er de la loi n°011/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier  une Communauté locale est : « une population traditionnellement organisée sur la base de la coutume et unie par des liens de solidarité clanique ou parentale qui fondent sa cohésion interne. Elle est caractérisée, en outre, par son attachement à un terroir déterminé ». 

* 75 L'article 15 stipule que : « Dans chaque province, les forêts sont classées suivant la procédure fixée par décret du Président de la République. Le classement s'effectue par arrêté du Ministre après avis conforme du conseil consultatif provincial des forêts concernées, fondé sur la consultation préalable de la population riveraine. Toutefois, la création des réserves naturelles intégrales, des parcs nationaux et des secteurs sauvegardés relèvent de la compétence du Président de la République ».

* 76 Cf. Art. 22 de la loi portant Code forestier

* 77Resource Extraction monitoring (REM), Ibid. P. 19

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway