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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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3.2.1. L'apparent avortement de l'action volontaire

Pour comprendre le caractère parfois ambigu ou obscur de certaines expressions de l'auteur, il ne faut pas perdre de vue le contenu qu'il donne à chaque concept, et que cela se situe dans une construction dialectique qu'il s'est imposé. Ce qui revient à dire qu'il faut toujours se situer dans la dynamique des deux fameuses volontés à l'oeuvre dans la structure de l'expérience humaine à savoir une volonté voulante (spirituelle et interne) à une volonté voulue (extérieure et de surface). Blondel précise d'ailleurs les termes de cette opposition fondamentale lorsqu'il écrit : « Dans ce qui est volontaire, y a-t-il donc quelque chose qui peut n'être point voulu ; dans ce qui est voulu, quelque chose qui peut n'être point volontaire ? -Oui ; et c'est cette contradiction qui est la mort de l'action».203(*)

Blondel, en effet, passe en revue (au début de la troisième partie) toutes les contradictions204(*) que la volonté voulue affronte de façon permanente montrant par là qu'il est pleinement conscient des difficultés inhérentes à la condition humaine. Que révèle l'examen final de l'action dans le monde des phénomènes ? Il révèle qu'en dépit de toutes ses réussites partielles, il y a toujours une nécessité radicale qui précède, enveloppe et dépasse l'initiative personnelle : au départ, la volonté ne s'est pas voulue ; dans ce qu'elle veut, elle découvre des conséquences qui lui échappent. C'est ce qui marque son impuissance.

Ainsi, pour Blondel, l'action humaine est toujours en bute à cette primitive contradiction qui gouverne en quelque sorte notre volonté. Et le scandale de cette disproportion vient justement de la prétention qu'a l'homme de vouloir se suffire à lui-même alors que des forces et des obstacles extérieurs s'opposent à sa volonté. Il est en quelque sorte pris dans ce déterminisme naturel qu'il ne peut ni prévoir, ni éviter, ni contourner. Blondel souligne le caractère inéluctable de ce conflit inhérent à l'être en ces termes :

« Supposez que l'homme fasse tout selon ce qu'il veut, obtienne ce qu'il convoite, anime l'univers à son gré, organise et produise comme il le souhaite l'ordonnance totale des conditions où il appuie sa vie : il reste que cette volonté même, il ne l'a pas posée ni déterminée telle qu'elle est. Et même s'il ne trouve pas, dans l'emploi qu'il en fait, rien qui la contrarie, il découvre pourtant, en son fond, cette primitive contradiction : il veut ; mais il n'a pas voulu vouloir ».205(*)

Cette observation souligne qu'il y a toujours une contrainte initiale qui pèse sur la volonté et qui n'a toujours pas été levée. Par ailleurs, il est clair qu'au cours de son déroulement, l'action rencontre sans cesse des déceptions : « mis dans l'action, l'univers ne la comble pas ; s'approcher du but, c'est s'éloigner du désir[...] Mais il n'est pas nécessaire d'épuiser le monde pour sentir qu'on ne s'y désaltère pas. Une amertume plus forte [...] nous instruit des contradictions injurieuses où nous sommes exposés : cette leçon, c'est la souffrance »206(*). Et ce n'est pas seulement du dehors, c'est surtout du dedans que nous viennent les démentis qui nous blessent, comme les passions qui semblent dévorer le meilleur de nous-mêmes : «Subir ce qu'on ne veut pas, ne pas faire tout ce qu'on veut, faire ce qu'on ne veut pas et finir par le vouloir, jamais on échappe entièrement à cette fatalité humiliante et douloureuse »207(*). Dès lors, nous tolérons, par exemple, la souffrance par ce que nous escomptons toujours un bien futur. Mais notre attente à cet égard ne peut être que déçue, car dans les actes que nous avons posés, les défaillances survivent et elles vont même en s'aggravant, en sorte que nous n'arrivons plus à en maîtriser les conséquences. Et « le pire n'est pas peut être de ne pas changer nos actes, c'est que nos actes nous changent, au point que nous ne pouvons plus nous changer nous mêmes»208(*). Bref, l'impuissance de notre action nousapparaît totale : « avant, pendant, après nos actes, il y a dépendance, contrainte, défaillance»209(*).

De le dire plus clairement : « nous voudrions nous suffire : nous ne pouvons pas. Contre le déterminisme de l'action voulue parait se dresser, plus fort et plus évident encore, un déterminisme opposé »210(*). Et ceci semble annuler les efforts humains à vouloir dépasser ces vouloirs contraires ou mieux à les orienter ou à les canaliser autrement. S'élève alors alors un aveu d'impuissance : « l'homme aspire à être pleinement ce qu'il veut, mais il ne le peut absolument pas l'être malgré lui211(*) ». C'est autant dire que l'auteur observe que la volonté humaine ne semble pas s'être voulue elle-même, car dans ce qu'elle veut, elle rencontre perpétuellement d'invincibles obstacles ; dans ce qu'elle fait se glissent toujours et déjà d'incurables faiblesses dont elle ne peut réparer les suites. De plus l'homme se trouve incapable de remédier aux suites de l'action défaillante, d'annuler le mal dont il est l'auteur, de refaire ce qu'il a été capable de défaire. Fondamentalement donc, la volonté se heurte à son propre principe, à ce déterminisme antérieur et plus profond qui le précède, enveloppe et dépasse notre initiative personnelle. L'homme veut mais il n'a pas voulu vouloir. Pour R. Vigourlay, « la faiblesse de la volonté est donc l'expression d'une foncière impuissance, non seulement par rapport à ce qu'elle prend pour objet, mais par rapport à elle-même. l'obstacle fondamentale tient à sa nature, à l'excès inépuisable du voulant sur le voulu, à l'impossibilité de se vouloir complètement. »212(*)

En conséquence, l'apparent avortement n'est que celui de l'action volontaire alors que l'avortement est celui de l'action voulue. Donc si les termes extérieurs du vouloir s'épuisent dans les obstacles et les contradictions, les échecs (souffrance, malheur, mort), il reste que de toute son existence, demeure cette volonté voulante qui pousse à vouloir toujours tant qu'elle n'a pas trouvé en un Être complet sa raison d'être et de se suffire. Car l'action qui a commencé à s'accomplir dans le monde des phénomènes, ne peut renier son premier mouvement de réalisation mais qu'elle est obligée, par fidélité à elle-même à le poursuivre. D'où l'examen de cette section portant sur : «La volonté affirmée et maintenue. Indestructibilité de l'action volontaire»213(*).

* 203 M. BLONDEl, L'Action,p. 360.

* 204 Pour Claude TROISFONTAINES : « Dans ce bilan des impuissances de l'action, Blondel s'inspire très nettement de Schopenhauer et on pourrait mettre en parallèle ses déclarations avec celles de son prédécesseur. Par exemple, en ce qui concerne ce premier point, le philosophe allemand déclare également : « L'homme a toujours un but et des motifs qui règlent ses actions : il peut toujours rendre compte de sa conduite dans chaque cas. Mais demandez-lui pourquoi , ou pourquoi il veut être, d'une manière générale : il ne saura que répondre ; la question lui semblera même absurde » (Le monde comme volonté et comme représentation, p. 168-169. » Cf C. TROISFONTAINES, « La critique de Schopenhauer dans L'Action » Revue Philosophique de Louvain,91/92, 1993, p. 615 (Note).

* 205 Maurice BLONDEL, L' Action., p. 326.

* 206 Ibid., p. 328.

* 207 Ibid., p. 329.

* 208 Ibid., p. 331.

* 209 Ibid.

* 210 Ibid., p. 325.

* 211 Ibidem.

* 212 R. VIRGOULAY, Op cit., p. 67-68.

* 213 M. BLONDEL, Op. cit., p.333.

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