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Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel

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par Christophe MABOUNGOU
Université Pierre Mendès-France - Master II 2011
  

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3.2.2. L'Indestructibilité de l'action volontaire

Ce second moment de l'expansion de l'action volontaire part du fait qu'il y a impossibilité de ne point poser le problème de l'action, qu'il y a impossibilité de trouver refuge dans un néant, qu'il y a impossibilité de se contenter de tout ce qu'embrasse l'ordre immense des phénomènes, qu'il y a impossibilité de ne pas reconnaître l'insuffisance de l'ordre naturel, de ne point éprouver un besoin ultérieur, et impossibilité de ne pas trouver en soi et par soi de quoi contenter ce besoin. Cette quête donne l'impression d'un échec de l'action. l'action humaine avorte. Et elle avorte dans la dépendance, la souffrance, l'impuissance et la mort. Tous ces éléments cités sont des faits. C'est un fait que nous sommes conscients des déficiences de la vie actuelle, et c'est un fait que nous connaissons le caractère inéluctable de la mort. Mais, pour Blondel, ces faits ne résultent pas d'une constatation empirique : ils ne surgissent à la conscience que parce que celle-ci est traversée par l'exigence d'une vie meilleure. Ainsi : « avouer l'insuffisance de tout objet offert à la volonté, sentir l'infirmité de la condition humaine, connaître la mort, c'est trahir une prétention supérieure214(*) ». Et quelle peut être cette prétention supérieure, sinon une prétention à l'immortalité ? « On ne comprend le fait de mourir que parce qu'on possède la certitude implicite de survivre215(*) » souligne encore Blondel. Et donc «L'attachement à la vie est, malgré un caractère de nécessité apparente, l'effet d'une foncière adhésion de la volonté à sa propre nature. »216(*)

Dans ce même ordre d'idées, nous pouvons insinuer que l'indestructibilité de l'action volontaire signifie donc l'indestructible attachement de la vie à la vie. Elle est l'effet d'une foncière adhésion de la volonté à sa propre nature (sic). Par cet inéluctable attachement à la vie, la mort, la souffrance, la douleur et l'échec apparaissent comme autant de sentiments constatés a posteriori dans l'action humaine. Ces faits apparaissent, néanmoins, par contraste, c'est-à-dire «comme la négation de ce qu'on voulait ou comme l'affirmation de ce qu'on ne voulait pas »217(*).

C'est pourquoi, on peut observer que ce conflit et cette limite par rapport à l'obstacle extérieur ne font que traduire et signifier la faille interne qui sépare les deux plans de la volonté, l'impuissance de la volonté voulue (en ce que le non voulu du malheur s'impose à elle) et l'exigence irrépressible de la volonté voulante qui risque ainsi d'apparaitre comme une nécessité, une contrainte tyrannique impossible à satisfaire. Or, c'est cette exigence de la volonté voulante qui donne toute leur dimension négative aux expérience du mal, de la souffrance et de la mort, leur faisant dépasser le plan de la pure facticité. C'est la complexité même de la volonté qui est à l'oeuvre ici : D'une part, elle apparaît comme une énergie affirmative dont la présence constitue une sorte d'argument ontologique non dialectique mais réel. « Qui pose le problème de l'être et de l'immortalité en a déjà en soi la solution, par la vertu cachée d'une sorte d'argument ontologique, mais d'un argument qui ne se fonde pas sur une dialectique des idées, d'un argument qui développe simplement l'énergie réelle et actuelle du vouloir humain. Ce n'est donc pas l'immortalité, c'est la mort même qui est contre nature et dont la notion a besoin d'être expliquée »218(*). D'autre part, la présence de cette affirmation fondamentale exprime une nécessité qui s'impose avec autant de netteté que la volonté voulue semble inopérante, qu'elle est tenue en échec . Les contradictions en apparence les plus répugnantes à la volonté ne servent qu'à mettre en lumière son invincible attachement à elle-même. Ces expériences non voulues permettent finalement de dégager la volonté voulante dans son caractère positif. La volonté profonde est ce qui subsiste en présence de ce qui n'est pas voulu et qui le fait éprouver comme négatif. Ainsi, le mal, la souffrance et la mort ne sont pas de faits simples. Ce sont des négations, des contradictions qui ne peuvent être expérimentées comme telles que par la présence du positif à quoi elles s'opposent.

Ceci arrive par le fait que la volonté ne se contente pas dans un monde fini, elle cherche ailleurs pour trouver sa nature dans ce qu'elle a toujours voulu : l'infini. Toujours exigeante en effet, elle dépasse les limites du temps pour s'installer dans ce qu'elle n'est plus. C'est donc ce continuel regain d'énergie qui nous prouve le besoin d'aller plus loin puisqu'elle n'épanche jamais toute la vie intérieure dans l'objet fini du monde. Voilà pour quoi, par une sorte d'argumentation ontologique qui ne se fonde pas sur une dialectique des idées, mais développe tout simplement l'énergie réelle et actuelle de notre vouloir qui demeure indestructible, Blondel découvre la voie de la résolution de ce conflit : « Les satisfactions apparentes ou provisoires le dévoilent ; dans ce qu'on veut comme dans ce qu'on ne veut pas, il y a quelque chose qu'on veut par dessus tout. Il se trouve donc, dans l'action voulue, un contenu réel dont la réflexion n'a pas encore égalé l'ampleur [...] Là donc où l'on dit : néant du phénomène, insuffisance du phénomène, avortement et insignifiance de l'action humaine, il faut traduire : nécessité et besoin d'autre chose, d'une chose au prix de laquelle le phénomène ne semble plus que néant. » 219(*)

De plus, c'est donc de ce conflit qui s'élève en toute conscience humaine que jaillit vraisemblablement l'aveu de l'unique nécessaire. Sans doute, cet aveu ne revêt pas encore et toujours la forme explicite d'une affirmation de l'existence de Dieu. Mais la connaissance intellectuelle n'est pas la seule voie, la seule forme sous laquelle Dieu puisse révéler sa présence à la conscience : « Sans en connaître le nom et la nature, on peut deviner son approche et comme éprouver son contact, tout ainsi que dans le silence et la nuit l'on entend les pas, l'on touche la main d'un ami qu'on ne reconnait pas encore. »220(*)

Dès lors, même contredite et vaincue dans les faits, la volonté humaine toutefois demeure et n'avoue même pas sa défaite. Car tous ces biens dont nous croyons un moment pouvoir nous satisfaire, la dialectique de l'action n'établit pas seulement que nous les désirons et les voulons en fait ; nous ne pouvons pas ne pas les désirer et les vouloir, par un engrenage inévitable à notre liberté même. En conséquence, toutes ces déceptions dont souffrirait l'homme, ne viendraient pas de la lassitude, mais de l'insatiabilité. l'aliment manque, l'appétit subsiste. Nous sommes faits pour autre chose. Il y a un sentiment de surabondance sous le sentiment de notre indigence221(*).

Enfin de compte, la prise de conscience de notre impuissance actuelle, loin de nous arrêter, nous met dès lors devant une dimension nouvelle de notre volonté voulante : il y a quelque chose à vouloir que nous n'avons pas encore voulu jusqu'à présent. Et pour sortir du dilemme et retrouver le vrai fond de notre vouloir, Blondel en appelle à une option, à une alternative. Chaque homme doit reconnaître dans son action ce qui s'y trouve déjà. Ainsi le conflit se résout donc en une alternative qui, en face des termes contradictoires du dilemme, exige une option suprême et permet seule à la volonté de se vouloir librement elle-même telle qu'elle le souhaite être à jamais. C'est cette exigence d'une option suprême qui conduit à l'affirmation de l'Unique nécessaire . Et c''est donc l'objet de cette dernière section : l'analyse phénoménologique de l'Unique nécessaire222(*).

* 214 Ibid., p. 334.

* 215 Ibidem. Spécifions que pour Blondel, ce n'est pas l'être-en-soi de l'homme qui est indestructible, mais sa prétention à être pour-soi. Toute la différence avec Schopenhauer est là. Ce dernier déclare qu'à la mort l'homme perd son operari mais non son esse. Pour Blondel, en perdant son action, l'homme perdrait aussi son être

* 216 Ibid., p.335.

* 217 Marc RENAULT, Déterminisme et liberté dans l'Action de Maurice Blondel, Lyon, E. Vitte, 1965, p. 219.

* 218 M. BLONDEL, Op cit., p. 334.

* 219 Ibid., p. 336. Signalons que cette déclaration est déterminante pour Blondel. En effet ,elle servira de point de départ au moment suivant consacré à l'examen de l'unique nécessaire. Par un subtil usage, Blondel voudrait bien montrer que la première manière de parler de Dieu est vraisemblablement de le désigner sous le terme de néant, car on reconnait par là qu'Il n'est rien de ce qui est objet immédiat de connaissance et de désir. C'est l'attitude mystique.

* 220 Ibid., p.340.

* 221 Cf. Paul ARCHAMBAULT, Initiation à la philosophie blondélienne en forme de court traité de métaphysique, Paris, Librairie Bloud & Gay, 1941.

* 222 Les commentateurs de Blondel sont d'accords pour reconnaître que cette expression est une transposition métaphysique et originale pour désigner Dieu à partir d'une réappropriation (et d'un détour de sens) du texte de l'évangile de Luc 10,42. l'originalité de Blondel, c'est donc lui conférer la technicité d'un concept philosophique.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon