B - La remise en question de la représentation
graphique
La commission aux affaires européennes de
l'Assemblée nationale, par un rapport de juin 2014188, a
émis le souhait de modifier le règlement de 2009 sur la marque
communautaire et consacre une partie de sa réflexion sur la
représentation graphique. Face aux lacunes que peut présenter le
système de la représentation graphique, la commission envisage un
élargissement des modes de représentation pour qu'elle ne soit
plus uniquement graphique.
185 CA Paris, 22 juin 2011, Pôle 5, ch. 1, n°
09/00405.
186 D.Lefranc, Nullité de la marque atypique mal
représentée dans le dépôt, L'ESSENTIEL Droit de
la propriété intellectuelle, 15 septembre 2012 n°
8, marques 135, p. 7.
187 Marque communautaire n° 8845539. V. Annexe. Document
n° 8.
188 Ass. nat., rapport d'information No 2009 sur la
protection des marques (COM(2013) 161 final et COM(2013) 162 final).
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L'article 2 de la directive 2008/95/CE 189
mentionne tout comme l'article L.711-1 du CPI190 que pour que le
signe puisse constituer une marque, il doit être « susceptible
d'une représentation graphique », sans toutefois
préciser ce qu'il entendait par exigence de représentation
graphique.
La jurisprudence a pu préciser comment traduire
graphiquement la marque que l'on entendait protéger. Pour cette
dernière, la représentation graphique du signe peut se faire
« au moyen de figures, de lignes ou de caractères, de sorte
qu'il puisse être identifié avec exactitude191.
». Ainsi, il existe à première vue une certaine
liberté pour traduire graphiquement ce que l'on entend protéger.
Toutefois, on se rend très vite compte que cette liberté n'est
qu'apparente puisqu'elle doit se conformer à des exigences en termes de
clarté, de précision, d'accessibilité,
d'intelligibilité, d'objectivité et de durabilité.
L'exigence de représentation présenterait ainsi
un problème de sécurité juridique comme, le
présente Y. Proponnet192. Selon lui, certains types de
marques auraient du mal à répondre aux exigences de
représentation graphique. Le critère de la représentation
appliqué de façon trop rigide conduirait à rendre
impossible la protection de certains signes. Cela semble être vrai pour
les marques moins traditionnelles comme les marques olfactives, auditives ou
perceptibles au toucher, mais ce problème de sécurité
juridique se pose également pour la couleur. Certes, le code
internationalement reconnu apparaît comme une solution mais on peut
s'interroger sur l'aptitude pour les codes Pantone, Ral ou Focoltone à
satisfaire l'exigence de clarté ou d'intelligibilité.
Certes, le recours à la codification permet de
répondre à l'exigence de stabilité, ce que le recours
à l'échantillon ne permet pas mais nous invite à plus de
réserve quant à son intelligibilité. En effet, l'une des
fonctions principales de la représentation graphique est de permettre
aux concurrents de pouvoir saisir le périmètre de ce qui est
protégé. Cela invite donc à se demander si le recours
à la codification facilite véritablement la perception de ce
champ de protection.
D'autant plus que, comme l'indique S Mandel193,
l'utilisation de ces codes oblige les offices de la propriété
intellectuelle et les concurrents qui souhaitent s'assurer que la couleur
qu'ils envisagent de déposer n'est pas déjà
utilisée à maîtriser chacune des différentes
codifications.
Chacun de ces systèmes utilisant un classement
différent des couleurs et de leurs nuances, cela nous amène au
problème de l'équivalence entre les différentes
codifications d'une même couleur.
189 Dir. 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les
législations des États membres sur les marques.
190 Art. L.711-1 du CPI : V. Supra. Note n° 46.
191 CJCE, 12 décembre 2002, aff C-273/00 SIECKMANN,
46°.
192 Y. Proponnet, A propos de la proposition de suppression de
l'exigence de représentation graphique d'un signe déposé
à titre de marque au sein de l'Union européenne, CNPI, 2003.
193 S. Mandel, La marque de couleur : un rêve ou une
réalité ? , Propriété industrielle, n° 9,
Septembre 2003, comm. 69.
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En effet, comment comparer des nuances qui n'utilisent pas la
même codification ? Comment arriver à comparer codes Pantone, Ral
et Folcoltone ? La liberté dans le choix du mode de codification
présente l'inconvénient de compliquer la perception du
périmètre de la protection pour les concurrents.
Bien qu'utilisant le code Pantone pour son rouge Chinois,
Louboutin est contraint de vérifier les bases de données d'autres
classifications utilisées par certains de ses concurrents, qui eux
délaissent la classification Pantone. A titre d'exemple, Hermès
s'est tourné vers la référence LAB194 pour son
fameux orange. L'accès et la consultation de ces diverses
classifications engendrent une large augmentation des coûts de recherche
et de surveillance, d'autant plus qu'il existe plusieurs guides de couleurs par
classification et que ces derniers doivent être
régulièrement renouvelés. En effet, Pantone
préconise de renouveler régulièrement les nuanciers qui
sont d'une part rapidement obsolète et d'autre part victimes de
ternissement avec le temps.
Pour rendre plus efficace cette représentation de la
couleur, plusieurs solutions pourraient être envisagées : soit
choisir une seule codification unanimement reconnue pour désigner les
couleurs, soit déposer dans la codification de son choix mais à
condition de fournir des équivalences dans les autres codifications, si
tant est qu'il en existe une équivalence étant donné que
le nombre de nuances n'est pas forcément le même selon les
codifications. Pour l'heure cette difficulté ne semble pas avoir
été soulevée et la solution au manque de lisibilité
semble résider dans la combinaison de la codification internationalement
reconnue et du dépôt d'un échantillon de couleur à
titre de description.
Mais cette souplesse à l'égard de la marque
n'est qu'apparente. Malgré l'accueil favorable qu'ont obtenu la couleur
et la forme en droit des marques, il semblerait que la validité de ces
signes soit en réalité largement limitée.
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