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La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

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par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

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Introduction générale

Le présent travail de recherche porte sur la dynamique du discours nationalitaire au Gabon. En effet, la prégnance de l'ethnicité dans les représentations sociales et la récurrence d'une rhétorique nationalitaire dans les médias, problématisent la construction de la nation et l'émergence du patriotisme en dépit de la fixation du symbolisme « Gabon d'abord ». Autrement dit, cette recherche vise à interroger les rapports historiques, entre les groupes sociaux nommés « ethnies » dans la construction de l'Etat au Gabon. Ainsi, les liens problématiques entre l'ethnicité et la citoyenneté peuvent traduire, une crise de l'identité nationale ou une crise nationale de l'identité.

Une dimension frappante de l'enquête sur laquelle s'appuie cette recherche réside dans les représentations sociales des acteurs de la nationalité, exprimées, d'une part, de manière latente dans la praxis, la monté d'un discours « politicien » médiatisé et ses conséquences sociales, dans l'effritement du lien social, d'autre part.

L'usage en sociologie essentialise la fondation de tout travail de recherche sur la constatation d'un problème social, d'une situation pathologique.

Ainsi, notre intérêt pour l'étude du discours nationalitaire, est suscité par la mise en crise, par ce discours, du lien social. En effet, la récurrence d'un discours ethnocentriste, voire ethniciste et même xénophobe, actualisé à souhait, par les médias et les hommes politiques, met au défi, l'Etat entant que dépositaire unique de la violence légitime, pour paraphraser Weber. Seul, l'Etat est habilité à identifier ses citoyens, c'est-à-dire à distinguer le Gabonais du non Gabonais. Si Benoit Mouity-Nzamba, un homme politique de la seconde heure gabonaise nous rappelle que le discours nationalitaire est daté, car « entre les années 1979 et 1981, il ne faisait pas beau d'être Punu » ; il n'en demeure pas moins qu'il arbore depuis 2009, un caractère tendancieux. Nous pouvons lire, chaque semaine, dans la presse nationale, des parutions de cette nature. Pour nous éloigner du procès d'un effet d'observation, illustrons par des faits empiriques, notre propos.

Observons, à travers les exemples qui suivent, les illustrations du discours nationalitaire. Analysons d'abord, le discours de ce notable de la Ngounié, dans un reportage de Gabon Télévision, retransmis, lors du journal télévisé de 20 heures, le 12/03/2015 : « Nous sommes très heureux qu'une fille de Mandilu, soit élue Président du Sénat(...), c'est Ntsamba-Magotsi qui gagne, c'est la Ngounié qui Gagne et enfin, [ajoute-t-il], c'est le Gabon qui gagne». Il

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s'agit ici, d'un stade latent du discours nationalitaire. Il consiste à reléguer le Gabon en second plan, pour se référer d'abord à l'ethnie.

Evoluons. Souvenons-nous ces banderoles arborant le message « Tous sauf les Fang » lors de l'élection présidentielle de 2009 et rappelons-nous ce titre : « Pendant que Fang et Punu se déchirent » paru dans Le Nganga du jeudi 21 février 2013. Remarquons, la violence du « Tuez-les tous » paru dans L'Aube du lundi 27 janvier 2015. Constatons enfin, la parution du titre « En 2025 il n'y aura plus de Gabonais autochtones... » de La Loupe le 03 novembre 2015.

Les illustrations qui suivent, nous permettent d'asseoir définitivement par des données empiriques, notre problème de recherche, en mettant en exergue la violence du discours nationalitaire, pernicieuse pour le lien social. Il s'agit de deux discours rapportés.

Le premier est celui de Michel Ogandaga : « Je suis un homme en colère, écoeuré par ce qui se trame actuellement au sein du PDG dans le Woleu-Ntem. Même si la traîtrise de nombreux militants PDG du Woleu-Ntem ne surprend personne, cette province a toujours été le bastion du judaïsme, antichambre du salafisme...Pour mettre un terme à cette immense saloperie, le grand ménage doit-être fait maintenant dans le PDG. Je demande donc des sanctions fermes et immédiates contre ces ordures... exclusion illico presto du PDG, limogeage manu militari de toute fonction officielle, Suspension à vie de tout revenu...».

C'est à la suite de cette déclaration que l'hebdomadaire l'Aube, publiera sur sa une du lundi 27 janvier 2015, le titre « Tuez-les tous » que nous citions supra. L'on peut, dès lors, à raison, questionner les conséquences de ce discours aux relents ethnistes et de sa récupération médiatique, sur les représentations sociales des acteurs. Le dialogue qui suit nous en éclaire quelque peu.

M. KASSA et M. OBAME attendent un taxi depuis plusieurs minutes déjà, après leur journée de travail. Un véhicule stationne devant les deux hommes, l'automobiliste leur propose son service qu'ils acceptent volontiers.

L'automobiliste : « Où allez-vous? » M. OBAME : « Nous allons à Awendjé. » L'automobiliste : « êtes-vous Fang ? » M. OBAME : « Oui, pourquoi ? » L'automobiliste : « Montez ! »

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Et les deux hommes montent et s'installent dans le véhicule, vraisemblablement gênés, mais impatients d'écouter l'automobiliste poursuivre son discours. A contrario de M. Obame, M. Kassa n'est pas de nationalité2 Fang. Notre curiosité va porter un intérêt particulier sur le discours visiblement ethniste de cet homme, puisque nous travaillions sur l'ethnicité.

L'automobiliste : « Les gens là ne nous aiment pas alors moi aussi je ne les aime pas. C'est parce que vous êtes Fangs que je vous ai pris dans mon bus, je ne suis pas un clando3, moi je ne prends pas les bilops4 dans ma voiture. »

Pris de panique, craignant de se faire expulser du véhicule, du fait de son imposture, M. Kassa devra se taire, pour entendre attentivement les développements de cet homme, tout en évitant de nous faire repérer. Avisé, M. Obame va aussitôt le couvrir pendant que M. Kassa se contentera de hocher, systématiquement la tête, pour dire son approbation à ce discours jusqu'à destination et ce, même quand ses compagnons s'exprimeront en langue vernaculaire.

M. OBAME (en évoquons M. Kassa) : « Il n'a pas grandi ici, il ne parle pas, il comprend seulement. »

L'automobiliste : « Eh ben il payera pour les autres. »

M. OBAME : « Mais pourquoi dites-vous qu'ils ne nous aiment pas, je ne comprends pas ? »

L'automobiliste : « Toi-même tu ne vois pas, quand on leur demande pourquoi vous n'aimez pas les Fang, ils ne donnent pas des raisons valables, ils disent qu'on aime se faire voir, Ogandanga a dit qu'il faut nous exterminer, tu n'as pas entendu ? en tout cas, moi aussi, j'ai dit que je ne les aime pas. C'est ma position, ne t'avise pas à changer ça, tu es libre, je ne t'oblige pas à adhérer à mon point de vue. D'ailleurs si tu cherches un travail on va écarter ton dossier à cause de ton Nom. Pourtant on a Anthony Obame, on a Aubameyang

M. OBAME : « Quel Ogandanga ? »

L'automobiliste : « Le vrai Ogandanga, pas le métis, le métis est Guinéen. Il a dit ça et personne n'est venu dire le contraire, personne ne s'est insurgé contre ça, alors qui ne dit mot consent. Donc tous, je les mélange. Je ne garde pas mes fusils à la maison pour

2 Chez Fidèle-Pierre Nze-nguema, la nationalité désigne l'ethnie. Lire L'Etat au Gabon de 1929 à 1990, Le partage institutionnel du pouvoir, Paris, L'Harmattan, 1998.

3 Argot gabonais, véhicule non réglementaire à usage de transport public.

4 Expression vermiculaire Fang désignant toute personne n'étant pas de ce groupe ethnique.

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tuer les animaux, c'est pour les Bilops. Voilà pourquoi je porte toujours ça » (en montrant de la main, un pin's sur lequel il était écrit, `'Je suis AMO*», sur sa chemise.

Il appert, au regard des discours que ces scènes mettent en exergue, de la montée des nationalitarismes5 et consécutivement, la crise du lien social. Explicitons notre problème de recherche.

L'Aube, nous a révélé, les dessous d'un débat violent, entre deux intellectuels, en l'occurrence Mouguiama-Daouda et Daniel Franck Idiata, dans son numéro du 30/11/2015, non sans référence à la «légion étrangère » (Mouguiama-Daouda inclus) du Gabon. Ce débat commence après la parution dans Jeune Afrique, d'un éditorial publié le 1er Septembre 2015, par Georges Dougueli, intitulé, « Gabon : le poison xénophobe ». A la une de ce même numéro6, une interrogation questionnait l'existence du racisme au Gabon.

L'auteur de l'éditorial, Georges Dougueli, soulève plusieurs faits sur le malaise d'une catégorie de Gabonais « issus de l'immigration » dirait-on en France. « Ici les hommes politiques déguisés en procureurs et des journalistes revendiquant une xénophobie de bon aloi ont juré d'avoir la peau de ce `'néo-Gabonais''». La Loupe est citée en exemple dans la propagation d'un discours xénophobe au Gabon. « Le 27 aout 2015, dans son édition spéciale, l'hebdomadaire la Loupe vitupère contre `'le pillage du Gabon par des étrangers », proteste contre «''l'occupation'' et le fait que `'la race gabonaise ne soit trouvable nulle part », non sans postuler « `'un génocide des autochtones'' dont il rend responsable les enseignants étrangers ».

Disons d'entrée de jeu que nous ne partageant guère, les anachronismes, les préjugés et surtout le caractère emphatique, du récit de Georges Dougueli qui généralise ces « actes marginaux »7, pour postuler la xénophobie au Gabon, en dépit de ce que la marge est belle et bien une catégorie d'analyse sociologique8. Cependant, nous voulant, sans alimenter le débat sur la xénophobie, réitérer le problème induit par un discours « politicien » et médiatique qui

5 Il s'agit ici, d'un équivalent du communautarisme, c'est-à-dire d'un développement des communautés ethniques ou culturelles entre autres, au détriment de l'intégration nationale. Il se distingue pour cela au nationalisme, qui suppose l'existence fictive d'un Etat-nation, avec une valeur de patriotisme.

*André Mba Obame dit AMO, homme politique gabonais, issu du PDG et candidat à l'élection présidentielle de 2009.

6 55ème année, N°2851, du 30 aout au 5 septembre.

7 D.F.Idiata, « Si le Gabonais est xénophobe, alors tous les peuples sont xénophobes », mis en ligne le 21 septembre 2015 à 13h 32, in www.jeuneafrique.com , consulté le 22 septembre 2015.

8 Lire à ce sujet, F.-P. Nze-Nguema, Introduction à une sociologie des marges. Les stratégies populaires de résistance en Afrique Revue Kilombo, Libreville, 2004.

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met inévitablement en crise le lien social qui fonde la cohésion dans la société gabonaise. Et si l'on peut reprocher à Mouguiama-Daouda, qui se montre inquiet par rapport à cette rhétorique et aux attitudes discriminantes dans son ouvrage Une silure dans la nasse, une analyse, peu ou prou distanciée ; il n'en demeure pas moins que ce discours journalistique devenu une vulgate, est contre toute apparence, une production idéologique, dont l'intelligibilité consiste, selon Armand et Michèle Mattelart, à faire d'un « citoyen [mal] informé, un homme d'action »9.

Cette réflexion se veut une proposition de réponse à deux questions fondamentales: Pourquoi les agents sociaux sont-ils agit par l'ethnicité? Et comment appréhender la dynamique du discours nationalitaire ?

Dans un premier temps, et à travers ce mémoire de Master, nous nous pencherons sur les préalables épistémologiques et méthodologiques. Nous examinerons les concepts ethnie, nation, nationalité, discours nationalitaire et les théories de l'ethnicité. Ces approches théoriques nous permettront de mieux situer le concept de nationalité au niveau de notre cadre empirique de recherche. La discussion de ces théories nous conduira également à dégager nos hypothèses de travail et les approches susceptibles d'être convoquées pour expliquer la dynamique du discours nationalitaire au Gabon.

Le second temps de notre travail consistera à plancher sur ce que nous avons appelé la socio-archéologie de l'ethnicité. Par le biais d'une causalité rétrospective, nous analyserons les propriétés socio-historiques du discours nationalitaire. Il s'agit, de dégager les substrats organisationnels et les rapports sociaux structurants les sociétés précoloniales. Nous tenterons d'établir, à la lumière de la littérature socio-historique des sociétés africaines en particulier, les fondements ethniques des organisations politiques pour conférer des assises à notre analyse dynamique du discours nationalitaire. Dans cette partie nous examinons également, la situation coloniale, afin d'en dégager les responsabilités dans la fixation des identités.

Dans un troisième et dernier temps de notre propos, il sera question, de faire une analyse empirique du discours nationalitaire. Cette recherche sera fondée sur notre expérience de terrain et sur l'analyse secondaire des données collectées dans les coupures de presse, l'analyse de l'opinion des acteurs et des textes de lois définissant la nationalité dans le droit gabonais et dans le droit international.

9 A. et M. Mattelart, De l'usage des médias en temps de crise, Paris, Alain Moreau, Col. « Textualité », 1979, p.308-310.

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