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La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

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par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

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SECTION II : Problématisation

I. Revue de la littérature sur le fait nationalitaire

Toute entreprise de recherche nécessite un retour et un recours aux travaux des prédécesseurs. L'intérêt d'une recension des écrits, réside dans la mise en exergue des travaux développés sur un objet d'étude et leur confrontation, en vue d'en tirer parti pour notre analyse. Elle se fait en trois temps : le débat fondamental sur l'ethnie, l'africanisme et les littératures sociologiques gabonaises sont tour à tour évoqués ici.

1. Le débat fondamentale sur l'ethnie (la nationalité)

L'hétérogénéité des formations sociales et l'imaginaire d'une hiérarchie des sociétés consacrèrent, l'émergence des concepts voulant rendre compte des différences biologiques, politiques et culturelles pour s'auto-définir et définir l'altérité. Cela est d'abord du fait des ethnocentrismes communs à l'humanité entière. En effet, dans l'antiquité grecque, l'on observe déjà une opposition entre l'«ethnos» et la «polis», littéralement traduit par « cité ». L'ethnocentrisme grec nomma les sociétés voisines, pourtant culturellement indifférenciées, et dont l'organisation politique fut étrangère au modèle de cité-Etats, par le vocable « ethnè ». Ainsi, la primitivité de ces sociétés fut « préjugée » par les Hellènes comme par plusieurs théoriciens à l'instar de V. Ehrenberg, pour qui, il est « vraisemblable [que l'ethnos] est beaucoup plus proche de la société primitive »20. Cette primitivité postulée des ethnè soulève par ailleurs leur a-politicité.

L'Essai sur l'inégalité des races humaines (1854), de Gobineau proposait l'adjectif « ethnique » tout en se privant d'une référence à l'« ethnie ». Son emploi indistinct des termes de « race », de « nation » et de « civilisation », sous-tend l'hypothèse d'une dégénérescence consécutive au mélange des races. L'apparition de la notion d'« ethnie » dans la langue française est l'apanage de Georges Vacher de Lapouge. Il est aussi l'un des premiers théoriciens du

20 Cité par Amselle, « Ethnie » in Encyclopédie Universalis, 2013. (Version électronique).

19

métissage culturel. Dans Les Sélections sociales (1896), il postule que le contact entre plusieurs races et leur cohabitation prolongée aboutit in fine à un rapprochement culturel21.

De l'apparition de l'ethnie dans les sciences sociales a donc prévalu, l'identification d'un aspect précis, jusque-là non identifié ou vaguement décris par d'autres concepts. Ce terme, plus simple que les expressions telles que groupe ethnique ou unité ethnique, était alors en compétition, dans les milieux scientifiques, avec d'autres néologismes plus savants proposés çà et là : ethnos, ethne, ethnikon, ethnicum, ethnea, ethnisch, ethnic, glossethnie, laios, etc.

A ce propos, Roland Breton indique que le mot « ethnie » forgé par Vacher de Lapouge et repris par A. Fouillée dans Psychologie du peuple français en 1914, vit son sens précisé par F. Regnault : « Il convient de différencier l'ethnie linguistique de la race anatomique »22.Ce n'est qu'après le second conflit mondial que son emploi passe dans l'usage courant. Il s'imposa d'abord dans les régions francophones où le fait ethnolinguistique pouvait poser problème. Les Wallons, notamment Becquet dans L'ethnie française d'Europe publié en 1963, et les Québécois en eurent le plus recours dans l'expression de leurs préoccupations sociales, culturelles et politiques. En Outremer, les ethnologues et l'administration coloniale commencèrent à trouver « ethnie » plus commode à utiliser parce que plus neutre que tribu ou peuple23. Breton précise également que « la généralisation rapide de l'usage du mot ethnie démontre qu'il répondait à un besoin et qu'il devait avoir sa place dans l'outillage lexical et conceptuel (...). Le néologisme ethnie gênait particulièrement parce qu'il sous-tendait un effort de précision supplémentaire, de constatation et de respect des différences, alors que les vocables vagues et usés comme peuple, péjoratifs comme peuplade ou tribu, sanctifiant comme nation, satisfaisaient, en effet, dans un usage chargé de connotations affectives »24.

Avec Max Weber, nous retrouvons une distinction nette entre ethnie, nation et race. Il indique que « ce qui distingue l'appartenance raciale de l'appartenance ethnique, c'est que la première est réellement fondée sur la communauté d'origine, alors que ce qui fonde le groupe ethnique, c'est la croyance subjective à la communauté d'origine. Quant à la nation, elle est,

21 Idem

22 In Bulletin et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, t. X, 1920.

23 R. Breton, Les ethnies, Paris, PUF, 1992, p. 81.

24 Ibid., p. 6.

20

comme le groupe ethnique, basée sur la croyance en la vie en commun, mais se distingue de ce dernier par la passion (pathos) liée à la revendication d'une puissance politique »25.

Nadel montrera ensuite, dans un travail sur les Nupe du Nigeria, les imbrications d'une réalité totalisant l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Mercier qui a subi l'influence de Nadel, va tenter de déconstruire l'objet ethnique. À propos des Somba du Nord-Bénin, il a souligné la nécessité de resituer ce groupe dans la géographie et dans l'histoire et de l'inclure dans des cadres plus larges. Il a procédé aussi, ce qui est capital pour toute tentative de définition d'une unité sociale quelle qu'elle soit, à un inventaire du champ sémantique du terme.

En 1969, Fredrick Barth publie son ouvrage Ethnic Groups and Boundaries26, où il montre que les identités sont créées et maintenues par le jeu des interactions entre les groupes. Il s'inspire d'une théorie développée par la sociologie de l'interactionnisme symbolique et place la notion de « limite » au centre de sa démarche. Il montre que les séparations entre ethnies servent à établir des schèmes d'identification socialement signifiants et que, parallèlement, il se produit un flux continuel de populations à travers ces limites. Il ouvre ainsi la voie à une analyse des relations entre ethnies conçues comme des rapports de forces27. C'est pourtant Erving Goffman qui en a produit les développements les plus substantiels. L'attention portée à l'interaction dans la constitution de l'identité a notamment été soulevée par les membres de l'école pragmatiste de Chicago dont G.H. Mead pour qui, l'identité personnelle est le produit de la socialisation, laquelle permet la constitution du « Soi »28.

Cependant, dès ses premiers écrits, l'interactionnisme symbolique apparaît comme une théorie visant à expliquer comment se constituent les catégories de la vie sociale au cours des activités d'ensembles complexes de groupes ou d'individus en coopération ou en opposition29. Et c'est, tout particulièrement la parution de Stigmate, qui consacre l'ethnie social de l'analyse de l'identité30. Dans cet ouvrage, l'auteur montre que c'est par le stigmate, conçu non pas tant comme une marque ou un attribut spécifique mais bien plutôt en termes de relations, que les partenaires sont amenés à jouer un rôle31.

25 M. Weber cité par P. Poutignat et J. Streiff-Fenart, Théories de l'ethnicité, Paris, PUF, 1995, p 38.

26 F. Barth, « Les groupes ethniques et leurs frontières », in P. Poutignat et J. Streiff-Fenart, op.cit., pp. 202-254.

27 Idem.

28 G.H. Mead, L'Esprit, le soi, et la société, Paris, PUF, [1934], coll. « Le lien social », 2006.

29 E. Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, 1. La présentation de soi, Paris, 1973 (1re éd. 1959).

30 E. Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, 1975 (1re éd. 1963).

31 Ibid., p. 11-13 et p. 160. 20.

21

Dans l'interaction, plusieurs composantes de l'identité s'élaborent et entrent alors en jeu. L'identité sociale, d'abord, résulte de la conformité ou de la non-conformité entre l'impression première produite par autrui et les signes qu'il manifeste32. L'identité personnelle, ensuite, s'articule autour du contrôle de l'information dans une situation relationnelle donnée33.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus