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Déplacement des populations des zones en conflits et accès à  l'état civil. Cas des enfants réfugiés centrafricains dans la région de l'est-Cameroun.


par Théodore ENAMA AYISSI
Université catholique de Louvain - Master en Sciences de la Population et du Développement, Option Développement 2019
  

Disponible en mode multipage

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Faculté des sciences économiques,

sociales, politiques et de communication

École des sciences politiques et sociales (PSAD)

Déplacement des populations

des zones en conflits et accès à

l'état civil :

Cas des enfants réfugiés centrafricains dans la

région de l'Est-Cameroun

Auteur: ENAMA AYISSI THEODORE

Promoteur(s) : Pr. AMOUGOU THIERRY

Lecteur(s) : Pr. CATHERINE GOURBIN

Année académique: 2019-2020

Master en Sciences de la Population et du Développement, Option

Développement

i

I.SIGLES ET ABREVIATIONS v

I.INTRODUCTION GENERALE 1

A.Contexte historique ou géographique de l'étude 3

B.Pertinence et intérêt du sujet 5

C.Objectifs de l'étude 7

D.Revue de littérature 8

E.Questions de recherche 11

F.Hypothèses de recherche 11

G.Défis éthiques de la recherche 14

H.Présentation et explications du plan de la recherche 16

CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION DE L'EST-CAMEROUN, ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX

DES CRISES CENTRAFRICAINES 17

I.PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE 19

A.La région de l'Est-Cameroun en bref. 20

B.La ville de Mandjou 23

II.ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES 26

A.Les causes internes des crises Centrafricaines 27

B.Causes externes de la crise Centrafricaine 30

CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE

CAMEROUN ET DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS 33

I.LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES REFUGIÉS CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN 35

II.LE STATUT DES REFUGIÉS 39

A.Le cadre législatif de la déclaration du statut de réfugié au Cameroun (DSRC) 40

B.Les structures chargées de la mise en oeuvre de la DSRC 43

CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET MISES EN OEUVRE PAR LE CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN D'ASSURER L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS A

MANDJOU 45

III.LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET DU UNHCR DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS RÉFUGIÉS CENTRAFRICAINS À

MANDJOU 47

A.L'établissement des actes des naissances pour les enfants réfugiés : un dispositif humanitaire

privilégié par l'Etat du Cameroun et le UNHCR dans la ville de Mandjou ? 47

B.La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR 51

CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES SUSCEPTIBLES DE LIMITER L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS POTENTIELS 58

IV.LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE LIMITER LES INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR59

II.LES PALLIATIFS POTENTIELS 65

V. 65

III.CONCLUSION GENERALE 69

II

VI.BIBLIOGRAPHIE 72

Table des matières 76

DEDICACES

III

A ma très chère Maman...

iv

REMERCIEMENT

J'adresse mes sincères remerciements aux personnes suivantes :

- Pr. Thierry Amougou, mon promoteur dans le cadre de la rédaction de ce mémoire,

- Ma famille, notamment : Béatrice Enama, Damien Enama, Emilienne Enama, Alexis Enama, Robert Enama et Derick Enama

- Aux enseignants de l'UCLouvain

- Aux amis, compatriotes et camarades avec lesquels nous avons partagé peines et joies au sein de l'UCLouvain

- Enfin, à tous ceux qui, de près ou de loin, par leurs soutiens multiformes auront contribué

à la réalisation de ce travail.

V

I. SIGLES ET ABREVIATIONS

BUNEC: Bureau National à l'Etat Civil

CEESR: Commission d'Eligibilité au Statut de Réfugié

CNPC: China National Petroleum Corporation

DSRC: Déclaration du Statut de Réfugié au Cameroun

IMC: International Medical Corps

INS: Institut National de la Statistique

KM2: Kilomètre Carré

MICS: Indicateurs Multiples

N°: Numéro

OUA: Organisation de l'Union Africaine

OSH: Objectifs Stratégiques Globaux

PU: Première Urgence

PIS: Plan d'Investigation Stratégique

RCA: République Centre-Africaine

RDC: République Démocratique du Congo

RDPC: Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

RRRP: Regional Refuge Response Plan

UCAC: Université Catholique d'Afrique Centrale

UCLouvain: Université Catholique de Louvain

UNESCO: Organisation des Nations-Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture

UNHCR: Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés.

1

I. INTRODUCTION GENERALE

La contagion visible des indépendances promulguées dans divers pays Africains dans les années 1960, n'a pas épargné la République Centrafricaine (RCA). C'est clair, le pays accède à son indépendance le 1er Août 1960. Ancienne colonie Française, la RCA s'est faite appelée jadis, « la cendrillon de l'Empire1 ». Cette célébrité a malheureusement été stoppée dans son envol en cédant la place de nos jours à des crises sans précédentes érigeant la RCA de par leurs ampleurs à un Etat fantôme.

On ne dénombre pas moins de sept coups d'Etats en RCA depuis l'indépendance du pays. Ce qui tend à légitimer une culture de la violence et de l'impunité politique. Instaurant pour maxime sacrée, le recours au pouvoir par la force et l'incompétence politique au mépris d'une véritable culture démocratique. Si ces procédés non conformes au bon sens universel ont l'avantage d'octroyer à un seul homme et sa famille élargie l'accaparement du pouvoir pour une durée, ils sont non productifs en guise de paix et de stabilité pour la nation.

Parlant de non productivités, le récent coup d'Etat qui dure depuis 2013 a une fois de plus permis de cerner la chute de l'Etat avec pour conséquences directes la perte du monopole de la violence légitime ainsi que la perte du contrôle sur l'ensemble du territoire, en obligeant les populations civiles à se déplacer massivement vers les pays limitrophes à l'instar du Cameroun. Et ces déplacements forcés des populations Centrafricaines vers le Cameroun, imposent de la part des autorités Camerounaises, des interventions humanitaires conformément à la Convention de 1951 des Nations-Unies relative au statut de réfugié dont le pays est signataire depuis le 23 Octobre 1961 ainsi que le protocole de l'OUA du 19 juillet 1969.

A la suite de ce cadre juridique international, le Cameroun s'est réajusté en interne sur le plan juridique au fil du temps. De ce réajustement, on note entre autres, la Loi n°2005-6 du 27 juillet portant statut des réfugiés au Cameroun, le Décret n°2011/389 du 28 novembre 2011 portant organisation et fonctionnement des organes de gestion du statut des réfugiés au Cameroun et

1 Jean-Joël Brégeon, "Un rêve d'Afrique ; administrateurs en Oubangui-Chari ; la cendrillon de l'Empire, Denoel, 1999. https://www.chapitre.com/BOOK/bregeon-jean-noel/un-reve-d-afrique-administrateurs-en-oubangui-chari-la-cendrillon-de-l-empire,952893.aspx

2

le Protocole de transfert des activités relatives à la détermination du statut de réfugié du 1er août 2016.

C'est donc sous une forme légale que le Cameroun, assisté de divers partenaires humanitaires à l'instar du UNHCR se sont engagés à apporter une aide aux populations réfugiées Centrafricaines présentes dans la région de l'Est- Cameroun ainsi que dans diverses autres. Au coeur des aides apportées aux réfugiés, se situe en grande place l'urgence d'établissements des actes de naissances des enfants réfugiés. C'est d'ailleurs, de toutes les autres urgences, celle ayant mobilisé notre attention dans le cadre de ce travail. Cependant, sous l'influence de la pandémie du COVID-19, le présent travail ne s'est pas dérogé de la règle de distanciation en s'élaborant sur base de délégation d'enquêtes et d'entretiens à distance.

A. Contexte historique ou géographique de l'étude

Situé au milieu du lac Tchad, l'océan Atlantique, et le bassin du Congo, le Cameroun a une superficie quinze fois supérieure à celle de la Belgique (475000 km2). Ses pays frontaliers sont le Tchad, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Nigeria. Bien que faisant face à des turbulences sécuritaires périodiques dans quelques-unes de ses régions, le Cameroun par sa position géostratégique constitue une terre d'accueil incontestable en Afrique centrale.

C'est ainsi qu'au cours de ces trois ou quatre dernières années, on aperçoit l'arrivée de milliers de réfugiés originaires des pays voisins. Le Rapport global de l'UNHCR fait état de plus 259 000 réfugiés centrafricains qui sont hébergés dans les régions de l'Est, de l'Adamaoua et du Nord Cameroun ; 21 000 réfugiés et demandeurs d'asile vivent en milieu urbain (UNHCR, 2017).

En effet ces populations sont forcées de fuir leur pays d'origine du fait des persécutions et d'une guerre sans relâche en République Centrafricaine. Cette guerre s'expliquerait à la fois par des causes lointaines et immédiates. Sur les causes lointaines, tout serait parti de

« L'échec des efforts de démocratisation depuis la chute de l'ancien président Jean Bédal Bokassa, la prolifération des groupes armés et des armes légères à la suite de multiples coups d'Etats, le manque de dialogue franc et sincère entre le pouvoir et l'opposition politique depuis 1992, la concentration du pouvoir de l'Etat par l'exécutif et la porosité des frontières centrafricaines2. ».

Les causes immédiates de l'actuelle crise Centrafricaine sont liées au renversement en mars 2013 du Président François Bozizé par coup d'Etat et l'auto-proclamation de son opposant historique Michel Djotodia. C'est en effet un retour d'ascenseur car, c'est par le même procédé en 20033 que François Bozizé était arrivé au pouvoir. Et depuis lors, Michel Djotodia,

2 MOHAMED Housseni, République centrafricaine, « Les conflits armés en Centrafrique, causes et conséquences », publié en janvier 2014, consulté le 14 mai 2018. URL : http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1011_fr.html

3 LOUBIERE Thomas, Le Monde, « Six clés pour comprendre le conflit en République Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html

3

responsable de l'Union Démocratique de Forces pour le Rassemblement (UDFR4), n'avait eu de cesse à vouloir renverser le régime Bozizé. Ce qui avait d'ailleurs conduit à un accord de paix en 2007 malgré la dénonciation continue du régime au pouvoir par l'opposition. En 2011, au terme d'un scrutin présidentiel, François Bozizé est élu président de la république mais sera peu légitime car, son autorité en subira un coup suite à la coalition des membres de l'opposition en 2012 autour d'un mouvement dénommé la Seleka5.

A la tête de ce mouvement d'union qui réunissait divers acteurs rebelles du Nord, se trouvait Djotodia, leader de l'opposition. C'est force de cette initiative que ce mouvement a réussi à prendre la capitale Bangui ainsi que plusieurs autres villes centrafricaines, renversant ainsi François Bozizé du pouvoir en mars 2013. Avec bien évidemment l'auto-proclamation de Michel Djotodia au pouvoir, ainsi que la suspension de la Constitution du pays et la dissolution de l'assemblée nationale pour une durée de trois ans.

En 2013, la Seleka qui s'était constituée en majorité d'une « coalition de groupes très hétérogènes appuyés par des mercenaires étrangers, des brigands et des coupeurs de route, éclate »6. Cette fragmentation de la Seleka a engendré d'énormes dérives essentiellement sur les populations civiles. Les préjudices sont énormes. Selon l'organisation Human Rights Watch, « Les bandes armées se livrent à des razzias et des massacres. Des villages sont brûlés, pillés. Les habitants sont tués ou sont en fuite dans la brousse7» parfois obligés de traverser les frontières pour séjourner au Cameroun ou au Tchad. En bref, « l'arrivée au pouvoir de la Séléka en mars 2013 achève de transformer la Centrafrique en pot-pourri. Fonctionnement rebelle et banditisme se mêlent au sein de l'appareil d'État 8».

4 Perspective Monde, « Renversement du président François Bozizé en République centrafricaine », publié le 24 mars 2013, consulté le 14 avril 2018.

URL : http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1189

5 Seleka signifie Alliance en langue Sango. Une langue locale centrafricaine.

6 LOUBIERE Thomas, Le Monde, « Six clés pour comprendre le conflit en République Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html

7 Cité par LOUBIERE Thomas, Le Monde, « Six clés pour comprendre le conflit en République Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html

8 CHAUVAIN Emmanuel et SEIGNOBOS Christian, Afrique Contemporaine, « L'imbroglio centrafricain : Etat, rebelles et bandits, 2013/4 n°248/ pages 119 à 148. ISSN 0002-0478, mis en ligne par Cairn.info le 25 juin 2014. URL : https://doi.org/10.3917/afco.248.0119

4

5

Ces mouvements de populations centrafricaines vers le Cameroun engendrent d'énormes défis tant nutritionnel, sécuritaire et sanitaire qu'administratif.

Le Cameroun étant un Etat partie à la Convention de 1951 relative au statut de réfugié depuis le 23 Octobre 1961 et à son protocole depuis le 19 juillet 1969, a très tôt pris conscience de la nécessité de protéger les personnes en quête d'asile sur son territoire. Cet élan humanitaire s'est confirmé par la ratification quelques années plus tard, de la Convention de l'Organisation de l'Union Africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés de 1969 et par le développement progressif d'un cadre légal favorable à la protection des réfugiés.

Cependant, le Cameroun ne pouvant pas faire face individuellement aux besoins énormes des réfugiés Centrafricains, notamment en matière d'état civil, particulièrement la composante liée aux actes de naissances des enfants Centrafricains, bénéficie de l'appui de certains partenaires humanitaires, à l'instar du UNHCR.

Notre recherche aura pour cadre géographique la région de l'Est-Cameroun en Afrique centrale. Spécifiquement, il s'agira de l'arrondissement de Mandjou. En effet le choix de faire notre étude dans la région de l'Est-Cameroun n'est pas anodin. En 2010, avec 39 sites mobilisés pour la cause des réfugiés, cette région regroupe à elle seule 58% du taux de réfugiés au Cameroun (UNHCR,2011). Pour cause, elle est située en frontière de la RCA, du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Congo Brazzaville. Ce qui fait valoir à cette région une représentation de 23,1 % du territoire national, avec un paradoxe de 4,1 % de la population totale du Cameroun (Pierre Kamdem, 2017). C'est d'ailleurs la région du Cameroun ayant la densité démographique la plus faible. Cette densité qui se situe à 41 habitants au kilomètre carré est la résultante essentielle des migrants à la fois internes, c'est- à -dire des autres régions du pays, et externes en provenance des pays voisins (Tchad, RCA, Congo-Brazzaville, Nigéria).

B. Pertinence et intérêt du sujet

Notre étude fait suite à des recherches antérieurement menées sur la question des réfugiés centrafricains au Cameroun, notamment sur les aspects globaux des aides humanitaires essentiellement axées sur la nutrition, la santé et l'éducation (Pierre Kamdem, 2017). Mais au vu de ce qui précède, fort est de constater de façon très évidente que les problématiques liant les réfugiés à l'état civil, demeurent assez moins questionnées.

6

Les réfugiés et les déplacés de guerres sont des personnes vulnérables et donc souvent victimes de grandes épidémies. Dans ce sillage, les données de l'état civil peuvent pertinemment être utilisées pour évaluer les programmes de santé souvent existant dans ces contextes. La prise en compte d'une étude reliant les réfugiés et l'accessibilité à l'état civil est aussi pertinente par l'éveil d'une valorisation potentielle des données qui y figurent dans l'évaluation des programmes de planification des naissances, surtout en Afrique subsaharienne où tarde toujours à s'imposer une « tradition à l'état civil ».

Intégrant spécifiquement l'accès à l'acte de naissance pour les enfants réfugiés Centrafricains, cette recherche constituera à coup sûr, une matérialité sur le terrain des dispositions légales de la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés. Dispositions dont le Cameroun est signataire. Et dans le cas de notre étude, il s'agit du pays d'accueil. Mieux encore le pays garant d'assurer la délivrance des actes de naissances aux enfants réfugiés (Luc Legroux, 2003 :181). S'il faut encore le rappeler, l'enregistrement des naissances participe de la lutte contre les abus et trafics d'enfants. Dans le sens où sans acte de naissance, les enfants sont beaucoup plus souvent voués à la misère culturelle, économique et sociale. Ces enfants sans identités deviennent des proies faciles pour toutes les formes de trafics et d'abus : mariages forcés, vente d'enfants et même trafics d'adoption, traite des êtres humains, prostitution, enrôlement comme soldats...

Des enfants déplacés lors de conflits ou nés dans des camps de réfugiés en dehors de leurs propres territoires nationaux sont aussi vulnérables puisque les Etats qui les reçoivent peuvent refuser de reconnaître et d'enregistrer leurs naissances. Dans ce cas ils deviennent des enfants apatrides et risquent d'avoir des difficultés à revendiquer leur droit de résidence lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine.

Par ailleurs, on ne peut garantir entre autres, une meilleure éducation aux enfants réfugiés sans que ceux-ci n'aient au préalable leurs actes de naissances. D'où un travail de recherche qui se situerait en contexte Africain et s'intéresserait à analyser l'efficacité des méthodes et stratégies déployées en synergie par le UNHCR, le Cameroun pays d'accueil et les réfugiés Centrafricains à travers la production des actes de naissances aux enfants réfugiés aurait le mérite de rendre compte des facteurs susceptibles d'influencer positivement et négativement lesdites méthodes et stratégies.

7

Notre travail quoique prenant en compte quelques données quantitatives est pour l'essentiel qualitatif. Ainsi, il constitue une contribution dans l'élaboration d'outils d'analyse en socio-anthropologie. Il accorde une place de choix aux rapports sociaux d'un ensemble d'initiatives conformes à des directives de la convention de Genève sur le statut des réfugiés, et les réfugiés très souvent identifiés comme des personnes vulnérables.

C. Objectifs de l'étude

Pour cette étude nous avons formulé un objectif global. De cet objectif global nous avons identifié des objectifs spécifiques

1. Objectif général

L'objectif global de cette recherche est d'étudier comment est-ce que l'État Camerounais parvient à assurer l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains qui résident avec leurs parents en dehors et dans les camps de réfugiés dans la région de l'Est-Cameroun. D'autant plus que c'est dans ce sillage que s'inscrit entre autres missions, la Convention de Genève de 1951 relative aux statuts des réfugiés. Et dont le Cameroun est signataire depuis 1961.

2. Objectifs spécifiques

- Comprendre les dynamiques sociales, les stratégies mises en oeuvre par le UNHCR et le Cameroun pour permettre aux enfants réfugiés centrafricains d'avoir accès à leurs actes de naissances ;

- Identifier les enjeux sociaux de l'intégration ou de la participation des parents réfugiés dans le processus d'accessibilité des actes de naissances de leurs enfants ;

- Proposer des pistes de solutions pour un accès plus efficace des actes de naissances des enfants réfugiés Centrafricains.

8

D. Revue de littérature

Pour une question de choix, nous allons bâtir notre revue de littérature sur la base d'un triptyque expliquant les causes des conflits de façon générale en Afrique, les conséquences et les solutions y afférentes. Ce choix fait suite au fait qu'il n'est pas évident de trouver dans la littérature, beaucoup de textes qui abordent de façon singulière, la question de réfugiés au Cameroun ou dans les pays du Sud en générale. En effet, les textes qui abondent sur les questions liées à l'immigration ou à l'asile se penchent davantage autour des déplacements de populations du Sud vers le Nord.

Bien que les « conflits diffèrent selon leur intensité, leur durée et leur extension territoriale, en Afrique précisément, ils peuvent être infranationaux, internationaux ou régionaux » (Hugon, 2006 :33). Toutefois, ces variables pour Koffi ANNAN, ne changent en rien le fait que « les conflits armés, notamment africains, résultent de l'enchevêtrement de plusieurs facteurs culturels, sociaux, politiques, militaires, géopolitiques » (ANNAN, 1998 : 51).

Mais Collier et Hoeffler semblent ne pas accorder assez d'importance aux facteurs culturels, sociaux, politiques, militaires et géopolitiques qui seraient des effets et non de véritables causes de conflits en Afrique. C'est ainsi qu'ils estiment que les principaux facteurs explicatifs des conflits en Afrique sont essentiellement liés au rapport de force entre le faible taux de croissance du PIB et le nombre d'habitants (Collier et Hoeffler, 2000 : 95). Toutefois, ce point de vue qui met l'accent sur la croissance ne fait pas l'unanimité car, lorsqu'un Etat fait montre d'institutions fortes, il parvient à mieux surmonter cet enjeu. C'est ainsi que Philippe Hugon estime pour sa part qu'une part significative des causes de conflits en Afrique s'explique par « la faillite du modèle étatique postcolonial, à laquelle s'est ajoutée la dévalorisation de l'Etat par l'idéologie libérale, (qui) ont conduit à des fractionnements territoriaux et à une montée en puissance de factions s'appuyant sur des identités claniques, ethniques ou religieuses » (Hugon, 2006 :36). Ce qui se manifeste par la logique où « chaque fois qu'il y a un changement de régime, on assiste à un mouvement de population dans les deux sens. Les anciens réfugiés retournent chez eux et les nouveaux arrivent de crainte d'être persécutés par les nouveaux maîtres des lieux » (Bigombe, 1999 : 234).

9

En évacuant la responsabilité des conflits en Afrique aux seuls Africains, Châtaigner focalise son analyse sur des causes exogènes, principalement des anciennes colonies. L'enjeu se structure autour de ce qu'il qualifie de « nouveau commerce triangulaire », où l'Afrique exporte illégalement vers les pays occidentaux des matières premières non transformées, où les pays d'Europe de l'Est exportent vers l'Afrique des armes et des mercenaires et où se nouent entre les pays de l'ouest et de l'est de l'Europe des relations financières. Dans de telles circonstances, on ne souhaite pas nécessairement la fin des hostilités, afin de pouvoir continuer à se partager les rentes (Châtaigner : 2004, 44). L'histoire de la Centrafrique en est une parfaite illustration car, comme le martèle Zoctizoum, en 1981 la France a organisé un coup d'Etat dans le but de renverser le Président David Dacko et de le faire remplacer par le général André Kolingba au pouvoir. L'idée de fond visait à donner le pouvoir à un leader manipulable et susceptible d'être au service des intérêts français9.

Si face à cet état de choses alarmant « la cause initiale peut être mineure (...) et devenir incontrôlable » (Cart, 2005 :76), notons que les incidences sur les populations ne lui sont pas bénéfiques. Les conflits armés favorisent le sous-développement économique, le chômage des jeunes, la pauvreté, les famines et surtout l'impossibilité pour les Etats d'assurer leurs fonctions régaliennes de sécurité (Azam, 2009 : 69). Dans ce « contexte d'anarchie, de non-respect des règles et d'absences de contrôle territorial, où de nombreuses activités deviennent très lucratives » (Hugon, 2006 : 34), le déplacement massif des populations en quête de refuge dans d'autres Etats (Hugon 2006 :36) est une évidence.

Dans ce sillage, « il revient aux Etats d'accueils d'assurer leur protection juridique en leur délivrant des titres de séjours et leur état civil » (Luc Legroux, 2003 : 181). Mais selon le Nations-Unies, en Afrique certains pays restent dans l'impossibilité de pouvoir répondre favorablement aux besoins de leur population en matière d'enregistrement à l'état civil. Entre autres causes : une législation sur l'état civil non conforme aux exigences internationales du fait de sa non-révision durant des décennies ; le sous-financement des systèmes d'enregistrement et de statistique des faits d'état civil ; l'inaccessibilité des services d'enregistrement aux populations

9 Zoctizoum Yarisse, Histoire de la Centrafrique, Violence du Développement, Domination et Inégalités, Tome 2. (1959-1979), p.89.

résidant dans les zones rurales. Conséquence, « la couverture et la complétude de l'enregistrement des faits d'état civil sont très faibles dans presque tous les pays 10».

En Europe en revanche, malgré un contexte d'enregistrement à l'état civil très performant, les Etats implémentent « la convention de Genève qui laisse aux Etats d'accueils la liberté de fixer le statut de réfugié » sous l'étiquette de « protections subsidiaires » afin de gérer les déboutés du droit d'asile qu'ils ne savent comment expulser (Luc Legroux, 2003 : 185). De façon officielle, les Etats européens sont jusqu'ici les seuls à avoir fait recours à ce procédé qui est « peu protecteur et n'ouvrant qu'à un droit au séjour temporaire-en général d'un an » (Luc Legroux, 2003 : 186). Cette spécificité européenne se justifierait-elle de la vétusté de la convention des Nations-Unies de 1951 ? Probablement oui car, Barbara Grainger faisant suite de son analyse de fond sur ladite convention, publiée par ailleurs dans un dossier en 1985 par les Nations-Unies11, fait état de ce que les principales caractéristiques de cette convention sont de plus en plus dans l'incapacité de répondre aux exigences actuelles. Elle suggère de ce fait une révision de celle-ci afin qu'elle puisse s'arrimer aux défis actuels.

Parlant de cette inadéquation de la convention des Nations-Unies aux besoins réels des populations victimes, François Audet12 examine l'évolution du terrain d'actions humanitaires au cours des dernières décennies. Il en arrive à une conclusion : l'espace humanitaire est de plus en plus politisé. Pour le démontrer, il fait une illustration des conflits en Afghanistan et en Irak. De ce côté, les politiques d'aide humanitaire sont prédéterminées par les objectifs de politiques étrangères des gouvernements de la coalition occidentale, plutôt que sur les bases des besoins des populations et des principes du mouvement humanitaire. Pour François Audet, cette problématique de la politisation de l'humanitaire laisse l'acteur humanitaire à la merci de l'Occident, dénaturant les conflits et, a entrainé depuis la fin de la guerre froide, une augmentation du nombre d'acteurs transnationaux. Ce flux d'acteurs transnationaux sur les théâtres d'opérations humanitaires créé sans doute beaucoup de flou et d'incohérences.

10 Nations-Unies, Rapport sur l'enregistrement des faits d'état civil et des statistiques de l'état civil en Afrique, Commission Economique pour l'Afrique, 2017,

URL : http://apaicrvs.org/sites/default/files/public/REPORT%20ON%20THE%20STATUS%20OF%20CRVS%20IN% 20AFRICA.pdf

11 Nations-Unies et les réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22, octobre 1985, pp.19-32.

12 Audet, F. (2011). L 'acteur humanitaire en crise existentielle : les défis du nouvel espace humanitaire. Etudes internationales, 42, (4), 447-472. https://doi.org/10.7202/1007550ar

10

E. 11

Questions de recherche

- Comment est-ce que l'Etat du Cameroun assure-t-il l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains ? Cette question centrale génère les questions connexes suivantes :

- Quelles sont les causes de la crise Centrafricaine ?

- Comment l'État, les agences internationales, en particulier le UNHCR et les réfugiés Centrafricains, spécifiquement les parents mobilisent-ils les ressources pour faciliter l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains ?

- Quelles sont les contraintes structurelles et conjoncturelles qui pèsent sur le processus

d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés ? Quelles leçons tirer ? Quelles recommandations ?

F. Hypothèses de recherche

L'hypothèse d'une recherche se défini selon Claude BERNARD13 comme étant une interprétation anticipée et rationnelle qui sert de fil conducteur et de critère de sélection des données. Le présent travail formule une hypothèse centrale de recherche. A celle-ci, il va en découler des hypothèses secondaires.

? Hypothèse centrale

Dans la ville de Mandjou, les actions humanitaires de l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR pour assurer l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains sont multiples et concrètes mais sujettes à diverses limites.

? Hypothèses secondaires

- Les types de stratégies et d'actions proposés par l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR ne remplissent pas toutes les fonctions attendues et se heurtent à la vulnérabilité des réfugiés Centrafricains ;

13 BERNARD Claude, cité par Jean-Louis Loubet DEL BAYLE, Initiation aux méthodes de sciences sociales, Paris, L'Harmattan, 2014.

12

- Il n'existe réellement pas de synergies d'actions entre l'Etat du Cameroun et l'UNHCR dans le processus d'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains.

1. Méthodologie

a- Population et échantillonnage

La population ciblée pour cette recherche sera composée de trois groupes: les réfugiés centrafricains, spécifiquement ceux disposant des enfants ayant obtenu ou pas leurs actes de naissances dans les conditions liées à notre étude ; les services déconcentrés et décentralisés de l'Etat du Cameroun impliqués explicitement dans ce cadre, notamment les personnels de la mairie, des personnels administratifs des ministères camerounais concernés ; les acteurs du UNHCR en présence dans le site et les acteurs d'ONG locales qui accompagnent au quotidien l'Etat et le UNHCR dans l'atteinte de ces objectifs.

b- Méthodes de recherche

Dans un premier temps, il sera question de collecter de données quantitatives extraites des registres statistiques des différents bureaux. Ces données vont s'étaler sur une période allant de la résolution par le Cameroun, les acteurs tels le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et ses nombreux partenaires actifs sur le terrain à se pencher sur la question de l'état civil des réfugiés. À ces données quantitatives seront étoffées majoritairement des données qualitatives issues d'une série d'entretiens conduits dans la zone d'étude. Ces entretiens seront tours à tours menés auprès des réfugiés parents, individuellement et collectivement par la méthode de focus group, qu'auprès des représentations des services décentralisés de l'Etat du Cameroun, des représentants des services du UNHCR impliqués sur le terrain. Le croisement des questionnaires et entretiens devrait nous permettre d'avoir accès à 100 acteurs cibles dont 50 issus de réfugiés parents repartis dans la localité de référence à savoir, l'arrondissement de Mandjou.

C'est pourquoi il nous semble pertinent de choisir la stratégie d'échantillonnage par cas unique. Celle-ci nous aidera à s'appuyer sur des acteurs susceptibles de nous fournir des informations pertinentes, conformément à notre recherche. Concrètement, la stratégie d'échantillonnage par cas unique nous permettra de mieux comprendre les stratégies déployées par les composantes choisies pour notre enquête, qui ne sont pas forcément représentatives mais caractéristiques de la population cible (Ibrahima Lo, 2013). De mieux observer et analyser

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comment chaque acteur s'étend en termes de stratégies et ruse pour atteindre les objectifs. Enfin les interactions et les ruses entre acteurs face à la crise.

c- Matériel

Dans le cadre de notre recherche, nous aurions eu besoin d'enregistreurs, lampe torche, une caisse pharmaceutique, des blocs notes et stylos et une moto adaptée à l'état de routes enclavées de la région. Mais sous influence des effets de la pandémie COVID-19, nous avons davantage privilégié des échanges par mails et appels téléphoniques et Facebook.

d- Analyse de données

Les théories qui nous permettront d'analyser nos informations sont l'analyse stratégique et

l'interactionnisme.

? L'analyse stratégique

La théorie d'analyse stratégique dont il est question ici est celle proposée par Michel Crozier et Erhard Friedberg. Selon les deux auteurs, l'analyse stratégique consiste à expliquer l'organisation ou l'action collective qui, dans notre cas est la synergie d'actions entre les services décentralisés de l'Etat du Cameroun et le UNHCR dans l'amélioration des conditions d'insertion à l'éducation des enfants réfugiés via l'accès à l'acte de naissance. Il s'agit d'une construction sociale et non un phénomène naturel (Michel Crozier et Erhard Friedberg, 1977 : 15). A l'intérieur de cette organisation, les acteurs usent de l'espace de liberté qui leur est réservé pour agir et conquérir des marges de manoeuvre. Aussi, « par ce concept central de stratégie, Crozier et Friedberg entendent souligner que le comportement de l'acteur dans l'organisation est un comportement actif, jamais totalement déterminé, sans que, cependant l'acteur ait des objectifs parfaitement clairs et constants » (Pierre Ansart, 1990 : 70.)

Une telle méthode d'analyse sied à notre étude parce qu'elle nous permettra d'identifier les principaux acteurs (les représentations des services décentralisés de l'Etat du Cameroun, l'équipe de gestion des actions du UNHCR sur le terrain, et les populations réfugiées) de même que les problèmes et les enjeux auxquels ils font face; d'analyser leurs marges de manoeuvre tout en tenant compte du contexte économique, politique, social, environnemental et culturel qui influence dans une certaine mesure les comportements des uns et des autres. Et

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d'examiner les stratégies développées par chaque acteur pour atteindre ses objectifs. Par ailleurs, il conviendra dans le cadre de notre travail d'étudier les interactions entre ces acteurs afin d'expliquer les résultats de l'action collective. D'où la nécessité de la théorie interactionniste.

? L'interactionnisme

L'interactionnisme est un courant de pensée qui a été développé à l'école de Chicago vers les années 1950. Il a été beaucoup plus développé par Erving Goffman qui considère les interactions comme des systèmes indépendants des individus qui les vivent. Selon Madeleine Grawitz, « on pourrait résumer les conclusions de la thèse de Goffman en disant que d'après ses observations, l'interaction en société implique un mélange de ruse pour se dissimuler aux yeux de l'autre et même pour le tromper et en même temps de respect pour lui, afin de maintenir la paix, ne pas créer d'incident et taire également ce que l'on devine qu'il dissimule » (Madeleine Grawitz, 2000, p.136). En outre W. Herpi déclare que « par interaction, on entend à peu près l'influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives lorsqu'ils sont en présence physique, immédiate, les uns les autres » (Madeleine Grawitz, 2000, p.137). De ce qui précède, il résulte que l'interactionnisme est l'étude des faits sociaux comme étant le fruit du comportement des individus en relation les uns avec les autres.

Dans le cadre de notre étude, il s'agira de constituer par le biais de l'interactionnisme une analyse des interactions entre acteurs sociaux relevant des cultures ou sous-cultures différentes. De procéder à l'inventaire des contraintes respectives auxquelles les uns et les autres sont soumis par un décryptage des dynamiques internes et externes de notre objectif de recherche.

G. Défis éthiques de la recherche

Il serait illusoire de prétendre que notre recherche n'entend point être en marge d'un ensemble de défis susceptibles d'influencer son contenu et ses objectifs. En effet la sensibilité de notre thématique nous consolide à une prise en compte du drame lié à un environnement propice à l'exposition de notre vie sur le plan sanitaire et psychologique, ainsi que celle des interviewés (Sriram et al., 2009 ; Ansoms, 2012). Un autre défi majeur auquel nous-nous préparons à faire face est celui de l'adversité des pouvoirs étatiques (Emery Mushagalusa M., 2013) qui ont fait de la situation d'accueil des réfugiés centrafricains un instrument pour

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redorer leur blason sur la scène internationale. Il est donc évident que l'accès à certaines informations va nécessiter autres ruses que la simple norme de l'interview. Ce qui pourrait avoir des conséquences sur la fiabilité des données.

Aussi, bien que nous soyons de nationalité camerounaise, il faudrait savoir que l'aire géographique de notre recherche n'est pas la nôtre sur le plan intra-ethnique et tribal. Ce qui peut limiter l'interaction entre les enquêtés et nous chercheur, fruit d'un double regard à savoir l'origine et le statut d'étudiant en Europe. Il va donc falloir s'approprier un ensemble de valeurs propres au terrain dans le but d'en faire partie, de mieux comprendre en décryptant les codes d'expressions propres au milieu et de gagner la confiance. Conscient des ombrages étatiques sur certains faits, notamment les faits susceptibles de nuire à sa réputation, il serait mieux de déployer une stratégie qui vise à protéger les interviewés au moins via l'anonymat de leurs identifiants. La pertinence de cette approche s'explique par la « théorie des réseaux et utilité dans la recherche en milieux dangereux » (Emery Mushagalusa M., 2013) car un des acquis que nous avons dans cette zone c'est la spécificité des liens d'amitiés et de camaraderies (Borgatti et Halgin, 2011) avec certains acteurs exerçant pour la cause. Surtout que l'idée de la théorie des réseaux en recherche de terrain accorde du crédit à la nature légale ou illégale des liens qui nouent les acteurs en présence (Granovetter, 1985). Il convient également d'étoffer la stratégie des réseaux par une stratégie de sécurité (Emery Mushagalusa M., 2013) car la confiance n'exclut pas la méfiance et « les dangers peuvent être gérés à travers la prévoyance, la planification et l'habilité du chercheur à manoeuvrer » (Sluka, 1995, p.277).

Il convient de souligner l'éventuelle obstacle à pouvoir extirper durant un entretien ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas au sujet de l'enquête dans les déclarations faites par l'enquêté. Ce qui connaitra probablement un souci sur la constitution des synthèses lors de la restitution. Pour en contourner, Olivier de Sardan propose d'emmener l'interlocuteur à se concentrer ou alors qu'on prenne simplement une pause (Olivier de Sardan, 1995).

Pour finir, il s'est ajouté contre toute attente, un autre défi majeur et planétaire lié à la pandémie du COVD-19. Ce défi qui impose la loi du confinement n'est pas sans conséquences sur la qualité et la faisabilité de notre recherche. Ayant constitué une raison de fermetures des frontières dans divers pays à l'instar du Cameroun et de la Belgique, la pandémie du COVID-19 nous impose une autre approche de travail détachée de toute proximité physique. Cependant, notre stratégie de contournement a porté à déléguer nos enquêtes de terrain à des amis et

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connaissances résidants au Cameroun et à échanger par téléphone et mails avec divers acteurs exerçant pour le compte du UNHCR et l'Etat du Cameroun. Par ailleurs, la consultation des sites et pages Facebook n'a pas été en reste.

H. Présentation et explications du plan de la recherche

Le présent travail est structuré autour de quatre principaux chapitres composés chacun de deux parties et quelques fois, de sous-parties.

Ainsi le premier chapitre est subdivisé en deux grandes parties. Il consiste à faire une présentation de la zone d'étude et consacre une brève explication des causes du déplacement des populations Centrafricaines. Ainsi, dans un premier temps, on mettra en exergue l'historique, les éléments géophysiques, humains et socioéconomiques de la région de l'Est-Cameroun. Puis, nous allons expliquer les causes internes et externes des crises centrafricaines, les raisons secondaires de départ des réfugiés vers le Cameroun.

Le chapitre deux voudrait faire en premier lieu une analyse basée sur la compréhension et la mise en exergue des trajectoires empruntées par les populations Centrafricaines pour se rendre au Cameroun. Ensuite, faire une brève analyse critique et juridique sur la détermination du statut de réfugié pour ces populations Centrafricaines, une fois arrivées au Cameroun.

Le chapitre trois voudrait faire une étude de cas sur les initiatives du UNHCR et le gouvernement camerounais en matière d'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés centrafricains dans l'Est-Cameroun. Cela se découlera bien évidemment d'une analyse et une interprétation des données de terrain.

Le chapitre quatre pour finir, voudrait s'appuyer sur les aspects susceptibles de réduire l'ef-ficacité et l'efficience des actions du Cameroun et de ses partenaires humanitaires. L'idée en toile de fond étant de proposer un ensemble d'éléments probablement utile pour l'atteinte des objectifs y afférents.

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II. CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION DE L'EST-CAMEROUN, ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES

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Le présent chapitre sera subdivisé en deux principales parties. La première est une présentation presque générale de la zone d'étude. Il s'agit concrètement de mettre en exergue l'historique, les éléments géophysiques, humains et socioéconomiques de la région de l'Est-Cameroun. Cet exercice a la pertinence de contribuer sur la compréhension des raisons directes et indirectes de la présence des réfugiés centrafricains dans cette partie du Cameroun.

La deuxième partie quant à elle fait une mise en perspective des causes internes et externes des crises centrafricaines. Elle y implique dans ce sillage les raisons secondaires de départ des réfugiés Centrafricains et les différentes trajectoires empruntées par ceux-ci dans leurs déplacements vers le Cameroun.

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III. PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE

Les divisions administratives sont nées au Cameroun à partir du décret 61/DF du 15 au 20 octobre 1961. Puis, la révision constitutionnelle du 2 juin 1972 a créé sept provinces qu'on appelait aussi districts. Avant l'indépendance du pays, ce qu'on pourrait appeler ancien Cameroun sous protectorat de la France comptait cinq provinces : la province de l'Ouest, la province du Littoral, la province de l'Est, la province du Nord et la province du Centre-sud.

Le nombre de ces provinces est passé au double le 22 août 1983 à la suite de la division de la province du Centre-Sud en province du centre et province du sud et celle du Nord en province de l'Extrême-Nord, province du Nord et province de l'Adamaoua.

Cependant en 2008, le président Paul Biya a changé par décret l'appellation des « provinces ». Dès lors, les provinces du Cameroun ont gardé leur nombre mais sont désormais appelées « régions ». Cela à la suite du décret N°2008/376 du 12 novembre 2008 portant organisation administrative de la République du Cameroun. C'est dans cette perspective que la province de l'Est est devenue région de l'Est. Parler ainsi de cette région revient ici à faire une présentation sommaire et brève (A) et beaucoup plus s'atteler dans la présentation de la ville de Mandjou-centre (B) qui constitue le point géographique défini dans le cadre de cette étude.

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A. La région de l'Est-Cameroun en bref.

Située dans le Sud-Est du pays, la région de l'Est est l'une des dix régions que compte le Cameroun. Son chef-lieu est Bertoua. Cette région a pour frontière dans le pays les régions du Sud, de l'Adamaoua et du Centre. Avec l'extérieur du territoire camerounais, la région de l'Est est limitrophe à la République Centrafricaine et à la République du Congo au Sud. En plus d'être la région du Cameroun la plus vaste, la région de l'Est est couverte de forêt de type équatoriale.

Appelée aussi région du soleil levant, la région de l'Est est une aire écologique dominée par les grands arbres. On y identifie près de 1500 essences végétales dont certaines sont entièrement ou partiellement protégées, ainsi que plus de 500 espèces animales qui peuplent surtout la réserve du Dja, déclarée Patrimoine Mondial de l'Humanité14. Ces atouts, nombreux et variés, prédisposent la région de l'Est à plusieurs formes de tourisme, notamment l'écotourisme, le tourisme cynégétique, le safari photo et l'aventure. La région de l'Est compte 5 à 6 aires protégées : le parc national de Deng, le parc national de la Lobéké, le parc national de Boumba Beck, le parc national de Nki et la réserve de biosphère du Dja, patrimoine mondial de l'UNESCO. Les parcs de la région de l'Est sont caractérisés par des clairières et des tours d'observation d'où on peut observer les animaux et les oiseaux tout en prenant des photos. Des images et prises de vue exceptionnelles s'offrent aux visiteurs dans les petites et grandes savanes notamment au parc national de Lobéké.

En plus de cela, la région de l'Est dispose une position géographique favorable aux échanges économiques. De même, son sol est fertile. Les activités agricoles et pastorales sont propices du fait de son milieu physique et son climat. L'élevage n'est pas en reste car essentiellement pratiqué dans sa partie nord notamment dans les départements de la Kadey et du Lom-et-Djerem, tandis que les départements de la Boumba-et-Ngoko et du Haut-Nyong restent des zones de grande production agricole (café, cacao, tabac), et surtout d'exploitation forestière15.

Bien que la région de l'Est-Cameroun recèle d'importantes potentialités, il faut paradoxalement noter que c'est l'une des régions du Cameroun qui accuse un important retard de

14 https://www.editions2015.com/cameroun/index.php/10-regions-formant-cameroun/region-de-lest/ consulté le 21 octobre 2019 à 18h14.

15 Pierre Kamdem, « Scolarisation et vulnérabilité : les enfants réfugiés centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun », Espace populations sociétés [Online], 2016/3 | 2017, Online since 31 January 2017, connection on 22 October 2019. URL : http://journals.openedition.org/eps/7019 ; DOI : 10.4000/eps.7019

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développement. « Cette situation est due à trois principaux maux dont souffre la région. D'abord le sous-peuplement : (...) l'Est reste la région ayant la plus faible densité malgré l'apport des immigrants (...). Ensuite la marginalité de la région en équipement modernes, ce qui a pour conséquence une difficile intégration des villages dans la vie moderne. Enfin la région est enclavée 16(...) ». Cet enclavement de la région a des répercussions sérieuses dans plusieurs aspects notamment l'enregistrement continu et permanent des caractéristiques de naissance au registre national de l'état civil.

Administrativement, la région de l'Est-Cameroun compte quatre départements à savoir la Boumba-et-Ngoko qui a pour chef-lieu Yokadouma ; le Haut-Nyong qui a pour chef-lieu Abong-Mbang; la kadey qui a pour chef-lieu Batouri et le Lom-et-Djérem qui a pour chef-lieu Bertoua.

La région de l'Est est peuplée, entre autres tribus, par les pygmées, premiers habitants de la région qui s'adonnent à la cueillette, au ramassage et à la chasse. Aimables et accueillants, ils ont su faire de leur environnement un cadre d'hospitalité visité par de nombreux touristes. En plus des pygmées, qui sont du groupe ethnique des Baka, la région de l'Est regorge d'autres groupes ethniques (conf. Photo1).

Carte1 : région de l'Est-Cameroun et ses différents groupes ethniques.

16 ANGO MENGUE Samson, La province de l'Est du Cameroun : étude de géographie humaine / Samson Ango Mengue ; Mémoire ou thèse (version d'origine) sous la dir. de François Bart Directeur de thèse, Université Bordeaux Montaigne. Organisme de soutenance Date(s) : 2004, http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=079021913&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341 720009-i-,SY,NLECTEUR-i-WEBOPC,D consulté le 21 octobre 2019 à 17h38.

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Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giondel%27Est(Cameroun)

A l'image du Cameroun tout entier, la région de l'Est fait une part belle d'une diversité en termes de groupes ethniques. Ces groupes ethniques vivent tous de l'agriculture traditionnelle et de la chasse. Ce sont d'ailleurs leurs principales activités économiques. Bien que l'extraction du bois de construction reste une éventualité, il faut reconnaitre que les contraintes légales et surtout l'enclavement de la région en générale la rendent peu plausible. A ces populations autochtones s'ajoutent d'autres populations venant du reste du pays et des pays voisins.

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B. La ville de Mandjou

La ville de Mandjou s'étend sur une superficie de 8500 km2. Désignée autrefois comme étant la commune de Bertoua rurale, Mandjou s'est vue décerner l'autonomie de sa commune en avril 2007. C'est alors une des communes rurales les plus jeunes du Cameroun. Mandjou est une commune qui s'étend sur 109 km du Nord au Sud et d'Est. Et sur 53 km de l'Est à l'Ouest. Pour davantage mieux appréhender la ville de Mandjou, il nous semble pertinent de faire une présentation de son cadre administratif (1), socio-économique (2) et Démographique.

1. Le cadre administratif, humain et physique de la ville de Mandjou

Comme l'ayant précédemment évoqué, c'est suite au Décret n°2007/115 du 23 avril 2007 portant création d'arrondissements au Cameroun que la ville de Mandjou est devenue un arrondissement. Cette ville d'arrondissement fait partie des six constituant le département du Lom-et-Djerem. A ce titre, elle a à sa tête administrative un Sous-préfet nommé par Décret présidentiel.

Cette ville est « un espace carrefour, bénéficiant d'une position géographique favorable pour les échanges économiques ». En plus, d'avoir à son sein divers villages et quartiers, la ville de Mandjou a la particularité d'être administrée à la fois par les interventions directes de l'Etat et des organisations internationales. En effet la présence des organisations internationales dans cette ville se justifie par l'argument que « les localités telles que Mandjou I, Mandjou II, Bazzama, Letta et Boulembé qui concentrent la plus grande partie de la population, sont aussi celles où on retrouve le plus grand nombre de réfugiés tantôt installés dans des groupements avec les autochtones et affichant ainsi une probante intégration spatiale, tantôt à proximité de ceux-ci sous forme d'une cohabitation pacifique17».

De ce qui précède, il est important de souligner que c'est à peu près depuis 2005 que se sont installées les populations réfugiés Centrafricaines dans la ville de Mandjou. Et leur prise en charge est effective grâce à l'UNHCR. Cependant si « les données collectées prouvent que ces

17 DAMME W. V. (1999), « Les réfugiés du Liberia et de Sierra Leone en Guinée forestière (1990-1996) » in V. Lassailly-Jacob, J.Y. Marchal, A. Quesnel (dir.), Déplacés et réfugiés La mobilité sous contraint, Paris, IRD éditions, pp. 343-381 Cité par Pierre Kamdem, « Scolarisation et vulnérabilité: les enfants réfugiés centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun », Espace populations sociétés [En ligne], 2016/3 | 2017, mis en ligne le 31 janvier 2017, consulté le 27 octobre 2019. URL : http://journals.openedition.org/eps/7019 ; DOI : 10.4000/eps.7019

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populations ont accès à l'éducation, aux soins de santé, aux infrastructures marchandes, hydrauliques et d'élevage », force est tout de même de constater que les aspects liés à l'enregistrement des naissances n'y figurent pas. Est-ce par leur non pertinence ? Serions-nous tentés de demander. La réponse nous sera donnée ultérieurement.

Parlant toujours des réfugiés Centrafricains dans cette localité, il est à noter que leur présence est également bénéfique pour l'administration des besoins sociaux dans la ville de Mandjou. En titre illustratif, la construction des « deux forages publics de la petite agglomération de Mandjou est un des nombreux dons de l'UNHCR. Par ailleurs des écoles, centres de santé offerts ou aménagés par Première Urgence (PU) et toujours le UNHCR ». C'est d'ailleurs ce que peuvent attester les cartes suivantes.

Cart2. Équipements en eau et salle de classe aux couleurs et logos du donateur, l'UNHCR

Source : Pierre Kamdem-2011.

Par ailleurs, avec à la fois un climat chaud et humide, la ville de Mandjou est arrosée de quatre saisons. Il s'agit en effet de deux saisons sèches et de deux saisons de pluies. Le réseau hydrographique ne comporte pas de grands cours d'eau. Il est constitué d'un ensemble de ruisseaux dont peu sont pérennes. Ils constituent d'importants affluents pour de grands cours d'eau (le Lom ou encore la Sanaga). Le couvert végétal étant constitué de savanes arborées, constitue une grande opportunité pour « les réfugiés qui arrivent de la RCA (car ces derniers) sont à majorité des Bororos qui pratiquent la transhumance. Ils se déplacent de manière

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constante vers des zones éloignées à la recherche des meilleures conditions pour le pâturage18 ». Cependant, cette instabilité constante des Bororos d'un lieu à l'autre « empêche alors les communes à leur faire parvenir les aliments qu'elles ont souvent octroyés à leur faveur 19». Serait-il aussi le cas pour l'établissement des actes de naissances des enfants ? Nous y répondrons ultérieurement.

2. Aperçu socio-économique

Selon des données municipales, la population de la ville de Mandjou serait évaluée à environ 50 000 habitants en 2012. Ces habitants sont inégalement répartis entre 25 villages et quartiers. Cette structuration territoriale entre villages et quartiers reflète sa trame mixte comprenant un centre urbain et un espace rural.

Tableau 1 : Villages composant la localité de Mandjou

Villages/ quartiers de la ville de Mandjou

Bindia , Mandjou I , Mandjou II , Kouba , Adinkol , Gounté , Moïnam , Boulembe , Daïguene , Mboulaye I , Ndembo (Axe GB) , Grand Mboula , Koubou , Letta , Ndoumbe , Ndanga Ndengue, Bazzama I, Bazzama II, Ndembo , Ngamboula , Ndemnam , Sambi , Ndong Mbome , Kandara , Toungou.

Source : Réalisé par nous-même sur base d'informations recueillies sur Wikipédia

La localité regroupe de nombreuses communautés dont les trois principales sont les Gbaya, les Kako et les Bororos. Un examen socio-économique de la ville de Mandjou fait état de ce que les profils y relatifs de ces différentes communautés sont distincts. L'essentiel de l'activité économique semble être détenu par les Bororos tandis que les Gbaya et les Kako exercent des activités agricoles, artisanales et occupent subsidiairement des fonctions administratives ou relevant du service public. Le commerce vivrier est le fait des femmes Gbaya. Compte tenu de la place centrale de l'économie via le commerce dans les rapports sociétaux, les personnes qui exercent dans ce secteur dans le cas d'espèce principalement les Bororos, bénéficient

18 GAMBO, Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à 2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua, Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014 in https://www.memoireonline.com/09/19/10887/Les-communes-des-borderlands-camerounais-face-aux-consequences-des-conflits-centrafricains-de-1960.html

19 Idem.

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d'excellents rapports avec les autorités. Ces rapports sont assimilés à du favoritisme par les Gbaya. Il s'agit là d'un élément important de l'antagonisme entre ces deux communautés. Il convient de noter néanmoins que ce problème semble mal posé ou du moins s'appuie sur des référents factuels faussés. En effet, l'activité économique semble globalement aux mains d'individus musulmans20. Ces derniers n'appartiennent pas tous au groupe Bororo. A ce niveau, l'économie ou plus précisément le marché du centre urbain de la ville de Mandjou devient également un lieu de déportation du conflit entre les deux groupes. En effet, les commerçants Bororos sont souvent accusés d'attitudes violentes vis-à-vis des femmes Gbaya, vendeuses de produits vivriers sur les marchés.

IV. ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES

Jadis appelé Oubangui-Chari, la République Centrafricaine (RCA) est un pays situé au coeur même de l'Afrique. C'est une ancienne colonie Française ayant obtenu son indépendance le 13 Aout 1960. Si dans la forme cette indépendance vaut à ce territoire le statut d'Etat, relevons néanmoins que dans le fond, il se cache un désir perpétuel de la France de continuer à gérer pour son propre compte la RCA.

Une des stratégies permanentes de la France pour obtenir ses fins consiste simplement à mettre en place des régimes politiques autoritaires susceptibles d'être à ses ordres en faisant pression contre tous les actes de résistances ou de désobéissances aux autorités. Conséquence directe, on assiste à la dissolution des parties politiques, des syndicats et d'autres associations incompatibles avec l'ordre public ; la censure des écrits subversifs et l'arrestation officielle des personnes jugées dangereuses pour le pays à l'instar de Abel GOUMBA21 ne sont pas en reste. Ces quelques pratiques illustrent en effet « la tradition d'insécurité que le pouvoir a toujours imposé à ceux qui pensent autrement 22» et donc « la faillite du modèle étatique postcolonial ». (Hugon ; 2006 :36). Ce qui plonge le pays dans les tensions permanentes.

20 MINFEGUE ASSOUGA Calvin, Le conflit entre Gbaya et Mbororo à Mandjou (Est Cameroun) Cameroun. Entre une autochtonie « virtuelle » et des revendications aux relents socio-économiques , juillet 2014 in http://www.irenees.net/bdffiche-analyse-1031fr.html?imprimer=1

21 https://fr.wikipedia.org/wiki/AbelGoumba consulté le 14 Octobre 2019 à 13h08.

22 MOTAZE AKAM, Sociologie de Jean-Marc ELA. Les voies du social, Paris, l'Harmattan, 2007, p.14.

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D'un bout comme dans l'autre, « Il ne faut pas être un expert en politique pour discerner que la cause première, évidente, de la crise dramatique que traverse la RCA depuis deux ans, n'est que le prolongement d'une crise permanente qui n'a fait que s'accentuer. C'est la crise de la mal-gouvernance, à vrai dire de la non-gouvernance23 ». Cette assertion de Jean-Arnold De Clermont expose clairement le déficit d'une bonne gestion de l'appareil étatique Centrafricain. C'est un Etat plongé dans une série de violences faites de répressions, de coups d'Etat, des rébellions. Ce qui fait croire à une certaine opinion qu'il s'agirait d'« un Etat fantôme, ayant perdu toute capacité institutionnelle significative, du moins depuis la chute de l'empereur Bokassa en 197924 ».

Encouragée de fait par l'Occident et principalement la France, la Centrafrique s'est presque toujours dissoute par la militarisation de sa politique et surtout l'ethnicisassions de pouvoir au fil des tutelles lors des périodes coloniales et néocoloniales. Ce qui crée de façon prépondérante une permanente instabilité dans tout le pays.

A plus de 50 ans d'indépendance, la RCA comme beaucoup d'autres pays d'Afrique subsaharienne n'est pas en marge des faiblesses institutionnelles. Mais avec la particularité des crises permanentes dans le pays. Les forces étrangères présentes n'arrivent pas à rétablir la paix surtout que la Centrafrique est plongée dans une « crise oubliée ». C'est d'ailleurs ce qu'affirme John Harris. Sans réserve, il pense que l'opinion internationale reste indifférente et la communauté internationale accorde peu d'importance à la crise centrafricaine.

A la suite de ce qui précède, il convient de mieux se pencher sur les facteurs explicatifs des crises centrafricaines en questionnant leurs sources qui sont à la fois internes et externes. Autrement dit, les sources des crises centrafricaines sont explicables à la fois dans des facteurs internes (A) et des facteurs externes (B).

A. Les causes internes des crises Centrafricaines

Pays d'Afrique centrale, la République centrafricaine est un pays en voie de développement. Géographiquement entouré du Cameroun à l'ouest, le Tchad au nord, le Soudan et le Soudan du Sud à l'est, la République démocratique du Congo et le Congo au sud, la Centrafrique est

23 De Clermont Jean-Arnold, « Surmonter la crise en Centrafrique », Études, 2015/2 (février), p. 7-17. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2015-2-page-7.htm

24 Crisis Group, République Centrafricaine : anatomie d'un Etat fantôme, n°13, février 2012, p.3.

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détentrice d'importantes ressources naturelles, à l'instar du diamant, de l'eau (il a un fort potentiel hydroélectrique), des forêts, de l'or et des minerais25. Mais tout ceci reste très mal ou peu exploité et ne profite guère à toute la population qui est estimée à 5 475 135 habitants en 2018. Plus alarmant encore, en Centrafrique pas moins de « 2,3 millions d'enfants sont touchés par le conflit. Près de 10 000 auraient été recrutés par des groupes armés (...) et plus de 430 d'entre eux sont tués et mutilés chaque année 26». Cependant d'où provient de façon endogène ce paradoxe lié aux instabilités sur un territoire hautement riche en ressources naturelles ?

En effet la RCA comme beaucoup d'autres pays d'Afrique subsaharienne n'échappe pas à « la faillite du modèle étatique postcolonial, à laquelle s'est ajoutée la dévalorisation de l'Etat par l'idéologie libérale, (qui) ont conduit à des fractionnements territoriaux et à une montée en puissance de factions s'appuyant sur des identités claniques, ethniques ou religieuses » (Hugon, 2006 :36). Cette pratique qui a de façon endogène entrainé le pays dans le gouffre se manifeste dans les faits par la logique où « chaque fois qu'il y a un changement de régime, on assiste à un mouvement de population dans les deux sens. Les anciens réfugiés retournent chez eux et les nouveaux arrivent de crainte d'être persécutés par les nouveaux maîtres des lieux » (Bigombe, 1999 : 234). Il va donc de soi que chaque fois qu'il y a un nouveau Chef d'Etat, celui-ci s'arrange à satisfaire d'abord ses intérêts égoïstes et ceux des siens. Orchestrant dans les faits et actes de décisions un regard contraire de la devise du pays. Ainsi, des concepts de « Unité-Dignité-Travail » constituant la devise Centrafricaine, on passe plutôt aux concepts de « Division-Indignité-Oisiveté ». Ce qui a pour effet direct un climat d'injustices, d'inégalité de chances et de frustrations chroniques depuis des décennies dans le pays.

La division remplace l'Unité en ce sens que les transitions de pouvoirs d'un leader à l'autre sont la résultante de coups d'Etat. Ce qui génère une haine tenace entre les peuples. Une parfaite illustration a été effective entre les tribus Kaba et celles Yokoma lors de la perte de pouvoir de André Kolinga. En effet le départ de Kolinga confirme l'arrivée au pouvoir de Ange Félix Patassé. Le premier étant originaire de la tribu Yokoma a tôt fait d'ériger les siens à tous les privilèges

25 https://www.populationdata.net/pays/republique-centrafricaine/ Consulté le 14/10/2019 à 16h25.

26 LOUBIERE Thomas, Le Monde, « Six clés pour comprendre le conflit en République Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points35265261693212.html.

du pays. Malheur les en ont pris avec l'arrivée au pouvoir de Ange Félix Patassé qui lui était originaire de la tribu Kaba. Et comme en RCA la République vient après la communauté, les partisans de Ange Félix Patassé en ont été érigés en détenteur de pouvoir et n'ont pas hésité à rendre aux Yokomas tous les abus subis durant le règne de André Kolinga. C'est dans ce sillage que l'on a aperçu les villages Yokomas se faire brûler ainsi que de nombreux massacres au sein des populations devenues ennemis putschistes. C'est ce qui est par ailleurs la principale cause de la fracture entre le Nord et le Sud Centrafricain27.

L'indignité quant à elle s'impose au détriment de la dignité humaine. En effet les crises centrafricaines ont la particularité d'imposer une arène où la vie humaine cesse d'avoir du sens. Le jeu des lois est régulé par les détenteurs du pouvoir. Mieux, ce sont les détenteurs de pouvoirs qui font la loi. Et comme la plupart du temps l'ascension au pouvoir est une dérivée de coups d'Etat, prester dans les services militaires devient un insigne de noblesse. Et même lorsqu'on est démocratiquement élu comme l'a été Ange Félix Patassé, la règle est la même. C'est ainsi par exemple que Ange Félix Patassé à son arrivée au pouvoir va prendre sur lui de garantir sa sécurité en remplaçant la milice de la garde présidentielle essentiellement constituée de Yokoma par les Kabas originaires du septentrion. Ce qui fera jaillir de nombreux abus de pouvoir et exactions sur les civils. On retient d'ailleurs de l'armée en RCA qu'elle « est à l'origine de beaucoup de massacres, de pillages, tortures, viols de la population civile28 ».

Par ailleurs, « l'emploi est un impératif pour l'ancrage de la cohésion sociale. Il constitue un facteur déterminant pour une paix durable. La pauvreté endémique, entretenue par le déficit de formation, le chômage et le sous-emploi, constitue un immense défi à relever », a dit le Président Touadéra29. « L'une des voies d'une paix durable en RCA, c'est celle d'avoir les moyens d'améliorer la productivité ainsi que la capacité de créer emplois et richesses. Pour la RCA, la bataille pour la promotion de l'emploi et du travail décent au service de la paix et de la résilience constitue un défi quotidien. En dépit des difficultés que traverse mon pays, je viens

27 Sophie ESCOFFIER, Emeline FERRIER Mia Marie OLSEN, Miranda SHUSTERMAN, Monika NORKUTE, Nature et formes de la violence, causes du conflit en République Centrafricaine, Grenoble, février 2014. http://www.irenees.net/bdf_fiche-bibliographie-25_fr.html

28 https://www.hrw.org/fr/report/2007/09/14/etat-danarchie/rebellions-et-exactions-contre-la-population-civile consulté le 21 octobre 2019 à 14h49.

29 https://news.un.org/fr/story/2018/06/1016161 RCA : l'emploi, un enjeu majeur de consolidation de la paix, déclare le Président Touadéra au Sommet de l'OIT. Consulté le 21 octobre 2019 à 15h07.

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ici vous dire notre détermination à surmonter les obstacles dressés sur le chemin de la paix », va-t-il conclure.

Ces déclarations du président Centrafricain au sommet de l'OIT traduisent parfaitement le malaise qui règne en RCA. En effet malgré un potentiel immense en ressources naturelles, le pays reste un des plus pauvres de la planète. Incapable de former sa jeunesse. Pire encore de trouver des emplois à celle-ci. C'est la débrouillardise et l'oisiveté qui accaparent la jeunesse dans sa majorité. Avec la faillite de l'Etat et la mal gouvernance, la Centrafrique est dans l'incapacité de déployer des politiques publiques susceptibles de garantir le bien-être de la population. En bref, en dehors de Bangui la capitale politique du pays, l'Etat est absent. Les jeunes sont ainsi livrés à eux-mêmes et constituent une proie facile pour l'enrôlement dans les groupes rebelles.

S'il n'y a pas de doute qu'« Il ne faut pas être un expert en politique pour discerner que la cause première, évidente, de la crise dramatique que traverse la RCA depuis deux ans, n'est que le prolongement d'une crise permanente qui n'a fait que s'accentuer. (Que) c'est la crise de la mal-gouvernance, à vrai dire de la non-gouvernance 30», il est également à noter que les influences de l'ancienne métropole qu'est la France et les pays voisins constituent un encrage très significatif.

B. Causes externes de la crise Centrafricaine

L'Etat Centrafricain n'est pas le seul responsable de ses diverses crises. Sans tourner autour du pot, la France est l'acteur indéniable qui agit sans scrupule dans la vie de l'Etat Centrafricain. En effet, en tant que ex-métropole, la France utilise la RCA comme une zone stratégique dans sa prédation industrielle en Afrique. D'ailleurs, la position géographique de la Centrafrique au centre du continent Africain lui vaut d'être pour la France un lieu stratégique révélant des objectifs traditionnels de la politique Française en Afrique. Aux ingérences françaises, s'ajoutent aussi les implications de certains pays voisins à l'instar du Soudan, du Tchad, de la RDC et du Congo. Ces pays sont les principaux pourvoyeurs de rebelles qui contribuent dans les champs d'opérations des divers coups d'Etats qu'a traversé la Centrafrique jusqu'ici.

30 DE CLERMONT Jean-Arnold, « Surmonter la crise en Centrafrique », Études, 2015/2 (février), p. 7-17. URL : https://www.cairn.info/revue-etudes-2015-2-page-7.htm

En effet, pour comprendre les influences extérieures des causes des différentes crises centrafricaines, il faut remonter dans le temps et l'histoire de ce pays. C'est dans ce sens qu'on retient que la RCA n'a toujours pas été un acquis facile pour la France mais, ses multiples résistances face à la colonie n'ont presque jamais été un succès. Barthélémy Boganda, homme d'église Centrafricaine est une figure phare du combat contre le colonat français. Mais pour un bref temps car, le 29 mars 1959, il est mystérieusement décédé suite à un accident d'avion31. Depuis lors, la RCA n'a plus connu de dirigeants capables de faire une opposition d'idées avec la France. Par la suite, principalement lors de l'obtention de l'indépendance du pays, il est succédé par David Dacko, son cousin. Le règne de Dacko ne va pas faire long feu car, il est renversé par le « putsch de la Saint-Sylvestre » au bénéfice d'un autre cousin éloigné, le colonel Jean-Bedel Bokassa.

Toutefois, David Dacko va revenir au pouvoir en 1979 grâce à la volonté française. « David Dacko, fortement marqué par une illégitimité permanente et accusé d'usurpation par ses ennemies, a vraisemblablement approuvé le « putsch par consentement mutuel » du 1er septembre 1981 à travers lequel le général André Kolinga prend les rênes du pouvoir 32».

Ces expériences de transitions politiques en RCA sont en effet inscrites comme des normes dans la vie politique de ce pays. Et ce ne sont pas les dirigeants Centrafricains à l'instar de Ange Félix Patassé, François Bozizé, ex-chef d'état-major des FACA, à la tête d'une coalition rebelle appelée « les Libérateurs » ; ou encore Michel Am Nondroko Djotodja, chef de la Séléka, curieuse rébellion qui font exception du « drame humanitaire et humain dont la saignée semble apaisée avec l'investiture de Faustin Archange Touadéra, intervenue le 30 mars 2016 33».

A ces implications françaises, s'étoffent les implications de certains Etats voisins dans les causes et l'entretien des crises Centrafricaines. Dans la liste desdits Etats, le Tchad y joue un rôle moteur. En effet, la prise de pouvoir par François Bozizé en 200334, l'a été grâce au soutien de

31 Tamekamta A. Z., « Centrafrique : pourquoi en est-on arrivé là et quelle paix au-delà de Djotodjia et de la MISCA ? », Note d'Analyses Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014, consultable sur http://www.thinkingafrica.org/V2/wpcontent/uploads/2014/01/TANAP14-centrafrique.pdf

32 Idem.

33 TAMEKAMTA, Alphonse Zozime, « Le Cameroun face aux réfugiés centrafricains: Comprendre la crise migratoire et les résiliences subséquentes », Note d'analyses Sociopolitiques, n°01, 01 avril 2018, CARPADD, Montréal. URL : https://www.carpadd.com/publications/note-danalyses-sociopo/

34 TAMEKAMTA Alphonse Zozime, « Gouvernance, rebellions armées et déficit sécuritaire en RCA: Comprendre les crises centrafricaines (2003-2013) », Notes d'analyses du GRIP (Bruxelles), 22 février 2013, consultable sur http/ www.grip.org/fr/node/821.

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N'Djamena. Dans le même sillage, la Séléka a bénéficié du soutien militaire du Tchad en mars 2013. Le second rôle est joué par des groupes rebelles pluriels qui écument les périphéries territoriales du Soudan et de la RDC35. Massivement recrutés depuis une décennie, ceux-ci, plus aguerris, composent les principales fractions combattantes et tirent le meilleur profit de l'exploitation illicite des richesses du pays36 (diamants, or, bois, espèces animales protégées etc.). Les soupçons de présence des gisements de pétrole à Gordil et Boromata, localités frontalières du Tchad et du Soudan, berceau de la rébellion Séléka, dont la prospection est assurée par la China National Petroleum Corporation (CNPC), constitue un indicateur non négligeable des alliances officieuses qui se nouent en RCA37.

De ce qui précède, il se dégage un mal-être au sein des populations civiles. Principales victimes des intérêts étrangers et de certains acteurs politiques locaux. Face à cela, le recours aux déplacements forcés reste une option très sollicitée du fait qu'elle est susceptible de mieux garantir la vie. Et une des diverses destinations approuvées par les populations civiles Centrafricaines est le Cameroun. Pays dont ils s'emploient à rejoindre par l'emprunt de nombreuses trajectoires afin de bénéficier d'un statut de réfugiés.

35 TAMEKAMTA Alphonse Zozime., « Centrafrique: pourquoi en est-on arrivé là et quelle paix au-delà de Djotodjia et de la MISCA ? », Note d'Analyses Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014, consultable sur http://www.thinkingafrica.org/V2/wpcontent/uploads/2014/01/TANAP14-centrafrique.pdf

36 Selon http://terangaweb. com/la-centrafrique-face-a-la-malediction-du-diamant 311 784 carats exportés en 2009

37 http://www.humanite.fr/monde/republique-centrafricaine-les-enjeux-petroliers-d-555172. Consulté le 06/11/2019 à 17h07.

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V. CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN ET DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS

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Comme précédemment évoquées, les crises centrafricaines ont entrainé le non-respect des droits de l'homme et sont une des principales raisons ayant poussé les populations centrafricaines à quitter le pays pour se réfugier au Cameroun. C'est dire que la raison fondamentale de leur déplacement est la quête de paix et de sécurité. C'est une catégorie de personnes qui incarnent une vulnérabilité sociale. Leurs enjeux premiers sont portés vers une quête de mieux être. Ce sont des familles en déplacement pour une espérance.

Dans ces dynamiques Centrafricaines pour le Cameroun, beaucoup d'enfants y sont et font face aux trajectoires de déplacement empruntés (I). D'aucuns avec leurs parents et d'autres pas. Lorsque les réfugiés centrafricains réussissent l'exploit de traverser la porosité des frontières, il faut également qu'ils puissent jouir de reconnaissance au Cameroun afin de bénéficier du statut de réfugiés (II).

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VI. LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES REFUGIÉS CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN

Les populations Centrafricaines en générale et particulièrement celles du Nord sont la principale cible d'exactions des sudistes depuis l'indépendance du pays. Cet état de faits est souvent soutenu par les différents leaders politiques s'étant déjà succédés au pouvoir. Ainsi, en quête d'un mieux-être, ces populations traversent la frontière camerounaise pendant les conflits pour atteindre les régions de l'Est, de l'Adamaoua et du Nord Cameroun.

Pour concrétiser leurs déplacements vers le Cameroun, les réfugiés souvent en bloc de familles pour certains, font recours à divers moyens de déplacements. Bien évidemment, conformément aux capacités financières et relationnelles de chacun. En plus des capacités financières, la distance à parcourir pour atteindre le Cameroun est également une raison importante.

C'est dans ce sillage que certains Centrafricains peuvent se donner le prestige d'atteindre le Cameroun par avions. Mais cette catégorie de réfugiés Centrafricains se déplacent vers le Cameroun pour la protection de leurs avoirs. Et, souvent, choisit où résider. La plupart d'entre-elle, vit dans les grandes agglomérations. Leurs enfants, bien que réfugiés, n'expérimentent pas les mêmes difficultés que d'autres. Du coup, pour notre étude, cette catégorie de réfugiés de nous n'intéressera pas. Surtout que dans une certaine classification, on pourrait les assimiler à des « migrants forcés ». La spécificité des « migrants forcés » est qu'ils « fuient la violence menaçant leur sécurité ou bien quittent un environnement dont les ressources ne sont plus suffisantes pour assurer leur survie : leur mouvement est une migration dans le sens où ils gardent une certaine capacité d'initiative aussi réduite soit- elle 38».

D'autres Centrafricains par contre, et en majorité, qu'on assimilerait à des « déplacés » migrent vers le Cameroun en camions militaires, cars de transport et même souvent à pieds. Ce périple très triste est largement contraire de celui dédié aux « migrants forcés » dont la mobilité forcée fait référence à un mouvement dont ils ont « un choix aussi faible soit-il quant au temps du départ, - même s'il y a nécessité quasi absolue de partir - et à la destination, les déplacés

38 Véronique Lassailly-Jacob, Migrants malgré eux, Une proposition de typologie, in

https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers4/010017907.pdf consulté le 28/12/2019 à 20h24.

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subissent un déplacement sous la pression d'une contrainte implacable sur laquelle ils n'ont aucune prise 39».

En réalité, les Centrafricains « pauvres » fuyant les multiples conflits ayant considérablement dégradé la situation sécuritaire du pays, n'ont souvent pas assez de choix face au moyen de transport qui s'offrent à eux. C'est ainsi que certains ayant dans leurs rangs femmes et enfants, parcourent à pieds et de façon stratégique dans la nuit afin d'éviter une quelconque rencontre avec leurs protagonistes40. Lesdits protagonistes qui n'ont pour sacro principe le non-respect des droits de l'Homme car, vecteurs de « violence physique (coups, tortures etc.), violences et crimes sexuels, prélèvement illégal des taxes, disparitions forcées, détentions arbitraires, confiscation et pillage des biens privés, enrôlement des enfants par les milices, etc41. »

L'objectif principal des victimes dans cette perspective est de traverser la frontière, et se mettre à l'abris. Mais quoi qu'il en soit,

« les trajectoires migratoires des Centrafricains traduisent, dans une certaine mesure traduisent l'aisance matérielle de certains acteurs individuels (dignitaires et autres affidés au régime) à réagir promptement face au péril grave. Mais aussi, la détermination et l'empressement collectif (pauvres et riches) à trouver un abri par craintes avec raison d'être persécutés 42».

L'abris dont il est question dans ce cas se trouve au Cameroun. Pays situé dans une zone marquée le plus souvent par des conflits (multiples conflits tchadiens, dictature en Guinée

39 Véronique Lassailly-Jacob, Migrants malgré eux, Une proposition de typologie, in

https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleinstextes/divers4/010017907.pdf consulté le 28/12/2019 à 20h24.

40 Informations obtenues auprès d'un parent réfugié Centrafricain lors des enquêtes.

41 https://www.carpadd.com/le-cameroun-face-aux-refugies-centrafricains-comprendre-la-crise-migratoire-et-les-resiliences-subsequentes/ Consulté le 28/11/2019 à 11h33.

42 Gabriel PELLO, Migration transfrontalière et droits économiques et sociaux, Une lecture des prémices d'un conflit entre migrants et populations locales dans la ville de Bertoua, 2015, http://www.irenees.net/bdffiche-analyse-1088fr.html

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Équatoriale, guerre du Biafra au Nigeria, conflits centrafricains), et qui traverse également certaines turbulences. Malgré ces turbulences, les frontières camerounaises sont toujours restées ouvertes aux différentes populations en détresse, qu'il s'agisse de Nigérians, Équato-guinéens, Tchadiens, Rwandais, Congolais, ou autres. Ainsi, sa population réfugiée n'a cessé d'augmenter. Elle est estimée en 2010 à environ 100 000 personnes, dont 14 000 réfugiés et demandeurs d'asile résidant dans des zones urbaines, et 80 900 Centrafricains vivants dans les régions de l'Adamaoua et de l'Est [UNHCR, 201143].

43 Cité par Pierre Kamdem, « Scolarisation et vulnérabilité : les enfants réfugiés centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun », Espace populations sociétés [En ligne], 2016/3 | 2017, mis en ligne le 31 janvier 2017, consulté le 29 novembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/eps/7019 ; DOI : 10.4000/eps.7019

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Source : Pierre KAMDEM, Matthieu LEE, Université de Poitiers, 2016.

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Sur la carte ci-dessus, on observe clairement les flux des réfugiés Centrafricains. Ceux-ci démontrent par leur traversée facile de la frontière qu'en réalité, celle-ci (frontière) n'a aucun effet. Plus encore, les choix des réfugiés Centrafricains sur les destinations de la région de l'Est et de l'Adamaoua, principalement Bertoua et Garoua-Boulai tiennent de ce que dans ces parties du Cameroun, on trouve des groupes ethniques existant à la fois aussi en RCA. Ainsi, bien que partant d'un pays étranger, les Centrafricains se rendent vers où leurs us et coutumes y sont majoritairement partagés. C'est également ce qui justifie une présence accrue des réfugiés Centrafricains vivant hors camps. Mais encore faudrait-il se conformer à la réglementation car, l'octroi de cette qualité et de statut répond à un certain nombre de lois et organes habilités.

II. LE STATUT DES REFUGIÉS

Il est important de souligner d'entrée de jeu que le présent travail n'a pas pour dimension épistémologique première le droit. Cependant, certaines parties peuvent exiger la mise en exergue de quelques tournures juridiques. Cela étant dit, commençons par souligner que selon la Convention de Genève de 1951, principal outil de référence juridique de ce travail, un réfugié est une personne qui craint avec raison d'être persécutée pour une ou plusieurs des cinq raisons suivantes : la religion, la race, la nationalité, l'appartenance à un certain groupe social et les opinions politiques.

Mais avec le temps et à cause de nouvelles réalités observées autour du droit à l'asile, et certainement avec la vétusté de cette convention, il y a lieu de constater que l'analyse de Barbara Grainger sur ladite convention, publiée par ailleurs dans un dossier en 1985 par les Nations-Unies44 et dont la toile de fond vise à prouver que les principales caractéristiques de cette convention sont de plus en plus dans l'incapacité de répondre aux exigences actuelles a porté des fruits. Bien évidemment par des instruments juridiques à caractère régional. C'est dans ce sillage qu'émerge la Convention de l'OUA de 1969, applicable dans l'espace Africain. Cette Convention de l'OUA apporte une précision nouvelle en définissant le réfugié comme « toute personne obligée de fuir son pays pour échapper à une situation d'agression extérieure,

44 Nations-Unies et les réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22, octobre 1985, pp.19-32.

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d'occupation, de domination étrangère ou d'évènements perturbant gravement en partie ou entièrement le pays 45».

Une fois cette double acception de la notion de réfugié est rappelée, la question fondamentale qui se pose dans le cadre de cette présente partie vise à savoir par quel mécanisme l'Etat du Cameroun peut de façon objective déterminer que les Centrafricains présents à l'Est du Cameroun remplissent les critères voués au statut de réfugiés ? Lequel statut conférant conformément dans son contenu le droit aux enfants réfugiés de pouvoir obtenir du Cameroun des actes de naissances. La réponse à cette question implique que l'on analyse le cadre législatif (A) qui a permis la mise sur pieds de diverses structures chargées de leur mise en oeuvre (B).

A. Le cadre législatif de la déclaration du statut de réfugié au Cameroun (DSRC)

En sa qualité de pays ayant ratifié la Convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés, le Cameroun avec sa relative stabilité dans une zone de turbulence, a très tôt pris conscience de l'importance à garder sur son territoire les personnes en quête de refuge. C'est dans ce sillage qu'il s'est doté en plus des conventions internationales, une pluralité de normes nationales.

- Loi n°2005-6 du 27 juillet portant statut des réfugiés au Cameroun

Avant l'adoption de cette loi, le Cameroun a accueilli des réfugiés sur son territoire. C'est dire en effet la lenteur qui caractérise le processus judiciaire en matière de statut de réfugié au Cameroun. Est-ce par méfiance des exigences en termes d'obligations des pays d'accueils sur les réfugiés que depuis tout ce temps le Cameroun n'avait vraiment pas une loi nationale portant sur le statut de réfugié ? Nous ne saurons pour l'instant répondre. Mais, la principale source de droit applicable en matière de protection des réfugiés au plan national est une loi adoptée en 2005.

A sa lecture sommaire, nous constatons que le Cameroun s'inscrit dans la matière en affirmant son accord aux valeurs mises en exergue par la Convention de Genève de 1951 et celle de l'OUA de 1969 en matière de protection des réfugiés. En rattachant la lecture à notre thématique de

45 https://www.unhcr.org/fr/excom/scip/4b30a585e/personnes-couvertes-convention-loua-regissant-aspects-propres-problemes.html

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recherche, il est clairement dit dans cette loi et précisément dans l'Article 13 : (1) Toute personne reconnue comme réfugiée reçoit une carte de réfugié dont la durée de validité et les modalités de renouvellement sont fixées par décret. (2) Les réfugiés ont droit, en outre, à l'établissement du titre de voyage prévu à l'article 28 de la Convention de 1951 ainsi qu'à toute autre pièce nécessaire soit à l'accomplissement de divers actes de la vie civile, soit à l'application de la législation ».

De ce qui précède, le droit à des documents constitue alors un principe fondamental. Le Cameroun n'en fait pas exception et se l'impose comme loi dont l'objectif est de permettre aux réfugiés de jouir des droits comme ceux liés à la délivrance des autorisations de titres de séjours, les actes d'état-cil et autres titres de voyages.

Cependant, certains doutes planent sur le caractère plus centré de ladite lois et exigent un certain desserrement, notamment de la Commission d'Eligibilité au Statut de Réfugié (CESR). En effet selon la loi, « c'est l'organe qui est seul compétent pour admettre une personne demandeur d'asile au statut de réfugié. Mais il serait judicieux de créer au moins des délégations régionales de la CESR, car les autorités chargées d'entendre les réfugiés à leur arrivée (étant des personnels de diverses administrations) auront tendance à reléguer ces préoccupations au second plan 46».

- Décret n°2011/389 du 28 novembre 2011 portant organisation et fonctionnement des organes de gestion du statut des réfugiés au Cameroun

Il s'agit ici du texte qui permet l'application sur le terrain de la loi de 2005 relative au statut de réfugié, précédemment évoquée. Ce décret est « le fruit d'un plaidoyer de longue haleine porté

46 BOUBAKARI OUMAROU, La protection des réfugiés au Cameroun, Editions Connaissances et Savoirs, 194 Avenue du Président Wilson-93260 Saint-Denis, 2018 https://books.google.be/books?id=r7xtDwAAQBAJ&pg=PA213&lpg=PA213&dq=-%09D%C3%A9cret+n%%B02011/389+du+28+novembre+2011+portant+organisation+et+fonctionnement+de s+organes+de+gestion+du+statut+des+r%C3%A9fugi%C3%A9s+au+Cameroun&source=bl&ots=JXqHUYv715&si g=ACfU3U0fiqH-xGHqkc9rWcl7LKwfeAaqg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjo25-y3MHmAhWbgVwKHbPnA8cQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage&q=-%09D%C3%A9cret%20n%%B02011%2F389%20du%2028%20novembre%202011%20portant%20organisation %20et%20fonctionnement%20des%20organes%20de%20gestion%20du%20statut%20des%20r%C3%A9fugi%C 3%A9s%20au%20Cameroun&f=false

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par le HCR car, il est venu rendre applicable la loi adoptée 6 ans plus tôt. C'est en effet à travers ce texte qu'a véritablement été mis en place le système national d'asile au Cameroun 47».

A la lecture du présent texte, on perçoit sans véritablement être juriste qu'il parle de l'asile au Cameroun par l'articulation de deux principaux organes dont il précise préalablement l'organisation et le fonctionnement. Après, s'attèle à fixer les procédures. Cependant si ce décret met en exergue de façon théorique le point de départ des activités des organes de gestion de l'asile au Cameroun, il restait tout de même quelques manquements sur le plan pratique. Parlant de ces manquements, il s'agit de « la nomination des membres des 2 commissions ainsi que la structuration du secrétariat technique. Une fois ces préalables mis en place, un autre blocage a été relevé : la nécessité d'organiser formellement le transfert des activités du HCR vers le nouveau système national. Ce n'est qu'en 2016 que cette condition a été remplie 48».

- Protocole de transfert des activités relatives à la détermination du statut de réfugié du

1er août 2016.

Il est important ici de relever qu'avant ce protocole, la détermination du statut de réfugié était la seule initiative du UNHCR. La signature du protocole de transfert des activités ayant eu lieu le 1er août 2016 entre le Cameroun, représenté par le Ministère des relations extérieures et la Représentation du HCR au Cameroun a ainsi permis de matérialiser des longs échanges entre les deux entités.

47 Idem.

48 BOUBAKARI OUMAROU, La protection des réfugiés au Cameroun, Editions Connaissances et Savoirs, 194 Avenue du Président Wilson-93260 Saint-Denis, 2018 https://books.google.be/books?id=r7xtDwAAQBAJ&pg=PA213&lpg=PA213&dq=-%09D%C3%A9cret+n%%B02011/389+du+28+novembre+2011+portant+organisation+et+fonctionnement+de s+organes+de+gestion+du+statut+des+r%C3%A9fugi%C3%A9s+au+Cameroun&source=bl&ots=JXqHUYv715&si g=ACfU3U0fiqH-xGHqkc9rWcl7LKwfeAaqg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjo25-y3MHmAhWbgVwKHbPnA8cQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage&q=-%09D%C3%A9cret%20n%%B02011%2F389%20du%2028%20novembre%202011%20portant%20organisation %20et%20fonctionnement%20des%20organes%20de%20gestion%20du%20statut%20des%20r%C3%A9fugi%C 3%A9s%20au%20Cameroun&f=false

43

B. Les structures chargées de la mise en oeuvre de la DSRC

Dans le cadre de la gestion des demandes d'asile au Cameroun, la loi de 2005 précédemment évoquée met en évidence deux principaux organes. Il s'agit clairement de la commission d'éligibilité et la commission de recours.

Parlant de la commission d'éligibilité, il faut noter qu'il s'agit en effet de l'organe habilité à gérer les demandes d'asile en première instance. Comme dans la plupart des structures publiques au Cameroun, la commission d'éligibilité est composée de divers fonctionnaires relevant de plusieurs départements ministériels. Leur mission étant d'étudier les demandes d'asile afin d'apposer des décisions conformément à la procédure. Sauf que sur le plan vraiment opérationnel, beaucoup parmi ces fonctionnaires font montre de beaucoup de lacunes et d'incompétences. C'est du moins ce que BOUBAKARI OUMAROU relève et invite d'urgence à un renforcement des capacités des acteurs49.

Quant à la commission de recours, il s'agit dans le cas d'espèce de l'instance habilité à juger et à analyser au niveau supérieur, les demandes d'asile au Cameroun. A l'image de la commission d'éligibilité, elle est aussi constituée des fonctionnaires relevant de divers ministères Camerounais.

La particularité et/ ou la complexité de la commission d'éligibilité et de la commission de recours se structure au niveau de leur localisation. Comme nous l'avons relevé précédemment, ces deux commissions sont nationales et donc non représentatives de façon directe sur le terrain des opérations. Pourtant, ce sont-elles qui confèrent le statut de réfugiés. C'est lorsqu'on a ce statut que l'on bénéficie de l'aide étatique. Mieux encore, dans le cadre de notre recherche, c'est lorsque les commissions d'éligibilité et de recours situées à Yaoundé, capitale des institutions camerounaises accordent le statut de réfugiés aux Centrafricains déplacés de leur pays pour la région de l'Est-Cameroun que les enfants de ces derniers peuvent se faire établir des actes de naissances. C'est le préalable à tout I

Sur un plan pratique, la loi de 2005 sur le statut de réfugié a indiqué la présence d'un secrétariat technique. Celui-ci est composé à son tour des agents et fonctionnaires de différents ministères. Contrairement aux commissions, le secrétariat technique est en contact direct avec

49 BOUBAKARI OUMAROU, Op Cit.

44

les demandeurs d'asile. Leur mission sur le terrain des opérations est structurée autour de la notification des décisions rendues par les deux commissions nationales basées à Yaoundé. Cela se matérialise bien évidemment après qu'il (secrétariat technique) ait réceptionné et enregistré les demandes d'asiles pour transmission aux deux commissions.

A la suite de ces analyses ayant porté sur la compréhension des emprunts de ralliement des populations réfugiées Centrafricaines avec les terres Camerounaises afin d'avoir une reconnaissance juridique et statutaire, notre travail se poursuit dans le cadre d'un examen plus accentué de terrain. Avec pour finalité de cerner ce qui est fait sur le terrain au profit des populations réfugiées Centrafricaines en générale mais de façon spécifiques sur les enfants dans le cadre de leur permettre un accès des actes de naissances.

45

III. CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET MISES EN OEUVRE PAR LE CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN D'ASSURER L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS A MANDJOU

46

Après les deux premiers chapitres de ce travail de recherche qui ont consisté à avoir une compréhension globale des contextes à la fois historique, sociopolitique et même juridique, le présent chapitre s'inscrit dans une logique davantage plus spécifique à notre problématique de recherche. Il s'agit donc d'une complémentarité de faits.

Cependant, il convient avant toute chose de situer la crise Centrafricaine et les implications qui s'y trouvent dans le sillage d'une crise particulière. Particulière dans la mesure où, elle fait partie des crises humanitaires mondiales qui ont sombrées dans l'oubli. A en croire Liz Kpam Ahua50, « ...les fonds étaient redirigés vers d'autres crises d'envergure au sein de la région au détriment des réfugiés et citoyens de la RCA, alors accablés par une guerre civile pratiquement ininterrompue51... ».

Malgré ce handicap financier, l'Etat du Cameroun et l'UNCHR ont entrepris diverses initiatives afin d'apporter du réconfort aux réfugiés centrafricains, présents dans plusieurs régions du Cameroun. Bien évidemment, comme nous a laissé entendre Madame la Coordonnatrice régionale, « les initiatives en faveurs des réfugiés se sont inscrites dans une perspective visant à hiérarchiser leurs besoins afin de maitriser leurs flots constants ».

Conforme à notre problématique, nous allons dans le cadre des besoins exprimés ou souhaités et importants pour les réfugiés centrafricains, relever celles qui sont vouées à assurer l'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés centrafricains. Pour ce faire, nous allons structurer le présent chapitre en deux principales parties.

La première va consister à mener une analyse sur le cadre d'intervention de l'Etat du Cameroun et du UNHCR dans le processus d'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés Centrafricains à Mandjou. Le contenu visant à authentifier si dans les faits d'interventions humanitaires sur le terrain, la composante liée à l'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés Centrafricains est véritablement prise en compte.

La seconde partie quant à elle va être une occasion d'établir d'abord des justificatifs de la pertinence des objectifs visés par ces interventions humanitaires dans la ville de Mandjou, tant sur le plan national qu'international. Ensuite, présenter de façon analytique les outils et

50 Coordinatrice régionale pour la situation des réfugiés centrafricains et Représentante régionale du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en Afrique de l'Ouest.

51 Information obtenue lors de l'enquête.

47

stratégies déployés par les pouvoirs publics et le UNHCR en faveur de l'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou.

IV. LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET DU UNHCR DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE

NAISSANCES AUX ENFANTS RÉFUGIÉS CENTRAFRICAINS À MANDJOU.

Avant de poursuivre l'analyse et la mise en exergue du cadre d'intervention de l'Etat du Cameroun et ses partenaires humanitaires dans le processus d'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés, il nous est important de relever d'abord un doute. Le doute en effet consiste sur base des informations recueillis si réellement parmi les interventions privilégiées dans le dispositif humanitaire, il y'a un point mis sur les actes de naissances (A). C'est à la suite de cette levée de doute que nous allons analyser la pertinence et l'efficacité des actions déployées de façon concrète (B).

A. L'établissement des actes des naissances pour les enfants réfugiés : un dispositif humanitaire privilégié par l'Etat du Cameroun et le UNHCR dans la ville de Mandjou ?

Avant d'apporter une réponse à ce questionnement, il est important de justifier sa pertinence. C'est dans cette mouvance que conformément au protocole de 1967, nous avons précédemment défini le réfugié comme une personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements. » En clair, il s'agit d'une personne vulnérable dont le sort dépend désormais de l'assistance que va lui apporter son pays d'accueil.

Cependant dans un pays comme le Cameroun et précisément dans une région comme celle de l'Est, il y'a lieu tout au moins, de s'interroger sur les priorités et les capacités du système de prise en charge. D'autant plus que cette partie du pays elle-même n'est pas à l'abris de la vulnérabilité. Car, confrontée par « ...le sous-peuplement : (...) l'Est reste la région ayant la plus faible densité malgré l'apport des immigrants (...). Ensuite la marginalité de la région en équipement modernes, ce qui a pour conséquence une difficile intégration des villages dans la

48

vie moderne. Enfin la région est enclavée 52(...) ». Cet enclavement de la région a des répercussions sérieuses dans plusieurs aspects notamment l'enregistrement continu et permanent des caractéristiques de naissance au registre national de l'état civil.

Bien plus, selon l'enquête par grappe à indicateurs multiples (MICS) qu'avait réalisé l'Institut National de la Statistique (INS) en 2014 au Cameroun, la région de l'Est-Cameroun s'illustre avec un taux de 58% d'enfants de 0 à 5 ans non déclarés à l'état civil53.

Voulant comprendre un peu plus ce fléau, nous avons contacté par téléphone un agent en service au Bureau National de l'Etat Civil (BUNEC) au Cameroun, afin qu'il nous informe des raisons structurelles qui pourraient de façon susceptible causer cette impasse. Sans vouloir que nous déclinions son identité, il a catégoriquement dit que « parmi les principales barrières qui se dressent sur le cheminent de l'état civil au Cameroun, il y'a la non implication de l'Etat, pour faire de l'enregistrement des naissances un droit fondamental humain pour toutes les couches sociales 54». De prime à bord, cette réponse nous a rendu assez perplexe et bien évidemment, nous l'avons demandé de développer davantage. C'est dans ce sillage que poursuivant son raisonnement, il dit : « prenons une zone comme l'Est et particulièrement Mandjou où vous menez vos recherches. Ce sont des zones rurales. Savez-vous que la loi fait des officiers et secrétaires des centres d'état civil des mendiants ? (Il poursuit :) Conformément à l'ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et complétée par la loi n°2011/011 du 06 mai 2011, dans son article 11, alinéa 4, les fonctions d'officiers et de secrétaires d'état civil sont gratuites. Dans ce genre de contexte, qui aura du temps à perdre 55? »

C'est fort de ces observations alarmantes que nous avons trouvé bon avant de poursuivre cette recherche d'aller à la source des acteurs sur le terrain afin de s'acquérir de la prise en compte ou pas d'une intervention de l'Etat du Cameroun et le UNHCR en faveur de l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés centrafricains présents dans la ville de Mandjou dans la région de l'Est-Cameroun.

52 ANGO MENGUE Samson, La province de l'Est du Cameroun : étude de géographie humaine / Samson Ango Mengue ; Mémoire ou thèse (version d'origine) sous la dir. de François Bart Directeur de thèse, Université Bordeaux Montaigne. Organisme de soutenance Date(s) : 2004, http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=079021913&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341 720009-i-,SY,NLECTEUR-i-WEBOPC,D consulté le 21 octobre 2019 à 17h38.

53 https://www.afrique-54.com/2019/12/27/exclusif-interview-dabdoulaye-adjiali-boukar-sur-letat-civil-au-cameroun/

54 Entretiens réalisés par téléphone avec un agent du BUNEC du Cameroun.

55 Entretien réalisé par téléphone avec un agent du BUNEC du Cameroun.

49

Ainsi, n'ayant pas eu la possibilité de s'y rendre physiquement sur le site comme souhaité à cause de la pandémie du COVID-19, notre curiosité nous a emmené à rechercher dans le site du UNHCR-Cameroun, les contacts des personnes à même de nous fournir plus d'explications à nos doutes. Après quelques échanges de mails, nous avons finalement eu la chance d'avoir les quelques explications sollicitées auprès de Melvis Kimbi Lu, en service au UNHCR-Cameroun. C'est dans ce sens que de la préoccupation qui précède, nous a clairement parvenu de façon plutôt rassurante car, « en réalité malgré un certain abandon du principe de solidarité internationale qui préconise plutôt l'assistance aux pays en développement qui accueillent un grand nombre de réfugiés, il serait malhonnête de négliger les efforts du Cameroun au profit des réfugiés centrafricains ». C'est ce que nous a laissé entendre Madame Melvis Kimbi Lu, elle a poursuivi en disant avoir été positivement surprise par ce qui se passe sur terrain. En effet, « depuis l'arrivée des premiers réfugiés, les pouvoirs publics camerounais et ses partenaires que nous sommes, octroyons une assistance humanitaire qui intègre à la fois les besoins alimentaires, nutritionnelle et sanitaire. Mais aussi, et surtout nous-nous efforçons à garantir un avenir aux enfants réfugiés centrafricains, en établissant les actes de naissance ». A la question de savoir en quoi est-ce que le cas du Cameroun vaut une surprise positive, elle a rétorqué en évoquant « la solidarité des populations hôtes qui ne ménage aucun effort à accueillir même dans leurs domiciles les réfugiés ». D'autant plus que beaucoup y retrouvent des frères dont la cartographie coloniale a séparé par des frontières détachées de beaucoup de liens.

Mais ne voulant pas nous contenter des seules informations des officiels, nous avons essayé de contacter des amis résidants et travaillant dans cette région du Cameroun avec des questionnaires précis à destination des parents réfugiés. Ceci dit c'est par personnes interposées que nous avons appris que les parents ont confirmé des initiatives d'octroie des actes de naissances à leurs enfants. Nul doute alors, l'octroi des actes de naissances aux enfants réfugiés centrafricains est effectif dans la ville de Mandjou. Pour illustrer cela, nous sommes allés par pure curiosité dans la page officielle Facebook de l'UNHCR-Cameroun. Là-bas, fort heureusement dans une publication qui date du 12 mars 2020, nous avons lu avec images à l'appui, que « l'apatridie est un phénomène dramatique, qui touche au moins dix millions de personnes dans le monde, dont un tiers d'enfants qui, faute d'acte de naissance ou de papiers sont souvent privés de tout : accès à l'éducation, aux soins, à la santé, à la propriété ou encore au mariage. Pour lutter contre ce risque, le HCR apporte son soutien aux autorités

50

Camerounaises afin de faciliter l'établissement des actes d'état civil aux réfugiés, en mettant notamment à la disposition de l'administration des registres d'actes de naissance : un travail couteux et de longue haleine rendu possible grâce à nos bailleurs de fonds. Ainsi après le site de Timangolo, 429 enfants réfugiés nés au Cameroun dans les sites de Mandjou et Mbilé ont reçu leurs actes de naissance. L'occasion de remercier à nouveaux nos bailleurs et précieux partenaires tels que International Medical Corps (IMC) pour leur appui sur le terrain 56»

Photo prise dans le compte Facebook de UNHCR Cameroun.

56 https://www.facebook.com/RefugeesCmr/photos/pcb.2353947334650500/2353938664651367/?type=3&th eater

51

Après cette levée d'incertitudes, notre prochain axe vise à mettre en perspective une analyse fondée sur la pertinence des objectifs et outils mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR.

B. La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR

Désormais convaincu de ce que l'octroi par l'Etat du Cameroun et son partenaire central qu'est le UNHCR des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains constitue une intervention privilégiée, il serait important de faire une analyse sur la portée de ces initiatives conformément au respect de la règlementation internationale et nationale sur le statut des réfugiés (1) ; mais également faire une présentation des outils qui matérialisent lesdites initiatives sur le terrain (2).

1. La pertinence des objectifs visés par l'Etat et le UNHCR dans l'enregistrement des naissances des enfants réfugiés Centrafricains.

Sur le plan international, la problématique sur les réfugiés est tellement ancienne. Avec le temps, on a essayé bien que mal à l'adapter à des conformités de plus en plus nouvelles. Par ailleurs, bien que sur le terrain on peut encore observer une certaine inadéquation de la convention des Nations-Unies aux besoins réels du fait d'un espace humanitaire que François Audet57qualifie d'être de plus en plus politisé, il faut ne pas perdre de vue que des améliorations structurelles sont visibles. Entre-autres de ces améliorations, se hisse fortement la récente mise sur pied des objectifs stratégiques globaux (OSH) du HCR58.

Il s'agit de manière générale d'un partenariat entre les Etats hôtes et le UNHCR qui vise à promouvoir et à accélérer le déploiement sur le terrain humanitaire, par la garantie de façon globale des normes internationales et en veillant à ce que la protection des réfugiés soit respectée. C'est à ce titre que nous a clairement laissé entendre Madame Melvis Kimbi Lu lorsqu'interrogée sur l'objectif visé par le HCR dans le processus d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés centrafricains : « notre objectif dans ce que nous faisons ici sur le terrain s'inscrit en droite ligne avec les attentes universelles du HCR. Ce n'est donc pas une exclusivité seulement Centrafricaine au Cameroun. Il est question pour nous d'offrir une protection mais

57 Audet, F. (2011). L 'acteur humanitaire en crise existentielle : les défis du nouvel espace humanitaire. Etudes internationales, 42, (4), 447-472. https://doi.org/10.7202/1007550ar

58 https://www.unhcr.org/fr/4ad2f5b1e.pdf

52

aussi contribuer au respect des droits civils des enfants en facilitant leur obtention des actes de naissances avec l'appui du Cameroun 59».

Par ailleurs, un enquêté vraisemblablement un représentant de l'administration publique camerounaise a répondu à notre questionnaire via un contact au pays et précisément sur le terrain de la recherche. Celui-ci a informé que « le Cameroun a décidé de prendre très au sérieux la question de l'état civil. Pour éviter de violer une fois de plus les droits des enfants réfugiés, nous voulons appliquer sur le terrain ce que nous avons appris dans nos séminaires de formations ». A cette réponse moins claire, il lui a été demandé d'en dire un peu plus sur ce qu'il avait appris. C'est alors qu'il a poursuivi ses déclarations en disant, « la convention dans son article 7 reconnaît que chaque enfant a le droit d'avoir un acte de naissance par les autorités du pays où il est né. Cela veut dire que notre présence dans ces lieux et en ces moments précis témoigne du souci du Cameroun à ouvrir ses registres d'état civil aux enfants en générale mais davantage aux enfants réfugiés Centrafricains ».

De ce qui précède, il y ` a point de doutes que le Cameroun et UNHCR sont en parfaites cohérence avec les objectifs internationaux et nationaux se rattachant à l'accès des enfants réfugiés Centrafricains des actes de naissances. D'où la nécessité d'interroger les stratégies et les outils mis en oeuvres pour la matérialité desdits objectifs sur le terrain humanitaire et notamment dans la ville de Mandjou, située dans la région de l'Est-Cameroun.

2. Les outils et stratégies mises en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR

Les outils et stratégies mobilisés par les pouvoirs publics Camerounais et UNHCR afin de venir à bout du déficit d'enregistrement des naissances au sein des enfants réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou se sont déclinés de façon normée autour de la sensibilisation jusqu'à la distribution des actes de naissances. Concrètement, il s'est agi entre autres de :

a. Sensibilisation des communautés et sites regorgeant les réfugiés dans la ville de Mandjou sur

l'importance de l'établissement de l'acte de naissance.

Selon le HCR au Cameroun, depuis janvier 2014, les sites prévus pour accueillir les réfugiés Centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun ont été débordés de monde. C'est ainsi que sur les sept (7) sites que compte la région, rien que 42% de la population réfugiée a accès. Les

59 Entretien réalisé par échange de mails

53

autres 58% vivent au sein des communautés et en dehors. Et cette population qui vit en dehors des sites est constituée de 57% d'enfants et 97% de musulmans Bororos.

Face à ce qui précède, l'Etat du Cameroun et plus précisément le UNHCR ont misé sur une sensibilisation efficace au sein desdites communautés. Comme nous l'indique madame Liz Kpam Ahua, l'idée étant « d'informer sur ce que nous faisons en termes d'enregistrement des naissances des enfants mais aussi d'attirer l'attention des parents sur la nécessité et l'importance des actes de naissances pour leurs enfants. »

C'est dans cette mouvance que certains chiffres nous ont été communiqué afin de justifier de façon quantitative, le succès de cette opération : « Plus de 8 152 personnes ont été touchées, dont 3 052 femmes, 1 296 hommes et 3 804 enfants soit plus de 4 053 à Mandjou1 et 2 (environ 1503 femmes, 512 hommes et 2 038 enfants), 1 033 personnes à Ndong Mbome, (507 femmes, 205 hommes et 321 enfants), plus de 1535 personnes à Kandara (358 femmes, 116 hommes et 1 011 enfants) et plus de 1 531 personnes à Toungou (environ 712 femmes, 412 hommes et 407 enfants). ». A la question de savoir pourquoi est-ce que certains quartiers ou villages n'ont pas été comptabilisés, il nous a été répondu que « la sensibilisation visait les quartiers à forte concentration des réfugiés centrafricains ».

b. Identification des écoles ayant effectivement accueilli les élèves bénéficiaires

En réalité, la norme exige pour les enfants, l'acquisition au préalable des actes de naissances dans le processus de leur socialisation. Mais, le cas des enfants réfugiés centrafricains est particulier. Bien que beaucoup d 'enfants au Cameroun et en Afrique soient sans actes de naissances. On peut donc comprendre dans un contexte comme celui des enfants réfugiés que l'enregistrement des naissances soit une problématique de second plan pour l'Etat du Cameroun et le UNHCR. En effet, les évaluations rapides faites sur le terrain par le Gouvernement et les partenaires ont montré des besoins urgents en termes de santé (vaccinations, appui psychosocial); de la nutrition; de la sécurité alimentaire; de l'eau, de l'hygiène et l'assainissement mais davantage de l'éducation car, 95% des enfants réfugiés n'ont pas été à l'école.

Cette phase s'étant presqu'achevée, on décida alors de faciliter l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés en ciblant les écoles qui les accueillent le plus.

Ainsi, dans le rapport d'activité mis en notre disposition par des connaissances sur le terrain des opérations, il en ressort les localités et les écoles suivantes :

54

- Localité de Mora : E.P. Amtchali, Sultanat 1 et 2, Mora massif A et B, Groupe 2A et 2B,

Massaré total, Bourdala, Biwana A et B ;

- Localité de Mémé : E.P. Mémé 1A, 1B, 2A et 2B, Manawatchi A et B, Dargala. - Localité de Kourgui : E.P. de Kourgui 1A, 1B, 2A, 2B

- Localité d'Igawa : E.P. Igawa.

Au total, 23 écoles ont effectivement accueilli les élèves bénéficiaires du projet.

Ce procédé a l'avantage d'être plus efficace et efficient car, comme nous l'explique un enquêté, « beaucoup de parents trouvent d'abord inutiles toutes les actions qui visent aux procédures administratives. N'ayant pas cette culture, c'est un réel perd temps pour eux à consacrer du temps pour l'établissement des actes de naissances de leurs enfants. Ils sont plutôt motivés à amener avec eux leurs enfants dans les savanes pour nourrir leur bétail. C'est pour cette raison que nous avons jugée mieux de traiter directement avec les enfants dans les écoles. Déjà que beaucoup de parents ne sont pas localement stables. Ce sont des nomades ».

c. Appuis techniques et logistiques en faveur de l'Etat dans le cadre de l'enregistrement des naissances des enfants réfugiés

Dans le but de réaliser une délivrance des documents d'identités mais également des actes d'états civils qui constituent un besoin fondamental pour les populations réfugiés Centrafricaines au Cameroun, y compris l'enregistrement biométrique systématique de tous les réfugiés, le UNHCR s'est vite rendu compte qu'il était impensable de faire face à cela individuellement. D'autant plus que les chiffres sans cesse croissants des réfugiés Centrafricains en terre Camerounaise en générale, et spécifiquement dans la ville de Mandjou ont contraint lesdites populations à trouver des logements hors des sites prévus par le UNHCR. Or, il est très important pour le UNHCR et même l'Etat du Cameroun d'avoir en possession une maitrise fiable des données et informations nécessaires pour adapter de façon efficace et efficiente, les stratégies d'établissements des actes de naissances aux enfants réfugiés. C'est dans ce cadre que le HCR a pensé qu'il était important dans le cadre du processus d'élaboration des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains, que les pouvoirs publics Camerounais, notamment les agents détachés sur le terrain des opérations puissent avoir des séminaires de renforcement des capacités. Cette démarche s'est accrue par la fourniture de matériels afin qu'ils puissent gérer eux-mêmes, à terme, la base de données des réfugiés.

55

On dénombre alors, selon les informations en notre possession, « une acquisition, remplissage et certification de 2000 attestations de non existence de souche d'acte de naissance ; une acquisition, remplissage et certification de 2000 certificats médicaux d'âge apparent et une acquisition et remplissage de 2000 jugements supplétifs ». Ces stratégies et outils mis en place ont précédés à proprement parlé l'établissement des actes de naissances. Mais rappelons-le, l'établissement d'actes de naissance n'efface en rien la pertinence et la nécessité au préalable de la mise en exergue de qui a été fait plus haut car, comme l'explique Madame la Coordonnatrice, « il était important pour nous d'agir sur terrain conformément aux urgences visibles et réelles. N'allez pas parler d'actes de naissances à une famille qui a faim ou qui voit ses enfants surplace sans aller à l'école. Il faut adapter l'apport humanitaire aux besoins conformes sur le terrain ». Point de vue que Barbara Grainger soutenait déjà en faisant suite de son analyse de fond sur la vétusté de la convention de Genève, publiée par ailleurs dans un dossier en 1985 par les Nations-Unies60, où, elle suggère clairement une révision de celle-ci afin qu'elle puisse s'arrimer aux défis actuels.

d. Etablissement des actes de naissance

Comme longuement exprimé plus haut dans ce travail, le Cameroun et le UNHCR ont pris à bras le corps, la question d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. Ceci, en parfaite conformité aux lois nationales et internationales. C'est dans ce sillage qu'afin de donner une matérialité des énoncés juridiques par les faits palpables dans la ville de Mandjou, les autorités publiques et humanitaires n'ont eu de cesse de travailler en synergie et de réaliser des scores importants. On peut ainsi dénombrer un stock important de jugements supplétifs. C'est-à-dire une forme d'autorisation sur base juridique qui donne ainsi la possibilité aux agents publics d'attribuer une date de naissance aux enfants. D'autant plus que même les parents ne maitrisent plus avec certitude les vraies dates de naissance. S'il faut encore le dire, les parents sont majoritairement des Peuls Bororos et donc, ouvert culturellement à un fonctionnement social et culturel tout autre que le planning familial et l'enregistrement administratif des naissances. Ils n'ont donc pas pour la plupart un niveau scolaire poussé et qui s'accentue par une scolarisation trop souvent manquée du fait des instabilités politiques en RCA.

A ces jugements supplétifs obtenus facilement par les agents publics et humanitaires auprès des tribunaux, s'ajoutent très souvent, des dépôts de dossiers des actes de naissances

60 Nations-Unies et les réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22, octobre 1985, pp.19-32.

56

conformément aux exigences administratives, contenant entre autres des attestations de non existence de souches d'actes de naissances, des certificats médicaux d'âges apparent et la liste des enfants retenus, ajustés d'une requête collective. Selon notre enquêté, le destinataire du dossier est le Président du Tribunal de Premier Degré.

Mais dans un pays du « Mapartisme », pour reprendre un concept développé par le philosophe Camerounais Hubert Mono Ndzana, rien n'est acquis facilement. Il s'agit en effet selon le philosophe d'une doctrine qui met en exergue la responsabilité des fonctionnaires camerounais dans l'échec des multiples projets morts nés dans l'administration publique. Mieux, malgré le montage bien ficelé du projet, si le fonctionnaire n'y tire rien à terme personnel, il préfère le laisser moisir dans ses tiroirs. Cette digression permet de comprendre la non précision temporelle quant à la gestion du dossier émis au Président de Premier Degré du tribunal. En effet, notre enquêté nous a clairement dit, à propos du temps de traitement du dossier que : « ça dépend I »

Tout est-il que dans cette logique de « dépendance » du traitement de dossiers, il faut par la suite une acquisition des registres d'états civils. C'est alors que les agents publics et humanitaires pourraient procéder aux remplissages et à la distribution des actes de naissances.

e. Distribution de 2000 actes de naissances dans les localités de Mandjou

Après les remplissages des formulaires des actes de naissances comme précédemment évoqué, on procède à la distribution des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. Cette étape est cruciale car, étant la dernière, c'est elle qui permet de chiffrer les nombres des récipiendaires sur le terrain et, entrevoir éventuellement le degré des besoins restant. Et comme à l'entame de présentation des outils et stratégies mises sur le terrain par les pouvoirs publics et les HCR, notamment par le repérage des écoles abritant en grand nombre les enfants réfugiés centrafricains, la distribution se déploie elle aussi suivant cette approche. C'est dans cette mouvance que les chiffres qui nous ont été communiqué dans un rapport d'activité du HCR font état de qui suit la ville de Mandjou :

- 1 053 actes de naissance distribués dans la localité de Mandjou 1 et 2 ;

- 468 actes de naissance distribués dans la localité de Kandara ;

- 373 actes de naissance distribués dans la localité de Toungou ;

- 106 actes de naissance distribués dans la localité de Ndembo.

57

Cette distribution d'actes de naissance ne s'est point déployée sans difficultés car comme l'affirme un enquêté, « on a malgré tout noté un faible engagement de certains parents à encourager leurs enfants à aller à l'école ».

Photos illustratives de la distribution des actes de naissance

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V. CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES SUSCEPTIBLES DE LIMITER L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS POTENTIELS

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Au vu des résultats enregistrés sur le terrain, on ne saurait manquer de reconnaitre de la pertinence et de l'efficacité dans les contenus des stratégies et outils employés par les pouvoirs publics Camerounais et le UNHCR afin de garantir un accès indéniable aux enfants réfugiés Centrafricains des actes de naissances. Toutefois, au vu des dérapages observés et enregistrés sur le terrain, il conviendrait dans le cadre de ce chapitre, d'abord de les élucider et ensuite, de se pencher sur des éventuelles propositions susceptibles de booster positivement l'objectif global qui est celui de l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou, localité située dans la région de l'Est-Cameroun.

VI. LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE LIMITER LES INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR

1. Manque de données relatives à propos des enfants réfugiés vivant hors sites.

Il a été donné de constater durant ce travail que la surpopulation des réfugiés Centrafricains en terres Camerounaises depuis janvier 2014, a largement été au-delà des prévisions des sites d'accueils mis sur pied par le UNHCR. Cependant si la résolution de ce déficit fut le laisser plus de 58% de cette population réfugiée à trouver des accueils au sein des domiciles communautaires, relevons que cela ne s'est point fait sans conséquences sur les stratégies et les outils mises en oeuvre par les pouvoirs publics et le UNHCR visant à établir les actes de naissances aux enfants réfugiés.

Il se pose en effet sur le terrain un réel problème lié aux données effectives des enfants Centrafricains qui résident en dehors des sites octroyés par le HCR. Et à y voir avec plus d'attentions, beaucoup de familles Centrafricaines présentes à Mandjou s'y plaisent car, les contraintes liées à la surveillance et au contrôle sont moins exécutées au sein des communautés. D'abord, tout le monde se préoccupe par sa survie. Ensuite, les réfugiés étant majoritairement des nomades, et pour la plupart de très grands éleveurs, c'est les lieux adéquats pour envahir les savanes.

Stratégiquement, on est là confronté à une construction sociale dans laquelle, malgré les efforts des pouvoirs publics et les UNHCR visant à faire face à l'accès des actes de naissances aux enfants, il demeure une contrainte liée à la construction des voies de contournement des parents via l'espace de liberté qui leur est offerte au sein des foyers communautaires. Ceux-ci

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en usent afin d'avoir des marges de manoeuvres importantes qui leur restitue l'éveil culturel et socio-anthropologique malgré leur positionnement géographique.

Cependant si ces déplacements incessants des réfugiés centrafricains ont l'avantage d'être à leur service, relevons tout au moins qu'ils mettent en mal le plein succès des stratégies et outils mis en exergue par les pouvoirs publics et le UNHCR afin de venir à bout du déficit d'enregistrement des naissances pour les enfants réfugiés Centrafricains au Cameroun et spécifiquement dans la localité de Mandjou.

2. Longue procédure d'établissement des actes de naissance dans un contexte particulier

Il faut avant toute chose, reconnaitre qu'il y'a un réel manque de volonté politique au Cameroun pour l'administration des services d'état civil. Cela s'illustre très bien par le très faible rang à lui accorder dans les dotations financières nationales. Cela est d'autant plus regrettable, au vu d'une législation vétuste qui continue à faire des officiers d'états civils, de simple acteurs sociaux ayant ou pas des salaires à juste titre.

Dans un contexte pareil, quelle prestation rapide et efficace pouvons-nous attendre des officiers d'états civils placés au niveau le plus bas de la chaine administrative locale ? Certainement rien ! Déjà que beaucoup de ces officiers n'ont pas conscience de l'importance de leur tâche, et lorsque c'est le cas, il y'a un manque sérieux de registres et formulaires standardisés. Ce qui justifie de véritables barrières dans le cadre de la mise en oeuvre des stratégies d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains par les agents publics et humanitaires dans la ville de Mandjou. Malgré la création d'un service central de l'état civil notamment le BUNEC par le Président de la République, celui-ci est dans l'incapacité technique et financière à pouvoir superviser l'enregistrement des naissances. Et comme l'a reconnu un agent public lors de la récolte des données, « ...Nous manquons de tout ici pour faire convenablement notre travail. Et nul n'aurait été l'appui du HCR, que ces enfants seraient restés sans actes de naissances comme la majorité de nos propres enfants du village ». C'est dire en effet que le minimum d'intérêt réservé à l'enregistrement des naissances dans une localité comme Mandjou est parfaitement dépendant du soutien apporté aux officiers de l'état civil.

Par ailleurs, l'enregistrement des naissances en plus d'être un secteur presqu'à l'abandon du fait de la faible rémunération et la sous-estimation réservées aux personnels, accentue une démotivation de la prestation des services, rendant les processus d'établissements des actes

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de naissances plus long en termes de durée. Et même, peut être un moteur de corruption. Ce qui justifie entre autre l'attitude du Président de Tribunal du Premier Degré dans le traitement des dossiers devant aboutir à l'élaboration des actes des naissances des enfants réfugiés Centrafricains.

3. Indisponibilité des registres d'état civil pendant une longue période

Comme précédemment évoqué, le BUNEC qui se veut être l'instance centrale de coordination et de supervision de l'administration dédiée à l'état civil au Cameroun, tarde jusqu'ici à gagner du terrain. Cela constitue un impact non productif dans la politique de l'état civil au Cameroun en général et dans une localité comme Mandjou en particulier. D'autant plus, que les services administratifs sont très centralisés. Imposant ainsi le ravitaillement d'une localité comme Mandjou en registre d'état civil seulement dans la ville de Bertoua, chef-lieu de la région de l'Est-Cameroun. Ainsi, comme nous a laissé entendre un enquêté sur le terrain, « l'un des principaux problèmes que nous rencontrons pour mener à bien notre projet d'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés est la rareté des registres d'état civil. En fait, on a l'impression que le Cameroun n'était pas prêt à gérer une pareille crise. Tellement les registres se font rares ici à Bertoua. Nous sommes même allés jusqu'à Yaoundé question de passer des commandes. On a attendu au moins un mois et demi. Tellement la demande est grande. N'oubliez pas qu'en plus des réfugiés Centrafricains, il y ` a les Nigérians qui ont abandonnés les villages, fuyant le terrorisme de Boko Haram et nos propres enfants même du pays ».

Ces déclarations démontrent à souhait, s'il faut encore le dire que l'absence des registres d'état civil dans des périodes longues concoure franchement à freiner si ce n'est de façon efficace, mais de façon efficiente le succès des stratégies mises en oeuvres par les pouvoirs publics et le HCR pour palier à la crise d'enregistrement des naissances des enfants réfugiés Centrafricains dans la localité de Mandjou.

4. L'absence d'implication de la société civile locale dans le processus

A proprement parler, la problématique liée à l'accès des actes de naissances pour les enfants réfugiés Centrafricains dans le cadre de sa conception et de sa mise en oeuvre, déborde largement l'effet d'une politique publique où, l'Etat du Cameroun tout seul serait doté d'un pouvoir c'est-à-dire aurait la capacité et les atouts en sa possession et d'une stratégie claire

pouvant lui permettre (Etat), d'orienter efficacement son management afin de résoudre le problème. D'ailleurs, l'ouverture d'espace managérial de l'Etat au UNHCR en dit mieux.

De ce qui précède, on est là en plaint dans une action publique. Ayant en contenu la pluralité des acteurs, des outils et des niveaux d'intervention, l'action publique s'éloigne beaucoup plus d'une approche État-centré, décisionnelle et linéaire des politiques publiques à une approche plus large des processus de construction et de mise en oeuvre des affaires61. Et dans cet ensemble d'acteurs, la société civile constitue un élément fondamental. Dans le cadre d'une quête d'efficacité et d'efficience pouvant concourir au succès des stratégies et outils mis en oeuvre par les pouvoirs publics Camerounais et le UNHCR, une place de choix se doit être réservée à la société civile locale. Parce que souvent plus proche des populations vulnérables, elle a le potentiel requis pour être un véritable point vocal entre les populations vulnérables que sont les réfugiés Centrafricains et les pouvoirs publics c'est -à-dire l'Etat et le UNHCR potentiel bailleur de fonds. Cela est d'autant rassurant dans la mesure où, les observations que l'on fait sur le terrain font état d'une grande majorité de migrants d'origines Peuls et Bororos donc d'obédience religieuse est musulmane. Ceux-ci la plupart du temps accordent pour certains, une place capitale aux écoles coraniques conformément à leurs us et coutumes, au détriment de l'école occidentale qui exigerait au minimum la détention d'un acte de naissance pour l'enfant. C'est dire combien cet enjeu est négligeable dans leurs schèmes de pensées. Pour relever le challenge d'une réussite parfaite de leurs stratégies et outils, les pouvoirs publics et le UNHCR auraient dû associer dans leurs démarches la société civile locale qui a le mérite de mieux être en contact avec les bénéficiaires et donc de maitriser le décryptage des codes sociaux desdites populations. Malheureusement, les informations que nous avons eues sur le terrain nous ont fait état d'une véritable absence d'implication de la société civile locale dans les processus. Pourtant elle est bien existante.

5. Non-prise en compte des réalités culturelles et communautaires

Il est évident de constater que malgré l'efficacité d'un système d'état civil, étoffé dans sa quête de succès par une législation bonne, celui-ci se doit d'être en parfaite synergie avec la culture et les réalités sociales des communautés locales. En réalité, les réfugiés Centrafricains étant

61 Hassenteufel Patrick, « Chapitre 5 - L'action publique comme construction collective d'acteurs en interaction », dans : , Sociologie politique : l'action publique. sous la direction de Hassenteufel Patrick. Paris, Armand Colin, « U », 2011, p. 115-156. URL : https://www.cairn.info/sociologie-politique-l-action-publique--9782200259990-page-115.htm

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majoritairement Peuls et Bororos, il a été donné de constater un manque plausible de liaisons entre les attentes affichées des agents publics et humanitaires au sujet de l'enregistrement des naissances des enfants réfugiés et les parents. Lesdits parents pour la plupart manquent d'une conscience effective de la valeur de l'enregistrement des naissances. Ce qui a fragilisé sur le terrain des opérations, les stratégies mises sur pied par l'Etat du Cameroun et le UNCHR dans le cadre de leur mission visant à faciliter mieux, à octroyer les actes de naissances aux enfants réfugiés centrafricains.

Tenez par exemple les aveux d'un parent qui s'exprimant en langue locale, nous a clairement laissé entendre que « chez nous la tradition est sacrée et pour cette tradition, le plus important c'est l'attribution du nom à l'enfant. L'enregistrement à l'état civil n'est vraiment pas jugé importante. Mais comme ici nous ne sommes pas chez nous, on est obligé de faire ce qu'ils nous demandent62. »

S'inscrivant dans le même sillage, un autre parent qui a été rencontré en ville se ravitaillant pour retourner dans une zone relativement plus enclavée que Mandjou d'où il réside avec sa petite famille a clairement fait savoir qu'il a pris la décision de se retirer parce que sa femme venait d'accoucher. Pour lui, « un enfant nouveau-né mérite d'être introduit dans la société progressivement. Et que pour l'instant, la préoccupation majeure est de trouver un nom à cet enfant en observant beaucoup de rites traditionnels ». Ce genre d'attitude peut se déployer au-delà des délais légaux d'enregistrement des naissances. A la question de savoir s'il pensait néanmoins faire établir un acte de naissance à cet enfant, la réponse a été qu'il n'était même pas au courant de l'enregistrement des naissances. Mais, nous a-t-on dit, cette réponse a été démenti car, les vivres en question que tenait ce père de famille, étaient une retombée des distributions de vivres hebdomadaires que s'attèle de faire le HCR au profit des familles réfugiés Centrafricaines. C'est dire qu'il est parfaitement au courant des activités entreprises mais a fait le choix de ne pas céder à l'enregistrement de la naissance de son nouveau-né.

6. Les influences négatives de divers conflits naissants dans la gestion des réfugiés à Mandjou

Manager les personnes vulnérables à l'instar des réfugiés peut être une tâche exaltante mais davantage complexe et difficile. Une des raisons se justifie par l'exigence d'énormes ressources humaines et financières. Pour en faire un petit point, notons par exemple qu'en 2013, il y ` a eu

62 Propos recueillis et traduit par une connaissance que nous avons chargé de mener l'enquête sur le terrain.

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la mobilisation d'un fonds à hauteur de 551 millions de dollars US pour la mise sur pied un Plan d'Investigation Stratégiques (PIS) dans le but de répondre efficacement aux défis humanitaires en faveurs des réfugiés Centrafricains. Deux ans après, en 2015, grâce à l'appui de divers donateurs, il y ` a eu une mobilisation financière de 331 193 888 dollars US dans le but d'établir un Plan d'Intervention Régional en faveur des Réfugiés (RRRP, de l'anglais Regional Refugee Response Plan).

De ce qui précède, on est dans une arène où à coup sûr, les réfugiés sont des gages de financements. Mieux, on parlerait d'un fonds de commerce. Et l'arène étant favorable au « Mapartisme », plusieurs acteurs impliqués dans la prise en charge se font d'énormes richesses. Et « l'argent étant le nerf de la guerre » comme il est couramment dit, l'obtention de ces énormes richesses ne se fait point sans dégénérer des conflits entre acteurs au sein de la prise en compte des réfugiés.

C'est dans ce sillage que l'on a pu nous informer de certains conflits de leadership. Une illustration pouvant s'observer sur un désaccord entre l'autorité municipale de Mandjou et le Gouverneur de la région de l'Est-Cameroun, au sujet de la localisation et de la mise en disposition des terrains au profit du UNHCR pour la construction des sites devant abriter les réfugiés. Il s'est passé que « le Gouverneur de région voulait délocaliser le site de Mandjou pour Gado Badjeré dans la commune de Garoua Boulai. Ceci malgré l'opposition de l'autorité municipale de Mandjou qui avait pour argument le fait que sa ville abritait déjà les populations réfugiées Centrafricaines ».

D'autre part, il existe un conflit qui oppose le Maire de ladite commune et le Sous-préfet de l'arrondissement de Mandjou au sujet de la gestion des biens fournis par les acteurs humanitaires dans le cadre des soutiens apportés aux réfugiés. De fait, le sous-préfet estime être investi des pleins pouvoirs exécutifs et donc, l'habileté légal à gérer lesdits biens. Point de vue que récuse le Maire. Dans ces bagarres d'acteurs institutionnels et administratifs, le seul regret est l'exclusion des pauvres réfugiés des bénéfices directs que génèrent les intérêts des uns et des autres. Et pendant ce temps, les réfugiés ne font qu'envahir l'espace et les besoins en termes d'actes de naissances sont sans cesses croissants.

Il a également été donné de constater que la politique n'est pas en reste dans cet éventail de conflits entre acteurs étatiques qui accompagnent le UNCHR dans la gestion des besoins des réfugiés Centrafricains. En effet, comme largement mentionné tout au long de ce travail, les réfugiés Centrafricains sont majoritairement des Peuls et Bororos. C'est alors qu'à leur arrivée,

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ce sont souvent les musulmans vivant dans la ville de Mandjou qui sont les premiers à les accueillir car, culturellement et spirituellement plus proches. Mais cette générosité n'est pas vaine car, l'élite musulmane qui est majoritairement militante de l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) s'y met davantage pour en faire un « bétail électoral ». A contrario, l'élite politique du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti politique au pouvoir, et dont les rangs sont plus constitués de chrétiens dans la ville de Mandjou, n'y voient pas d'un bon oeil la venue et l'octroi de statut de réfugiés aux populations déplacées centrafricaines. C'est alors qu'il se déploie en fonction des marges de manoeuvres, un ensemble de contournement de stratégies visant à affaiblir l'UNDP lors des échéances électorales dans la localité de Mandjou. De ces stratégies de contournement, naissent entre autres, l'arrêts de productions des documents administratifs au rang desquels, les pièces d'identités et les actes de naissances des enfants réfugiés Centrafricains.

II. LES PALLIATIFS POTENTIELS

Il serait vain de croire dans la globalité que les outils et stratégies déployés par les pouvoirs publics et le UNHCR dans le cadre de la facilitation d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains, sont dépourvus de pertinence. Voulant renforcer cette pertinence, la présente sous-partie de ce chapitre vise à apporter, des éventuelles propositions susceptibles. D'autant plus que lesdites propositions sont le fruit d'un ensemble de dérapages ayant été observés sur le terrain. Ainsi, il s'agit alors entre autre de :

1. Renforcer la sensibilisation des parents réfugiées Centrafricains sur leurs devoirs au sein des communautés hôtes

Le statut de réfugiés confère une protection au sein du pays d'accueil. L'accent est mis sur les droits de ceux-ci, mais en dehors des discours politiques, il faut des actions concrètes sur le terrain pour aborder la question des devoirs des réfugiés dans les pays d'accueils. La

problématique abordée dans le cadre de cette étude nous donne de remarquer que derrière la vulnérabilité des réfugiés, se cache un sentiment de mauvaise foi. Ces derniers pour des logiques de survies, font montre de beaucoup d'opportunisme car, comment comprendre que d'aucuns choisissent de façon délibérée de bénéficier de certaines activités à l'instar de la

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nutrition et de la santé mais pas de l'enregistrement des naissances de leurs enfants ? Certainement parce qu'ils sont mentalement alimentés par l'idée que leur statut de réfugié leur confère des droits. Mais, les droits en société ne devraient pas être opérationnels sans une soumission à des devoirs et obligations. D'autant plus que dans le cas d'espèce, les parents ont l'obligation de garantir un avenir radieux à leur progéniture. Et, le point de départ, c'est l'établissement des actes de naissances aux enfants.

2. Promouvoir une implication plus forte de la société civile camerounaise dans cette crise humanitaire

Les organisations de développement et d'assistance camerounaises sont très peu actives dans le déploiement sur le terrain en faveur des réfugiés ou des populations hôtes. Si l'éloignement et l'enclavement de ces zones peuvent justifier cette absence, il faut reconnaître qu'il y a un problème de perception de la réalité humanitaire, celle-ci étant malheureusement considérée par la majorité des acteurs locaux comme « l'affaire des organisations internationales ». Les quelques structures locales actives sur le terrain sont limitées par la question des moyens financiers et il serait stratégiquement opportun de la part des pouvoirs publics ou des autres bailleurs de fonds de faciliter l'implication des organisations locales pour renforcer l'effort humanitaire des partenaires internationaux.

Pour le HCR et ses partenaires, il est souhaitable que de nouveaux acteurs s'investissent sur la question du renforcement de la coexistence pacifique entre les communautés autochtones et réfugiées.

3. L'intégration de l'enregistrement des naissances avec d'autres services

Intégrer l'enregistrement des naissances dans d'autres services de base déjà opérationnels, comme la vaccination ou les soins de santé primaires, peut être un moyen rentable de fournir un service au niveau de base sans devoir créer un système de prestations à part. Les initiatives en faveur de l'enregistrement des naissances seront probablement plus viables si elles sont intégrées dans des structures légales ou administratives déjà en place, ou à des programmes réguliers, afin d'en diminuer les risques d'échecs liés à l'octroi des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. C'est cette stratégie aurait été adopté dans le cadre des initiatives mises sur pied par les pouvoirs publics et le HCR en actionnant de façon étroite l'enregistrement des naissances avec l'accouchement sous surveillance médicale. Cela aurait

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une double portée à savoir, l'élargissement de l'enregistrement des naissances et même des couvertures de vaccination.

La mise sur pied de ce procédé nous a été inspiré du Qatar. Là-bas, par exemple, les systèmes d'enregistrement sanitaire et d'état civil sont étroitement liés. Les enfants sont enregistrés à l'hôpital, et les données transmises « en ligne » au Département de la santé préventive, qui à son tour en envoie une copie au centre de santé le plus proche du domicile de la mère, et une autre au Bureau central de Statistiques. Le centre de santé prend directement contact avec la mère pour la vaccination et les soins postnatals.

Conscient des difficultés sur le terrain, notamment la qualité défectueuse et même inexistante du réseau internet, on pourrait simplement mettre en collaboration les officiers d'états civils avec les points de santé de façon à ce que chaque fois que naît un enfant, les données de ces derniers puissent être enregistrées sur des bulletins qui conditionneraient l'accès de ces derniers aux vaccinations et soins postnatals. Au moins on aurait des informations précises et justes. Ce qui aurait l'avantage d'accélérer les procédures d'établissement des actes de naissances des enfants réfugiés sans plus perdre de temps dans des procédures qui très souvent nécessitent des frais supplémentaires à l'instar du jugement supplétif auprès des tribunaux.

On peut par ailleurs, également intégrer au sein des composantes dédiées à la santé, vu l'urgence et le caractère conjoncturel du problème, la possibilité d'enregistrer des naissances. D'autant plus que les informations recueillies sur le terrain nous ont fait état de ce qu'il y a plus de mobilisation financière pour la santé que la prise en charge de l'état civil. C'est dire leur forte potentialité à atteindre les zones reculées.

4. L'urgence d'une instauration de la culture de bonne gouvernance

Sans vouloir rentrer dans une querelle doctrinale du concept de bonne gouvernance, notons néanmoins que ce concept est un outil important dans la rationalisation managériale. Pour ce fait, et de façon opératoire dans le cadre des actions déployées par les pouvoirs publics camerounais et le UNHCR dans le but de résoudre les déficits d'enregistrement des naissances d'enfants réfugiés Centrafricains, le recours à l'instauration permanente de la bonne gouvernance constitue à coup-sûr, un schéma référentiel.

Parce que la bonne gouvernance exige les vertus de transparence, de rentabilité de compte, d'efficience et d'efficacité, elle peut mieux contrer la corruption et les divers conflits qui ont

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pût naitre entre les autorités administratives et politiques dans le cadre des interventions humanitaires en faveur des enfants réfugiés.

Par ailleurs, les stratégies et outils implémentés par les pouvoirs publics et le UNHCR s'exécutant dans un contexte où les crises économiques et financières successives de la fin et des débuts des années 1990 ont fatalement réduis les salaires des agents publics, il a été illusoire d'espérer de ces derniers une production efficace et surtout efficiente des prestations. D'autant plus que les projets et programmes de par leur fort taux de financement, sont l'ultime occasion d'enrichissement pour ces agents publics. Ainsi, plus ils durent, plus l'enrichissement des agents est continu. Dans cette logique, les instances d'audition et de contrôles mises par le UNHCR, principal bailleurs de fonds sont limités pour cerner de telle toile de fond. Il y a donc urgence de développer des outils et des indicateurs pratiques de performances pouvant produire de bons rendements sous le couvert plutôt de l'évaluation de la gouvernance.

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III. CONCLUSION GENERALE

Depuis 2013, il s'est accrue à l'encontre de la population en RCA, la violence et les violations généralisées des droits de l'homme, s'associant à des actes de maltraitances, des violences sexuelles, des exécutions extrajudiciaires et une grande proportion de disparitions forcées. Cet état des faits très alarmant a pour effet direct, les déplacements incessants des populations Centrafricaines vers le Cameroun et dans d'autres pays limitrophes à la RCA. Le Cameroun du fait de sa relative stabilité dans une sous-région très agitée ; de sa ratification successive à l'échelle internationale et régionale de la Convention de Genève et le protocole de l'OUA sur le statut de réfugié, et un réajustement interne sur le plan juridique a été notre pays de choix dans le cadre de ce travail dont l'intitulé est déplacement des populations en zones de conflits et accès à l'état civil : cas des enfants réfugiés Centrafricaines dans la région de l'Est-Cameroun.

De ce qui précède, la problématique s'est fixée pour but de comprendre sur base d'analyses des données essentiellement qualitatives, Comment est-ce que l'Etat du Cameroun assure-t-il l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains ? Cette question centrale a par ailleurs généré les questions subsidiaires suivantes : Quelles sont les causes de la crise Centrafricaine ? Comment l'État, les agences internationales, en particulier le UNHCR et les réfugiés Centrafricains, spécifiquement les parents mobilisent-ils les ressources pour faciliter l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains ? Quelles sont les contraintes structurelles et conjoncturelles qui pèsent sur le processus d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés ? Quelles leçons tirer ? Quelles recommandations ? Afin de mieux appréhender cette problématique, nous avons mobilisé une hypothèse centrale à savoir : dans la ville de Mandjou, les actions humanitaires de l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR pour assurer l'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains sont multiples et concrètes mais sujettes à diverses limites. Laquelle hypothèse centrale nous a procuré deux autres hypothèses secondaires : Les types de stratégies et d'actions proposés par l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR ne remplissent pas toutes les fonctions attendues et se heurtent à la vulnérabilité des réfugiés Centrafricains (1) ; Il n'existe réellement pas de synergies d'actions entre l'Etat du Cameroun et l'UNHCR dans le processus d'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés (2).

Malgré la pandémie du COVIDS-19 qui impose depuis peu, les fermetures des frontières, le confinement et bien d'autres restrictions, la vérification de ces hypothèses s'est arrimée à un

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processus méthodologique ayant privilégié la collecte des données. Sur la base de recherches documentaires, d'entretiens à distance et par délégation, nous avons fait recours à l'analyse stratégique et l'interactionnisme afin d'analyser lesdites données collectées.

De ce qui a été dit, il en ressort que l'avènement massif des populations Centrafricaines en terres camerounaises, notamment dans la ville de Mandjou, a suscité un déploiement humanitaire effectif de l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR. Ainsi, au rang des actes posés en faveurs des populations réfugiés Centrafricaines, il y'a eu un regard sur la promotion de l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés. Cette intervention humanitaire ayant eu lieu, il n'en demeure pas moins beaucoup d'insuffisances. Ce qui confirme par ailleurs notre hypothèse centrale.

Cependant, en confrontant nos hypothèses secondaires aux informations recueillies et analysées sur le terrain, nous pouvons aisément conclure qu'elles sont à la fois vérifiées, parfois nuancées mais aussi rejetées. Parlant de leur vérification, il a été clairement été établi dans le cadre de ce travail que les stratégies et les actions que les pouvoirs publics Camerounais et les humanitaires des Nations-Unies ont mis en exergue pour assurer l'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains ont quelques-fois manqué d'incarner une prise en compte réelle et profonde des spécificités locales. Ce qui donne un aspect de validité à notre première hypothèse secondaire.

Il convient au demeurant d'avoir un regard tout de même nuancé sur ces hypothèses secondaires. En effet, autant elles ont anticipé les limites de succès des stratégies mises sur pied par le Cameroun et le UNHCR en évoquant le motif de la vulnérabilité des réfugiés Centrafricains, autant il conviendrait de marteler que les données recueillies sur le terrain ont relevé d'autres aspects en occurrence : un manque de données relatives à propos des enfants réfugiés vivant hors sites ; une longue procédure d'établissement des actes de naissance dans un contexte particulier ; l'Indisponibilité des registres d'état civil pendant une longue période ; l'absence d'implication de la société civile locale dans le processus et les influences négatives de divers conflits naissants dans la gestion des réfugiés à Mandjou.

Enfin, notre deuxième hypothèse secondaire est invalide et rejetée car, en la confrontant à la réalité des informations sur le site de travail, elle a visé à tort les limites susceptibles d'affaiblir les actions des pouvoirs publics Camerounais et humanitaires des Nations-Unies. En effet, les deux entités sont en parfaites synergies dans le processus d'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou.

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Il faut quand-même reconnaitre que les résultats de cette étude n'incarnent pas une perfection absolue. Il existe néanmoins des limites que nous assumons de présenter. La fondamentale limite étant notre absence physique sur les lieux d'enquêtes. Il nous serait erroné de croire que les personnes que nous avons délégué sur le terrain des enquêtes ont eu les mêmes motivations et exigences que nous aurions eues si l'occasion nous avait été donné. A cette absence de présentation, s'ajoute aussi un réel problème de représentation car, l'échantillonnage nous a semblé relativement moins représentative.

Toutefois, ce travail nous semble avoir atteint ses objectifs visant à comprendre les dynamiques sociales, les stratégies mises en oeuvre par le UNHCR et le Cameroun pour assurer l'établissement des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. Bien sûr, en se focalisant de façon précise sur l'identification des enjeux sociaux de l'intégration ou de la participation des parents réfugiés dans ce processus d'une part. Et d'autre part, saisir les limites probables et se permettre d'énumérer de façon non exhaustive quelques pistes de solutions.

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> MBOGNING Pascal Déjol, « La politique migratoire du Cameroun : la migration normative à l'épreuve des flux humains » In Sindjoun Luc (dir.) Etat, Individus et Réseaux dans les migrations africaines, Paris, Editions Karthala, 2005.

> MOHAMED Housseni, République centrafricaine, « Les conflits armés en Centrafrique, causes et conséquences », publié en janvier 2014, consulté le 14 mai 2018.

> MOTAZE AKAM, Sociologie de Jean-Marc ELA. Les voies du social, Paris, l'Harmattan,

2007.

74

> PELLO Gabriel, Migration transfrontalière et droits économiques et sociaux, Une lecture des prémices d'un conflit entre migrants et populations locales dans la ville de Bertoua, 2015.

> PHILIPPE Hugon, « Conflits armés, insécurité et trappes à pauvreté en Afrique », Afrique contemporaine, 2006.

> PIERRE Ansart, Les sociologies contemporaines, Paris, Editions du Seuil, 1990.

> TAMEKAMTA, Alphonse Zozime, « Le Cameroun face aux réfugiés centrafricains: Comprendre la crise migratoire et les résiliences subséquentes », Note d'analyses Sociopo-litiques, CARPADD, Montréal, n°01, 01 avril 2018.

> TAMEKAMTA Alphonse Zozime, « Gouvernance, rebellions armées et déficit sécuri-taire en RCA: Comprendre les crises centrafricaines (2003-2013) », Notes d'analyses du GRIP (Bruxelles), 22 février 2013.

> TAMEKAMTA Alphonse Zozime., « Centrafrique: pourquoi en est-on arrivé là et quelle paix au-delà de Djotodjia et de la MISCA? », Note d'Analyses Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014.

> VÉRONIQUE Lassailly-Jacob, Migrants malgré eux: une proposition de typologie in Déplacés et réfugiés: la mobilité sous contrainte, Lassailly-Jacob V., Marchal Jean-Yves (ed.), Paris, 1999.

> ZOCTIZOUM Yarisse, Histoire de la Centrafrique, Violence du Développement, Domination et Inégalités, Tome 2. (1959-1979), Paris, 2004.

Mémoires & Thèses

> GAMBO, Les communes des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits centrafricains de 1960 à 2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et Bertoua, Université de N'Gaoundéré-Cameroun - Master 2014.

> ENAMA AYISSI Théodore, Coopération internationale et appropriation par les OSC des mécanismes de concertations avec l'état au Cameroun. Cas du programme d'appui à la structuration de la société civile (PASOC) dans la ville de Yaoundé, Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC)-Cameroun-Master 2014.

75

? KOUAM Simon Pierre, Le statut des réfugiés au Cameroun- étude critique de la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005, Université de Yaoundé II-Cameroun, Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Privé Fondamental, 2004.

Rapports & Divers

? Crisis Group, République Centrafricaine : anatomie d'un Etat fantôme, n°13, février

2012.

? Perspective Monde, « Renversement du président François Bozizé en République centrafricaine », publié le 24 mars 2013, consulté le 14 avril 2018.

? Nations-Unies et les réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22, octobre 1985, pp.19-32.

? Nations-Unies, Rapport sur l'enregistrement des faits d'état civil et des statistiques de l'état civil en Afrique, Commission Economique pour l'Afrique, 2017.

76

Table des matières

I.SIGLES ET ABREVIATIONS v

I.INTRODUCTION GENERALE 1

A.Contexte historique ou géographique de l'étude 3

B.Pertinence et intérêt du sujet 5

C.Objectifs de l'étude 7

1.Objectif général 7

2.Objectifs spécifiques 7

D.Revue de littérature 8

E.Questions de recherche 11

F.Hypothèses de recherche 11

1.Méthodologie 12

G.Défis éthiques de la recherche 14

H.Présentation et explications du plan de la recherche 16

CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION DE L'EST-CAMEROUN, ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX

DES CRISES CENTRAFRICAINES 17

I.PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE 19

A.La région de l'Est-Cameroun en bref. 20

B.La ville de Mandjou 23

1.Le cadre administratif, humain et physique de la ville de Mandjou 23

2.Aperçu socio-économique 25

II.ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES 26

A.Les causes internes des crises Centrafricaines 27

B.Causes externes de la crise Centrafricaine 30

CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE

CAMEROUN ET DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS 33

I.LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES REFUGIÉS CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN 35

II.LE STATUT DES REFUGIÉS 39

A.Le cadre législatif de la déclaration du statut de réfugié au Cameroun (DSRC) 40

B.Les structures chargées de la mise en oeuvre de la DSRC 43

CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET MISES EN OEUVRE PAR LE CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN
D'ASSURER L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS A

MANDJOU 45

III.LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET DU UNHCR DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS RÉFUGIÉS CENTRAFRICAINS À

MANDJOU 47

A.L'établissement des actes des naissances pour les enfants réfugiés : un dispositif humanitaire

privilégié par l'Etat du Cameroun et le UNHCR dans la ville de Mandjou ? 47

B.La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR 51

77

1.La pertinence des objectifs visés par l'Etat et le UNHCR dans l'enregistrement des naissances

des enfants réfugiés Centrafricains. 51

2.Les outils et stratégies mises en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le UNHCR 52

CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES SUSCEPTIBLES DE LIMITER L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS POTENTIELS 58

IV.LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE LIMITER LES INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR59

1.Manque de données relatives à propos des enfants réfugiés vivant hors sites. 59

2.Longue procédure d'établissement des actes de naissance dans un contexte particulier 60

3.Indisponibilité des registres d'état civil pendant une longue période 61

4.L'absence d'implication de la société civile locale dans le processus 61

5.Non-prise en compte des réalités culturelles et communautaires 62

6.Les influences négatives de divers conflits naissants dans la gestion des réfugiés à Mandjou 63

II.LES PALLIATIFS POTENTIELS 65

1.Renforcer la sensibilisation des parents réfugiées Centrafricains sur leurs devoirs au sein des

communautés hôtes 65

V. 65

2.Promouvoir une implication plus forte de la société civile camerounaise dans cette crise

humanitaire 66

3.L'intégration de l'enregistrement des naissances avec d'autres services 66

4.L'urgence d'une instauration de la culture de bonne gouvernance 67

III.CONCLUSION GENERALE 69

VI.BIBLIOGRAPHIE 72

Table des matières 76

UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN

Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication

École des sciences politiques et sociales (PSAD)

Place Montesquieu, 1 bte L2.08.05, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique | www.uclouvain.be/psad






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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo