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Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?


par Elisabeth Berthelot
IGS - Master Ressources Humaines 2020
  

Disponible en mode multipage

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Nathalie Monin, maître de mémoire

Elisabeth Berthelot IGS FC - RGRH 58

2019 - 2020

 

Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour mettre en place les formations liées à l'impact de l'intelligence artificielle sur certains métiers dans le plan de développement des compétences des établissements de santé en France ?

1

Table des matières

Préambule 3

Introduction 4

Contexte actuel du secteur santé 4

I. Etat des lieux 6

A. Définitions et mise en contexte 6

1. Qu'est-ce qu'un établissement de santé ? Comment fonctionne-t-il ? 6

2. Qu'appelle-t-on nouvelles technologies ? Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ? 7

3. Quelles nouvelles technologies pour l'hôpital/la santé ? 8

4. Qu'est-ce que l'Intelligence Artificielle appliquée au domaine de la santé ? 10

B. Les Groupements Hospitaliers de Territoire : un contexte de réorganisation

globale qui influe en parallèle sur tous les changements à anticiper 11

C. Comment les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle impactent-elles

le secteur de la santé ? 12

D. Quelles conséquences y a-t-il / y aura-t-il sur les métiers des établissements de

santé / du secteur santé ? 14

1. Les médecins 15

2. Les métiers de soin : Les infirmier.e.s, les manipulateurs radios, les aides-soignants 20

3. Les métiers administratifs : secrétariats médicaux et agents d'accueil 23

4. Les autres métiers 25

5. De combien de professionnels parle-t-on ? 26

II. L'accompagnement mis en place 28

A. L'accompagnement mis en place à l'échelle de l'établissement 29

B. Les médecins 32

1. Comment les médecins appréhendent-ils le changement ? 32

2. Comment les médecins sont-ils accompagnés dans ces changements aujourd'hui ? 33

3. Comment les acteurs du secteur santé souhaitent-ils être accompagnés ? 34

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du secteurs santé

souhaitent-ils mettre en place ? 36

C. Les infirmier.e.s 38

1. Comment les infirmiers appréhendent-ils le changement ? 38

2. Comment les infirmier.e.s sont-ils accompagnés dans ces changements aujourd'hui ? 39

3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ? 40

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du secteurs santé

souhaitent-ils mettre en place ? 42

D. Les agents d'accueil 43

1. Comment les assistants administratifs et agents d'accueil appréhendent-ils le

changement ? 43

2. Comment les agents d'accueil sont-ils accompagnés dans ces changements aujourd'hui ? 45

3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ? 46

2

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du secteurs santé

souhaitent-ils mettre en place ? 46

E. Les bonnes pratiques d'accompagnement des ressources humaines 47

1. La culture du changement 47

2. Les évolutions à envisager 47

3. Ce qui fonctionne déjà ou peut être mis en place à court terme 49

III. Recommandations d'accompagnement 52

Qui définit le plan de développement des compétences ? 52

Comment est-il financé ? 53

Quelle sera sa forme ? 53

Qui sont les acteurs ? 54

Quels seront les délais ? 55

Quels seront les enjeux ? 55

A. Sensibilisation et Formations conduite du changement 55

1. Étape 1 : former les directions 55

2. Étape 2 : former les comités de pilotage et les cadres à la conduite du changement 58

B. Formations interdisciplinarité / projets inclusifs et collaboratifs 59

C. Formations propres à l'évolution des métiers 64

Les outils : 66

Psychologie : 66

Conclusion 70

Bibliographie mémoire 74

Annexes 78

3

Préambule

J'ai écrit ce mémoire afin de finaliser cette année d'étude effectuée à l'IGS dans le cadre du diplôme de responsable de la gestion des ressources humaines, titre certifié inscrit au RNCP au niveau 6.

Le sujet des formations à mettre en place dans les établissements de santé dans le cadre de la transformation numérique et des possibles usages de l'intelligence artificielle est apparu assez rapidement comme une évidence. Je travaille dans le secteur sanitaire depuis huit ans. Ce sujet est évoqué de plus en plus régulièrement par les professionnels de santé. Il me parait évident qu'il est incontournable et qu'il nécessite un travail précis et engagé. Il est un levier extraordinaire de modifications des pratiques de travail à l'hôpital pour aller dans le bon sens. Comment ne pas s'en saisir quand on en prend conscience ?

J'ai eu le plaisir de lire des ouvrages propres au sujet de l'intelligence artificielle en santé, d'autres parcourant le métier de DRH, celui de DRH à l'hôpital, de DRH confronté au digital et au changement, rédigés par des professionnels passionnés et plus passionnants les uns que les autres. J'ai eu la chance et l'honneur de pouvoir échanger sur le sujet avec des professionnels dont la place n'est pas due au hasard. Si j'ai pris la décision de retranscrire en intégralité les entretiens que j'ai eus avec Perrine Cainne, Jérôme Carfantan, Pauline Cuisine, Nicolas Delmas, Adrien Deudon, Camille Giordano, David Gruson, Marie-Pier Levesque, Stéphanie Quesnel et le DRH d'un Centre Hospitalier Universitaire, c'est parce que j'avais anticipé la qualité de ces entretiens. Le niveau des réponses que j'ai reçues est élevé et a dépassé largement mes espérances et exigences. Je ne saurais les remercier suffisamment pour ce temps donné et ces réflexions et idées qu'ils m'ont tous partagés avec générosité et envie de faire avancer... le monde... avec force et humilité.

Nombreux sont ceux qui m'ont soutenue et accompagnée tout au long de cette année et que je tiens à remercier : camarades de promotions, professeurs à l'IGS dont Emmanuelle Casati pour ses conseils à la préparation de ce mémoire, Mariamme Midot, collègues de stage (je pense plus particulièrement à Maxime Cauterman et Jonathan Ardouin qui m'ont accueillie dans l'extraordinaire épopée de Livi France comme responsable des ressources humaines aux balbutiements de la crise liée à la Covid, pendant tout le confinement et au-delà), Nathalie Monin, maître de mémoire, pour ses remarques constructives et son accompagnement bienveillant, tous ceux qui sur mon chemin m'ont transmis l'envie d'emprunter cette voie, ils sont nombreux et j'espère qu'ils se reconnaitront et enfin et surtout ma famille et mes proches qui m'ont apporté un soutien sans faille durant cette année spéciale.

4

Introduction

Les métiers de la santé évoluent constamment ces dernières années. L'hôpital doit en permanence s'adapter aux nouvelles technologies existantes afin de proposer des services toujours plus performants au service du patient avec des contraintes budgétaires conséquentes. Il est important que les acteurs de la santé se forment non seulement à l'utilisation de ces outils mais également aux changements qu'ils impliquent au quotidien et dans l'organisation globale.

Le défi des établissements de santé aujourd'hui relève de la combinaison de la digitalisation, des progrès en médecine, de l'accès aux données, de l'accès et de la maîtrise des nouveaux outils. Il offre des perspectives incroyables qu'il va falloir encadrer et ce dans un contexte organisationnel et sanitaire complexe. Au-delà des questions techniques, légales et éthiques, ce sont des défis d'organisation et de confiance qui devront être relevés.

Contexte actuel du secteur santé

Il ne s'agit pas ici de décrire le contexte de crise sanitaire engendré par le Coronavirus ces derniers mois, les nombreux médias à disposition de l'ensemble de la population s'en chargent allégrement au quotidien. Il me parait néanmoins important de rappeler ce contexte afin d'appuyer le mal-être et les difficultés rencontrés par les professionnels de santé d'une manière générale. Les enjeux portés aujourd'hui par les ressources humaines hospitalières sont sous le feu des projecteurs. Voilà de nombreuses années que le personnel hospitalier, notamment médical et paramédical, réclame des mesures importantes de réforme du système de santé. Une démographie qui évolue, une culture qui change, des réformes précédentes pas toujours adéquates, des changements de système de financement, un redécoupage territorial et des évolutions technologiques bouleversent le système de santé un peu plus chaque jour. Le plan ma santé 2022 annoncé en septembre 2018 par le président de la république est destiné à améliorer les conditions générales de prise en charge des patients de façon systémique à horizon 2022. Les professionnels de santé n'y ont pas trouvé les réponses quant à leurs problématiques quotidiennes et l'ont fait savoir dans la rue et au travers des différents médias et réseaux sociaux. La crise sanitaire liée à la Covid 19 accélère et renforce le malaise des acteurs de la santé. Le gouvernement répond à ces problèmes majeurs par les accords du Ségur de la santé établis avec les syndicats professionnels. L'absence de certains représentants de métiers tels que les sages-femmes, les orthophonistes, les infirmières de puéricultures, les aides-soignants, etc., est dénoncée.

5

En termes de santé publique, parmi les faits marquants et importants, on constate aujourd'hui que le nombre et la proportion de maladies chroniques sont de plus en plus élevés, quel que soit l'âge. Après 50 ans, la majorité des personnes compte au moins une maladie chronique voire plus tandis que le nombre croissant de possibilités de traitements tant médicaux que faisant appel à de nouvelles technologies tend à rendre impossible une pratique sereine de la médecine par un être humain qui ne peut plus être à jour de l'ensemble des possibilités. Les erreurs médicales et des soins inappropriées conduisent à une issue fatale.1

De plus en plus de médecins sont ainsi sujets au burnout selon un article de Michael Girouard intitulé « AI in the Exam Room: Combatting Physician Burnout and Improving Clinical Care » dans la Harvard Business Review.2

Il devient urgent de modifier le système de santé actuel et l'ensemble des formations qui y sont liées. La médecine du futur sera préventive - et donc moins coûteuse pour tous sur le long terme, individualisée et prendra en compte l'engagement du patient dans son propre parcours de soin. De plus en plus d'associations de patients voient le jour et font entendre leur voix.

De nombreux présupposés sont nécessaires pour comprendre les sujets dont il est ici question. Le fonctionnement d'un hôpital et son contexte global sont complexes. La définition de ce qui se cache derrière les termes de nouvelles technologies et d'intelligence artificielle, d'autant plus quand ils sont rattachés à un secteur précis tel que celui de la santé, n'est pas évidente, qu'on connaisse le secteur ou pas. Pourtant les conséquences des mises en place d'outils et de nouvelles technologies, notamment dotés d'intelligence artificielle ont un impact direct sur certains métiers. On peut se demander si tous sont bien accompagnés et de manière homogène selon les métiers, selon le territoire et selon l'établissement dans lequel les agents opèrent. Sur la base de ces éléments, plusieurs types d'actions peuvent être préconisées, de la conduite du changement à la formation des outils en passant par l'apprentissage de modes de coopérations plus que nécessaires dans le contexte actuel de l'hôpital.

1 Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi, Advancing Healthcare Through data-driven medicine and artificial intelligence, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

2 https://digital.hbs.edu/platform-rctom/submission/ai-in-the-exam-room-combatting-physician-burnout-and-improving-clinical-care/

6

I. État des lieux

A. Définitions et mise en contexte

1. Qu'est-ce qu'un établissement de santé ? Comment fonctionne-t-

il ?

Un établissement de santé tel qu'un hôpital public en France fonctionne avec un système de gouvernance qui repose sur la collaboration de l'équipe de direction avec le directoire, composé du directeur de l'établissement, du président et du vice-président de la Commission Médicale d'Établissement (un médecin), sous le contrôle du conseil de surveillance (représentants des collectivités territoriales, du corps médical et des personnels hospitaliers, personnes qualifiées et représentants des usagers).

Les établissements de santé sont organisés en pôles d'activité cliniques ou médico-techniques sous la responsabilité d'un praticien titulaire ayant autorité sur l'ensemble des équipes médicales, soignantes et d'encadrement.

L'essentiel des fonds des hôpitaux provient d'une branche de la sécurité sociale : l'Assurance Maladie, elle-même financée par les cotisations sociales des employeurs, des salariés et des indépendants.3 En 2004, le système de dotation des hôpitaux a été modifié pour passer d'un système forfaitaire à un système de tarification à l'activité, c'est-à-dire que ce sont les actes de soins et de médecine effectués dans l'établissement qui déterminent les ressources qui lui sont alloués. Chaque établissement public est autonome sous surveillance des agences régionales de santé et chambres régionales des comptes.4

L'hôpital est une organisation sociétale complexe soumis à de forts enjeux de sécurité dans des activités multiples (hospitalisation, consultation et imagerie) potentiellement divisées en plusieurs pôles de spécialités et gérant de nombreux métiers extrêmement différents les uns des autres, qu'ils soient soignants, techniciens (on trouve derrière ce terme tous les métiers de la vie courante tels que plombiers, électriciens, jardiniers, cuisiniers, ...) ou administratifs.

Un établissement de santé peut être public ou privé. Dans le cas d'un établissement Public de Santé, c'est l'état qui est à l'origine de l'organisation. C'est donc lui qui doit être un des moteurs de l'IA en santé. Les enjeux liés à la transformation numérique des établissements publics de santé résident en partie sur l'implication du gouvernement et des ministères concernés qui devront tout mettre en oeuvre pour être une force plutôt qu'un frein. Sans action et directives

3 Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics

4 https://www.hopital.fr/Nos-Missions/Le-fonctionnement-de-l-hopital

7

concrètes de leur part, les services de ressources humaines des établissements publics devront redoubler d'inventivité et de travail de veille pour faire monter les équipes en compétences.

2. Qu'appelle-t-on nouvelles technologies ? Qu'est-ce que

l'intelligence artificielle ?

L'encyclopédie Larousse définit les nouvelles technologies comme les « moyens matériels et organisations structurelles qui mettent en oeuvre les découvertes et les applications scientifiques les plus récentes » et l'intelligence artificielle comme « l'ensemble des théories et des techniques mises en oeuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence ». Afin de bien comprendre les enjeux qui se cache derrière ces termes, rappelons quelques points historiques :

? Dans les années 50, Alan Turing évoque le concept de la machine apprenante et consciente, capable de penser.

? En mai 1997, la machine Deep Blue créée par IBM battait pour la première fois Gary Kasparov aux échecs. Cette nouvelle eut un retentissement mondial. Cet événement était un jalon symbolique de l'avancées des nouvelles technologies.

Il faut dissocier les domaines que l'on associe généralement à l'IA : la robotique, le machine learning, la collecte et l'analyse de données et l'intelligence artificielle elle-même.5

? La robotique fait partie de notre quotidien depuis bien longtemps déjà, chez nous, en voiture, dans les usines, dans l`agriculture, au travail.

? Le machine learning, ou apprentissage profond, correspond à une méthode d'apprentissage par la machine elle-même, sans apport théoriques préalable et uniquement basé sur une analyse des données qu'on lui transmet.

? La collecte et l'analyse de données sont le terreau et les graines de l'intelligence artificielle. Il ne peut y avoir d'analyse ni de résultat sans données. Il est à préciser, même si cela parait évident, que les données doivent être exploitables, c'est-à-dire qu'elles doivent être correctes et lisibles ou dans un langage entendu, clair et sans équivoque (données ordonnées).

5 Daniela Rus, AI, a vector for positive change in medicine, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

8

? Enfin, concernant l'intelligence artificielle stricto sensu (à noter que le terme est décrié par de nombreux spécialistes), il s'agit principalement de mimer la logique humaine.

3. Quelles nouvelles technologies pour l'hôpital/la santé ?

A la base de toute technologie d'analyse et de recherche se trouvent les données ou data. La création de bases de données au contenu le plus riche en nombre et le plus varié possible est le fondement de la possibilité d'utiliser l'Intelligence Artificielle. Aucune analyse profonde n'est possible sans données. La donnée est la matière première de l'intelligence artificielle. C'est d'elle que naitra la valeur de l'analyse. Numériser l'ensemble des données de santé existante est l'une des principales étapes, qu'il s'agisse des données des hôpitaux publics, privés, des libéraux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, des centres d'imagerie, des laboratoires de biologie, des pharmacies, de la collecte des données générées par les dispositifs implantés dans l'organisme tels que les pacemakers ou encore les publications de recherches, médicales et scientifiques.

Le Health Data Hub reprend les données du Système National des Données de Santé (SNDS) qui collecte et regroupe aujourd'hui les bases de données, entre autres, du Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie (SNIIRAM), du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), des données statistiques relatives aux causes de décès (BCMD) et l'Entrepôt de Données de Santé de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (EDS) mais également d'autres données à l'échelon central (Direction Générales de l'offre de soin, Haute Autorité de Santé, Fédérations, ...) ainsi qu'à l'échelon local (hôpitaux, professionnels de santé, patients). La mise en commun des données est laborieuse. Ce travail est important et long.6 Se pose la question de la hiérarchisation de ces données. Par exemple, le fait qu'une donnée provienne d'une publication dans une revue à fort impact doit-t-elle donner plus de valeur à la donnée ? Une étude réalisée dont le résultat ne donne que peu d'information n'est-elle pas aussi importante qu'une étude positive en termes de résultats escomptés (ceci est valable pour tout type d'enquête et notamment dans le domaine des ressources humaines) ? L'absence de résultats n'est-elle pas elle-même une information en soi ?

6 Santé et intelligence artificielle, sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

9

De très nombreux dispositifs médicaux (plus communément retrouvés sous l'anglicisme healthcare devices) sont aujourd'hui implantés dans les établissements de sanitaires et médico-sociaux. On entend par dispositif médical « tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue également un dispositif médical le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostiques ou thérapeutiques.7 Cela va des béquilles aux implants en passant par les lentilles et prothèses. Aujourd'hui des industriels tels que Gerflor, proposent des « sols intelligents » et qui peuvent devenir apprenant, c'est-à-dire indiquer où et comment la personne tombe et ainsi proposer des solutions de préventions. Des capteurs connectés permettent d'enregistrer les comportements liés au sommeil, à l'alimentation, aux déplacements dans le lieu d'habitation et dans la salle de bain afin d'identifier les changements dans les habitudes qui pourraient nécessiter une intervention.

Dans un autre domaine, le département CSAIL (Computer Science and Artificiel Intelligence Laboratory) du MIT (Massachusetts Institute of Technology), l'un des centre de recherche et université les plus prestigieux au monde, travaille actuellement sur des capsules de glace à ingérer renfermant un nanobot capable, contrôlé par un chirurgien, de prélever des échantillons de tissu, d'extraire un objet, de soigner une blessure interne, d'administrer un soin spécifique à un endroit précis sans inciser et en provoquant le moins de douleur et de soins post-opératoires.8

La télémédecine est également un élément majeur des nouvelles technologies dans le secteur de la santé. On a notamment pu le constater avec la crise sanitaire qui aura permis le développement et l'acceptation de ces pratiques. Le décret du 19 octobre 2010 les identifie ainsi :

- La téléconsultation (consultation à distance par un professionnel médical)

- La téléexpertise (consultation à distance de professionnel médical à professionnel médical pour avis consultatif sur le dossier médical d'un patient

- La télésurveillance médicale (suivi médical à distance par des objets connectés)

7 Code de la santé publique (article L.5211-1)

8 Daniela Rus, AI, a vector for positive change in medicine, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

10

- La téléassistance médicale (assistance à distance d'un professionnel de santé par un professionnel médical pour la réalisation d'un acte)9

Le dossier médical partagé, dont on parle beaucoup actuellement, notamment concernant la sécurisation de ses données selon le RGPD (Règlement Général sur la Protection des données), est un carnet de santé numérique accessible par les professionnels dans le cadre de consultations. Il conserve l'ensemble des données de santé de chacun telles que les consultations, les résultats d'analyses, les prescriptions, allergies, etc. Une application est téléchargeable par et pour tous.10

4. Qu'est-ce que l'Intelligence Artificielle appliquée au domaine de

la santé ?

L'intelligence artificielle est apparue pour la première fois dans le secteur santé dans les années 1970 quand les premiers essais de proposition de traitement par un système de reconnaissance de certains types de bactéries ont été faits à l'université de Stanford.

L'intelligence artificielle est principalement développée sur des applications de surveillance épidémiologique, d'imagerie médicale et d'analyse de signal qui annoncent la transition vers une médecine prédictive et individualisée. Tout cela est encore difficilement applicable aux autres secteurs de la santé (hors gestion administrative) : le propre de l'intelligence artificielle aujourd'hui est encore de reconnaitre et d'interpréter des images. Les raisons en sont simples une fois énoncées :

- Une image reste une image, si son interprétation peut évoluer dans le temps en fonction de nouvelles données ou ce nouveau biais qui viendront l'enrichir, l'image en elle-même ne bougera pas et est factuelle.

- Nous disposons de millions d'images des différents organes : sains, malades à différents échelons, de toutes zones géographiques, de tous niveaux socio-culturels, de tous âges. - Ce secteur permet une appropriation rapide et constante des dernières technologies.

- La terminologie est globalement généralisée et suscite moins de problèmes de croisement des données.11

9 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

10 https://www.dmp.fr/

11 Santé et intelligence artificielle, sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

11

L'Intelligence Artificielle est un moyen d'arriver à un meilleur système de santé. Il n'est certainement pas une solution. C'est un outil. L'idée générale de l'Intelligence artificielle est bien d'améliorer nos vies par l'accès à des postes plus gratifiants, plus créatifs et de libérer l'esprit des tâches répétitives.

Le Règlement Général sur la Protection des Données donne un cadre sécurisé au développement des nouvelles technologies dans un domaine où les données sont particulièrement sensibles et confidentielles. Il permettra une meilleure adhésion au changement avec un cadre connu, pour lequel la communication a été forte, avec un fort sentiment de sécurité. Ce sentiment de sécurité est soumis aux aléas des interventions des pirates comme on a pu le constater cet été avec le piratage des données de Doctolib.12

Certaines données disponibles ont déjà permis à la machine de dépasser l'être humain en termes de qualité d'analyse dans la détection de certaines pathologies mais il ne s'agit certainement pas de remplacer l'humain. Il s'agit de l'aider, voire de le guider et d'en garder trace.

D'un point de vue administratif, l'Intelligence Artificielle permettra l'optimisation pour aider à la soutenabilité du financement de nos établissements de santé. Elle tiendra également une place fondamentale dans les secrétariats.

B. Les Groupements Hospitaliers de Territoire : un contexte de

réorganisation globale qui influe en parallèle sur tous les changements à anticiper

Afin de bien comprendre le contexte dans lequel évoluent tous les professionnels de santé aujourd'hui, il me parait essentiel d'évoquer en quelques phrases certains éléments de la loi Santé du 26 janvier 2016. Même si les différents points de cette loi n'ont pas été décidés du jour au lendemain et résultent de nombreuses lois antérieures et d'essais précédents de coordinations entre établissements, celle-ci a la particularité d'imposer clairement ces coopérations et ne laisse plus d'autre choix que de travailler ensemble aux établissements sanitaires autour d'une stratégie commune de prise en charge du patient formalisée par le projet médical partagé. Le plan ma santé 2022 annoncé par le président de la république en

12 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/23/doctolib-victime-d-un-vol-de-donnees 6047078 4408996.html

12

septembre 2018 pousse les professionnels de santé à aller encore plus loin dans ces processus de rapprochement entre tous les professionnels de santé, quel que soit le type de structure pour lequel ils travaillent, public, privé ou libéral alors même que le milieu de la santé est, jusqu'à aujourd'hui et le restera probablement encore longtemps, très concurrentiel entre chaque acteur, qu'il s'agisse des établissements ou des praticiens eux-mêmes. Des formations allant dans le sens de la coopération ont déjà été engagées dans de nombreux établissements.

Il existe aujourd'hui 136 Groupements Hospitaliers de Territoire.13 L'établissement dit « support » est en charge de la gestion commune des fonctions supports DIM (Département d'Information Médicale), SIH (Système d'Information Hospitalier), achats et formation.14 La formation inclut les IFSI (Instituts de Formations en Soins Infirmiers) et les services formations (dédiés à la formation continue). D'autres fonctions peuvent et pourront également être mutualisées telles que la biologie, l'imagerie, les fonctions logistiques et RH.

Chaque professionnel est désormais rattaché à un territoire et à un établissement support auquel il ne s'identifie pas forcément. Toutes ces réorganisations viennent bouleverser le sentiment d'appartenance de chacun. A noter que pour le moment depuis leur mise en place, les mutualisations en termes de ressources non médicales sont encore très limitées et avec de fortes variations d'un établissement et d'un groupement à l'autre.

C. Comment les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle
impactent-elles le secteur de la santé ?

L'hôpital fait face depuis de nombreuses années à une forte injonction contradictoire : être à la pointe de la technologie - car « la santé n'a[urait] pas de prix » - avec des machines de plus en plus pointues, de plus en plus chères et qui évoluent de plus en plus vite avec des contraintes budgétaires de plus en plus prégnantes et fortes pour des patients de plus en plus au fait de ce qui existe et donc avec des exigences de plus en plus élevées. Les enjeux impliquent un haut degré de réflexions individuelles et concertées de la part des directions des ressources humaines afin de satisfaire les différents professionnels, les directions et institutions de régulation du système de santé et, in fine, le patient que nous sommes tous. On retrouve des conséquences sur les agents hospitaliers sur tous les pans de gestion de la

13 https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/groupements-hospitaliers-de-territoire/article/les-ght-par-region

14 https://www.reseau-hopital-ght.fr/nouvelle-organisation.html

13

direction des ressources humaines : prévention des risques psycho-sociaux, développement de la qualité de vie au travail, promotion du bonheur au travail, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, formation, politiques de rémunération (car un salarié de plus en plus formé et avec plus de responsabilité doit supposément être mieux payé).15

Le processus de modernisation des établissements de santé a été initié il y a une vingtaine d'années avec l'informatisation des dossiers de l'ensemble des acteurs du secteur santé, établissements comme libéraux. Il se heurte au manque de moyens consacrés, à la complexité du secteur et de son système de gouvernance renforcé par l'hétérogénéité des métiers qui le composent.

Le croisement des données de santé facilitera à terme le pilotage de l'activité hospitalière médicale, sa vocation de soin avec les problématiques économiques. Les pics d'affluence aux urgences pourront par exemple, grâce aux outils prédictifs, être anticipés dans certains cas et permettre une gestion globale affinée avec les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment dans l'hôpital. OpenHealth par exemple, PME française agréée par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil), exploite les données de santé et les partage afin de faire avancer les connaissances des acteurs de santé, publics, privés, industriels et pharmaceutiques.16

L'utilisation de technologies dotées d'intelligence artificielle n'est pas une nouveauté dans le secteur médical. Elle se diffuse peu à peu depuis de nombreuses années. David Gruson, dans son livre intitulé La Machine, le Médecin et Moi, rappelle que « la part humaine dans la décision médicale n'a cessé de se réduire depuis plusieurs décennies, avec un développement exponentiel de la robotisation médico-technique ».17 L'ensemble des utilisations de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé telles qu'elles existent déjà sont répertoriés dans le rapport de l'institut Montaigne IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur18.

La médecine devient de plus en plus préventive comme le cancer du sein ou les programmes de prévention de la Clalit Health Services en Israël sur la prévention des maladies rénales chroniques (esrd - end stage renal disease). Plus les maladies sont détectées en amont, plus les patients ont de chance de s'en sortir.19

15 Matthieu Girer, Directeur des ressources humaines, carrefour des transformations hospitalières dans Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, coordonné par Jean-Marie Barbot et Sophie Marchandet, Berger Levrault, 2020

16 Santé et intelligence artificielle, sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

17 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

18 Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en santé

19 Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi, Advancing Healthcare Through data-driven medicine and artificial intelligence, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

14

De nouveaux dispositifs médicaux apparaissent chaque année : moniteurs à distance des paramètres cardiaques, piluliers électroniques, des capteurs connectés, les systèmes intégrés de suivi et de surveillance à distance, sans compter les nombreuses applications mobiles qui permettent le fonctionnement et la transmission de tous ces dispositifs.20 Avec plus de suivi à distance et des objets connectés permettant le soin à domicile, c'est tout le système de santé qui est et va être de plus en plus changé au fil des années à venir.

D. Quelles conséquences y a-t-il / y aura-t-il sur les métiers des
établissements de santé / du secteur santé ?

La manière d'aborder la maladie change, nous nous dirigeons vers un système ou les traitements des patients sont et seront de plus en plus individualisés et avec des technologies de pointe. Les informaticiens et les gestionnaires de bases de données ont une place de plus en plus importante dans les établissements de santé et les entreprises du secteur santé. Les données traitées nécessitent de bien connaître les actes médicaux, leur terminologie voire la sémantique. Si les bases de données actuelles sont principalement utilisées aujourd'hui à des fins de gestion, il est possible de les transformer dans un cadre de recherche. Un travail par équipes interdisciplinaires est indispensable avec des médecins, des pharmaciens, des dentistes, des infirmières, des paramédicaux mais également avec des épidémiologistes, des économistes de la santé, des statisticiens, des personnels sociaux, etc. Il va falloir apprendre à travailler ensemble.

De nombreux métiers liés à l'intelligence artificielle apparaissent, quel que soit le secteur d'activité. La plupart de ces métiers partagent la particularité de la double compétence. Parmi ceux ayant une place dans le domaine de la santé, on peut citer 21 :

· Le Data Protection Officer (DPO) est chargé de la sécurité des données en conformité avec le RGPD, doit être au fait des spécificités des données médicales. Il cumule compétences juridiques et informatiques.

· Le Psy designer crée des « personnalités artificielles ». Il analyse les comportements entre humains et Intelligence Artificielle et travaille à les fluidifier. Il cumule études en psychologie et compétences informatiques.

20 https://www.louvainmedical.be/fr/article/de-la-medecine-10-la-medecine-30-le-patient-connecte

21 Paul Loubière, Métiers d'Avenir - Quand L'IA embauche, Challenges n°604, 2019

·

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L'Ethicien/ne est responsable de la dimension étique liée à l'IA et est garant des « biais » transmis à l'IA afin que celle-ci soit conforme aux valeurs qu'on souhaite lui inculquer et aux principes de droit humain. Des études en psychologie ou en philosophie sont nécessaires ainsi que des compétences en numérique.

· L'Architecte big data est chargé de la collecte des données. Il s'assure que celles-ci soient assimilables par le système d'information et par tous les logiciels métiers et en adéquation avec les dernières avancées technologiques. Il est ingénieur en informatique avec une formation complémentaire en big data.

· Le Data scientist est un ingénieur de données. Il trouve sa place dans tous les secteurs d'activités ayant besoin de statistiques et d'analyse des données. Le data scientist recoupe les données de diverses sources (contrairement au data analyst), s'assure de leur viabilité et les transmet à l'IA pour analyse. Il est ingénieur statisticien.

De nouvelles formations initiales ont été et vont continuer à être créées. Les directions des ressources humaines devront trouver la place pour ces nouveaux métiers et les accompagner dans leur légitimité auprès des différents professionnels. Tous les professionnels de santé et chercheurs devront être sensibilisés sur l'importance de la collecte des données de santé et accompagnés dans leur mise en place pour que les étapes nécessaires soient effectuées de manière optimale et que ces nouvelles données puissent être exploitées et servent à de nouvelles recherches. On peut aller encore plus loin sur les futurs métiers en évoquant les profils à double compétence qui pourront créer du lien et croiser les données de santé avec les paramètres météorologiques, les pics de pollution et les pics d'affluence aux urgences par exemple.

Outre les nouveaux métiers, B. Kalis, M. Collier et R. fu font ressortir dans un article de la HBR les métiers de la santé qui pourront être impactés : Chirurgie, assistants infirmiers virtuels, travaux administratifs, dosage, fraude Radiologie, etc.22

1. Les médecins

Les avancées et pistes de l'intelligence artificielle appliquée à la santé sont nombreuses : en réanimation, en imageries, en amélioration des processus de soin, en dépistage des cancers par les données d'imagerie et les analyses sanguines. De très nombreuses disciplines médicales vont voir leurs pratiques évoluer telles que la radiologie, la dermatologie,

22 https://hbr.org/2018/05/10-promising-ai-applications-in-health-care

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l'ophtalmologie, la neurologie, la psychiatrie, la cardiologie, la sénologie, l'hépatologie, l'endoscopie, l'endomicroscopie, l'anatomopathologie, la radiothérapie et la chirurgie guidée par l'image.

Actuellement, une salle d'opération regorge déjà d'équipements médicaux qui génèrent de la donnée (imagerie, instruments chirurgicaux, système d'information de l'hôpital pour la partie traitement du patient à proprement parler et caméras et microphones pour les communications et documentations destinés à la formation et à l'éducation). Les images des caméras, de même que l'enregistrement des gestes chirurgicaux, peuvent servir aux industries de développement d'outils de réalité augmentée, ou tout simplement de reconnaissance des gestes et d'enclenchement d'alarmes en cas de reconnaissance d'anomalie.

On évoque la mise en place de « tours de contrôle » des salles d'opération, comparable à celle d'un aéroport, comme au CHRU de Strasbourg23.

Simulation d'image d'une tour de contrôle en centre hospitalier

Comme on peut le voir en bas à droite de l'illustration ci-dessus, ce type d'équipement permettrait notamment de surveiller le placement des installations et les radiations émises par celles-ci et des différentes personnes présente dans le bloc opératoire et de détecter les risques de surexposition. Tout le personnel des blocs opératoires pourra ainsi être formé à la gestion de ces risques et développer de nouveaux réflexes sur le long terme.24

23 https://savoirs.unistra.fr/recherche/lintelligence-artificielle-une-intelligence-auxiliaire/un-super-assistant-pour-salles-doperation/

24 Nicolas Padoy, Vers une tour de contrôle des blocs opératoires, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

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L'intelligence artificielle ne peut fonctionner seule. La pratique de la médecine est optimisée par l'analyse des intelligences humaines et artificielles combinées. Il s'agit d'outils d'aide à la décision. Cette notion est collégiale. « Comme l'ont montré les récents duels Homme/Machine en matière de jeux d'échecs, si la machine arrive à vaincre le champion du monde, ce dernier assisté d'un bon ordinateur écrase l'homme et la machine. »25 L'ensemble des professionnels de santé, qu'ils soient médecins, paramédicaux, administratifs et institutionnels sont d'accord sur ce point. Ils permettent une prise de décision plus objective basée sur une analyse des symptômes combinés avec les derniers rapports publiés, sélectionnés de manière pertinente par la machine et analyses des banques d'images permettant une analyse prédictive de l'évolution de la pathologie et ainsi pouvoir prescrire le traitement qui parait le plus approprié.

Certaines solutions d'aide à la décision par l'analyse de l'image telles que celles proposées par Therapixel26 pour les radiologues et oncologues sont déjà mises en place dans de très nombreux établissements dans le monde entier et aident ainsi les médecins dans les diagnostics des cancers du sein, du poumon, de la vessie, du foie, de la prostate ou de l'oesophage. IBM s'est également distingué dans la mise en place de ces outils sans toutefois réussir à s'implanter comme ils le souhaitaient.27 Les résultats obtenus sont meilleurs et le temps consacré aux recherches est considérablement diminué.

Certains outils d'analyse des IRM (Imagerie par résonance magnétique) sont développés pour donner des résultats chiffrés, adaptés à une lecture par une machine plutôt que par l'humain. « Tous les métiers ayant recours à l'imagerie seront impactés : radiologues, mais aussi cardiologues, ORL, dermatologues... » selon Jacques Lucas.28

a) Radiologue

D'aucuns pensent que le métier de radiologue est amené à disparaître compte tenu de la vitesse à laquelle le métier évolue ces dernières années avec les technologies de reconnaissance et d'analyse des images. Il est important de se poser les bonnes questions : quelles sont les conséquences sur le métier à court, moyen et long terme ? En répondant à cette question, la formation des radiologues pourra être adaptée au fur et à mesure, en communiquant clairement et en évitant ainsi de creuser la pénurie déjà existante de médecins spécialistes. Si le métier n'est pas amené à être supplanté par les machines, l'intelligence

25 Jean-Emmanuel Ray, Droit du travail - droit vivant, Wolters Kluwer, 2020

26 https://www.therapixel.com/

27 https://www.ibm.com/products/clinical-decision-support-oncology

28 Propos reportés par Delphine Déchaux, Une assistance pour les médecins, une concurrence pour les secrétaires, Challenges n°604, 2019

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artificielle n'est pas en mesure de raisonner de la manière dont un radiologue établit son diagnostic. Les praticiens devront inévitablement se former très régulièrement et être à l'aise avec toutes les nouvelles technologies d'imagerie et avec le changement. Les applications d'intelligence artificielle passent essentiellement par l'imagerie et sont amenées à se développer de plus en plus, on peut donc aisément supposer que le nombre de demande d'images augmentera ainsi que le besoin de radiologue. Le métier change et les informations disponibles seront plus importantes. Elles permettront au médecin radiologue de miser totalement sur son expertise, traitant des données de plus en plus sophistiquées, et de manière plus rapide avec des traitements de plus en plus personnalisés.

Les différents spécialistes se sont créés des communautés d'experts via les réseaux sociaux et peuvent ainsi soumettre des cas cliniques à leurs confrères du monde entier et recevoir une réponse en quelques secondes influençant ainsi l'enseignement et les diagnostics.

Le médecin aura un rôle de médiateur dans la compréhension des algorithmes et des technologies et la transmission de l'information adéquate pour le patient. Il s'agit d'une mise en pratique individualisée et optimisée du traitement en fonction des facteurs propres au patient (environnementaux, sociaux, culturels, familiaux, psychologiques). Il ne s'agit pas de sacrifier le bien-être du patient au service d'un soin qui pourrait alors devenir contre-productif.29

Dans la note IA et emploi en Santé : quoi de neuf docteur ? publiée par l'institut Montaigne en 2019, le Dr Jean-Philippe Masson résume ainsi les effets à attendre de l'IA en radiologie : - « L'aide au diagnostic : l'IA permet une analyse plus rapide des examens, ensuite validée par le radiologue,

- Les outils de formation initiale ou continue : l'IA permettra le développement de méthodologies de formation à distance et de modules d'entraînement directement connectés aux techniques utilisées par les radiologues,

- Le soutien au développement de la recherche : l'IA contribuera à la recherche dans les nouvelles techniques comme l'imagerie fonctionnelle et interventionnelle, les banques de données génomiques et la médecine prédictive. » 30

Il existe aujourd'hui une pénurie de radiologues. L'intelligence artificielle apporte une solution en dégageant du temps qualitatif aux radiologues. Il me parait extrêmement important de maintenir une bonne communication régulière sur les avancées de l'intelligence artificielle en

29 Mostafa El Hajjam, Vers un radiologue augmenté, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

30 David Gruson, Adrien Deudon et Laure Millet, IA et emploi en Santé : quoi de neuf docteur, Institut Montaigne, 2019

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imagerie et sur l'évolution du métier à plusieurs échéances auprès des professionnels, des professeurs d'université et des étudiants en médecine. Il ne faudrait pas que les étudiants cessent de choisir la radiologie par peur de disparition du métier et qui engendrerait une nouvelle pénurie de radiologues.

b) Oncologue

Le métier d'oncologue change également à de nombreux égards. Il existe désormais de très bons outils d'évaluation de risques de récidive d'une tumeur par l'intelligence artificielle en génomique des cancers développés par Therapixel ou Therapanacea notamment.31 On peut envisager dans les prochaines années une réduction de 30% des opérations effectuées dans le cadre d'un cancer du sein grâce à une intelligence artificielle développée par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology à Boston). Au Japon, un logiciel capable de détecter un cancer du côlon en moins d'une seconde a été mis au point par une équipe de chercheurs. En France, Optellum a développé un logiciel de détection du cancer du poumon et d'aide à la décision médicale avec pour conséquence une réduction considérable du nombre d'interventions.32 L'efficacité des outils utilisant les méthodes de deep learning a été prouvée. Ils permettent de très faibles taux d'erreur pour la détection et la classification des cancers pulmonaires et des cancers du sein métastatiques.

Les technologies digitales telles que les méthodes de séquençage de l'ADN amènent à une médecine prédictive et permettent de s'attaquer à la cause plutôt qu'aux conséquences. Les méthodes de soins vont de fait changer. De plus en plus de cancers seront traités comme des maladies chroniques.

c) Psychiatre/traitement Alzheimer

Dès les années 60, Joseph Weizenbaum avait développé un chatbot (robot conversationnel), Eliza, avec système de reformulation des propos des patients sous forme de questions. Cela fonctionnait déjà très bien.33 De nombreux outils au service de la santé mentale sont actuellement développés dans le repérage des troubles psychiques ou des situations à risque.

31 https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/trois-start-up-de-lintelligence-artificielle-appliquee-a-la-sante-a-suivre-140975

32 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

33 Laurence Devillers, Robots sociaux et affectifs : une intelligence artificielle sans conscience mais utile, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

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d) Urgences

L'accueil du patient aux urgences pourra s'effectuer avec une connaissance du patient qui permettra d'anticiper la procédure à suivre dans son cas particulier et de gagner en temps tout en réduisant les erreurs médicales (exemple d'un patient admis conscient ou non, avec des allergies) en fonction de son histoire médicale qui apparait dans son Dossier Médical Partagé. Cela aura d'énormes conséquences sur toute la médecine d'urgence et sur l'organisation des services.

e) Les autres spécialités

D'une manière générale, l'IA est amenée à se développer vers les autres spécialités de chirurgies courantes. Des robots d'aide à la réalisation de certains gestes de chirurgie courante comme la suture sont créés, tels Star (Smart Tissue Autonomous Robot)34. Ces quantités d'informations ne pourront être traitées de manière adéquate et utile que si les médecins travaillent main dans main avec des ingénieurs et des bioinformaticiens : des data scientists.

Ces avancées majeures auront également une influence conséquente sur la manière de suivre les patients, notamment par la mesure de l'efficacité des protocoles appliqués. Les nouvelles données vont modifier la manière dont l'ensemble du personnel soignant s'occupe des patients. Plus les machines et outils d'aide à la décision seront alimentés de données, plus ils évolueront et assisteront ainsi de plus en plus les professionnels de santé et les patients dans leur quotidien, principalement par la prévention et par un conseil personnalisé, propre à la vie et au contexte (géographique, génétique, social, psychologique, professionnel, risques toxiques, etc.) de chacun.

2. Les métiers de soin : Les infirmier.e.s, les manipulateurs radios, les

aides-soignants

Le niveau de connaissance de l'impact des nouvelles technologies sur les métiers paramédicaux reste incertain. Il dépendra énormément des décisions liées au niveau de délégation de certaines tâches médicales qui leur incombera. Les métiers, qu'ils s'agissent des professions médicales et paramédicales, évolueront avec des dimensions d'expertise plus pointues et/ou de plus en plus tournées vers la communication avec les patients. S'agira-t-il de se spécialiser ou au contraire d'aller vers les doubles compétences ? Je pense que les

34 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

21

deux ne sont pas fondamentalement incompatibles si l'on choisit bien les compétences que l'on souhaite développer. Il faudra alors savoir comment effectuer ces changements et bénéficier de l'accompagnement nécessaire et en adéquation avec le projet d'établissement de la part des services de ressources humaines.

a) Les manipulateurs radio

L'évolution des métiers de radiologue et celle de manipulateurs radio sont particulièrement impactés dès aujourd'hui sur les enjeux de délégation des actes. Déjà depuis 2016, un décret précise que le manipulateur radio peut désormais « réaliser certains actes sous la responsabilité du radiologue, et non plus en sa présence ».35

b) Les infirmier.e.s

Les infirmiers seront de plus en plus guidés dans leur exercice : connexion des systèmes, rappels de prescriptions, mesure des écarts de données indiquées par les différentes machines. Je reprends l'exemple des sols intelligents précédemment évoqués : d'abord dès qu'il y a une chute d'un patient, les infirmiers sont prévenus ensuite. Dans la mesure où la machine sera en capacité d'analyser après quelques temps où et pourquoi le patient chute, cela permettra d'anticiper ces problèmes, pour le patient lui-même et ensuite pour tous les patients d'une manière générale. Si le nombre de chutes de patients diminue considérablement dans les années à venir, cela a nécessairement un impact important sur l'ensemble du quotidien des infirmiers et des aides-soignants. Il en va de même pour de nombreux dispositifs.

Un nouveau pan du métier d'infirmier a déjà émergé depuis 2018 : Infirmier en Pratique Avancée (IPA). « Avec la pratique avancée, les professionnels infirmiers élargissent leurs compétences dans le champ clinique. Demain, une fois formés, ils pourront renouveler, adapter voire prescrire des traitements ou des examens, assurer une surveillance clinique, mener des actions de prévention ou de dépistage. Ceci se fera en accord avec des médecins qui leur confieront le suivi de certains de leurs patients dont l'état de santé est stabilisé. Et à condition d'exercer au sein d'une équipe de soins (par exemple en maison ou centre de santé, en établissement hospitalier ou médico-social). [...] Se former à la pratique avancée nécessite au minimum 3 ans d'exercice. La formation - qualifiante - est organisée autour d'une 1ère année de tronc commun permettant de poser les bases de l'exercice infirmier en pratique

35 http://www.sfrnet.org/sfr/professionnels/2-infos-professionnelles/decret-merm/index.phtml https://www.legifrance.gouv.fr/jo pdf.do?id=JORFTEXT000033537927

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avancée et d'une 2nde année centrée sur les enseignements en lien avec la mention choisie

- Soit pathologies chroniques stabilisées et poly-pathologies courantes en soins primaires,

- Soit oncologie et hémato-oncologie,

- Soit maladie rénale chronique, dialyse et transplantation rénale,

- Soit santé mentale et psychiatrie. »36

La spécialité santé mentale et psychiatrie est nouvelle. D'autres spécialisations pourront émerger avec le temps et selon les besoins émergents, particulièrement liés aux glissements de tâches des médecins.

On parle aujourd'hui de « patients connectés », c'est-à-dire de patients équipés de dispositifs médicaux qui transmettent des informations au personnel médical et paramédical. Le dialogue entre soignants et patients prend ici toute sa place pour expliquer de manière pragmatique et rassurante comment fonctionnent ces dispositifs et comment les utiliser.

Si, comme évoqué précédemment, le médecin aura un rôle de médiateur dans la compréhension des algorithmes et des technologies et la transmission de l'information adéquate pour le patient, on peut se poser la question de l'impact sur le métier d'infirmier et d'où se placera le curseur de qui donne l'information au patient. Les Infirmiers de Pratique Avancée (IPA) auront probablement un rôle spécifique à jouer à ce niveau.

c) Les aides-soignants

Si l'intelligence artificielle n'apparait pas encore du côté des aide-soignants-brancardiers, les nouvelles technologies telles que les bed movers, qui permettent d'apporter une aide motorisée, réduisent le nombre de personnes nécessaires lors des déplacements de patients. On peut aisément imaginer que les bed movers pourront très prochainement être pourvu d'IA.37 L'idée n'est pas de réduire le personnel mais de dégager du temps auprès des patients et de prévenir les troubles médico-squelettique (TMS) des aides-soignants.38

Même si des robots sociaux et affectifs « assistants de vie » sont développé pour assister des personnes en situation de handicap et/ou de perte d'autonomie39, l'émotion, l'empathie et la

36 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche-pratique-avancees20-05-2019-stdc.pdf

37 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

38 Hôpital Paris-Saint-Joseph https://www.youtube.com/watch?v=OJXbditFMmA

39 Laurence Devillers, Robots sociaux et affectifs : une intelligence artificielle sans conscience mais utile, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, 2018

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créativité restent des qualités proprement humaines grâce auxquelles tout un champ d'exploration de l'évolution des métiers médicaux et paramédicaux reste envisageable.

Il parait nécessaire à ce niveau de repenser les formations initiales des soignants avec une dimension psychologique beaucoup forte qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les IFSI (Institut de Formation en Soins Infirmiers) et les IFAS (Institut de Formation pour les Aides-Soignants).

3. Les métiers administratifs : secrétariats médicaux et agents d'accueil

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est sur les métiers de soin que l'intelligence artificielle se déploiera le plus à court terme mais sur les fonctions support. « Par exemple, dans le secteur bancaire, ces fonctions concentrent 60 % du total des cas d'usage en IA. »40 Une méthodologie de calcul du taux de substitution du métier par l'intelligence artificielle a été déterminée dans le rapport de l'institut Montaigne IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur ?. Il se base sur le niveau d'impact de l'IA sur chaque activité listée correspondant au métier en fonction du niveau de maturité de l'IA, de son acceptabilité sociale et du retour sur investissement prévisible. Concernant le métier de de secrétaire médicale, il a été déterminé que le taux de substitution potentiel des activités par l'IA était de 60%.

Des logiciels de prédiction du nombre de personnes se présentant aux urgences transforment déjà de nombreux hôpitaux, et notamment celui de Valenciennes en France. Si ce type de technologie a un impact sur l'ensemble du personnel hospitalier, il révolutionne le quotidien des personnels administratifs et des managers, aux ressources humaines comme dans les secrétariats médicaux. Il permet entre autres d'adapter au quotidien et sur les semaines à venir les effectifs nécessaires à la bonne prise en charge des patients. La société suisse Callyps, par le recoupement des données historique de l'hôpital, des données météorologiques, des événements locaux, nationaux, du trafic permet de prédire le nombre d'admissions aux urgences sur sept jours (taux de fiabilité supérieur à 90%) et permet ainsi à chaque chef de pôle, en étroite collaboration avec le service des ressources humaines, de déterminer la composition de l'équipe de manière extrêmement précise et affinée.41

40 David Gruson, Adrien Deudon, Laure Millet, IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur ?, Institut Montaigne, 2018

41 https://www.bfmtv.com/tech/cet-hopital-francais-utilise-l-intelligence-artificielle-pour-predire-l-afflux-de-patients-aux-urgences AN-202002090036.html

a) La dématérialisation, la facturation et les admissions

L'un des premiers postes des secrétariats médicaux aujourd'hui relèvent de la facturation, notamment du ticket modérateur pour chambres particulières et de rejets de factures pour cause de patients non identifiés. Les erreurs relèvent d'erreurs de saisie : du numéro de sécurité sociale, du nom ou du numéro de mutuelle ou dans quelques cas de droits non valides. Aujourd'hui environ cent équivalents temps plein dans un centre hospitalier de taille intermédiaire sont ou devraient être dédiés à la vérification des papiers d'identité et des autorisations des patients aux admissions.

Il est donc important de fiabiliser les données et de pouvoir récupérer les droits en ligne. La société Jouve, spécialiste des data dans leur ensemble, dans leur collecte et leur traitement, propose des solutions automatisées d'admission des patients en marque blanche pour l'hôpital afin d'éviter les erreurs et de réduire les étapes des processus d'admission existants avec un hébergement des données de santé conforme au RGPD.42 A noter que des partenariats ont été créées avec des sociétés proposant des services d'ambulance afin de les équiper directement pour effectuer la préadmission des patients, toujours dans un cadre de gain de temps pour tous, d'optimisation des organisations dans une coopération qui peut désormais sembler évidente.

b) Les outils de prédictions d'affluence

En utilisant des outils de prédiction d'affluence et de temps d'attentes aux urgences, on arrive à une meilleure organisation des plannings des agents d'accueil et amélioration de la prise en charge des patients, avec des temps d'attentes moins élevés. Si on connait le nombre approximatif de patients attendus d'une semaine sur l'autre, c'est une aide sans commune mesure à la gestion de planification du nombre de professionnels nécessaires pour accueillir les flux de patient. C'est un des éléments clefs d'une organisation agile dans le contrôle de gestion sociale avec la bonne personne, au bon endroit, au bon moment.

c) L'encodage des actes

La tarification à l'activité nécessite des codages des actes médicaux. Une intelligence artificielle pourrait s'occuper de l'encodage de ces actes. Cela génèrera un gain de temps et un traitement des données plus fiable. L'enrichissement des données de facturation ouvre des possibilités d'analyse des soins et d'évolution, voire de changement de modèle économique et de rémunération des professionnels de santé. Le métier pourra évoluer vers

24

42 Conférence Jouve Santé janvier 2020

25

deux dimensions : l'un purement administratif et l'autre en renforcement de la présence auprès des patients, les rassurer et les orienter.

d) La dictée automatique

La dictée automatique est de plus en plus performante même sur nos objets de vie courante. Apple et IBM ont notamment beaucoup investi. Il est évident que l'impact sur le métier de secrétaire médicale dans leur activité de rédaction de comptes rendus sera énorme. 43

4. Les autres métiers

Les métiers de la logistique et de pharmacien sont amenés à évoluer, notamment par la simplification des fonctions logistiques par la gestion du circuit du médicament, la gestion de l'approvisionnement des laboratoires.

Afin de recenser l'ensemble des métiers et des tâches impactés par la transformation digitale, une grande étude - encore en cours et « illimitée dans le temps » est réalisée par le fonds de dotation de la Fédération Hospitalière de France.44 Ses données ne sont pas encore disponibles.

D'une manière générale, concernant l'ensemble des professionnels de santé, il me parait important de noter qu'il existe de grandes disparités d'un établissement ou d'un Groupement Hospitalier de Territoire à un autre tant sur les volets médicaux qu'administratifs. Plusieurs années de décalage sont à prévoir et à prendre en considération.

Le rapport IA et emploi : quoi de neuf docteur ? rappelle que, selon une étude du World Economic Forum de septembre 2018, les français sont les salariés qui vont devoir le plus être formés pour compenser leur retard « quant à l'utilisation de nouvelles technologies » par rapport aux autres pays dits développés.

Valérie Brunier parle de création de nouvelles directions dont celles de direction de la transformation digitale. 45

43 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas

44 https://www.ticsante.com/story/5015/le-fonds-fhf-se-penche-sur-les-impacts-de-l-ia-sur-les-metiers-de-la-sante.html

45 Valérie Brunier, DRH territorial : stratégie et organisation territoriale RH dans Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, Berger Levrault, 2020

26

5. De combien de professionnels parle-t-on ?

Nombre de professionnels travaillant dans les établissements de santé à l'échelle nationale

Total Ensemble
des

établissements

Total

Établissements
publics

Total
Établissements
privés (à buts
lucratif et non
lucratif)

Personnel médical

158 031

99 113

58 918

Spécialités médicales y compris médecine générale

96 611

61 394

35 217

Spécialités chirurgicales

32 131

15 546

16 585

Autres disciplines

29 289

22 173

7 116

Personnels non médicaux soignants

761 699

551 862

209 837

Infirmiers diplômés d'État

342 602

249 289

93 313

Aides-soignants

245 219

185 577

59 642

Agents de services hospitaliers et autres personnels des services médicaux

99 160

66 698

32 462

Personnel d'encadrement du personnel soignant

25 209

17 922

7 287

Rééducateurs

31 520

18 947

12 573

Psychologues

17 989

13 429

4 560

Personnels non médicaux non soignants

341 466

260 295

81 171

Personnels administratifs

147 908

102 883

45 025

Personnels techniques

117 279

99 379

17 900

Personnels médico-techniques

57 103

44 613

12 490

Personnels éducatifs et sociaux

19 176

13 420

5 756

Total général

1 261 196

911 270

349 926

 

Tableau établi sur la base des données DREES

https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/les-etablissements-de-sante-edition-2019

On parle donc de sensibiliser, voire de former pour accompagner la transformation digitale, à l'échelle nationale, près d'un million trois cent mille de salariés du secteur sanitaire.

Infirmiers diplomés d'État

Aides-soignants

Personnels administratifs

Personnels techniques

Agents de services hospitaliers et autres personnels

des services médicaux

Spécialités médicales y compris médecine générale

Personnels médico-techniques

Spécialités chirurgicales

Rééducateurs

Autres disciplines

Personnel d'encadrement du personnel soignant

Personnels éducatifs et sociaux

Psychologues

800 000

Personnel médical Personnels non médicaux soignants Personnels non médicaux non soignants

700 000

600 000

500 000

400 000

300 000

200 000

100 000

0

On constate que le personnel non médical soignant représente de loin la part la plus importante du personnel des établissements de santé.

Si aucune étude publiée n'a déterminé à ce jour le taux de substitution de l'IA au métier d'infirmer, il a été établi, comme vu précédemment, pour les personnels administratifs et techniques qui représentent les troisième et quatrième postes du nombre de professionnels travaillant dans les hôpitaux. Sur l'ensemble des métiers de ces 2 groupes. Un taux de substitution par l'IA de 15% en hypothèse basse et de 29% en hypothèse haute des activités a été établi. On parle, en cumulés, d'environ 268.000 professionnels en tout donc entre 40.000 et 78.000 emplois en ratio humain qui pourraient être automatisés sur ces seuls métiers.46 L'idée reste néanmoins bien d'améliorer le parcours de soin et de mieux répartir les financements de l'hôpital et non de supprimer ces postes.

27

46 David Gruson, Adrien Deudon, Laure Millet, IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur ? , Institut Montaigne, 2018

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II. L'accompagnement mis en place

Toutes les structures, qu'elles soient privées ou publiques, dans le secteur sanitaire ou pas ont un point commun : l'objectif. Toutes les entreprises et tous les établissements publics partagent cela : avoir un ou plusieurs objectifs. C'est important de le rappeler. C'est la base de tout, là où il faut revenir quand on perd le sens ou qu'on arrive au bout d'une organisation, d'une manière de travailler. Quel est l'objectif et comment y arriver dans l'environnement dans lequel nous nous trouvons ? C'est la question que doit se poser régulièrement tout un chacun dans son contexte professionnel (cela fonctionne également dans de nombreux autres contextes de groupes à l'échelle individuelle comme à l'échelle de la société mais le débat n'est pas là). Quand on a l'objectif, on a le sens. J'entends sens tant dans sa définition de signification que de direction à prendre. Une fois qu'on a tout cela, on peut définir comment y arriver. L'accompagnement des professionnels est un pan essentiel de la stratégie d'atteinte des objectifs, qu'il s'agisse de formation, d'encadrement, d'accompagnement individuel. Il développe ou renforce les compétences de chacun et de l'entité globale et satisfait chaque individu aussi bien que l'employeur quand il est bien fait. C'est une clef de réussite économique et sociale.

Afin de définir une proposition d'interprétation de ce qui est mis en place dans le secteur sanitaire concernant l'accompagnement au changement que représente l'implantation de nouvelles technologies qui peuvent être dotées d'intelligence artificielle, j'ai décidé de m'appuyer sur les témoignages d'une dizaine de professionnels travaillant majoritairement dans ou avec les établissements de santé. Il me parait intéressant de noter que la totalité des personnes interrogées, quels que soit leur âge, leur cursus ou leur métier actuel ont connus plusieurs contextes professionnels et envisagent encore et toujours le changement. Certains ont exploré de multiples secteurs d'activité et mêmes plusieurs métiers parfois très éloignés et d'autres toujours dans le secteur sanitaire et médico-social mais avec des enjeux, des contextes et des cultures qui ont pu être extrêmement différents. A noter que les directeurs d'hôpital public ont, pour la grande majorité, été formés au changement et à la pluridisciplinarité dès leur formation initiale.47

Tous s'entendent sur le fait que le changement, qu'il s'agisse d'un changement de métier, d'employeur, de contexte professionnel ou d'évolution sur un même poste a bien plus

47 Sauf exceptions, notamment sur les postes de directeur des systèmes d'information, directeur des achats et directeurs de la logistique, les directeurs d'hôpital public ont effectué une formation, dans le cadre de la formation initiale ou continue, à l'École des Hautes Eudes en Santé publique (EHESP - également surnommée École de Rennes), dont le fonctionnement est similaire à celui de l'École Nationale d'Administration (ENA) avec une approche pluridisciplinaire

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d'avantages que d'inconvénients tant sur la pérennité de l'emploi que sur la capacité à s'adapter de chacun. A l'échelle d'une collectivité, il doit être accompagné.

A. L'accompagnement mis en place à l'échelle de l'établissement

Que l'on parle à l'échelle de l'individu ou d'une organisation complexe, le changement est nécessaire à un moment ou un autre. Toutes les structures ne sont pas logées à la même enseigne. Concernant l'accompagnement mis en place dans les structures sanitaires, le directeur des ressources humaines d'un grand Centre Hospitalier Universitaire rappelle à juste titre que : « On n'est pas sur la même temporalité, sur les mêmes activités, sur la même maturité quant à l'intégration des nouvelles technologies dans la prise en charge des patients. Là où [tel hôpital] était très en avance sur l'intelligence artificielle, [tel hôpital] très en retard, [tel hôpital] est à un stade intermédiaire avec la volonté de mettre en place des outils et une capacité très impressionnante à se développer au service des patients. »48. L'accompagnement n'est donc de fait pas le même d'un hôpital à un autre.

On ne peut pas développer un plan de développement des compétences intégrant un accompagnement spécifique lié à un projet d'établissement de refonte des services d'accueil et administratifs par exemple sans prendre en compte sa taille ou sa culture comme le rappelle Jérôme Carfantan, coach agile, lorsqu'il nous parle d'agilité : « L'agilité, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas un terrain propice à cette culture de l'agilité. La culture de l'agilité c'est l'entraide, le partage, l'exemplarité, l'intelligence collective. Qui dit intelligence collective dit on se fait confiance. On valide cette confiance par du feed-back régulier. Ça c'est la culture, en quelques secondes, de l'agilité. Si le terreau culturel de la structure n'est pas en ligne avec ça, on a un problème. Traiter ce problème c'est faire du coaching de dirigeant, je ne vois que ça. Tout le monde ne le fait pas. Moi-même je ne le fais pas systématiquement. Si ce sont de petites organisations, je peux le faire. Quand ce sont de grosses structures, je n'ai peut-être pas le carnet d'adresse suffisant pour le faire. A terme, j'arriverai peut-être y accéder. Le premier sujet, c'est donc valider la culture et ce n'est pas le cas dans le milieu médical. C'est peut-être par là qu'il faut commencer. Ensuite on peut commencer à diffuser les pratiques. »49.

Les notions de strates hiérarchiques trop importantes et d'acculturation nécessaire ressort effectivement de la quasi-totalité des entretiens qui ont été menés et ont un impact direct sur la manière dont les professionnels sont accompagnés. Les DRH, que ce soit de CHU,

48 Annexe 4 : Interview DRH CHU

49 Interview Jérôme Carfantan, Auteur, conférencier, coach agile - Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement Jérôme Carfantan

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d'établissement de l'AP-HP, l'infirmière ou les professionnels de l'accompagnement, tous l'ont noté. Pauline Cuisine, infirmière à l'ESMPI (Établissement de Santé Mentale Portes de l'Isère) parle même d'interdiction d'envoyer des requêtes ou des informations directement à la direction des ressources humaines : « Aujourd'hui, je ne peux pas contacter ma DRH. Je n'ai pas le droit d'appeler ou d'envoyer un email à ma DRH. C'est interdit. Si je le fais j'ai un avertissement. Avant on pouvait passer la porte du DRH, dire bonjour et lui demander un CET par exemple. Maintenant il y a :

- 1/ Une cadre de proximité - 2/ Un cadre sup

- 3/ Une directrice des soins - 4/ La DRH

- 5/ La direction générale

J'ai une collègue qui au lieu de passer par la cadre de proximité a envoyé sa lettre à la directrice des soins et qui s'est pris un blâme pour ça. Elle a dû faire une lettre d'excuse à la cadre pour lui dire qu'elle était désolée de ne pas être passé par elle. Quand on en est là, on est bien... ça me choque beaucoup de ne pas pouvoir contacter la DRH, d'autant qu'on n'est pas chez Google, on est une fondation locale, on est 50. Il y a trop de strates. Ça déshumanise. On parlait tout à l'heure de communication et pour communiquer tu ne mets pas 15 personnes au-dessus de toi et le même nombre de strates pour des demandes simples. Ça donne l'impression que le but est qu'il n'y ait justement pas de communication. »50

Nicolas Delmas, DRH de l'hôpital Bichat, par rapport à ses propres expériences, précise que « dans le secteur public, tout est très hiérarchisé, que ce soit l'assemblée nationale avec les élus et les parlementaires, à la cour de justice de l'union européenne et particulièrement à l'hôpital. Les contre-exemples existent néanmoins. »

Tous ont à coeur que les choses bougent et sont eux-mêmes actifs pour les faire bouger en changeant leur manière de communiquer où en se proposant comme référent sur des projets clefs. Le directeur des ressources humaines d'un CHU (Centre Hospitalier Universitaire) est arrivé sur un établissement où la direction n'est pas située à l'hôpital mais en centre-ville. « L'enjeu depuis que je suis arrivé est de remettre tous les gens de la direction générale sur site, de leur dire : " Maintenant vous allez travailler avec les vrais gens. Vous arrêtez d'envoyer des mails et vous allez sur le terrain, expliquer, rencontrer les cadres. " Ce n'était pas le cas avant. Notre métier va donc être très impacté par ces nouveaux outils qui vont nous permettre

50 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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d'être sur le terrain. ».51 Les nouvelles technologies sont vues à juste titre par certains comme un levier extraordinaire pour engager le changement par rapport aux nombreuses défaillances de l'hôpital qui ont été mises en exergue par le personnel soignant durant toutes les manifestions de ces dernières années.

Certains établissements ont déjà mis en place un accompagnement spécifique dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire. Là aussi tous ne sont pas logés à la même enseigne et il en reste de nombreux dans lesquels rien n'a été engagé en termes d'accompagnement. Quoiqu'il en soit, les Directions des ressources humaines doivent continuer à mettre en place des accompagnements spécifiques afin de créer un sentiment d'appartenance au groupement hospitalier plutôt qu'au seul établissement. Tout cela devra être fait en lien direct avec le projet d'établissement pour donner un sens à tout cela. Adrien Deudon, consultant en transformation digitale pour les hôpitaux, l'énonce parfaitement : « L'accompagnement au changement c'est comprendre d'où on part, savoir où on veut aller et accompagner les professionnels à sauter d'une étape à l'autre du mieux possible. Ce n'est pas non plus sans douleur mais c'est clair, cela a du sens, c'est transparent pour tout le monde. C'est un accompagnement collectif. »52

A côté de cela, il existe encore des services de ressources humaines qui ne connaissent pas les projets de leur établissement ni des services : « la RH nous a récemment avoué qu'elle attribuait les formations avec un tableau Excel avec des prix. Ça a pour conséquence que quand une infirmière est dans l'unité depuis 4 ans et qu'elle demande à faire une formation en médiation cognitive, la responsable des ressources humaines refuse à cause du coût que cela représente alors que l'unité veut faire de la médiation cognitive. Elle a conscience que l'outil qu'elle utilise n'est pas adapté. »53 Que peut-on déduire d'un tel témoignage ? Que la remise en question permanente, la connaissance du personnel, des projets de l'établissement et la veille, non pas uniquement juridique comme beaucoup auraient tendance à le penser mais également technologique ne sont pas des options pour un service de ressources humaines.

Aujourd'hui l'hôpital souffre d'un manque de moyen dans l'accompagnement du processus de modernisation des établissements de santé alors que l'accompagnement sur et avec les nouvelles technologies va de pair avec les défis territoriaux et de délégation de compétence.

51 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

52 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon

53 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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« Selon le premier « observatoire de la formation en santé » présenté en décembre 2018 lors des Assises nationales hospitalo-universitaires, 73 % des professionnels de santé interrogés s'estiment mal formés en matière de numérique, d'intelligence artificielle et de robotisation. Ils sont presque 90 % à penser que les changements apportés par ces technologies posent des questions en matière d'éthique, qu'elles vont transformer leurs métiers et qu'elles nécessitent de former mieux et plus souvent les acteurs de la santé. Mais ils sont moins nombreux à penser que cela peut améliorer les diagnostics (65 %) et la qualité des soins (48%). »54

B. Les médecins

1. Comment les médecins appréhendent-ils le changement ?

Si Le cadre de la formation initiale en médecine est aujourd'hui trop rigide et ne favorise pas l'interdisciplinarité avec la pratique de la médecine et les connaissances numériques55, ils sont en revanche majoritairement portés naturellement vers le changement et vers les nouvelles technologies. Le travailler ensemble, comme l'attrait pour les nouvelles technologies, dépend de la sensibilité de chacun, du type de structure dans lequel ils évoluent et de leur spécialité.

Le docteur Stéphanie Quesnel, chirurgien ORL exerçant dans différents types de structures, rappelle que les bénéfices du changement, notamment d'établissement, « En médecine [sont] essentiellement d'enrichir les connaissances et les pratiques, voir comment les autres travaillent et comment travailler les uns avec les autres. A l'hôpital on travaille plus par équipe alors que dans le privé on travaille plus chacun pour soi. Ça change quand même énormément les pratiques et les échanges entre les professionnels. Ça permet aussi, au-delà de sa spécialité, d'élargir le réseau et d'apprendre sur chaque spécialité ce qui peut aider aussi après à pouvoir fonctionner et travailler ensemble pour traiter une personne dans sa globalité et pas appareil par appareil. »56

54 https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/transformation-numerique-dans-la-sante-la-gouvernance-fait-toujours-defaut-65411/

55 « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani

56 Interview Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL et cervico-faciale pédiatrique, Hôpital Robert Debré (AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise Paré / cabinet libéral - Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel

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2. Comment les médecins sont-ils accompagnés dans ces changements aujourd'hui ?

Les médecins n'ont pas la sensation d'être accompagnés aujourd'hui.

S'il n'y a pas ou peu d'accompagnement, c'est avant tout parce que les DRH n'ont pas la sensation que ces acteurs aient besoin de l'être, « c'est le plus souvent un médecin qui vise à l'implantation de nouvelles technologies. » Aujourd'hui, ce sont les médecins qui sont demandeurs de formation sur de nouvelles technologies. « En général ils ont été abreuvés durant toute leur scolarité d'éléments physiques, chimiques, mathématiques qui leur disaient : « si on arrivait à faire ça ce serait génial ». Même si tous les médecins ne sont pas des geeks, il y a quand même une proportion plus importante chez les médecins à accepter le changement même sur d'autres métiers à haute qualification. » 57 On compte également énormément sur les éditeurs, les laboratoires les fabricants pour communiquer auprès des médecins, les sensibiliser et les former : « Quand on fait le choix d'acheter un équipement il y a toujours une partie paramétrage et formation des utilisateurs qui est comprise. Certains sont très bons là-dedans et les formations sont de qualité. Je pense notamment aux robots chirurgicaux : la formation, d'après ce que j'en sais, est vraiment robuste pour former les utilisateurs. »58

Il existe néanmoins des contre-exemples, Camille Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines à la clinique Saint Christophe, établissement privé de soins de suite et de réadaptation (SSR), parle avec passion des difficultés rencontrées ces dernières années dans la mise en place du dossier patient informatisé et notamment sur la formation aux outils. Aujourd'hui la formation liée à la mise en place de nouveaux outils et à la formation des nouveaux arrivants suit un processus normé qui reprend les éléments essentiels et classiques de conduite de changement et de suivi de projet. « Cela fait partie intégrante de leur mission et de leur quotidien donc il faut absolument qu'ils maitrisent l'outil dans le cadre de leur fonction. »59 Le travail a été fait avec les éditeurs mais sans autre prestataire dans l'accompagnement au changement grâce à la longue expérience passée de consultante en ressources humaines dans divers secteurs d'activité de la directrice des ressources humaines.

57 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

58 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources Humaines du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne

59 Interview Camille Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines

Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement privé de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisée en cancérologie, hématologie, soins palliatifs, soins polyvalents, nutrition - Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano

3. Comment les acteurs du secteur santé souhaitent-ils être

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accompagnés ?

Même s'il est vrai que la profession médicale a, en majorité, une appétence certaine et une curiosité naturelle et qui leur a été transmise, ce n'est premièrement pas le cas pour tous, comme le rappellent deux des DRH interrogés qui évoquent « deux types de profils et cela vaut pour les médecins, les paramédicaux et le personnel administratif mais c'est encore plus fort chez les médecins : il y a ceux qui sont prêts à se dire c'est nouveau donc c'est intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc je n'en veux pas. »60 ou encore des « difficultés avec [leurs] professionnels libéraux (médecins spécialistes et kinésithérapeutes) [qui] ont eu beaucoup de mal à passer du papier à l'informatique. Il a fallu bien accompagner. C'est moi qui m'en suis occupé et ça a pris du temps. C'était la plus grosse difficulté et le changement a été complexe pour les professionnels terrain, surtout les médecins, qui comptaient le nombre de clics. Ils m'ont dit que ça avait vraiment fait évoluer leur métier.61

D'autre part, même pour ceux qui lisent régulièrement la presse spécialisée et sont habitués aux nouvelles technologies, il y a un souhait de pouvoir profiter d'autres canaux de communication en interne sur ce qui se fait, principalement ce qui les concerne évidemment, mais également, en quantité raisonnable, sur ce qui concerne les autres métiers et autres spécialités qui pourrait avoir un impact indirect sur leur propre métier. Le chirurgien interviewé résume assez bien ce qu'on retrouve dans la littérature spécialisée concernant ce que souhaite le corps médical : « A court terme, plus de communication. Je trouve qu'il n'y en a pas ou alors je ne me documente pas bien. Je trouve que ce n'est pas très facile de trouver des articles sur ce sujet. A l'hôpital, il n'y en a pas trop mis à part le robot, que ce soit à l'assistance publique ou à l'américain. A moyen terme, ce sera de faire des conférences, qu'il y ait vraiment des formations faites sur le sujet. Dans nos formations médicales continues, ce n'est jamais proposé. En tout cas pas encore aujourd'hui. C'est plus sur les termes pratiques, sur de la clinique pure. Il y a également des formations de robotique. J'ai fait une formation de robotique mais il faut aller la chercher. Il faut faire un DU en plus. Ce sont les fabricants du robot qui te forment. Au niveau du conseil de l'ordre, ce n'est pas des choses qu'ils proposent facilement. Ce n'est pas bien rentré dans les formations.

Le docteur Stéphanie Quesnel souligne également un point essentiel de la formation dont elle souhaiterait bénéficier et que l'on retrouve constamment dans la littérature étudiée dans le

60 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas

61 Interview Camille Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines

Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement privé de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisée en cancérologie, hématologie, soins palliatifs, soins polyvalents, nutrition - Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano

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cadre de ce mémoire, celui du cadre éthique et juridique : « Il y a un problème que je trouve important, qui est le même que pour la téléconsultation, c'est le cadre éthique et juridique. Qui est responsable ? On n'est pas en usine où si on se trompe sur une pièce ou si c'est défectueux on change. Si tu te trompes de diagnostic ou si tu donnes un mauvais traitement, ou s'il y a des effets secondaires importants, qui est responsable ? Ce ne sera pas l'intelligence artificielle. C'est plus le côté éthique et responsabilités qui est assez flou. Je ne sais pas si c'est déjà défini. Qui est responsable en cas d'erreur ? Les fabricants de machine se dédouaneront forcément sur celui qui a utilisé l'intelligence artificielle. Il faut que ce soit déterminé dans un cadre strict : vers qui se tourner quand il y a un problème ou un bug. L'humain fait des erreurs donc la machine en fera aussi après mais à quel degré ? Ce ne sera certainement pas pire que l'humain mais pas mieux non plus. On verra. Sur le long terme il faut des formations pratiques et juridiques dispensées par des professionnels. C'est bien gentil du côté des fabricants, ils ont une idée du comment ça fonctionne mais il faut toujours que ce soit mis en pratique et voir les problèmes que cela pose au quotidien, la facilité d'utilisation, le rendu du diagnostic, etc. Par exemple, même si ce n'est pas vraiment de l'intelligence artificielle, je ne faisais pas du tout de téléconsultations. Tout disait que c'était super mais ça a vraiment ses limites. Pour s'y former on est un peu lâché dedans alors l'intelligence artificielle ça risque d'être un sacré carnage ! »62

On voit bien que les formations dispensées par les prestataires fabricants ne peuvent pas être l'unique solution et qu'il est nécessaire voire indispensable d'accompagner les médecins sur la définition juridique de la responsabilité qu'engage l'utilisation de certains outils.

Une fois passés les défis techniques, légaux et éthiques viennent les défis liés à la confiance des praticiens et des usagers et celui de l'accompagnement nécessaire pour ajuster l'organisation. Confiance et organisation s'avèrent être les aspects les plus difficiles. La confiance ne peut s'instaurer que sur un très long terme dont le processus est déjà entamé ne serait-ce que par la campagne liée à la sécurisation des données, notamment de santé. La nouvelle organisation pourra naitre grâce à cette confiance.63 La sensibilisation et la communication à l'échelle nationale doit continuer et s'assortir de plans individualisés à l'échelle des groupements hospitaliers de territoire. Avec un bon climat de confiance, le relais vers les établissements permettant des projets locaux pourra être démarré en évitant certains blocages qui seraient dus à un manque de confiance des professionnels.

62 Interview Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL et cervico-faciale pédiatrique, Hôpital Robert Debré (AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise Paré / cabinet libéral - Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel

63 « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani

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L'accompagnement souhaité se traduit donc par de la communication des formations existantes mais également sur les projets transversaux existants : « Qu'on soit au courant des formations qui existent, des diverses opportunités : des projets en cours de façon générale et par spécialité. C'est surtout notre spécialité qui nous intéresse plus que l'intelligence artificielle en général. Les radiologues sont les plus avancés en termes de lecture et de diagnostic. Dans les autres spécialités, je ne vois pas ou je n'en ai pas connaissance. Aucune information sur ce sujet n'est donnée, que ce soit à l'AP-HP, à l'Américain, à la clinique ou au travers de l'activité en libéral. On a des informations dans les journaux scientifiques en étant abonné mais comme je ne reçois et ne lis essentiellement que de l'ORL, les seules nouveautés sont sur la chirurgie robotique. Concernant les outils d'aide à la décision, j'aimerais bien voir et comparer, faire mon diagnostic et voir si l'intelligence artificielle te fait penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé parce que tu ne l'as jamais vu ou jamais rencontré dans ta pratique. En médecine on a l'habitude de s'adapter tout le temps dans nos pratiques. »

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du

secteurs santé souhaitent-ils mettre en place ?

Si les demandes d'accompagnement aux nouvelles technologies, entre autres dotées d'intelligence artificielle étaient encore balbutiantes il y a quelques mois, aujourd'hui, « c'est un sujet sur lequel il y a une prise de conscience réelle. L'IA faisait peur, elle fait encore un peu peur mais les choses changent. Il y a une bascule qui s'opérait déjà au deuxième semestre 2019 que la Covid 19 a encore accentué sans doute. Il y a une demande très forte d'accompagnement qui sera vue par l'inclusion de l'IA dans les orientations prioritaires de développement professionnel continu. » David Gruson a constaté « une demande croissante d'accompagnement des institutions, des directeurs sur la connaissance de ces outils. Sur le type d'accompagnement, il y a ce qu'ils verbalisent comme étant leur demande d'accompagnement et il y a sans doute ce qui est sans doute ce dont ils ont besoin. Ce qu'ils verbalisent souvent, c'est « on veut comprendre » et ces demandes-là, il faut les reformuler : « on va vous aider à comprendre. Il est bien clair que votre job n'est pas d'être un algorithmicien. Il faut que vous compreniez à quoi cela sert, quels sont les recours, quels sont les enjeux éthiques, comment est-ce qu'on les régule et comment ces technologies peuvent vous aider pour renforcer la valeur ajoutée de votre organisation, améliorer la qualité de la

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prise en charge des patients et ce qu'on peut en déduire sur l'évolution de vos métiers qui est un champ en soi. » »64

Pour Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, la meilleure manière d'accompagner les médecins aujourd'hui serait de les « impliqu[er] le plus en amont possible notamment sur la compréhension de leurs besoins. C'est important. Concrètement il faut :

- qu'ils identifient eux-mêmes le souhait que les technologies les épaulent,

- les impliquer dans la conception et l'identification de besoin en intelligence artificielle,

- les accompagner dans la formation à la connaissance de ces sujets-là, aussi bien sur

les aspects techniques, éthiques, juridiques et tout l'impact que cela aura pour eux,

- leur expliquer dans quel écosystème cela s'imbrique, quelle plus-value il y a pour leur
métier et pour le patient dans leur quotidien. Ces intelligences artificielles sont des outils. Elles ne seront que des outils qui doivent s'inscrire dans quelque chose de plus large pour que le sens qu'elles auront pour eux soit intégré. »65

« Il faut se servir des médecins acteurs de ce changement pour venir expliquer à leurs confrère l'intérêt qu'il y a à s'en servir et ainsi améliorer les pratiques collectives. Les médecins doivent être les portes paroles du changement à venir. C'est le meilleur moyen pour réussir. »66

La médecine s'inspire grandement de l'aéronautique pour accompagner les médecins, on a déjà évoqué la tour de contrôle. Concernant les pilotes, tout est placé sur la formation. Il s'agit :

· d'entrainement sur des simulateurs et

· de sensibilisation à la sécurité et aux risques et au droit à l'erreur, sans sanction, et au contraire en communiquant dessus et en restant à l'écoute des préoccupations des erreurs commises et de la peur des erreurs potentielles.

Certains congrès de spécialistes tel que celui des pathologistes en Amérique du nord - l'USCAP - proposent des formations aux réseaux sociaux pour tous les âges et tous les niveaux. En France, le groupe NEHS MNH propose également ce type de formation à tous les professionnels de santé, notamment avec les associations d'élèves pour favoriser les communautés de professionnels et d'échanges de pratiques.

64 Interview David Gruson, Directeur Programme Santé Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur - Annexe 8 : Interview David Gruson

65 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon

66 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas

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C. Les infirmier.e.s

1. Comment les infirmiers appréhendent-ils le changement ?

Les différents interlocuteurs s'entendent sur le fait que la manière d'appréhender le changement n'est pas la même selon le corps de métier. Ce n'est pas le métier lui-même qui influe sur le changement, mais la culture qui y est liée, « derrière un métier, il y a une culture avec des niveaux de hiérarchie plus ou moins marqués ».67 On retrouve, comme chez les médecins mais de manière un peu plus marquée, « des personnes motrices et d'autres avec des freins à main. »68 Là où le médecin va généralement faire preuve d'une curiosité naturelle, il va falloir prouver à l'infirmier que le changement est soit, et c'est le plus important pour le soignant, bénéfique pour le patient, soit qu'il relèvera de réelles améliorations dans le quotidien du soignant et idéalement les deux. Une infirmière relève le paradoxe : « On est quand même une profession super adaptable. Si on ne s'adapte pas on meurt et pourtant la résistance au changement c'est abominable dans les métiers paramédicaux. Il y a tellement de gens qui disent : « il ne faut pas changer c'était mieux avant », même des infirmières de 45 ans. »69

« Majoritairement, ils n'envisagent pas l'évolution de leur métier »70, d'autant qu'« Il y a un blocage sur les technologies parce qu'on travaille dans l'humain et que ce n'est pas humain. On souffre de la déshumanisation des institutions. C'est pour ça qu'on va dans la rue. Parce que c'est déshumanisé et qu'on nous méprise.71

La culture du changement et ses nombreux bénéfices sont pourtant enseignés dans les IFSI mais la culture du métier à la peau dure. « Le burnout professionnel existe dans le soin, comme partout, et au lieu d'attendre, il faut changer. C'est même quelque chose qu'on nous a appris à l'école. L'avantage de mon métier c'est qu'il y a de nombreuses possibilités différentes. Infirmière, c'est très résumé par rapport à tout ce qu'on fait, à tous les métiers qu'il y a derrière. Et pourtant le fait de « râler » et de « se plaindre » est presque un principe, déjà national - la réputation des français n'est plus à faire - mais très imprégné chez le corps infirmier.

Encore une fois, les exceptions existent et c'est sur ces exceptions qui n'hésitent pas à changer de métier dans leur profession et d'établissement qu'il va falloir miser.

67 Interview Jérôme Carfantan, Auteur, conférencier, coach agile - Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement Jérôme Carfantan

68 I nterview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas

69 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

70 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources Humaines du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne

71 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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2. Comment les infirmier.e.s sont-ils accompagnés dans ces changements aujourd'hui ?

L'accompagnement est très hiérarchique d'une manière générale et passe par de nombreux canaux de hiérarchie avec des allers-retours. Un infirmier qui souhaite faire une formation en formule la demande auprès de son manager, à savoir le cadre de santé. Le cadre de santé rapporte les demandes de son équipe à son supérieur hiérarchique, le cadre de santé qui lui-même retransmet les demandes au directeur des soins. Le directeur des soins travaille de concert avec la direction des ressources humaines sur l'adéquation des demandes dans le plan de développement de compétences, les valide ou les invalide et pour celles qui sont validées, les transmet au service de formation continue de l'établissement. La démarche manque clairement d'agilité.

a) Sur les outils déployés à l'échelle de l'établissement

Concernant la formation aux nouvelles technologies déjà mises en place telles que le dossier patient informatisé, on relève non pas un manque mais une absence quasi-totale de formation dans certains établissements alors même que les infirmiers l'utilisent quotidiennement. « Ça n'a jamais été le cas, ni à l'hôpital, ni ailleurs. L'accompagnement c'est : « il y a un outil, tu te débrouilles, tu l'utilises. » A l'hôpital il y a les logiciels de patient informatisé et d'événement indésirable quand il arrive un problème et que l'information va directement à la direction. C'est une tannée : tu n'es pas formé, c'est un outil machine à gaz qui te demande un code que tu n'as jamais. En revanche [concernant le logiciel d'événements indésirables] on voit tout de suite que cela monte à la direction parce qu'en général on a une réponse dans les vingt-quatre heures. C'est bien mais encore une fois on n'est pas formé. A l'hôpital les autres ne voulaient pas le faire. J'étais une des rares à le faire. Je pars du principe que si on ne dit pas que ça ne va pas on n'aura jamais de personnes en plus ou de meilleurs outils. »72

Heureusement certains établissements misent sur la formation et accompagne les paramédicaux au moins autant que les médecins. Pour anticiper le changement, les cadres font partie intégrante du projet, dès le début même dans la phase de recherche et de sélection du prestataire avec donc des méthodes agiles, comme au moment du déploiement du dossier patient informatisé à la Clinique Bouc Bel Air : « Elles - je dis elles car il s'agit de femmes - ont fait partie du process au même titre que le médecin référent qui venait en

72 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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représentation de tous les autres médecins. Ça s'est fait avec eux. J'étais toujours présente également avec le responsable informatique. On a pris les décisions ensemble ».73

b) Sur des formations métier

Concernant certaines spécificités nécessaires à l'arrivée d'outils médicaux, il ne peut pas s'agir, tant qu'il s'agit de spécificité et non de pratiques à grande échelle, d'« un plan de formation unique [...]. C'est du sur-mesure et de la couture. C'est le plus souvent un médecin qui vise à l'implantation de nouvelles technologies dans son service qui demande à ce que les infirmières soient formées. [Le service des ressources humaines] est très suiveur pour le moment. Cela peut être le médecin qui demande directement à l'infirmière qui accepte et ils arrivent tous les 2 avec une solution clé en main. Aujourd'hui il n'y a pas de plan systémique de l'intégration de l'innovation. Ce n'est pas la direction qui porte : [Le service des ressources humaines] reste prestation support. Si ce n'est pas le médecin qui propose à l'infirmier.e, le problème n'est pas tant la définition de l'action de formation en faisant de l'achat mais plutôt de trouver le bon profil pour accompagner le changement. »74

3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ?

Les infirmiers souhaitent être accompagnés par de la formation, encore et toujours. Elle est nécessaire, au-delà de se former stricto sensu, « pour prendre du recul, pour se parler entre professionnels, interroger les professionnels qui souhaitent [leur] faire utiliser un nouvel outil. » Ils souhaitent pouvoir aller en formation à plusieurs, tout au moins deux d'une même unité pour « ne pas être un seul référent d'une unité » et parce que cela « crée des liens et des débats pour permettre d'être porte-paroles dans son institution. »75

Comme le personnel médical, le personnel paramédical évoque le souhait d'être tenu au courant des avancées technologiques qui concernent l'hôpital dans son ensemble et ce qui pourra avoir un impact sur leur métier sur le long terme. « Sur l'intelligence artificielle par exemple, ce serait se poser une demi-journée ou une journée avec un professionnel qui explique ce qu'est l'intelligence artificielle, comment l'appliquer, comment la mettre en perspective dans les établissements avec des exemples concrets et des témoignages. La communication doit être orale. L'écrit, on n'a pas le temps. » Là où le professionnel médical

73 Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines

74 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

75 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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prend généralement le temps de lire la presse spécialisée, a minima sur sa spécialité, les infirmiers ne prennent pas le temps de tenir une veille professionnelle. Les rythmes imposés, la difficulté du métier, tant physique que psychologique et les mauvaises conditions de travail qui sont dénoncées ne leur permettent pas de pouvoir envisager de le faire. Seuls les temps de formations peuvent y pallier. Les paramédicaux fonctionne beaucoup par la transmission orale, et particulièrement dans le milieu psychiatrique.

Concernant les outils, il faut tout simplement former correctement les professionnels aux outils et ne pas juste leur indiquer qu'ils doivent travailler dessus comme c'est le cas bien souvent. Cela a pour conséquences beaucoup de temps perdu et des outils qui sont utilisés à peine à moins de 10% de leurs capacités. Ne pas former, c'est, sur le long terme, et même sur le moyen, source d'erreurs et de perte de beaucoup de temps et d'argent.

Il faut également impliquer « les gens dont c'est le métier d'avoir des patients dans la construction de [leur] arborescence. Aujourd'hui, on utilise des logiciels qui sont faits par des informaticiens pour qui les patients sont des numéros. », preuve en est sur des développements établis pour des évaluations patients dans le dossier patient informatisé d'un établissement comme sur le risque suicidaire. « Ce questionnaire n'est aujourd'hui pas du tout adapté. Il faut répondre oui ou non comme si c'était aussi facile. C'est très manichéen. A chaque question, les patients me répondent « ça dépend ». [...] Personne ne nous a expliqué ce que c'était, comment l'utiliser et l'outil n'est, encore une fois, pas adapté. Comme j'ai une formation suicide en octobre j'ai proposé à ma cadre d'être référente dessus et de communiquer dessus quand l'outil sera adéquat ».76 La mise en place de bons outils et la formation qui va de pair avec existent aujourd'hui notamment grâce à des soignants sur lesquels il faut s'appuyer, il faut encourager ces prises d'initiatives. L'idéal serait d'impliquer également des patients, de créer un comité réunissant un soignant, un patient, un informaticien et une personne des ressources humaines.

Afin de répondre au besoin de sécurité et de confiance des soignants, d'autres types de formations, même très courtes, peuvent être envisagées. « Il n'y a pas longtemps on a eu une formation d'une heure et demie par un cadre sup sur l'espoir. Ça, dans ma profession, c'est important. Il y a un truc qui m'énerve chez les infirmiers c'est qu'ils râlent et ne sont jamais contents, parce qu'effectivement on a de mauvaises conditions de travail et qu'on n'est pas bien payé. Alors cette formation m'a fait un bien fou. Les histoires des patients sont horribles, on a de mauvaises conditions de travail, on est mal payé, on a très peu de formation et ce

76 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

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type de formation peut être un vrai levier au changement. Le changement c'est d'arrêter de râler et de trainer des pieds et à aller toquer aux bonnes portes et bouger pour faire de son métier quelque chose d'agréable à défaut d'avoir un bon salaire. »77

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du

secteurs santé souhaitent-ils mettre en place ?

Le métier des paramédicaux, notamment des infirmiers et des aides-soignants, va évoluer et la formation initiale devra être revue à divers égards. Un plan de restructuration des écoles avec la création d'un établissement d'enseignement supérieur, une structure unique qui forme tous les professionnels et tous les métiers avec une équipe pédagogique unique, est déjà en cours dans un des plus gros centres hospitaliers en France. Douze mille élèves des instituts paramédicaux de la région Rhône Alpes sont également actuellement formés à l'IA. « On voit qu'il y a un vrai changement, non pas simplement des outils utilisés mais du coeur du métier. L'IA va être - elle l'est déjà - un adjuvant très puissant à l'extension des compétences de ces professions paramédicales en permettant d'accéder à des éléments de diagnostic médical sous intermédiation d'une profession paramédicale. »78

Pour tous ceux qui travaillent déjà, c'est la formation continue qui devra permettre à chacun de se tenir à jour et d'anticiper ces changements. Dans un entretien, un directeur de CHU évoque l'obligation « de mettre en place des plans de formation pour l'adaptation à l'évolution prévisible des emplois comme le prévoit la réglementation sur la formation à l'hôpital. C'est plus compliqué parce qu'on va sur des transformations de métiers qui sont consubstantiels. L'infirmière devra faire de l'assistance à prédictions de diagnostic en lien avec l'intelligence artificielle avec laquelle travaille le médecin. Elle se rapproche progressivement de la profession médicale là où elle était la petite main parmi les petites mains il y a encore 50 ans. » Le ticket d'entrée en matière de compétences va être de plus en plus élevé. Aujourd'hui, « on change de métier : on a fait des études à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) pour un certain métier et quand on arrive à l'unité médico-chirurgicale cardiologique de [tel hôpital] on ne fait pas son métier d'infirmière comme on l'a appris à l'école. On va faire de l'analyse de mesure, de l'accompagnement du médecin, dans de la coopération sophistiquée. »

77 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

78 Interview David Gruson, Directeur Programme Santé Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur - Annexe 8 : Interview David Gruson

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On peut d'ores et déjà se poser la question des salaires si on demande de plus en plus de compétences à ces professionnels. A l'hôpital public, en France, [et dans de nombreux hôpitaux privés] on ne paie pas assez. Chez Bioserenity à la clinique du sommeil par exemple, ils payent leurs infirmières entre 3200 et 3400 euros nets mensuels là où on les paie entre 2200 et 2400 euros à l'hôpital public. 79

Ces modifications du métier directement liées notamment à la délégation de compétences de la part des médecins entre autres pour certains actes pratiqués en télémédecine comme la téléassistance médicale (cf. définition p.10) entrainent des formations spécifiques aux outils mais nécessitent également des formations en psychologie plus pointues qu'elles ne le sont actuellement pour accompagner les patients.

Les formations elles-mêmes se modernisent évidemment en même temps. Les formats ne sont les mêmes. Les soignants peuvent désormais se former avec des outils développés par SimforHealth ou Laerdal, assez connu pour leurs mannequins en simulation avec des corps qui réagissent. On peut prévoir avec eux « du e-learning et de l'apprentissage en présentiel à réalité augmentée. Les agents peuvent se former sur des mannequins de simulation de patient Laerdal avec un casque de réalité augmentée dans une salle comme s'ils étaient dans un bloc opératoire. L'enseignant peut même être à distance en dehors de la pièce avec un contrôle retour directement dans l'environnement numérique. L'ensemble sera mis en application [dans tel établissement] à échéance septembre 2021.80

D. Les agents d'accueil

1. Comment les assistants administratifs et agents d'accueil appréhendent-ils le changement ?

Le personnel administratif est peu enclin au changement. La part de réfractaires est plus importante que la part de personnes enthousiastes ou ouvertes aux changements. Le rapport au changement peut être radicalement différent chez une même personne selon le sens du changement. Prenons l'exemple d'un agent d'accueil dont l'établissement vient de faire l'acquisition d'une solution de dématérialisation de l'admission administrative d'un patient avec laquelle le patient pourra directement faire les démarches administratives, déposer ses pièces administratives et remplir un formulaire avec un certain nombre de données le concernant à

79 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

80 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

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distance depuis chez lui via un ordinateur ou depuis son mobile. Les patients qui pourront utiliser cette solution ne passeront plus par la borne d'accueil. « Cela nécessite, à partir de ce moment-là, que des gestionnaires soient détachés dans leur métier actuel au contact du patient pour tous ceux qui ne l'utiliseront pas et, a contrario, pour les patients utilisant cette solution d'admission à distance, il faudra qu'il y ait des gestionnaires qui soient dans des missions de back office, dans un bureau, qui reçoivent ces informations et qui les traitent sans contact physique ni échange avec le patient si ce n'est des messages mails. Ça change la position et le quotidien d'un gestionnaire. S'il fait le métier derrière le guichet avec des patients toute la journée, il a un contact relationnel très fort et ça ne sera plus du tout le cas quand il fera la même chose à distance. Cela se rapprochera beaucoup plus d'un métier administratif de gestionnaire pur. On voit très bien qu'il y a des compétences du métier qui vont évoluer.

Si je suis gestionnaire et que j'ai fait ce métier-là, c'est soit :

· 1 : que je trouve un intérêt dans le contact au patient, que ce que j'aime bien c'est aider le patient, le rassurer, l'orienter dans l'établissement et finalement la saisie de données administratives n'est qu'un prétexte pour être au contact du patient. Demain ce profil-là aura du mal à y trouver son compte si on le met dans un bureau et qu'on lui demande de ne se concentrer plus que sur l'activité de saisie et de contrôle des pièces.

· 2 : que j'ai plutôt envie de faire un travail administratif et de pouvoir lisser ma charge de travail sur la journée, ne pas être stressé par des pics de travail à telle et telle heure et que je dois faire face au patient, que je reste aimable parce que je suis la porte d'entrée de l'établissement et que cela m'impose un stress fort là je vais être content de faire ce travail-là, d'être protégé au back office et pouvoir m'organiser comme je veux sur la journée du moment que je réalise les tâches que j'ai à faire.

On voit bien que la manière d'exercer le métier dans le premier ou dans le deuxième cas n'est pas la même. On ne parle plus du même métier, plus du même quotidien. Ça peut susciter de l'engouement si je me retrouve plutôt dans le cas de figure 2 et a contrario si j'ai un profil où je prenais plaisir à être face au patient et que je nourrissais plutôt l'intérêt de mon métier dans le relationnel, là je vais avoir une résistance au changement sur le fait que l'adoption de cette solution va changer mon métier. »

Certains DRH qui sensibilisent en anticipant la mise en place de ce type de solution ont la sensation que ces changements ne sont pas pris au sérieux : « Ce sur quoi je me bats actuellement c'est de faire comprendre aux agents que ça va être comme ça, cela reste de la science-fiction pour eux. C'est un grand saut dans l'inconnu et les agents pensent que les

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décisions seront mauvaises car elles ne seront pas contrôlées. C'est le principe de logique de responsabilité. L'autre chose c'est de leur faire comprendre comment on paramètre les outils pour qu'ils soient utiles et là aussi c'est très compliqué. »

Tout dépend aussi évidemment de la manière dont le changement est conduit. Quoiqu'il arrive et même en appliquant les méthodes les plus inclusives, s'il ne reste pas au moins quelques réfractaires, il restera toujours quelques personnes qui rencontreront des difficultés importantes avec l'outil.

2. Comment les agents d'accueil sont-ils accompagnés dans ces

changements aujourd'hui ?

Aujourd'hui tous les établissements ont modifié la manière de traiter les données administratives du patient ne serait-ce que lors de la mise en place du dossier patient informatisé devenu obligatoire. D'autre part, « l'effet de la technologie et l'effet de la Covid 19 amènent à générer des impératifs de distanciation physique. C'est un stimulus de court terme, peut-être. Le court terme depuis 6 mois devient du moyen terme mais c'est un stimulus très puissant qui va amener des recompositions très fortes pour le back office du système de santé. »81

On constate de fortes disparités d'un établissement à l'autre dans la manière d'accompagner

le personnel administratif (comme pour le personnel médical). Cela tient beaucoup :

? A la culture de l'établissement (pratiques agiles),

? A la personnalité du manager du bureau des entrées,

? A la manière dont le projet et piloté et suivi,

? Au profil des agents concernés,

? Au recours ou non à un prestataire extérieur suivant nécessité en lien avec les 3 points

précédents.

En fonction de tous ces critères, les agents sont, dans un cas, impliqués dès le début du processus de modification du système d'information ou de prise ou charge du patient et, dans de nombreux autres, forcés à utilisés une solution sur laquelle ils ne sont pas formés, qu'ils ne trouvent, à juste titre puisque les utilisateurs n'ont pas été impliqués, pas adéquat et qui génère erreurs, frustration, perte de temps et d'argent.

81 Annexe 8 : Interview David Gruson, Directeur Programme Santé Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur

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3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ?

Tous comme les autres métiers, les agents administratifs souhaitent être informés et impliqués selon Adrien Deudon, en lien régulier avec les utilisateurs de la solution de dématérialisation proposée par la société pour laquelle il travaille. Les personnels d'accueil se sentant concerné par le sujet, malgré l'importance qu'il va revêtir pour eux, sont difficiles à trouver et à ce jour, aucun agent d'accueil sollicité dont l'établissement a mis en place des solutions de dématérialisation pour l'accueil n'a répondu favorablement pour échanger dans le cadre de ce mémoire. Faut-il en tirer des conclusions et quelles pourraient-elles être ? Je me garde, faute d'information et d'enquête terrain de pouvoir formuler la moindre supposition.

4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou décideurs du secteurs santé souhaitent-ils mettre en place ?

Aujourd'hui ces solutions et les accompagnements à mettre en place sont décidées à l'échelle de l'établissement et non à l'échelle du groupement hospitalier de territoire et encore moins à l'échelle nationale même s'il existe une stratégie gouvernementale pour la transformation numérique en santé. « En général ce sont le directeur financier et le directeur des systèmes d'information d'un établissement [qui décident]. »82

Ensuite concernant l'accompagnement d'une équipe à proprement parler, « on doit d'abord envisager ces transformations sous l'angle de la GPEC : telle personne qui part à la retraite dans 2 ans va rester sur son poste, telle autre dans 10 ans donc on va lui proposer d'aller aux admissions ou à l'accueil plutôt que dans le service des ressources humaines, untel qui ne souhaite pas s'orienter de cette manière souhaite-t-elle se reconvertir comme assistante sociale ou apprendre un nouveau métier qui n'a rien à voir avec le secteur sanitaire. On fait ensuite du suivi individuel des agents. Une fois que la nouvelle organisation est posée, on met l'IA ou la nouvelle technologie en relation avec le besoin. »83

Toutes les personnes interrogées s'accordent à dire qu'il est absolument nécessaire de travailler avec des méthodes agiles et impliquer un voire plusieurs référents de chaque métier concerné par le changement dès l'amont du projet. Les nouveaux décideurs sont issus des générations X et Y et ont bien l'intention de travailler en coopération. Les aspects négatifs d'une hiérarchie trop marquée s'effacent de plus en plus au profit d'une intelligence collective

82 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon

83 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

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et si ce n'est pas toujours par conviction intime cela peut être par l'observation simple d'organisations qui fonctionnent et dans l'idée de tirer le meilleur parti de tous les professionnels avec qui l'on travaille. Toutes les « strates de la hiérarchie » sont impliquées dès le début, au moment de la définition du besoin et du choix du prestataire même si le travailler ensemble n'est encore un réflexe pour personne.

E. Les bonnes pratiques d'accompagnement des ressources humaines

1. La culture du changement

Afin d'accompagner de manière optimale les professionnels de santé, la vision de ce qu'est être un bon directeur des ressources humaines a énormément changé. Parmi ces changements justement, on remarque la culture du changement et l'appropriation de ses vertus. On ne pourrait plus correspondre aux attendus en restant au même poste, dans le même établissement trop longtemps. « Je pense qu'à un moment tu te retrouves dans un environnement que tu maîtrises et quand tu es dans une maîtrise de l'environnement tu arrives avec une idée précise de ce que tu veux faire. Tu le fais. A partir d'un certain moment tu te réinventes mais la réinvention à ses limites. Faire venir quelqu'un d'autre à ta place pour avoir d'autres idées et conduire le changement dans un autre sens ou vers une version plus évoluée c'est souvent la meilleure façon pour soi de considérer que la mission est terminée et pour l'organisation de continuer à progresser. Je suis convaincu qu'on arrive à changer les choses sur deux/trois ans. Au bout de trois ans on atteint un palier qui est plus ou moins éloigné en fonction de la maturité au changement de l'organisation. Une fois que tu as atteint ton palier, soit tu te désengages et tu laisses « la boutique vivre », soit tu laisses la place et la boutique continue à changer. C'est l'idée du changement d'établissement tous les trois, quatre voire cinq ans. Une personne ne peut pas apporter du changement pendant dix ans. Une fois que tu as fait bouger les choses tel que tu avais envie de les faire bouger d'autres feront mieux après toi. »84

2. Les évolutions à envisager

« L'hôpital est un gros employeur et l'intelligence artificielle va assurément supprimer certains métiers, y compris les plus élevés dans la hiérarchie des compétences. A terme, on peut tout à fait imaginer que la machine pourra prendre des décisions stratégiques, poser un diagnostic

84 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

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et prescrire un traitement par exemple. [Le] rôle de DRH est d'accompagner les professionnels dans ces changements pour qu'ils puissent s'adapter et les vivre le plus sereinement possible. »85 Les directions des ressources humaines anticipent les adaptations à prévoir. Si des actions spécifiques n'ont pas encore été prévues dans de nombreux établissements, elles sont conscientes des enjeux sur le très long terme.

Sur les enjeux des métiers liés aux services de ressources humaines, on me rapporte à juste titre et de manière très pragmatique que « Le métier ne va pas vraiment changer dans les prochaines années sur le plan des missions. Les ressources humaines cela reste faire des choses avec les gens : du social, de l'organisation, du suivi de parcours... Il y aura toujours des salariés dans l'entreprise et il y aura toujours des DRH dans l'entreprise. Ce qui va changer dans notre métier ce sont les outils qu'on utilise pour le faire. Les outils que l'on utilise en ressources humaines vont évoluer sur deux axes :

- Celui du datamining, c'est-à-dire tout ce qu'on va pouvoir faire avec les informations dont on dispose sur les gens, sur les organisations pour être plus prédictif, avoir des réponses qui sont plus pertinente au regard des problématiques que les agents et que les services rencontrent.

- Tout ce qui va être autour de la mobilité et de la dématérialisation. Actuellement la dématérialisation transforme notre façon de travailler tous les jours. Je n'ai plus besoin d'avoir comme j'avais à [tel hôpital] ou à [tel hôpital] un bureau. Aujourd'hui le problème de [tel hôpital] c'est que la solution informatique derrière la dématérialisation est insuffisante : elle est trop compliquée, trop limitée et elle ne donne pas le service qu'on attend d'elle. Nous sommes donc assez limités en matière de dématérialisation mais le directeur général souhaite qu'on avance très vite et il souhaite notamment que progressivement la direction générale soit rassemblée dans les établissements de santé. »86

Les manières de coopérer entre métiers, entre services et entre établissement ne sont pas encore idéales. Une consultante québécoise réputée spécialisée dans la conduite du changement qui connait très bien les hôpitaux français et leur fonctionnement pour travailler régulièrement avec le constate de manière très nette : « Je travaille surtout dans de très gros hôpitaux et ce que je vois beaucoup ce sont des projets développés en vase clos par une entité comme la direction des ressources humaines, l'informatique, la pharmacie, le laboratoire, ... Ils développent des choses en vase clos sans consulter, sans informer, et le

85 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources Humaines du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne

86 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

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jour où ils sortent ça comme un projet les gens ne sont pas prêts et on a des résistances alors que si on avait de la gestion du changement en même temps qu'on développait le projet, il n'y aurait pas toute cette résistance.87

Cette culture bouge et va dans le bon sens. Ces démarches restent difficiles au quotidien mais il en va de la responsabilité de chacun de continuer de s'engager dans cette voie.

3. Ce qui fonctionne déjà ou peut être mis en place à court terme

Il ressort de tous ces entretiens que si les professionnels de santé, personnel médical et non médical (paramédicaux et administratifs) sont à peu près au fait de ce qui existe et de ce qu'il est possible et sera possible de faire demain sur leur propre métier, ils ne le sont pas du tout sur celui des autres. Il en va de la responsabilité des services de ressources humaines de maintenir « une veille technologique régulière, d'être au contact et de recevoir des start-up créatrices d'innovations et de tester des solutions sur différents périmètres. Ensuite, cela implique un changement culturel qui en France est très compliqué à faire admettre aux équipes : c'est qu'on a le droit de se tromper. C'est une façon de penser très anglo-saxonne. Veille technologique, expérimentation technologique et changement culturel au service de l'expérimentation sont la base du travail. Une fois qu'on est au clair sur ce qu'on sait faire et ce qu'on saura faire dans 3 ans - ce qu'on arrive à avoir quand on discute avec les startups et qu'on lit les journaux spécialisés régulièrement - ensuite on peut, non pas identifier ce que l'IA va faire mais comment on va changer l'organisation elle-même pour faire de la place à l'intelligence artificielle. »88

Concernant tout simplement les demandes de congés évoqués par l'infirmière dans ce chapitre (point A, p.30), le DRH de CHU confirme ces pratiques alors même qu'ils travaillent dans des établissements très différents (taille de l'établissement de plusieurs milliers de salariés versus une cinquantaine, spécialité psychiatrique pour l'un des deux, région, public vs privé, etc.) et les dénoncent également. Le service RH de cet établissement met actuellement en place un système de « parapheur électronique » avec « contrôle de décision décentralisée » afin de « supprime[r] quatre niveaux de contrôle ». Il va falloir travailler sur le sens qu'on donne aux choses et communiquer sur le fait que les changements sont là pour changer ce qui justement n'a pas de sens.

87 Interview Marie-Pier Levesque, Consultante changement, conflits, leadership, performance grandes entreprises et services publics au Québec, en France et en Suisse - Annexe 13 : Interview professionnel accompagnement Marie-Pier Levesque

88 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU

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Exemple d'un agent qui souhaite poser un congé parental et va voir le cadre ou le gestionnaire de proximité :

AUJOURD'HUI

 
 

DEMAIN

 

ACTIONS

Agent

Agent

Adjoint des cadres

Le gestionnaire de proximité:

la direction centrale qui

· regarde si la décision est possible

· prépare le document

· transmet le document à

· refais le contrôle,

· agréé le raisonnement de l'agent de terrain,

· Met le document en signature au directeur correspondant et

· fait partir la décision sur le terrain.

Le gestionnaire de proximité:

· analyse sa situation et prépare la décision

· La soumet au directeur pour signature

· La donne à l'agent.

NIVEAUX DE HIERARCHIE NECESSAIRE

Attaché de site

 
 
 
 

RH de proximité

 
 

Agent administratif de contrôle

 
 
 
 
 
 

L'adjoint des cadres qui encadrent les agents administratifs de contrôle

 
 
 
 
 
 
 

Un directeur

l'attaché qui encadrent les adjoints des cadres qui encadrent les agents de contrôle

 
 
 

le directeur qui encadrent les attachés

 
 
 

Graphique créé sur la base des éléments de témoignage du DRH de CHU

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On constate que les nouvelles technologies sont au service de problèmes importants existant depuis de nombreuses années. On arrive à un virage où on va pouvoir communiquer sur le fait que ces outils vont faire gagner du temps aux soignants autant qu'aux administratifs avec des exemples concrets.

Afin de réguler l'ensemble du processus global de déploiement des nouvelles technologies en santé, l»initiative Ethik IA, fondée par Judith Mehl et David Gruson, propose « cinq clefs de régulation pour le déploiement de l'IA et de la robotisation en santé » 89 :

Clé 1

Information et consentement du patient

Le patient doit connaitre et comprendre l'implication du dispositif d'intelligence artificielle

Clé 2

Garantie Humaine de l'IA

Des vérifications par l'humain doivent être effectuées régulièrement et le « deuxième regard » de diagnostic humain doit pouvoir être systématiquement accordé s'il y a demande, du patient ou du praticien.

Clé 3

Graduation de la régulation en fonction du niveau de sensibilité des données de santé

 

Clé 4

Accompagnement de l'adaptation des métiers

Il y a une nécessité d'accompagnement par la formation initiale et continue qui peut être financée directement par le gain opéré par le déploiement de l'intelligence artificielle elle-même

Clé 5

Intervention d'une supervision externe indépendante

Pour vérifier régulièrement le respect de la mise oeuvre de l'ensemble et vérifier par des études régulières les effets du déploiement de l'intelligence artificielle et que les processus internes soient adaptés

89 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

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III. Recommandations d'accompagnement

Il s'agit là d'inclure un certain nombre d'accompagnements et de formations au plan de développement des compétences des établissements de santé afin de répondre aux enjeux de la transformation numérique et du développement de l'intelligence artificielle. Cela doit s'imbriquer dans un ensemble cohérent répondant à la stratégie du projet d'établissement. Les formations, tout comme les nouveaux outils, doivent avoir du sens. Elles doivent être utiles et tout un chacun doit en être convaincu.

Les nouveaux outils sont généralement demandés, soit dans un but purement médical par les médecins, soit dans un contexte administratif ou de suivi administratif des patients par le directeur financier et/ou le directeur des systèmes d'information. Encore une fois, toutes ces demandes doivent être regroupées afin de former un ensemble cohérent sur lequel la direction peut s'appuyer pour son projet d'établissement. Nouveaux outils, besoin de formation et projet d'établissement doivent s'alimenter les uns les autres de manière suivie. C'est la direction des ressources humaines qui doit s'en assurer. Où souhaite-t-on aller ? Quelle expérience pour le patient souhaite-t-on ? Il faut donner du sens au projet.

Qui définit le plan de développement des compétences ?

Le plan de développement des compétences des établissements de santé est décidé à différents échelons :

· Le ministère de la santé, via la Direction Générale de l'Offre de Soin, émet des préconisations.

· Dans le cas des établissements publics de santé, l'ANFH90 définit un plan stratégique régional.

· Le GHT définit un plan global pour les établissements qu'il regroupe et

· l'établissement le met en place en affinant suivant ses contraintes particulières. Il est articulé au projet d'établissement, défini à partir des besoins et des attentes identifiés en termes de savoir-faire, de montée en qualification... Chaque établissement dispose néanmoins d'une marge de manoeuvre individuelle assez large dans la mesure où il s'agit de préconisations et non de directives et qu'il choisit de manière autonome comment utiliser 85% de l'enveloppe dédiée au plan de formation de l'établissement. Il est défini par la direction des ressources humaines.

90 Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier : organisme qui collecte et gère les fonds dédiés à la formation des établissements publics de santé

Comment est-il financé ?

La réglementation oblige les établissements de santé à utiliser 2,1% minimum de la masse salariale du personnel non médical et 0,75% pour le personnel médical pour son plan de développement des compétences. 91

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On parle de plan de formation pour le personnel médical et de DPCM - Le Développement Professionnel Continu Médical - pour le personnel médical.

Quelle sera sa forme ?

Le plan de formation visera tout d'abord à sensibiliser les différentes directions quant à l'importance dudit plan de formation en organisant formations et accompagnement à l'agilité, d'abord pour la direction sur la base du projet du plan de formation de l'année à venir. Il s'agira du projet pilote pour mettre en exergue les avantages des changements d'habitudes. Il devra être accompagné par une personne dédiée au projet, idéalement externe à l'organisation. Cette première démarche devra réunir la direction générale, le président de la commission médicale d'établissement, la direction des ressources humaines, des finances, des soins, des

91 https://www.anfh.fr/se-former-dans-la-fph/le-plan-de-formation https://www.anfh.fr/sites/default/files/fichiers/filrougefeuillets25092015.pdf

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achats, de la communication, de la recherche, des systèmes d'informations, etc., toutes les personnes impliquées dans le projet d'établissement.

Durant les itérations dédiées à ce projet, pourront être définies, si ce n'est déjà fait, le comité de pilotage en charge de la transformation numérique et celles en charge, à l'intérieur de ce comité de pilotage, des accompagnements et formations nécessaires. La direction des ressources humaines devra particulièrement s'impliquer dans ces projets, voire en être moteur, s'agissant d'un sujet fort de Gestion Prévisionnelles des Emplois et des Compétences. La définition du nombre de professionnels qui sont concernés par les changements, la mesure dans laquelle ils le sont et les modifications à prévoir dans leur métier sur les années à venir sont à la fois des clefs et des enjeux majeurs de la manière de mener ces projets.

La transformation numérique et l'utilisation de l'intelligence artificielle ne sont finalement qu'un changement comme un autre. Les managers et les personnes identifiées avec un fort leadership (cela peut, voire doit être dans n'importe quel métier et à tous les niveaux de hiérarchie) pourront tous suivre des formations spécifiques à la conduite du changement. Ces formations devront être suivies entre personnes de différents services et de différents corps de métier afin de favoriser une connaissance globale des sujets, des autres services, des autres métiers et des autres personnes.

Une fois ces modes de coopérations entamés et en fonction des projets qui auront été déterminés et choisis par les comités de pilotage, des formations aux outils pourront être effectuées.

Voir Annexe 17 : Processus de recommandations p.160

Qui sont les acteurs ?

La totalité des professionnels de l'établissement, qu'il s'agisse de personnel médical, non médical soignant ou non médical administratif doit être a minima sensibilisée sur le projet. La direction devra insuffler le mouvement de mise en marche avec une exemplarité continue suivie par les comités de pilotages puis par les managers et référents. Les acteurs principaux et à l'initiative du projet sont ceux cités dans la forme du projet à savoir la direction générale, le président de la commission médicale d'établissement, la direction des ressources humaines, des finances, des soins, des achats, de la communication, de la recherche, des

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systèmes d'informations, etc., toutes les personnes impliquées dans le projet d'établissement en ajoutant les référents, les prestataires fournisseurs d'outils et de solutions et les praticiens. Les praticiens ont toujours dû se former régulièrement face aux avancées constantes dans le domaine de la médecine. Les transformations actuelles rejaillissent également sur l'ensemble du corps médical avec une adaptation permanente des procédures et un besoin majeur de recours à la formation. Ils peuvent être d'excellents leviers de communication quant aux bienfaits du changement et du recours aux nouveaux outils.

Quels seront les délais ?

Les premières mesures énoncées devront idéalement s'étendre sur une durée de quinze mois, comprenant la phase de formation de la direction en amont de la mise en oeuvre systémique du projet.

Quels seront les enjeux ?

L'appropriation des outils numériques par l'ensemble des personnels hospitaliers et plus particulièrement des médecins est un point essentiel pour une répartition homogène de l'accès aux dernières technologies de soin au plus grand nombre de patients sur le territoire français et dans le monde.

A. Sensibilisation et Formations conduite du changement

1. Étape 1 : former les directions

Aujourd'hui, on ne peut plus parler de changement, de modernité et d'organisation qui s'adapte sans penser agilité. L'agilité est la caractéristique qui permet à une organisation de prospérer dans un environnement de changement constant et imprévisible. C'est la capacité à apprendre au quotidien tout en remettant en question d'anciens apprentissage, acquérir de nouvelles compétences en groupe pour viser l'amélioration continue avec une adaptation permanente. La satisfaction client est au centre des préoccupations. A l'hôpital, il s'agira de la satisfaction des patients. On s'appuie sur des équipes motivées. Pour les motiver, on va s'assurer qu'elles sont auto-organisées en augmentant l'autonomie de chacun. On va leur faire confiance. On va s'adapter en permanence à l'environnement dans une dynamique d'amélioration continue pour apporter de la valeur au patient. L'agilité fonctionne si on fait preuve d'intelligence collective. Elle est aujourd'hui sous-exploitée dans les organisations. Pour faire

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preuve d'intelligence collective, il y a des compétences de savoir être telles que la curiosité, l'esprit critique, l'exemplarité des dirigeants et des encadrants, la confiance.92

La première valeur du manifeste agile93, c'est de favoriser l'interaction plus que les processus. Si on souhaite que les équipes acceptent cette manière de fonctionner, la direction se doit d'être exemplaire. C'est elle qui donne le souffle indispensable, le sens, la direction et la manière d'y aller. Si la direction donne le sentiment aux professionnels d'être inaccessible, tout paraitra inaccessible. Les fortes notions de hiérarchie à l'hôpital doivent être gommées pour que tous puissent s'impliquer dans un système d'intelligence collective où chacun est conscient de ce qu'il apporte, de ce qu'il peut apporter ou qu'il peut apporter quelque chose s'il est bien accompagné.

Même si le projet est ambitieux et difficile d'accès et c'est justement ces difficultés d'accès qu'il faut gommer, il est absolument indispensable de former la direction générale et les différentes directions à l'agilité. Dans le contexte qu'est celui de la santé, et particulièrement dans le secteur public, l'idéal serait même d'attaquer ces problématiques au coeur des différentes strates des institutions telles que les Agences Régionales de Santé (ARS), la Haute Autorité de Santé (HAS), la Direction Générale de l'Offre de Soin (DGOS), le ministère des solidarités et de la santé mais également le conseil de l'ordre des médecins et l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH), tant au niveau national que dans les antennes régionales.

Outre ces accompagnements sur la culture du changement et sur l'agilité. L'ensemble de la direction ou a minima un de ses membre, idéalement le directeur général, devra prendre des cours de communication ou être accompagné par un professionnel expert afin de comprendre les sciences du langage et comment bien communiquer pour être entendu et transmettre. Il faut un leader qui sache faire preuve de charisme pour donner aux personnes l'envie de suivre sa vision.

Ces formations à la conduite du changement, à l'agilité et à la communication, interne principalement mais également externe, pour les directions pourront être effectuées avec et en partie par un coach agile à échéances régulières, avec un planning qui doit être prédéfini et respecté par tous. Des cas concrets serviront de base à ces apprentissages tels que la création d'un comité de pilotage spécifique aux formations qui doivent être mises en

92 Jérôme Carfantan, Webinar L'impact de l'agilité sur les RH, avril 2020

93 https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_agile

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place dans le cadre de la transformation numérique. Ce comité pilotage devra selon moi être en lien direct et permanent avec le comité de pilotage de la partie transformation numérique du projet d'établissement. Si ce dernier n'existe pas, il devra également être pensé tant pour la définition de mesures des impacts culturels et économiques que pour la réflexion de la trame du développement lui-même à l'instar du « conseil national de la transformation numérique » chez Orange94, du pôle « stratégique de la transformation numérique en santé » du ministère des solidarités et de la santé ou d'une direction « du grand défi IA en Santé » au cabinet du premier ministre. Ces deux comités pourront n'être qu'un seul en fonction des spécificités de chaque établissement. Ils devront quoiqu'il arrive compter un minimum de membres en commun.

Un budget devra être établi en amont pour cette partie spécifique concernant la direction.

Ces itérations de conduite de projet agile devront être effectuées par demi-journées. Elles se tiendront toutes les 2 semaines sur une durée de trois mois. Il y aura donc six itérations, idéalement en présentiel et animées par un coach professionnel de l'agilité.

Des coachings individuels devront être également budgétés avec une durée plus ou moins longue selon les enjeux du poste (notamment concernant la communication et le leadership pour la direction générale - point essentiel sur lequel il ne faudra pas rogner et ne pas hésiter à faire appel à un professionnel très aguerri) et selon le niveau d'imprégnation culturel à faire évoluer. S'agissant plus d'accompagnement que de formation dans sa forme, il pourra être décidé d'attribuer les dépenses au plan de formation ou non. Les dépenses à prévoir sont :

- Coûts pédagogiques (coût journée des intervenants) :

o Coach agile : six demi-journées + nombre d'heures de coaching individuel selon besoin

o Coach professionnel en communication et leadership pour la direction générale

- Ni Coûts salariaux ni coût de réservation de salle dans la mesure où il s'agit de réunions qui
doivent être effectuées et qui seront « juste » encadrées

94 Clotilde Coron, Arnaud Franquinet et Florent Noël, Digital et RH, Les 4 défis stratégiques, Vuibert, 2019

2. Étape 2 : former les comités de pilotage et les cadres à la

conduite du changement

Avant la constitution officielle des comités de pilotage, les partenaires sociaux devront être consultés, voire même impliqués. Une fois le ou les comités de pilotage créés, une communication générale doit être effectuée régulièrement. Elle peut être effectuée de manière informelle par l'intermédiaire de référents afin que l'information circule dans les étages si cette pratique fonctionne. Elle peut également se faire par l'intermédiaire des formations de conduite du changement que suivront les cadres.

Pour entamer les processus de formations ultérieures. Une bonne communication en amont est nécessaire. Les formations à la conduite du changement aideront les différents échelons du système de santé à communiquer sur ce qui changera, à quel moment et comment. Les formations conduites du changement sont une étape fondamentale pour une bonne évolution empirique des changements et des formations à mettre en place.

Certains peuvent avoir besoin de coaching individuel. Quand on parle d'agilité, on parle d'auto-organisation et quand on parle d'auto-organisation que devient le manager qui avait l'habitude de contrôler au quotidien les tâches de ses collaborateurs ? comment doit-il se positionner.95

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95 Webinar L'impact de l'agilité sur les RH, avril 2020

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Les formations à la conduite du changement sont effectuées sur une durée qui va de deux à cinq journées, pas forcément consécutives. Dans le contexte énoncé, tant de changements importants que de restrictions budgétaires, je suggère un format de deux journées consécutives en présentiel puis d'une journée à distance qui pourra éventuellement (mais pas idéalement) être effectuée en vidéo conférence afin d'échanger sur les réussites et les blocages rencontrés.

Si le budget global le permet, la taille de groupe idéale est de 12 personnes. Mieux vaut éviter d'aller au-delà de 16 personnes. La qualité des échanges s'en trouverait altérée. Chacune de ces formations devra être budgétée et en anticipant le roulement d'absences pour formation de l'ensemble des participants :

- Coûts pédagogiques (environ 1.500€ par jour et par groupe),

- Coûts salariaux,

- Coût des supports de communication s'il est décidé qu'ils sont nécessaires et

- Coûts de réservation de salle. Si les budgets le permettent, l'idéal reste, dans le cadre de ce type de formation sur le changement, de changer de contexte et de les organiser à l'extérieur de l'établissement. Pour les établissements publics, les ANFH régionales, qui collectent et gère les fonds de formation pour les établissements publics de santé, ont des salles de formation dans leurs locaux. Cela peut être une bonne alternative. Si les budgets ne le permettent pas, ces formations pourront être organisées dans les salles de formation de l'établissement.

Un questionnaire d'évaluation de la formation à chaud sera effectué.

B. Formations interdisciplinarité / projets inclusifs et collaboratifs

Le développement d'une culture commune est le premier jalon de l'interdisciplinarité. « Ma Santé 2022 met en son coeur l'ambition d'intégrer la prévention à tous les cursus et de favoriser l'interdisciplinarité. »96 Il est nécessaire de revoir les modes collaboration entre professionnels à l'hôpital et de « recourir de façon accrue aux démarches collaboratives inspirées des usages des réseaux sociaux. »97 Cela devrait être d'autant plus facile, si on fait preuve de bonne volonté et qu'on est accompagné pour pouvoir le faire, que les outils eux-mêmes facilitent la communication entre équipes. Les modes de coopérations sont évidemment des sujets à placer au coeur des discussions avec les partenaires sociaux.

96 https://www.iledefrance.ars.sante.fr/adapter-la-formation-et-les-metiers-0?parent=7490

97 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital, une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, 2020

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L'interdisciplinarité et la coopération sont la clef de voute de la mise en place des nouvelles technologies à l'hôpital : collecteurs de données, analystes, ressources humaines, praticiens, métiers de la santé tels que cliniciens, radiologues, pathologistes, biologistes, généticiens, infirmiers mais également les industriels, notamment les professionnels de l'informatique, les institutions, les hôpitaux universitaires, les laboratoires pharmaceutiques. On doit faire travailler ensemble les métiers historiques et les nouveaux métiers, d'autant que la donnée médicale ne sera exploitable que par le biais d'un travail collaboratif (usage de l'opendata). Les nouveaux métiers à double compétences peuvent être des leviers pour cette coopération, elles peuvent être les personnes ressources.

Derrière la coopération, il y a également l'idée de déléguer. Cela peut être de déléguer à un collaborateur, à un pair, à un collègue ou bien également à une machine. Le médecin par exemple, doit pouvoir apprendre à déléguer certaines tâches à des infirmiers spécialisés qui auront été formés et autoriser à pratiquer tel acte ou encore à déléguer à un confrère un problème qu'il n'arrive pas résoudre sans le vivre comme un échec comme cela peut être le cas parfois.98

Comment transformer des individus en équipe ? Il faut commencer par être exemplaire. C'est ce qui est prévu dans la première préconisation en prévoyant d'abord de former les directions et d'amorcer une coopération s'agissant du plan de développement des compétences qui ne doit pas être décidé par les RH seuls mais réfléchi en amont par les différentes directions, différents services. Le service des ressources humaines doit être moteur et chacun des membres du service doit pouvoir s'approprier le concept afin de montrer l'exemple et d'être en mesure de l'expliquer, particulièrement son service formation.

Différentes approches apparaissent à ce niveau. Des formations Ennéagramme99 puis le lancement d'un projet concret commun d'une équipe d'un même service avec un coach spécialisé pourrait être une bonne approche. Que cherche-t-on à créer ici ? Parle-t-on de cohésion d'équipe ou d'interdisciplinarité ? La notion d'interdisciplinarité me fait dire que le co-développement professionnel est à privilégier pour arriver au but souhaité sur le long terme même si un apprentissage de l'Ennéagramme pourrait également être utile.

98 Dr Loïc Etienne, Les Sorciers du futur - Santé : l'intelligence artificielle pourra-t-elle nous guérir ?, Marabout, 2020

99 Ennéagramme : diagramme et système d'étude de la personnalité destiné à mieux se connaître et à mieux comprendre l'autre. Source : http://www.cee-enneagramme.eu/enneagramme/

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Le co-développement professionnel consiste à réunir des groupes de discussion et de résolution de problèmes avec des personnes de métiers et de services totalement différents et avec des problématiques différentes pour favoriser l'interdisciplinarité. On pourra par exemple, de la même manière qu'on a réuni l'équipe de direction mais avec une dimension différente, réunir un chirurgien, un architecte big data, un éthicien, un cadre supérieur en ressources humaines, un ingénieur hospitalier et un médecin régulateur ou encore un externe, une infirmière, un cadre administratif, un technicien hospitalier et un assistant de régulation médicale. L'idée est en théorie de réunir des personnes de services différents mais à hiérarchie à peu près égale. Le médecin n'ayant pas « d'égal autre qu'un autre médecin » par exemple, le principe devra être adapté selon ce qui apparaitra comme étant le plus logique dans chaque établissement pour constituer les groupes de travail. On pourra également créer des groupes médicaux rassemblant pourquoi pas un radiologue, un chirurgien cardiaque, un médecin interniste, un oto-rhino-laryngologiste, un gériatre et un pédopsychiatre. Ces groupes seront définis par le comité de pilotage en charge des accompagnements spécifique à la transition numérique dans lequel la direction des ressources humaines aura un rôle important. Il s'agira notamment d'identifier les personnes ressources qui seront des leviers de communication de ces bonnes pratiques pour intégrer ces groupes.

L'idée est véritablement d'apprendre à travailler ensemble et de créer une intelligence collective. On pourrait presque parler de coopétition concernant la coopération entre médecins. « La coopétition est une collaboration ou une coopération de circonstance ou d'opportunité entre différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des concurrents ("competitors", en anglais). Ce mot « coopétition » est un mélange des deux mots coopération et de compétition (concurrence). »100

C'est directement ce que favorise la maitrise des réseaux sociaux pour appel aux communautés d'experts à grande échelle ou encore le programme de recherche Epidemium qui réunit sur la base du volontariat des compétences et des disciplines variées et plus précisément dans le domaine du big data et de la cancérologie dans le but d'accélérer l'émergence de nouvelles idées et de faire progresser la médecine préventive.

Le but est à la fois de s'autonomiser et de mieux communiquer avec ses pairs et avec les autres professionnels.

100 Source wikipedia

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A prévoir en amont : déterminer le nombre de professionnels et les profils recherchés

Projet : Installer un cadre systémique et constructiviste, avoir la capacité à gérer un processus de groupe pour garantir le respect des règles nécessaires à l'engagement, mettre en oeuvre les modalités d'évaluation et d'information permettant de valoriser les dispositifs et l'implication de chacun et de la direction.

Parcours : Conforter et enrichir sa pratique professionnelle, Travailler en transverse, Mieux se connaître et découvrir ses propres ressources, Développer ses capacités d'accompagnement (écoute, questionnement, feedback)

Ces réunions devront être effectuées par demi-journées. Elles se tiendront tous les mois sur une durée de six mois. Il y aura donc six itérations, idéalement en présentiel et animées par un coach professionnel du co-développement professionnel ou Codev.

Ces réunions ayant pour but de favoriser les échanges se dérouleront idéalement en présentiel mais pourront éventuellement, en fonction des disponibilités de chacun et de la situation sanitaire, être effectuées en vidéo conférence.

Si le budget global le permet, la taille de groupe idéale est de 6 personnes afin que chacun puisse présenter une problématique vécue. Le nombre de réunions pourra être réduit à 4 et le nombre de membres de chaque groupe de travail pourra aller jusqu'à 7 pour une qualité d'échange correcte.

Chacune de ces formations devra être budgétée et en anticipant le roulement d'absences pour formation de l'ensemble des participants :

- Coûts pédagogiques (environ 800€ par demi-journée et par groupe),

- Coûts salariaux,

- Coût des supports de communication s'il est décidé qu'ils sont nécessaires et

- Coûts de réservation de salle. Si les budgets le permettent, l'idéal reste, dans le cadre de ce type de formation sur le changement, de changer de contexte et de les organiser à l'extérieur de l'établissement. Cela peut-etre comme vu précédemment, concernant les établissements publics, une salle de l'ANFH régionale. Un questionnaire d'évaluation de la formation à chaud sera effectué.

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Focus : bien communiquer pour bien coopérer

Il s'agit là de s'assurer que tous les professionnels d'une même structure parlent la même langue. A titre d'exemple, si le recours massif aux acronymes et autres sigles est généralisé à tous les métiers de l'hôpital, il est également bien présent chez les directions et institutions. Ce mode de communication ne favorise pas l'interopérabilité et la coopération. Il suscite incompréhension, frustration de celui qui ne comprend pas, voire quiproquo quand plusieurs corps de métiers utilisent le même sigle pour désigner des choses différentes, sans parler des professionnels d'autres pays francophones.

Quelques exemples :

- DPI = Diagnostic Pré-Implantatoire ou Démarche Précoce d'Insertion,

- CS = Consultation spécialisée ou Cadre de Santé et CSS = Centre de Services Sociaux ou Cadre

Supérieur de Santé selon qu'on se trouve au Québec ou en France,

- DSI = Direction des Soins Infirmiers ou Direction des Systèmes d'Information,

- ETP = Education Thérapeutique ou Equivalent Temps Plein,

- GHT = Groupement Hospitalier de Territoire ou Groupe Homogène de Tarif (dans un

contexte d'Hospitalisation à Domicile),

- SIH = Syndicat Inter-Hospitalier (ancêtre du GHT) ou Système d'Information Hospitalier.

Source : Pilar Institute

Si le langage des oiseaux peut être un point important de reconnaissance sociale, notamment entre pairs, et ce quel que soit le domaine professionnel ou groupe social, il est aussi et surtout un frein à la communication et à la coopération entre tous. Il peut s'avérer nécessaire dans certains cas qui doivent rester rares et suffisamment discrets pour ne pas mettre mal à l'aise un tiers qui pourrait mal interpréter des propos, voire se sentir exclu, et ainsi rendre les relations sociales tendues.

Il s'agit là d'une modification culturelle très compliquée à mener dans le secteur hospitalier et dans bien d'autres (secteur bancaire, etc.). A défaut de réussir à revenir en arrière quant à ces pratiques très ancrées, il s'agirait de ne pas multiplier davantage leur utilisation avec le recours exponentiel aux outils numériques, l'informatique ayant également nombre de sigles et d'acronymes. A noter également qu'ils sont de plus en plus courants dans la sphère privée et particulièrement chez les jeunes générations. Ces pratiques sont à surveiller et à encadrer.

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C. Formations propres à l'évolution des métiers

Afin de pouvoir mettre en place les ajustements nécessaires à la formation liée à l'évolution des métiers des professionnels, il est essentiel de penser au sens de tout cela à différentes échelles. Pour donner du sens, il est nécessaire de comprendre, au moins en partie, de se sentir rassuré, en sécurité. C'est l'un des éléments essentiels de la pyramide de Maslow. Si celle-ci peut être aujourd'hui décriée dans sa forme et dans son ordre (Maslow lui-même l'a reconnu), on ne peut nier l'existence des besoins et des désirs qu'il liste, peu important l'ordre dans lesquels ils doivent apparaitre selon la hiérarchie interne de chaque individu.101 Il apparait donc comme nécessaire de démystifier l'Intelligence artificielle et ses possibles afin de créer la confiance nécessaire au projet.

L'intelligence artificielle et l'exploitation des données nécessaire à sa mise en place suscitent de nombreuses questions éthiques, des inquiétudes qui ont généré de nombreux groupes de discussions au sein des hôpitaux et des institutions. Il faut informer les professionnels, les patients et les citoyens qu'ils sont, comme l'AP-HP a commencé à le faire avec sa plateforme EDS, tant sur ses avantages que sur le respect de la confidentialité des données.

Pour rappel, le Règlement Général de Protection des Données (RGPD) renforce le droit des personnes. Il s'applique depuis mai 2018 et donne un cadre sécurisant propice à la mise en confiance nécessaire des professionnels de santé et des patients, tant pour les données de santé à proprement parler que pour l'hébergement des plateformes d'échange des experts spécialistes. Dans le domaine de la santé, il consiste principalement à crypter tout ce qui relève de l'identification du patient, la pseudonymisation.102 Les solutions d'anonymisation permettent l'accès aux données pour l'usage de la formation initiale ou continue pour créer des simulations de situations réelles. Les systèmes d'anonymisation, comme ceux d'Openhealth, vont en s'améliorant. Il faut communiquer sur ces exemples pour amener à la confiance par la démonstration et par la transparence et pas seulement sur les exemples de piratages de données.103

Le rapport de confiance est lié à la protection des données mais pas uniquement. Le statut réglementaire de ces objets doit être clair pour chacun ainsi que leur niveau de fiabilité : l'objet

101 https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Eric-Jean-Garcia-En-finir-avec-la-pyramide-de-Maslow_3747589.html

102 Article 4 du RGPD

103 https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/23/doctolib-victime-d-un-vol-de-donnees_6047078_4408996.html

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ou le logiciel utilisé est-il bien conforme aux attentes du patient et/ou du personnel médical et paramédical ?104 Il est important de toujours bien garder l'objectif en tête et de savoir l'expliquer de manière claire et non équivoque.

Le but est donc de réussir à faire comprendre que l'informatisation est au service du patient : produire une donnée est l'une des étapes de la production de soins. L'acceptation de transformer des informations personnelles sous forme de données est dans l'intérêt des patients sur le long terme et à une échelle plus globale.

Si la mise en confiance doit passer par des actions de communication nationales et locales afin de sensibiliser et de rassurer le plus grand nombre par la compréhension des outils et des enjeux liés à leur utilisation, c'est par les professionnels de santé que la diffusion de la confiance sera la plus efficace. Il est donc essentiel qu'ils comprennent de quoi il est question, qu'ils sachent utiliser les outils, qu'ils comprennent les enjeux, qu'ils y croient et qu'ils soient formés à la fois pour parler de l'outil lui-même mais également pour accompagner et rassurer quant à son utilisation. Il faut par exemple adapter le discours du médecin pour qu'il soit personnalisé à l'image de la médecine aidée par l'intelligence artificielle et envisager plus d'enseignement de la psychologie aux personnels soignants.

Focus : bibliothèque de formations en ligne accessible à tous les professionnels

Au-delà des formations spécifiques dont aura besoin chaque professionnel pour se former, afin de satisfaire aux besoins de connaissance globale et d'interopérabilité énoncés précédemment pour continuer à évoluer avec la médecine d'aujourd'hui et de demain, l'établissement de santé devrait mettre à disposition une bibliothèque de micro-formations en ligne qui pourront aller d'une définition sommaire de l'intelligence artificielle et des enjeux en santé à l'apprentissage du codage ou bien de la gestion de projet, l'élaboration d'un tableau de bord, les dernières innovations managériales, d'actes précis paramédicaux, etc., homologuées par l'ANDPC et éventuellement avec possibilités de certifications à la clef, à l'instar de ce que propose Santé Académie pour les médecins et infirmiers.105 Un infirmier peut par exemple apprendre à communiquer sur les réseaux sociaux, à faire un business plan, à coder.... Cela favorise la mobilité, la montée en compétences et les doubles compétences qui deviennent de plus en plus nécessaires. Une campagne de communication sur la création de

104 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018

105 https://www.santeacademie.com

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cette « bibliothèque de formation » devra être menée afin que tous les professionnels, quels que soit leurs métiers, puissent y accéder.

L'idée me vient d'une initiative du groupe Poult qui propose des formations d'intrapreneuriat et de leadership. Les équipes sont ouvertes à tous et animées par un coach volontaire en se saisissant d'un sujet d'entreprise.106

Cette solution permettra de sensibiliser l'ensemble des professionnels quel que soit le sujet et l'actualité sur le long terme. Ici, il s'agira de les initier à l'intelligence artificielle et de ses enjeux dans le secteur de la santé.

L'idéal serait de trouver un prestataire qui propose ce type de solution clef en main pour les établissements avec un système d'abonnement.

Les outils :

Si les choses ont été initiées correctement, dans le bon ordre et avec les bonnes personnes, comme évoqué précédemment, l'outil, quelles que soient ses fonctionnalités et le service dans lequel il sera utilisé, aura été consciencieusement choisi après avoir clairement identifié les objectifs par une équipe de pilotage composée entre autres d'utilisateurs.

La construction des formations spécifiques à l'outil devra de la même manière être pilotée par une équipe composée d'utilisateurs, de concepteurs, de managers. Ils devront choisir le support idoine pour la formation, choisir le prestataire et l'inclure dans les réunions de pilotage de construction de formation en intelligence collective.

Psychologie :

L'implication des patients est un présupposé indispensable comme suggéré par Ethik IA (cf tableau des clefs de régulations P.51) ou dans l'ensemble des différents articles et ouvrages sur le sujet. Le patient doit être informé du recours à un algorithme.

Si on souhaite que la communication externe soit bien établie, une bonne communication interne et des formations spécifiques à la communication doivent être mises en oeuvre. Aujourd'hui, par exemple, le patient a accès à la connaissance et à l'information. La communication doit se faire autrement. Si un patient n'accepterait pas de se faire soigner par une intelligence artificielle seule, en revanche il est rassuré de savoir que le médecin est aidé d'outils de technologie de pointe pour établir son diagnostic et le soigner, encore faut-il que cela lui soit expliqué de manière claire.

106 Clotilde Coron, Arnaud Franquinet et Florent Noël, Digital et RH, Les 4 défis stratégiques, Vuibert, 2019

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Si on évoque la capacité nécessaire du médecin ou de l'infirmier à expliquer le recours à un algorithme en aide à la décision, on parle à la fois de connaissance de l'outil et de psychologie. Il y a nécessité de faire appel, pour préparer les vidéos de support de micro-learning à des formateurs comprenant les algorithmes, capables de les expliquer au personnel soignant et de faire en sorte que ces derniers sachent le réexpliquer aux patients (double compétence de psychologie et de connaissance des algorithmes à l'instar du psy designer - définition p.15). Le principe doit être transmis avec différents niveaux de vulgarisation. Il s'agira de comprendre les principes de l'analyse de données et de la modélisation des systèmes et des processus de décision, pas d'une formation approfondie ni technique. Cela participera par la même occasion à créer la confiance et l'adhésion du praticien.

Les formats et processus de formation aux outils et à la psychologie

Les formats et le processus de formation seront les mêmes qu'il s'agisse de formations aux outils ou à la psychologie, aussi étonnant que cela puisse paraitre. La formation peut prendre la forme de mooc, cooc, de micro learning, de web-serie, de simulation, de serious game et peut utiliser plusieurs de ces formes combinées.

Voir Annexe 18 : Les typologies de formations

Je distingue trois étapes classiques : la théorie, la pratique et le suivi :

· Étape 1 : partie théorique

Format : Les formations doivent être courtes, en « micro-learning » entre sept et quinze minutes par session maximum, pour répondre aux problématiques de temps disponible réduit des professionnels et de capacité de concentration. Le format doit être ludique, comme des web-séries pédagogiques, pour susciter une meilleure concentration et tout simplement l'envie de continuer à suivre lesdites formations. La vidéo est un bon support à moindre frais. Chaque vidéo initiera à une partie de l'outil qui pourra être mise en pratique en étape deux. Une salle dédiée avec des ordinateurs devra être mise à disposition.

· Étape 2 : partie pratique :

Format : Mettre à disposition des outils de simulation dans une salle dédiée (cela peut être la même que pour l'étape 1 avec des ordinateurs, ses casques et équipements de réalité virtuelle, des tablettes, des mannequins.

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Quelques exemples :

Formations

Outils

Psychologie

Ordinateurs

Pour s'entrainer avec des cas fictifs comme pour le DPI à Bouc Bel Air107

 

Casques et équipements de réalité virtuelle

Comme NeuroVR pour les actes de chirurgie

Pour simuler un entretien

avec un patient

Tablettes

Comme pour un serious

game de simulation de

patient entrant pour les
assistantes médicales

Comme pour les serious

game de simulation
d'entretien avec un patient

Mannequins

Types Laerdel, Creaplast ou pour les actes médicaux et paramédicaux

-

 

· Étape 3 : le suivi

Format : Favoriser le mentorat et créer les binômes « sachant professionnel aguerri à la technique » / novice et mettre en place des indicateurs de suivi au service des ressources humaines.

Si on évoque la capacité nécessaire du médecin ou de l'infirmier à expliquer le recours à un algorithme en aide à la décision, on parle à la fois de connaissance de l'outil et de psychologie. Il y a nécessité de faire appel, pour préparer les vidéos de support de micro-learning à des

107 Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air

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formateurs comprenant les algorithmes, capables de les expliquer au personnel soignant et de faire en sorte que ces derniers sachent le réexpliquer aux patients. Le principe doit être transmis avec différents niveaux de vulgarisation. Il s'agira de comprendre les principes de l'analyse de données et de la modélisation des systèmes et des processus de décision, pas d'une formation approfondie ni technique. Cela participera par la même occasion à créer la confiance et l'adhésion du praticien.

Chaque groupement hospitalier de territoire a sa propre identité et sa propre dynamique qui nécessitent et nécessite des ajustements dans les préconisations.

Ces formations seront donc suivies individuellement sous différents supports. Des réunions courtes et itératives (tous les mois par exemple en fonction de la solution) sous forme de conférence avec une limite de nombre de participants élevée avec un cadre référent, le concepteur de l'outil et le psychologue concepteur de la formation devront être organisées afin que les utilisateurs puissent être réunis et poser les questions dont les réponses pourront améliorer leur pratique.

Le budget global de la formation sera déterminé à partir du projet de l'outil. Il s'agira d'une enveloppe globale sans notion de nombre de personnes à former. Avec le temps, ces solutions de formations seront peut-être directement proposées par les fournisseurs qui auront eux-mêmes pensé ces projets en collaboration avec des prestataires de formations et un établissement pilote.

S'agissant de formations en format court, l'impact sur les roulements de temps de travail des professionnels sera faible et plus facile à organiser.

- Coûts pédagogiques = coûts généraux de création de la formation et des supports
nécessaires

- Coûts salariaux même si faibles,

- Coût des supports de communication non attribués à la formation s'agissant d'un projet

stratégique pour l'établissement,

- Pas de coûts de réservation de salle mais il sera nécessaire de trouver une ou des
salles dédiées à ces formations qui seront aménagées en adéquation avec les projets dans l'établissement.

Des indicateurs de suivi de l'utilisation des outils et de la capacité à rassurer le patient dans le cadre de leur utilisation seront mis en place par le service des ressources humaines.

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Conclusion

Je ne crois ni au changement de paradigme, ni à la disruption digitale ni autre révolution copernicienne sur une échelle de temps courte mais à l'évolution progressive des pratiques. Si ces expressions peuvent trouver un sens dans des cas précis qu'il n'est possible de définir qu'avec un recul et une distanciation dans le temps, elles sont majoritairement mal employées dans le contexte dont il est sujet ici et d'une manière générale. Les changements que nous connaissons aujourd'hui sont les conséquences de nombreuses découvertes des années et décennies précédentes.

Persuadée avant de commencer à traiter ce sujet que l'intelligence artificielle et le secteur de la santé étaient des éléments de contexte très particuliers et qu'ils nécessitaient une conduite spécifique, je me rends compte à la fin de ce mémoire qu'il n'en est rien. Une conduite de projet qui amène du changement reste identique, quel que soit le sujet et le secteur d'activité, avec ses spécificités et ses ajustements évidemment, mais c'est bien toujours le cas. Elle doit surtout amener du sens.

Les changements liés à la transformation numérique des établissements de santé ont commencé il y a plusieurs décennies mais les projets n'ont pas toujours été menés comme ils auraient dû l'être, en impliquant les professionnels de santé et les patients dès le début de chaque nouveau projet et en apprenant à tous à bien travailler ensemble. Les problèmes que connait l'hôpital aujourd'hui en découlent nécessairement, mais pas uniquement, et rendent la tâche d'autant plus difficile un peu plus chaque jour si on ne change pas la culture de l'hôpital. L'interopérabilité, qu'il s'agisse d'outil ou de culture reste le maître mot. Il faut continuer à agir, à créer et à échanger en ce sens.

Il est évident que cette culture de la coopération entre pairs mais et aussi entre métiers, que ces derniers existent déjà ou non, doit être intégrée par tous les professionnels. Aujourd'hui c'est au travers de la formation continue qu'on essaie de transmettre cette nouvelle culture mais demain, il est indispensable de l'intégrer aux cursus de formation initiale, tant pour les médicaux, les paramédicaux que pour les cadres et directeurs. Il en va de même de la connaissance des outils informatiques. On ne peut plus aujourd'hui se contenter de maîtriser la pack Office. Intégrer la sensibilisation au changement, aux bénéfices de la médecine 2.0 et même au-delà du sujet de la santé, non pas dès l'université mais dès le collège serait une solution. Les nombreuses start-up d'enseignement de codage à destination des collégiens

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comme Magic makers108 sont un premier pas. A quand l'intégration de ces enseignements directement dans le cursus scolaire ? Il en va de même sur la base de la psychologie. Dans un monde où les machines seront de plus en plus présentes, c'est sur les échanges et donc sur l'apprentissage a minima des bases de la psychologie qu'il est nécessaire d'investir dans les cursus scolaires. Ce constat ne sera-t-il pas valable à l'échelle de la société et des apprentissages de tous les secteurs ?

L'intelligence artificielle n'a pas vocation à remplacer les médecins, elle ne peut pas s'assoir avec un patient, discuter avec lui de son diagnostic ni de l'adaptation du traitement prévu mais il peut aider les médecins à mieux identifier toutes les options. L'une des particularités du secteur santé, c'est la notion de relativité de la valeur des connaissances dans un secteur sensible, et la modestie face à la vie et à la maladie. A quoi peut ressembler l'apprentissage de l'humilité aux machines ?

Beaucoup s'interrogent, experts du sujets et médecins, sur les méthodes d'apprentissage profond, ou deep learning, dont les résultats sont meilleurs mais dont le système de classification reste obscur. Dans le cas d'une erreur de traitement, qui serait responsable, le médecin ou la machine ? Le constructeur de la machine ? Une mise à disposition et une vulgarisation des rapports des comités d'éthique sur la portée de l'intelligence artificielle comme outil d'aide, notamment en santé pour les médecins, l'ensemble du personnel soignant et les patients augmenterait les chances d'adhésion et fluidifierait ainsi les échanges entre professionnels de santé et patients.

Les parcours professionnels vont changer, tant sur la formation initiale que continue, les liens entre les professionnels de santé de ville et les différentes structures sanitaires et médico-sociales vont se resserrer, les technologies seront de plus en plus présentes tout le long du parcours santé. Tous ces éléments continueront à modifier en permanence les stratégies de ressources humaines dans le secteur santé. La DRH devra toujours poser la première pierre de la remise en question afin de pouvoir exercer son métier et mettre en oeuvre le parcours des professionnels de santé en adéquation avec les situations d'actualités. Les services de ressources humaines doivent être au front du sujet de la digitalisation et de l'intelligence artificielle à l'hôpital et faire preuve d'exemplarité « en digitalisant ses propres pratiques »109 tels que les process de recrutement ou en adaptant les modes d'apprentissage en formation.

108 https://www.capital.fr/votre-carriere/magic-makers-la-start-up-qui-initie-les-enfants-au-codage-1353056

109 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital, une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, 2020

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L'utilisation d'un SIRH performant, la mise en place de solutions data mining, forme d'approfondissement de la GPEC, et une veille technologique continue révolutionneront les ressources humaines en prenant en compte la nécessité que chacun change de contexte professionnel tous les 3, 4, 5 ans et pour mieux anticiper l'évolution des métiers et les formations nécessaires.

Le fil rouge de ce mémoire, que l'on parle d'intelligence artificielle, de data, de diagnostic, de management, de culture ou encore de formation, c'est le rapport de confiance. Rien ne pourra arriver ou se dérouler dans un contexte serein, droit et éthique sans ce rapport de confiance. Si on peut l'acquérir en travaillant sur les différents points évoqués, le choix d'une solution qui n'est pas européenne et donc non soumise à la réglementation européenne, Azur de Microsoft, pour héberger les données de santé du Health Data Hub risque de ne pas simplifier ce rapport de confiance et pourrait remettre en question ce qui est supposé améliorer considérablement la recherche en santé et le système de soin. A l'instar de Google en cette rentrée de septembre 2020, on peut aisément supposer que Microsoft pourrait ouvrir dans les mois à venir une filiale d'assurances santé. La base de la médecine et du serment d'Hippocrate repose sur le secret médical et donc de la confidentialité des données. Comment faire adhérer les médecins qui sont le levier principal de la transformation numérique des établissements de santé, quand bien même on leur promet des outils et des recherches qui feront avancer leur métier et tout le système de santé, si on ne peut leur garantir le respect de ce serment ? Tout cela recouvre des enjeux qui sont bien au-delà de ce que l'on peut contrôler, décider ou processer à l'échelle des établissements.

Il me parait pourtant bien nécessaire de transformer la pratique des professionnels de santé au bénéfice de la santé des citoyens d'autant plus dans un contexte de vieillissement de la population.

La mise en oeuvre de plans stratégiques d'implantation de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle est un levier énorme qui permettrait de revoir en profondeur les pratiques à l'hôpital. Il ne faut pas passer à côté. Il s'agit d'un levier en plus d'un enjeu crucial. Il faut accorder à tous ces nouveaux dispositifs l'importance nécessaire pour améliorer le système de santé français dans sa globalité. Si nous ne le faisons pas, c'est une médecine à deux vitesses qui s'établira, permettant à ceux qui ont les moyens de partir se faire soigner là où la médecine sera à la pointe de l'innovation.

Je terminerai sur une notion d'éthique de la vie au sens large en citant les mots d'un autre. J'ai particulièrement apprécié ces quelques mots du professeur Guy Vallancien, chirurgien et

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universitaire : « Le médecin que je suis utilisera tous les moyens numériques et génomiques pour réparer l'homme, la femme et l'enfant malades, blessés ou handicapés, mais jamais ne s'engagera dans l'augmentation de nos capacités si la maladie ne les a pas déduites. La mémoire de l'ordinateur me sert tous les jours : l'aide à la décision diagnostique ou thérapeutique que m'apporte la machine est indispensable à l'amélioration de la prise en charge des patients en réduisant d'autant les marge d'erreur ; tout comme la robotique chirurgicale m'aide à agir au plus profond de l'anatomie humaine. Mais le grand marché planétaire juteux de l'augmentation pour l'augmentation est une perversion de l'humanité que je réprouve. Mais l'homme est tel qu'il est, capable de se laisser tenter. Quand il aura créé de toutes pièces un monstre, il comprendra peut-être qu'on ne joue pas impunément avec la Nature. Si nous sommes les êtres vivants les plus aboutis de l'Évolution, nous n'en sommes pas les maîtres. »110

110 « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

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Bibliographie mémoire

Livres

Titre

Nom de l'auteur

Date de parution

Éditeur

8 regards sur le métier de DRH hospitalier

Sous la direction de Jean-Marie Barbot et de Sophie Marchandet

Septembre 2019

Berger-Levrault

Directeur des ressources humaines, carrefour des transformations hospitalières

Matthieu Girier

 

Valérie Brunier

 

Virginie Valentin

 

David Gruson

Novembre 2018

L'observatoire Eds De

Santé et intelligence artificielle

Bernard Nordlinger Cédric villani

Octobre 2018

C.N.R.S. Eds

L'intelligence artificielle et la santé de demain

Cédric Villani et Bertrand Rondepierre

 

Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi

 

Daniela Rus

 

Marie Zins et Marcel Goldberg

 

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Les données médico- administratives de l'assurance maladie

Claude Gissot

 
 

Comment la base SNIIRAM - PMSI permet l'étude des pratiques en chirurgie

Bertrand Lukacs

 

Christel Daniel et Elisa Salamanca

 

Alain Livartowski

 

Michèle Arnoe

 

Jean-Yves Robin

 

Christine Duval et Georges Uzbelger

 

Jacques Rouessé et Amain Livartowski

 

Johan Brag

 

Nicolas Padoy

 
 
 

76

Vers un radiologue augmenté

Mostafa El Hajjam

 
 

Image virtuelle et anamopathologie

Cécile Badoual

 

Jean-Philippe Vert

 

Jean-Yves Blay, Jurgi Camblong et François Sigaux

 

Mehdi Benchoufi et Olivier de Fresnoye

 

Jeanne Bossi-Malafosse

 

Gérald Bronner

 

Laurence Devillers

 

Guy Vallancien

 

Jean-Patrick Lajonchère

 

Charles-Henri Besseyre des Horts

Septembre 2015

DUNOD

 

77

Digital et RH Les 4 défis stratégiques

Clotilde Coron Arnaud Franquinet Florent Noël

Octobre 2019

Vuibert

Droit du travail - droit vivant

Jean-Emmanuel Ray

Wolters Kluwer

2020

Alerte sur la banquise

John Kotter

Février 2018

Pearson France

Les sorciers du futur Santé : l'intelligence artificielle pourra-t-elle nous guérir ?

Dr Loïc Etienne

Janvier 2020

Marabout

 

Revues/Articles

Vos données de santé dans une « super-base » : ce qu'il faut savoir du Health data hub

Loup Besmond de Senneville

Décembre 2019

La Croix

Intelligence artificielle : pas de crainte pour les médecins, mais les administratifs vont douiller

 

Janvier 2019

What's up doc

Intelligence artificielle - les eldorados de l'emploi

 

Avril 2019

Challenges

La fin de la disruption digitale

 

Février-mars 2020

Harvard Business review

Spécial formations

Delphine Déchaux Paul Loubière

Novembre 2019

Challenges

 

Etudes

IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur

David Gruson Adrien Deudon Laure Millet

Janvier 2019

Institut Montaigne

 

78

Annexes

Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics 79

Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en santé 80

Annexe 3 : QUESTIONNAIRE VIERGE DRH ET INSTITUTIONNELS 81

Annexe 4 : Interview DRH CHU 83

Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas 93

Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano 100

Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne 111

Annexe 8 : Interview David Gruson 118

Annexe 9 : QUESTIONNAIRE VIERGE PERSONNEL MEDICAL / PERSONNEL NON MEDICAL 125

Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel 127

Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine 132

Annexe 12 : QUESTIONNAIRE VIERGE COACHS ET PROFESSIONNELS ACCOMPAGNEMENT / CONDUITE

DU CHANGEMENT 138

Annexe 13 : Interview professionnel accompagnement Marie-Pier Levesque 139

Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement Jérôme Carfantan 145

Annexe 15 : QUESTIONNAIRE VIERGE CONCEPTEUR DE SOLUTIONS IA 152

Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon 154

Annexe 17 : Processus de recommandations 160

Annexe 18 : Les typologies de formations 161

Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics

Soins de ville

L'assurance maladie bénéficie d'un système de dotation calculé sur la base des dépenses de l'année précédente et prenant en compte un taux d'augmentation : L'ONDAM : objectif national des dépenses d'assurance maladie

86,6 MD€

Etablissements de santé

79,2 MD€

Assurance Maladie

Etablissements et
services médico-
sociaux

20,1 MD€

Sécurité sociale

L'URSSAF est le contributeur principal de la

sécurité sociale

Retraite Accidents du travail Famille

Fonds

d'intervention régional

3,2 MD€

Autres prises en charge

1,7 MD€

Exemple du financement des hôpitaux publics sur la base des chiffres 2017

Source : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos cc 2018 02 16 a web pages hd.pdf

79

80

Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en santé

Extrait p.6 de la note IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur - Institut Montaigne, Janvier 2019

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Annexe 3 : QUESTIONNAIRE VIERGE DRH ET INSTITUTIONNELS

Rappel des éléments contextuels :

· Mémoire RH Elisabeth Berthelot

· Sujet du mémoire :

Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle sur certains métiers dans le plan de développement des compétences des établissements de santé en France ?

· Public concerné : Jury de DRH ne connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle ni le secteur santé

La transcription de l'entretien sera annexée au mémoire. Elle peut être rendue anonyme.

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

1. Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

2. Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

3. Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

4. Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

5. En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez ?

6. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

7. D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

8. On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

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Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

9. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

10. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

11. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

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Annexe 4 : Interview DRH CHU

ENTREVUE, DRH CHU

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

On ne peut pas dire que j'ai changé de contexte professionnel dans la mesure où je n'ai pas été chez Renault chez EDF puis dans l'hôpital public mais on peut parler de contexte professionnel qui soit assez différent notamment en termes de maturité sur l'intégration des nouvelles technologies. Entre les [différents hôpitaux dans lesquels j'ai exercé], on voit beaucoup de différences en matière de contexte. On n'est pas sur la même temporalité, sur les mêmes activités, sur la même maturité quant à l'intégration des nouvelles technologies dans la prise en charge des patients. Là où [tel hôpital] était très en avance sur l'intelligence artificielle, [tel hôpital] très en retard, [tel hôpital] est à un stade intermédiaire avec la volonté de mettre en place des outils et une capacité très impressionnante à se développer au service des patients. Il y a beaucoup de retard concernant les fonctions supports.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

Oui je changerai d'établissement. Cela viendra après. Dans quelle temporalité je ne suis pas encore en capacité de le dire.

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

Je pense qu'à un moment tu te retrouves dans un environnement que tu maîtrises et quand tu es dans une maîtrise de l'environnement tu arrives avec une idée précise de ce que tu veux faire. Tu le fais. A partir d'un certain moment tu te réinventes mais la réinvention à ses limites. Faire venir quelqu'un d'autre à ta place pour avoir d'autres idées et conduire le changement dans un autre sens ou vers une version plus évoluée c'est souvent la meilleure façon pour soi

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de considérer que la mission est terminée et pour l'organisation de continuer à progresser. Je suis convaincu que on arrive on changer les choses sur deux/trois ans. Au bout de trois ans on atteint un palier qui est plus ou moins éloigné en fonction de la maturité au changement de l'organisation. Une fois que tu as atteint ton palier, soit tu te désengages et tu laisses « la boutique vivre », soit tu laisses la place et la boutique continue à changer. C'est l'idée du changement d'établissement tous les trois, quatre voire cinq ans. Une personne ne peut pas apporter du changement pendant dix ans. Une fois que tu as fait bouger les choses tel que tu avais envie de les faire bouger d'autres feront mieux après toi.

Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels
sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Le métier ne va pas vraiment changer dans les prochaines années sur le plan des missions. Les ressources humaines cela reste faire des choses avec les gens : du social, de l'organisation, du suivi de parcours... Il y aura toujours des salariés dans l'entreprise et il y aura toujours des DRH dans l'entreprise. Ce qui va changer dans notre métier ce sont les outils qu'on utilise pour le faire. Les outils que l'on utilise en ressources humaines vont évoluer sur deux axes :

Celui du datamining, c'est-à-dire tout ce qu'on va pouvoir faire avec les informations dont on dispose sur les gens, sur les organisations pour être plus prédictif, avoir des réponses qui sont plus pertinente au regard des problématiques que les agents et que les services rencontrent.

Tout ce qui va être autour de la mobilité et de la dématérialisation. Actuellement la dématérialisation transforme notre façon de travailler tous les jours. Je n'ai plus besoin d'avoir comme j'avais à [tel hôpital] ou à [tel hôpital] un bureau. Aujourd'hui le problème de [tel hôpital] c'est que la solution informatique derrière la dématérialisation est insuffisante : elle est trop compliquée, trop limitée et elle ne donne pas le service qu'on attend d'elle. Nous sommes donc assez limités en matière de dématérialisation mais le directeur général souhaite qu'on avance très vite et il souhaite notamment que progressivement la direction générale soit rassemblée dans les établissements de santé. Aujourd'hui la direction générale est sur un site à part. L'enjeu depuis que je suis arrivé est de remettre tous les gens de la direction générale sur site, de leur dire : « Maintenant vous allez travailler avec les vrais gens. Vous arrêtez d'envoyer des mails et vous allez sur le terrain, expliquer, rencontrer les cadres. ». Ce n'était pas le cas avant. Notre métier va donc être très impacté par ces nouveaux outils qui vont nous permettre d'être sur le terrain.

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Que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

La vision que j'en ai c'est qu'on a recours à l'intelligence artificielle sur 3 types d'activités :

· Le premier type d'activité c'est l'assistance prédictive au diagnostic. On commence à en faire en imagerie, dans le suivi des populations qui sont atteints de cancer. On commence à voir des choses apparaître sur des bases statistiques.

· Le deuxième domaine sur le plan clinique qui est en train d'évoluer c'est, au-delà de la prescription sur le diagnostic, c'est la mise en série de diagnostics pour construire un parcours de santé type et orienter plus vite le patient c'est ce que les PU (PU-PH : Professeur des universités-praticien hospitalier) de [tel hôpital] appelle la fin de l' « evidence based medecine ». C'est finalement ne plus traiter les individus individuellement pour leurs problèmes de santé mais rentrer toutes les data de la vie des gens : variations de poids, variations de tension, examens de sang, etc., et laisser l'intelligence artificielle dire si la situation d'un patient s'améliore ou se dégrade et adapter sa prise en charge. Aller au-delà de la thématique du simple diagnostic pour aller sur des parcours de soins. C'est un projet qu'on est en train de mener avec BioSerenity, issue de l'incubateur de la Pitié-Salpêtrière qui a développé 3 programmes de médecine prédictive dont sur le sommeil et le cardiaque.

· La troisième thématique, c'est l'intelligence artificielle au service des fonctions supports. C'est le recours à la fonction prédictive de l'IA pour accompagner tout ce qui va concerner la partie hôtelière, l'organisation des services, l'optimisation du fonctionnement. C'est tout ce qu'on a pu voir à [tel hôpital] dans les expérimentations qu'on a menées avec PetalMD, société québécoise sur l'IA au service de la programmation, des unités de consultations externes et de programmation de listes de gardes numériques. Cette solution n'a pas très bien fonctionné en France car elle est très chère et le produit est conçu selon le corpus de règles du code du travail québécois. Il n'a pas été possible de l'adapter au code du travail français et au code de la fonction publique, il ne pouvait pas absorber l'ensemble de ces données. Ce n'est qu'un début. D'autres solutions moins onéreuses et en capacité de s'adapter viendront.

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Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

En positif, Je vous dirais une flexibilité et une agilité plus importante. C'est la capacité d'avoir la bonne information au bon moment et d'avoir des diagnostics justes sur les organisations et les parcours des agents.

Les aspects négatifs, c'est qu'on risque de perdre notre capacité d'analyse. En confiant la capacité d'analyse à un système informatique de plus en plus performant, on risque de ne plus être capable de reproduire le raisonnement et de déshumaniser la relation. Comme diraient les syndicats, « dans RH il y a H et h c'est humain alors il faut être humain ! ». Le problème qu'on a avec la mise en place de l'intelligence artificielle c'est que si on lui confie une trop grande latitude décisionnelle on risque de se retrouver avec des décisions qui sont plus des conséquences normatives que de réels accompagnements individualisés.

D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

À court, moyen et long terme l'analyse est la même pour pouvoir mettre en place et anticiper les changements liés aux nouvelles technologies dans mon métier. Il faut d'abord savoir ce que fait l'intelligence artificielle : ce qu'elle est capable de faire à un instant T. Cela implique une veille technologique régulière, d'être au contact et de recevoir des start-up créatrices d'innovations et de tester des solutions sur différents périmètres. Ensuite, cela implique un changement culturel qui en France est très compliqué à faire admettre aux équipes : c'est qu'on a le droit de se tromper. C'est une façon de penser très anglo-saxonne. Veille technologique, expérimentation technologique et changement culturel au service de l'expérimentation sont la base du travail. Une fois qu'on est au clair sur ce qu'on sait faire et ce qu'on saura faire dans 3 ans - ce qu'on arrive à avoir quand on discute avec les startups et qu'on lit les journaux spécialisés régulièrement - ensuite on peut, non pas identifier ce que l'IA va faire mais comment on va changer l'organisation elle-même pour faire de la place à l'intelligence artificielle.

Sur la simple dématérialisation, aujourd'hui à [tel hôpital] quand un agent a besoin par exemple de poser un congé parental il doit :

·

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aller voir son gestionnaire de proximité qui

o regarde si la décision est possible

o prépare le document

o transmet le document à la direction centrale qui

refais le contrôle,

agréé le raisonnement de l'agent de terrain,

Met le document en signature au directeur correspondant et

fait partir la décision sur le terrain.

Actuellement on est en train de passer au parapheur électronique et au contrôle de décision

décentralisée. L'objectif c'est que l'agent de terrain qui souhaite poser un congé parental par

exemple puisse :

· Aller voir l'agent qui :

o analyse sa situation et prépare la décision

o La soumet au directeur pour signature

o La donne à l'agent.

Je supprime alors 4 niveaux de contrôle. Cela implique 2 choses : - que l'agent sur le terrain soit mieux formé et - que je repositionne l'encadrement.

Là où j'ai aujourd'hui :

· L'agent ;

· Son adjoint des cadres

· l'attaché de site

· l'agent administratif de contrôle

· L'adjoint des cadres qui encadrent les agents administratifs qui contrôlent

· l'attaché qui encadre les adjoints des cadres qui encadrent les agents de contrôle

· le directeur qui encadre les attachés Demain j'aurai :

· L'agent administratif encadré par

· Un RH de proximité qui rencontre

· Un directeur

On passe à un système de production/visa/validation/signature. On gagne environ 30% de temps de travail dans la validation grâce aux nouvelles technologies.

88

Ce sur quoi je me bats actuellement c'est de faire comprendre aux agents que ça va être comme ça, cela reste de la science-fiction pour eux. C'est un grand saut dans l'inconnu. Les agents pensent que les décisions seront mauvaises car elles ne seront pas contrôlées. C'est le principe de logique de responsabilité. L'autre chose c'est de leur faire comprendre comment on paramètre les outils pour qu'ils soient utiles et là aussi c'est très compliqué.

Pour que les solutions soient mieux acceptées, je demande aux équipes (agents de catégorie C, B et A) de rencontrer des sociétés qui proposent des solutions, de leur poser toutes les questions qu'ils veulent et de restituer l'entretien avec les points positifs et les inconvénients. Une fois au clair on revoit la solution qu'ils souhaitent prendre et on creuse ensemble. À [tel établissement] les personnes n'ont pas l'habitude de travailler ensemble.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Les 3 lois de la robotique de La fondation de Isaac Asimov ont été reprises dans les éléments industriels que l'on voit aujourd'hui. Le contenu des lois n'est pas tout à fait le même mais c'est un clin d'oeil à cette oeuvre littéraire.

Recherche annexe : Ces trois lois sont :

- loi numéro 1 : un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ;

- loi numéro 2 : un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;

- loi numéro 3 : un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

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Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Il y a 2 choses la première c'est que les médecins sont des scientifiques et sont assez naturellement portés à jouer avec tout ce qui est innovant à partir du moment où la spécialité s'y prête. En général ils ont été abreuvés durant toute leur scolarité d'éléments physiques, chimiques, mathématiques qui leur disaient : « si on arrivait à faire ça ce serait génial ». Même si tous les médecins ne sont pas des geeks, il y a quand même une proportion plus importante chez les médecins à accepter le changement même sur d'autres métiers à haute qualification.

Il y a trois choses qui peuvent les pousser à changer la première c'est que :

· L'innovation et les nouvelles technologies peuvent les amener à avoir un positionnement plus sécurisant dans leur diagnostic. S'appuyer sur l'intelligence artificielle c'est aussi avoir une démonstration mathématique que la décision que l'on prend à un instant T a une valeur mathématique et scientifique qui est plus importante que la décision d'un médecin seul dans son bureau. Il y a un aspect médico-légal et de sécurisation de la décision qui leur plait.

· La deuxième chose, c'est la conviction que si eux ne le font pas d'autres le feront à leur place dans l'environnement de concurrence qui est le leur et cela peut avoir des conséquences sur leur positionnement. C'est aussi une façon pour eux de réaffirmer leur positionnement en tant que médecin. La maîtrise des technologies extrêmement complexes reste l'apanage du médecin. Dans un monde où le sachant et la connaissance sont très importants, savoir maîtriser tel ou tel outil est un marqueur social.

· La troisième c'est l'attrait pour l'innovation elle-même.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Concernant les paramédicaux, la logique est différente : on est sur des transformations de métier. On est obligé de faire un accompagnement externe. Là où les médecins vont se former eux-mêmes, chercher l'information à l'extérieur. Avec les paramédicaux on est obligé de

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mettre en place des plans de formation pour l'adaptation à l'évolution prévisible des emplois comme le prévoit la réglementation sur la formation à l'hôpital. C'est plus compliqué parce qu'on va sur des transformations de métiers qui sont consubstantiels. L'infirmière devra faire de l'assistance à prédictions de diagnostic en lien avec l'intelligence artificielle avec laquelle travaille le médecin. Elle se rapproche progressivement de la profession médicale là où elle était la petite main parmi les petites mains il y a encore 50 ans.

On ne met pas un plan de formation unique en place. C'est du sur-mesure et de la couture. C'est le plus souvent un médecin qui vise à l'implantation de nouvelles technologies dans son service qui demande à ce que les infirmières soient formées. On est très suiveurs pour le moment. Cela peut être le médecin qui demande directement à l'infirmière qui accepte et ils arrivent tous les 2 avec une solution clé en main. Aujourd'hui il n'y a pas de plan systémique de l'intégration de l'innovation. Ce n'est pas la direction qui porte : on reste prestation support. Si ce n'est pas le médecin qui propose à l'infirmier.e, le problème n'est pas tant la définition de l'action de formation en faisant de l'achat mais plutôt de trouver le bon profil pour accompagner le changement. Il y a un ticket en matière de compétences qui est élevé. On change de métier : on a fait des études à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) pour un certain métier et quand on arrive à l'unité médico-chirurgicale cardiologique de [tel hôpital] on ne fait pas son métier d'infirmière comme on l'a appris à l'école. On va faire de l'analyse de mesure, de l'accompagnement du médecin, dans de la coopération sophistiquée. Ensuite il y a une raison financière. A l'hôpital public, en France, on ne paie pas assez. Chez Bioserenity à la clinique du sommeil par exemple, ils payent leurs infirmières entre 3200 et 3400 euros nets mensuels là où on les paie entre 2200 et 2400 euros à l'hôpital public. D'autre part il y a des difficultés dans le fait de faire venir les bons paramédicaux à [tel hôpital]. Bioserenity, en tant qu'opérateur privé peut faire venir des paramédicaux de partout puisque leur contrat les autorise à le faire. Il y a un problème de statut de la fonction publique qui ne nous permet pas de trouver forcément de bons profils.

Il y a également un problème de formation initiale qu'on va essayer de résoudre partiellement. Dans le pôle de ressources humaines de [tel hôpital] il y a 14 écoles et instituts dont 2 IFSI111 qui forment à eux deux 1000 infirmiers chaque année, 3 promotions de 350. On a engagé depuis que je suis arrivé un grand plan de restructuration des écoles avec la création d'un établissement d'enseignement supérieur, une structure unique qui forme tous les professionnels et tous les métiers avec une équipe pédagogique unique, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas. L'objet est de faire émerger une identité de formation, c'est-à-dire donner une

111 Institut de Formation en Soins Infirmiers

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formation à haute valeur ajoutée à tous les professionnels quelle que soit la formation dans laquelle ils s'engagent à [tel hôpital]. Aujourd'hui chaque IFSI a son propre tropisme. On restructure tout en les rassemblant, on fait remonter le niveau de productivité et on égalise la quantité de travail de chacun. Cela permet d'économiser des ETP, notamment chez le corps enseignant.

Avec l'argent qu'on économise on travaille sur la simulation avec SimforHealth ou avec Laerdal, assez connu pour ses mannequins en simulation avec des corps qui réagissent. On prévoit avec eux du e-learning et de l'apprentissage en présentiel à réalité augmentée. Les agents peuvent se former sur des mannequins de simulation de patient Laerdal avec un casque de réalité augmentée dans une salle comme s'ils étaient dans un bloc opératoire. L'enseignant peut même être à distance en dehors de la pièce avec un contrôle retour directement dans l'environnement numérique. L'ensemble sera mis en application à échéance septembre 2021.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Avec le personnel administratif, c'est encore plus compliqué. Ils sont peu enclins au changement. On travaille sur 2 axes la première c'est la conduite du changement et la conduite de l'outplacement des personnels qui ne sont pas forcément adaptés à accompagner de nouveaux processus administratifs avec un rajeunissement à la clé des équipes qui est très important. On va également travailler à la réduction des effectifs. On change complètement l'organisation (voir la ci-dessus la modification des processus de validation par exemple) avant de pouvoir parler de personnes qui sont compatibles avec le changement. Quand on annonce un changement, 70% ne suivent pas. On doit d'abord envisager ces transformations sous l'angle de la GPEC : telle personne qui part à la retraite dans 2 ans va rester sur son poste, telle autre dans 10 ans donc on va lui proposer d'aller aux admissions ou à l'accueil plutôt que dans le service des ressources humaines, untel qui ne souhaite pas s'orienter de cette manière souhaite-t-elle se reconvertir comme assistante sociale ou apprendre un nouveau métier qui n'a rien à voir avec le secteur sanitaire. On fait ensuite du suivi individuel des agents. Une fois que la nouvelle organisation est posée, on met l'IA ou la nouvelle technologie en relation avec le besoin.

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Les formations de conduite du changement sont pour les managers. Au-delà de la conduite du changement, c'est quasiment de la formation culturelle. La formation de conduite du changement est une formation culturelle et mentale : qu'est-ce que le changement ? Comment peut-on faire ? Quelles sont les recettes d'un changement réussi ? Après on décline en fonction des populations et des objectifs. Il faut qu'ils oublient les canevas intellectuels dans lequel ils ont travaillé : le spectre du juridique n'est pas prioritaire dans l'organisation de l'hôpital : on est là pour soigner les gens, on n'est pas là pour émettre des décisions. Quand on dit qu'il faut émettre une décision en urgence, on ne peut pas faire appel à telle ou telle procédure interne qui dit qu'il faut 6 semaines sur tel type de demande. Il y a des patients derrière. Il faut rappeler au quotidien au personnel administratif qu'il y a des patients derrière. On essaie de les tremper dans un environnement culturel qui est très différent de celui dans lequel ils ont évolué. Certains disent « chouette », d'autres « pourquoi pas » et encore d'autres « surtout pas ». On ne les laissera pas ces derniers sur le bord de la route mais il faut néanmoins que l'institution avance. S'ils ne changent pas il va falloir leur trouver une place qui soit à la hauteur de leurs attentes mais qui ne les mette pas en difficulté dans la conduite des nouveaux process mis en en place.

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Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas

ENTREVUE NICOLAS DELMAS, Directeur adjoint des Ressources Humaines - Hôpital Bichat / APHP. Nord - Université de Paris

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

C'est mon 3e métier aujourd'hui. Aujourd'hui je suis directeur d'hôpital et c'est mon premier poste comme DRH. Avant j'étais collaborateur parlementaire et auparavant j'ai travaillé à la cour de justice de l'union européenne en charge des questions posées par les juridictions françaises à la cour de justice de l'union européenne. C'est mon troisième contexte professionnel et les trois n'avaient rien à voir les uns avec les autres.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

Ces changements de postes n'étaient pas tant pour pérenniser mon employabilité que pour ce qu'apporte le changement lui-même.

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ? Je trouve que c'est hyper intéressant de changer de contexte professionnel d'une part parce que cela permet de découvrir d'autres choses, sans doute de renouveler ses idées, de trouver des pistes d'amélioration - tout ne tombe pas du ciel - plus on échange avec d'autres personnes, plus on change de contexte, plus on va avoir de nouvelles idées. On va garder des idées que l'on va reprendre d'établissement à établissement qui vont s'affiner et s'améliorer parce qu'on aura eu d'autres échanges avec d'autres personnes. Il peut également y avoir des idées qui vont être très bien dans un contexte et qui ne passeront pas dans un autre contexte.

Un exemple très simple qui peut être représentatif de ce qui est transposable, c'est de toujours tenir à disposition des bonbons pour les agents. C'est très bête mais cela fait toujours plaisir. Un point commun entre les trois postes que j'ai occupé dans le secteur public : tout est très

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hiérarchisé, que ce soit l'assemblée nationale avec les élus et les parlementaires, la cour de justice de l'union européenne et particulièrement l'hôpital. Les contre-exemples existent néanmoins : j'ai effectué auprès du secrétariat général des affaires européennes, organisme rattaché au Premier Ministre et ce n'était pas du tout hiérarchisé, cela m'avait beaucoup plu. Quand on avait une information capitale, il fallait aller vite. D'une manière générale, je regrette que cela soit trop hiérarchique dans l'administration. J'essaie de changer cela à mon niveau.

Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Oui, comme tous les métiers de la fonction publique. Certains changeront uniquement sur la forme et d'autre même sur la façon de procéder. Tous les ans à l'hôpital on reçoit les campagnes d'évaluations des entretiens professionnelles par papier qui doivent être renvoyées signées par le DRH pour l'ensemble des agents de l'hôpital. C'est un circuit logistique et administratif qui est imbuvable. On va bientôt changer la forme puisqu'on va passer à l'évaluation numérique. Cela ne changera pas le fond de l'évaluation. Et à l'inverse, notamment sur le recrutement, Cela va tout changer point on ne recrute plus du tout de la même manière. On recrute notamment aujourd'hui sur Indeed ou LinkedIn depuis deux ans et c'est beaucoup plus efficace. Tout le process a également été modifié, on est sur des offres d'emploi dynamiques qui mettent en valeur les avantages d'être à l'AP-HP 112 et non plus sur des fiches de poste. Ça a été un changement des mentalités assez intense.

En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez ?

L'innovation m'intéresse. J'ai fait l'année dernière un stage durant lequel je m'occupais des questions de télémédecine à l'AP-HP.Centre - Cochin, Necker, Pompidou. Concernant l'intelligence artificielle à l'hôpital, on pense tout de suite à la radiologie, à l'interprétation des clichés de radiologie, c'est une évidence. Les clichés de radiologie ont vocation à être traités par des machines suffisamment « intelligentes » pour pouvoir interroger les bases de données et interpréter l'image en indiquant qu'il s'agit d'un cancer ou d'autre chose. Il y a un formidable outil de gestion. Un autre sujet que je vois, au-delà des données numériques en santé, c'est leur mise en commun globale réunissant la ville et l'hôpital et de manière anonyme pour avoir

112 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

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des données épidémiologiques qui n'auront jamais été aussi justes et affinées. Toutes les politiques de prévention en santé vont être modifiées.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

L'impact positif, c'est qu'il y a des tâches qui vont pouvoir être faites par les machines. On va mettre l'humain sur le coeur de métier qui est de prendre soin du malade. Cela va avoir à terme sur certains métiers et certaines disciplines de santé qui vont être clairement réduites par la machine qui les aura remplacés ou aidés suffisamment pour qu'on ait moins besoin de personnes. C'est clair qu'il y aura un impact humain sur le moyen terme. Certaines études démontrent que le métier de radiologue est voué à quasiment disparaitre d'ici 20 ou 30 ans, en tout cas concernant la partie radiologie interprétative, pas la radiologie interventionnelle. Pour un DRH ou pour in directeur des affaires médicales, cela aura un impact potentiel. Si demain, Google qui a de grands projets sur ce sujet, est capable d'avoir 100% d'exactitude sur une analyse d'image, la radiologie interprétative est quasiment morte. Le coeur des métiers des radiologues va changer et cela va redistribuer l'offre de soin. Cela va permettre de répondre à une demande qui ne pouvait pas être prise en charge par manque de professionnels. D'autres métiers moins considérés aujourd'hui comme aide-soignant ou infirmier, vont rester essentiels parce qu'on ne pourra pas les remplacer par des machines. C'est une bonne chose. Les patients voudront toujours de l'humain. Dans quelques dizaines d'années, une machine pourra faire une intervention chirurgicale complexe mais les patients auront toujours besoin d'être pris en charge par un être humain.

D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

Pour moi, il y a deux types de changements. Par exemple, le métier d'archiviste est amené à disparaitre, les métiers liés à la facturation en grande partie également avec les pré-admissions en ligne. Beaucoup de tâches des métiers de secrétariat vont être effectuées par des machines. Néanmoins, on annonce des disparitions de métiers pour dans vingt ans mais cela met plus de temps en réalité. Il n'y a pas encore eu de rupture définitive. On en n'est pas

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encore au moment où l'on considère qu'un secrétariat est inutile. Pour le moment aucune machine n'est capable de les remplacer. Il faut quand même le garder en tête.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Il y a un très beau film qui s'appelle Dark City dans lequel des extra-terrestres implantent des souvenirs fictifs dans l'esprit des gens pour voir leurs réactions. Typiquement, si on a le souvenir d'être un tueur en série, est-ce qu'on continue à perpétuer des meurtres ensuite ou est-on maître de nos actes ? Le héros finit par se révolter. Il ne s'agit pas là de machines mais d'aliens mais le principe est le même. Les aliens cherchent des réponses dans la tête au lieu de les chercher dans le coeur. Je pense que la machine ne doit pas uniquement penser froidement son raisonnement, elle doit avoir aussi un coeur au sens littéraire. On ne peut bien user de certaines déterminations : une vie humaine c'est tant d'euros, un homme de 65 ans par rapport à un enfant de 10 ans ça vaut tant et l'arbitrage qu'il faut faire selon les cas mais la décision humaine, qui contient certes une marge d'erreur, qui n'a pas de quadrillage de décision unique, permettra toujours de prendre une meilleure décision. Je préfère des cas extrêmes (du plus mauvais au meilleur) qu'une moyenne lisse.

Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Dès le début de la rupture, que ce soit pour la télémédecine ou pour l'intelligence artificielle, il y a 2 types de profil et cela vaut pour les médecins, les paramédicaux et le personnel administratif mais c'est encore plus fort chez les médecins : il y a ceux qui sont prêts à se dire c'est nouveau donc c'est intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc je n'en veux pas. Il y aura toujours une résistance au changement d'une partie d'entre eux quoiqu'il arrive et d'autres qui seront même à l'avant-garde du changement, ça les intéresse, ils ont déjà

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compris les enjeux, ils se sont déjà saisis du sujet et ils n'ont pas besoin de nous pour qu'on s'en saisisse avec eux. Il faut s'appuyer sur ces derniers. C'était le cas pour la télémédecine. Les médecins ne comprenaient pas ce que couvrait ce terme. Il faut se servir des médecins acteurs de ce changement pour venir expliquer à leurs confrère l'intérêt qu'il y a à s'en servir et ainsi améliorer les pratiques collectives. Les médecins doivent être les portes paroles du changement à venir. C'est le meilleur moyen pour réussir.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

On peut procéder en partie de la même manière pour les paramédicaux. Cela sert toujours d'avoir un pair qui est moteur pour expliquer les opportunités liées à une nouveauté ou à un changement. Il y a un aspect très confraternel entre médecins avec une présomption de confiance qu'on retrouve moins dans les métiers paramédicaux. Ce sont déjà des professions très hétéroclites : cela va de l'aide-soignant aux kinésithérapeutes, ce n'est pas du tout le même nombre d'années d'études. Entre pairs cela marche toujours mais il faut mettre dans la boucle l'encadrement de proximité. Il faut que l'encadrement de proximité soit porteur du changement. Là, c'est pareil, on retrouve des personnes motrices et d'autres avec des freins à main. Il faut se servir des gens moteurs pour capitaliser sur les expériences. On peut s'appuyer, avec les paramédicaux, sur ce que telle nouvelle technologie ou intelligence artificielle va permettre pour soulager leur travail ou améliorer la prise en charge du patient. Ce sont ces biais-là qui vont les intéresser. Je n'ai pas encore vu de menace directe des nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle sur les professions paramédicales. Des publications e santé du PIPAME113 indique que le métier d'infirmier ne sera pas impacté par ces nouvelles technologies. L'infirmier d'aujourd'hui est l'infirmier de dans trente ans, à l'inverse d'un radiologue ou d'un chirurgien. Comme ils ne sont pas menacés, on peut les convaincre si on leur prouve que cela va améliorer leur quotidien en leur faisant gagner du temps pour d'autres actes et qu'il n'y a pas de discours caché disant : « grâce à ça vous allez pouvoir économiser du temps et on va pouvoir économiser trois postes. ». Il y a un gros point de vigilance pour la direction des ressources humaines là-dessus.

113 Le Pôle interministériel de Prospective et d'Anticipation des Mutations économiques https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/prospective/Intelligence_artificielle/2019-02-intelligence-artificielle-etat-de-l-art-et-perspectives.pdf

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En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Il faut encore une approche différente pour le personnel administratif, particulièrement à l'hôpital car il y a la question du ratio entre personnel administratif et personnel soignant. Contrairement à ce qu'on pense, la proportion de personnel soignant est bien plus élevée. Si on imagine une nouvelle technologie capable de prendre instantanément un compte rendu de manière exacte, c'est clairement une menace pour les secrétariats médicaux. Ce ne serait pas objectifs de dire le contraire et les agents sont suffisamment intelligents pour le savoir. Là-dessus, il va y avoir une vraie rupture et particulièrement sur les secrétariats. D'ailleurs il y a de moins en moins de candidats qui postulent à ces postes. On trouve de moins en moins de secrétariats médicaux parce qu'il y a de moins en moins de candidats qui font ces formations. Aujourd'hui on peut se débrouiller pour avoir des comptes rendus par d'autres moyens et on est plus très loin de la technologie qui permette de prendre un compte rendu parfait en trois minutes chrono. Il va falloir repenser ces métiers là même s'ils resteront très importants pour les médecins qui auront toujours besoin de secrétariats médicaux pour s'occuper de ses déplacements, de ses congrès, de prendre les rendez-vous pour les patients privés à côté. Il y a un vrai sujet que l'on n'anticipe pas totalement. On peut encourager des démarches mais c'est difficile de dire aux gens que leur métier changera dans 5 10 ou 15 ans et qu'il faut anticiper leur reconversion. Il y a des gens qui sont très volontaires et qui s'en rendent compte et il y a ceux qui ne voient pas ou qui ne veulent pas voir. On peut les inciter à faire des formations mais tant qu'on n'a pas de date précise, c'est compliqué. C'est beaucoup plus simple d'avoir une échéance précise. A Bichat on a le cas du regroupement Bichat/ Beaujon 114 et Saint-Ouen. Il va y avoir des réorganisations les gens le savent et peuvent l'anticiper. En 2028, on se réunit et on repense les services. Les agents savent qu'il y aura des réorganisations. Les gens peuvent se préparer car il y a une date fixée. Elle peut évoluer à quelques mois près mais la date existe. Si on parle d'une rupture qui aura lieu à une échéance indéterminée et qu'on lui demande de faire des formations pour s'y préparer car cela arrive bientôt mais que cela n'arrive pas, ou bien plus tard. Si on le forme trop tôt, il partira. Il aura envisagé un projet professionnel dans lequel il aura envie de s'impliquer, quitte à ce que ce soit ailleurs si cela n'arrive pas. La dictée phonique n'est pas encore géniale. Pourtant certains annoncent depuis dix qu'elle le sera le lendemain, un peu comme la 3D au cinéma. Encore une fois, il faut une date. Préparer au changement avec une

114 Hôpitaux de l'AP-HP

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date hyper floue, c'est compliqué. La manière de l'envisager ensuite va dépendre du temps et de l'espace que prend le changement. Si l'hôpital d'à côté envisage le changement six ans plus tard et que l'agent n'est pas prêt à changer, on peut envisager des choses par rapport à ça. S'il est global et que tout le monde change en même temps, cela nécessite que l'encadrement de proximité passe du temps avec eux, les rassure. C'est différent s'il s'agit d'un changement de métier ou d'un métier qui disparait. Si le métier disparait, c'est très difficile pour l'agent. On pourra faire toutes les conduites de changement qu'on veut, si la personne a été formée pour son métier et encore plus si elle a un diplôme rattaché à son métier et qu'on lui annonce qu'il va disparaitre, cela reste extrêmement dur.

Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano

ENTREVUE CAMILLE GIORDANO, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines

Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement privé de soins de suite et de réadaptation (SSR) spécialisée en cancérologie, hématologie, soins palliatifs, soins polyvalents, nutrition

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

Oui. J'étais consultante avant : en stratégie d'entreprise et en développement RH. J'ai travaillé à la fois dans des secteurs financiers, industriels, dans du service à la personne, dans tout un tas de contextes dans lesquels il y a une nécessité de s'adapter à chaque fois dans de nouvelles entreprises, avec de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles équipes. J'ai fait ça pendant huit ans. C'est un métier qui m'a permis de découvrir de nombreux secteurs et que les différences relèvent uniquement de ces secteurs. Dans l'organisation, dans les problématiques et dans ce qu'il se passe structurellement, on est toujours sur des choses qui sont relativement similaires.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

J'ai besoin de projets et de me renouveler dans ce que je fais. Aujourd'hui, je suis actionnaire et dirigeante de l'établissement donc à ce jour ce n'est pas du tout prévu mais dans quelques années, c'est quelque chose de tout à fait possible. La porte n'est pas fermée. Quand j'aurai fait le tour si je ne m'épanouis pas comme je le souhaiterais dans mon métier, je me poserai les questions qu'il faut pour changer, soit dans cet établissement, dans cette structure et la faire évoluer, soit changer tout court d'entreprise.

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Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

Je le vois en matière de RH à la clinique : on a des personnes qui restent dans l'établissement et qui font des carrières de vingt, trente, trente-cinq ans chez nous, d'autres qui, avec les nouvelles générations, vont rester trois, quatre ans ou même moins. Tout dépend des personnes.

Personnellement c'est quelque chose qui m'a beaucoup apporté. C'est aussi pour ça que j'avais choisi le métier de consultante à la base : je n'avais pas envie de me mettre dans UNE voie, dans UN secteur d'activité spécifique. J'avais vraiment envie de découvrir un maximum de choses, de rencontrer des personnes, surtout avec des expériences différentes et cela a vraiment été le cas. Au bout de huit ans, j'ai quand même eu envie de me poser dans une entreprise. Ça dépend vraiment des moments de vie aussi, de ce qu'on souhaite découvrir. J'en ressort beaucoup de positif parce que je pense que j'ai gagné en adaptabilité et surtout aussi en connaissance des différents secteurs qui peuvent exister. Aujourd'hui, ça me sert au quotidien dans mon métier. J'ai une double casquette : je suis DRH mais je suis aussi directrice opérationnelle. Mon métier c'est de m'assurer que tout fonctionne au quotidien. J'ai beaucoup de casquettes et le fait d'avoir travaillé dans des secteurs variés ou sur des missions variées me permet de m'adapter aux différentes situations que je peux avoir, à la fois en matière de RH et sur les problématiques organisationnelles.

C'est vraiment l'adaptabilité et se dire aussi qu'en fait ce n'est pas que dans ce secteur là qu'il y a ces problématiques. Ce n'est pas parce que je suis dans un métier où on s'occupe d'une prise en charge de patients que cela ne reste pas une entreprise pour autant. C'est une entreprise qui travaille dans le soin mais cela reste une entreprise, comme une usine dans laquelle j'ai pu travailler où il y a des problématiques RH, des problématiques de temps de travail, des problématiques de turn-over, etc. La seule chose qui change, c'est le secteur d'activité. Les problématiques sont vraiment similaires.

EB : le métier de DRH dans une structure sanitaire, parce qu'il est dédié au patient, n'est pas différent de celui de DRH dans d'autres secteurs d'activité ?

Ce n'est pas faux mais pas que. La dimension et le sens du métier sont juste extrêmement importants parce que ce n'est pas un produit à la fin de notre chaine, c'est une personne. Cela rend le métier quand même bien sûr spécifique mais quand on prend de la hauteur sur notre façon de gérer, cela reste une entreprise. Pour toutes les décisions qu'on prend, on regarde bien sûr la qualité de prise en charge mais au bout du compte on a quand même des salaires

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à payer et des charges à payer. C'est une entreprise, une entreprise du soin. Quand on part avec Sabine, mon associée, et qu'on va dans d'autres pays - on est parti voir dans d'autres pays comment ça se passait, en Europe et en Amérique du Nord - ce sont des entreprises, c'est beaucoup moins tabou. C'est vraiment très français tout ça. Je le dis à certains professionnels qui sont là, oui bien sûr qu'on a à coeur de faire bien les choses, on a un patient et notre métier c'est de prendre en charge ces patients là mais on doit être une entreprise efficace, une entreprise qui optimise, on doit être efficient. On est soumis à toutes les charges classiques que toutes les entreprises ont en France. On est des entreprises de la santé. Après on n'a pas la même vision que notre directeur financier qui n'a pas fait que de la santé. Il n'aura parfois pas la même compréhension sur certaines problématiques où je vais dire par exemple qu'il faut qu'on investisse un peu plus, qu'on prenne quelqu'un en plus parce qu'il faut qu'on améliore notre prise en charge et lui va me dire que ça ne va pas passer en termes de coûts. On reste quand même une entreprise du soin. C'est là que le soin va prendre une part plus importante dans le sens où on a à coeur de tellement bien faire les choses qu'on va quand même plus investir dans le soin même si on sait qu'en termes de coût, on n'est pas bon. On va essayer de revoir notre modèle économique pour que ça passe. A certains moments on va privilégier le soin et prendre plus de risques financiers parce qu'on est dans une entreprise qui traite des patients.

Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Mon métier, j'espère qu'il va changer ou évoluer plutôt. J'ai à coeur de voir évoluer les choses et de traiter de nouvelles choses. On a sans cesse de nouveaux challenges dans notre secteur actuellement. Il y a de grandes réformes. Forcément mon métier évoluera. Ce qui n'est pas simple c'est qu'il évolue vers un fonctionnement peut-être moins tourné vers l'humain. Je pense que le challenge pour moi et pour les dirigeants d'établissements de santé sera de trouver l'équilibre entre établissement de santé et entreprise de la santé. On rentre tellement dans un système de tarification où il faut qu'on code chaque acte réalisé par l'infirmier, par le médecin, par l'aide-soignant, par le psychologue, etc. Je l'entends par mes équipes aujourd'hui, parce qu'on code notre activité et que notre activité est contrôlée via les codes, nos professionnels passent énormément de temps sur l'ordinateur. Ça remet en question et cela a un impact important sur la relation entre le patient et le professionnel de santé. C'est ma crainte. C'est un vrai risque et on ne veut pas tomber là-dedans. Il faut qu'on organise les choses pour que ça se fasse, parce que de toutes façons on n'aura pas le choix. On le fera

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tout en gardant cette relation qui est si importante pour nous entre le professionnel de santé et le patient.

En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez ?

Je ne maitrise pas forcément le concept à fond. Ce que j'aimerais qu'on fasse via l'intelligence artificielle au sein de l'établissement c'est qu'on utilise les nouvelles technologies en complémentarité des compétences de nos professionnels. On commence à se pencher sur les personnels administratifs. La nouvelle technologie qu'on va utiliser c'est le dossier patient informatisé. On a un dossier patient informatisé partagé par tous les professionnels de l'établissement hormis les personnels hôteliers comme les ASH115 et les fonctions cuisine. On a une mutualisation de l'information, il y a un vrai partage d'infos. Il y a également la pré admission qu'on aimerait mettre en place parce que je pense que ça permet de traiter une partie du process via l'IA et ensuite de faire intervenir la secrétaire aux admissions qui va alors être sur un poste qui sera différent. Aujourd'hui elle est sur un poste où elle est dans son bureau toute la journée. Ce qu'on se dit c'est que si on a cette borne d'accueil qui permet de traiter déjà quelques infos et de faire par exemple 40 à 50% de l'entrée, Elle va pouvoir, avec un caddie ou un chariot roulant compléter l'entrée dans la chambre, au lit du patient. Ça nous permet de réorganiser son temps de travail et ça lui permet d'être en contact avec le patient de façon plus personnelle. Et c'est plus pratique pour le patient. Une partie administrative aura déjà été traitée donc c'est plus enrichissant pour elle.

Sur les médecins on se pose la question de la télémédecine et des téléconsultations mais on manque un peu d'infos sur la partie tarification. On est en attente d'éléments de la part de l'ARS116 pour pouvoir travailler là-dessus. On aimerait mettre en place notamment des consultations de médecins spécialistes via la télémédecine pour éviter les déplacements du patient parce que ça reste une démarche fatigante pour nos patients. Il y a des consultations qui pourraient vraiment se faire via la téléconsultation. Dès qu'on sentira qu'on pourra le faire on le fera. Aujourd'hui on n'a pas suffisamment de billes, on ne sait pas comment les facturer, il y a un flou à ce niveau-là. Après il suffira de déterminer qui reste dans la chambre avec le

115 Les agents des services hospitaliers (ASH) sont chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux dans les hôpitaux et les structures médico-sociales. Ils participent aux tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils ne participent pas aux soins aux malades et aux personnes hospitalisées ou hébergées. Source hopital.fr

116 Agence Régionale de Santé

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patient pendant la consultation, comment le flux s'organise, comment on sécurise les données, etc. Il faut qu'on s'intéresse à tout ça. Ça nous permettrait d'optimiser nos mouvements de patients.

On travaille également sur la fonction hôtellerie pour les ASH à l'utilisation de tablettes qui permettent d'avoir un suivi des chambres que nous avons à la clinique. On développe un projet d'hôtellerie car on part du principe que les patients restent longtemps chez nous et on souhaite qu'ils s'y sentent bien. Ça permettrait aux ASH de dire qu'une chambre est prête, qu'elle a été faite. L'info est automatiquement partagée avec les admissions de la clinique et le patient entrant peut entrer dans cette chambre-là. Cela permettrait également de noter des dysfonctionnements comme un problème au niveau de la douche, du lavabo, etc., et d'avoir une information qui se transmet automatiquement à notre équipe d'entretien qui pourra alors intervenir et indiquer si c'est résolu ou non. Le process sera un peu plus sécurisé. Aujourd'hui c'est quelque chose qu'on fait de personne à personne ou par un cahier de liaison. Parfois il y a des manquements et on souhaiterait justement utiliser les nouvelles technologies pour y pallier. Ça peut aussi être valorisant pour les ASH qui remontent souvent que l'information a été transmise mais que le problème n'est pas réglé derrière. Elles auront ainsi une preuve qu'elles ont notifié le problème et suivre ce qui est fait. C'est assez positif en termes de cohésion.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

Le vrai risque c'est d'avoir un professionnel qui va passer plus de temps sur une machine et moins auprès d'un patient, notamment pour les médecins et tous les paramédicaux. Ils nous le disent aujourd'hui. Quand on a mis en place le dossier patient informatisé, on n'a pas eu de résistance au changement particulière. Tout le monde savait très bien qu'il fallait y aller, c'était cohérent. Plus aucun établissement ne fonctionne sur des dossiers médicaux papier. On a créé un comité d'éthique depuis de nombreuses années. On y met toujours à l'ordre du jour la place de l'ordinateur dans la relation soignant/soigné. Ce n'est pas anodin. Pas plus tard qu'hier, un médecin m'a dit : « une entrée d'un patient, ça me prend 45 minutes. Ce n'était pas le cas avant. Quand on écrit, ça va plus vite, on écrit rapidement sur un dossier. J'arrivais vraiment à gérer ma relation avec le patient. Ça me manque. ». Ça fait partie des risques. Aujourd'hui on essaie d'organiser leur temps de travail pour qu'ils arrivent à concilier ce temps avec le patient et à sortir de la chambre en se prévoyant un temps de saisie. On essaie, en fonction des métiers, de prévoir les temps de saisie. Pareil pour les coachs sportifs, ils ne sont

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pas dans le soin directement ni dans un acte technique de soin mais ils ont aussi l'obligation de saisir des transmissions et des informations dans un dossier sport sur le dossier patient informatisé. Tout ça, ça prend du temps. Il y a le métier, l'acte qu'ils vont réaliser auprès du patient mais il y a aussi ce qu'ils vont devoir saisir parce que, ce qu'on leur demande aujourd'hui, c'est de tracer leur activité pour que derrière on code l'acte. Il y a un vrai changement dans leur métier, à tous niveaux.

En positif, ça permet une mutualisation d'informations. Certaines personnes, en termes d'organisation de temps de travail, ne se croisent pas. Si les dossiers sont correctement saisis, en allant sur le portail médical, on voit ce qui a été saisi par le coach, on voit ce qui a été saisi par la diététicienne, le médecin, etc. Les droits d'accès sont différents en fonction des professions et de la confidentialité mais il y a un vrai partage d'informations. On sait même, en fonction d'un agenda, si le patient est dehors en consultation externe ou s'il est dans la clinique. Il y a donc des aspects positifs qui sont ressentis par les professionnels mais l'aspect négatif reste le risque de distanciation entre le professionnel et le patient.

D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

Ce qui m'a fait m'interroger sur ma fonction, c'était le confinement. On a piloté la clinique à distance parce qu'on s'est dit qu'on faisait partie du personnel administratif et qu'on n'était pas essentiel sur le terrain. Notre objectif était de minimiser le nombre de personnes sur la clinique donc on a travaillé à distance sur un maximum de fonctions. Je me suis dit que finalement, tous les déplacements que j'étais amenée à faire n'étaient pas indispensables. Il y a plein de nouveaux outils qui peuvent m'éviter d'aller à Paris, à certaines réunions. Il ne s'agit pas de les supprimer. On avait tendance à se déplacer souvent, surtout sur la partie opérationnelle, moins RH, sur des réunions de syndicats, des congrès. C'est super intéressant et cela va me permettre de me poser, même si je reste à la clinique et d'avoir une prise de recul particulière en étant seule. Dans les congrès, on se retrouve toujours avec plein de personnes. D'un côté c'est très bien parce qu'on peut discuter, ça fait du bien, on voit que ce n'est pas plus simple dans les autres établissements ou qu'on se débrouille plutôt bien et c'est satisfaisant mais il doit y avoir des moments pour soi. Écouter un congrès via un ordinateur c'est aussi très intéressant.

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Je traite beaucoup d'informations qui viennent de nos logiciels de patient informatisé puisqu'on a tout à l'intérieur : notre gestion aussi puisque la facturation, le médical et la pharmacie sont dedans. Ça fait partie des outils que j'utilise au quotidien. Aujourd'hui je dois l'utiliser à 40%. Je ne sais pas encore bien m'en servir. Il nous a fallu tellement de temps pour apprendre à l'utiliser et le remplir le plus correctement possible, d'avoir une bonne maitrise de l'outil. Maintenant on est dans la phase de : je me sers de l'information qui est rentrée dans notre gestion. On travaille avec notre prestataire pour qu'il nous aide à traiter les données en créant des passerelles de traitement données. C'est long mais on a un outil qui est le reflet de toute notre activité. A la fois médicale et soignante mais aussi en gestion et en finance. En un clic, on peut savoir quelle est la durée moyenne de séjour, le nombre de patient, notre taux d'occupation à la seconde, pas d'information RH en revanche. Ça permet d'avoir des informations plus rapidement sur l'activité de la clinique. A plus long terme, j'aimerais mieux maitriser l'outil pour mieux piloter.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Comme je le disais tout à l'heure, je pense que la machine est un outil d'aide à la personne. Qu'on parle des personnes aux admissions, des ASH, des médecins, l'outil est essentiel. Je pense qu'il ne peut pas remplacer, ou sur un poste très administratif, et encore. Quand on est parti au Canada, on voyait que dans des centres de téléconsultation il n'y avait plus personne à l'accueil. Ils avaient mis des bornes et la personne devait saisir son nom, devait dire qu'elle était arrivée et cela envoyait directement l'info aux médecins. Ça marche dans ce genre de situation. Dans notre établissement de soins de suite, l'outil peut vraiment être intéressant sur une partie très administrative mais ça reste un outil d'aide. On s'est engagé depuis très longtemps dans notre établissement à être dans une démarche qui soit la plus humaine possible. Aujourd'hui notre vision, peut-être qu'elle évoluera, c'est de se dire qu'on va utiliser la machine pour aider nos professionnels.

En ce moment on est en train de développer la musico thérapie dans la clinique et on va le faire via des tablettes. Ce sont des tablettes numériques sur lesquelles on va bientôt être formé. Ce sont des machines, je pourrais très bien donner la tablette directement au patient mais quel est le sens de cette action ? Il faut que ce soit accompagné, qu'on ait des référents

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musicothérapie, que le soignant puisse venir présenter cette démarche et qu'il accompagne le patient lors de sa séance. Ça va donc venir proposer de nouvelles disciplines mais toujours avec l'humain à côté.

Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Oui, ils sont accompagnés. Cela fait partie intégrante de leur mission et de leur quotidien donc il faut absolument qu'ils maitrisent l'outil dans le cadre de leur fonction.

On a travaillé sur des parcours d'intégration pour les médecins qu'on a mis en place en 2017. On accompagne les médecins dans l'utilisation du dossier patient. Le médecin est à la base du dossier patient. Si la prescription n'est pas faite du traitement médicamenteux, si on ne prescrit pas les actes ou les consultations et s'il ne saisit pas ses observations médicales dans le dossier patient, on est quand même très embêté. C'est essentiel dans leur métier. Au cours de ce parcours d'intégration, il y a une partie binôme avec le médecin titulaire qui va présenter l'organisation du quotidien du médecin et il va y avoir après un temps de formation à l'outil informatique. En fonction de la spécialité de nos services, ce parcours est plus ou moins long. Il est adapté. Certains services sont plus techniques, avec des prescriptions et demandent plus de formation.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

C'est la même chose pour les paramédicaux. On a des parcours d'intégration pour les Infirmiers et les aides-soignants, en binôme avec une infirmière titulaire et en formation avec la cadre de santé ou une infirmière « tuteur » qui s'occupe de l'intégration aux outils

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informatiques. Il faut que l'infirmière sache remplir ses transmissions dans un dossier patient, sache compléter un plan de soin puisqu'à chaque fois qu'une infirmière donne un médicament à un patient, il faut que ce soit saisi dans le dossier patient. Il faut que tout ça soit fait, il faut qu'elle sache le faire et il faut qu'on lui donne les moyens de savoir le faire. Ça fait partie de ce qui est effectué en journées d'intégration.

Les parcours d'intégration, c'est ce qu'on fait au quotidien. Quand on a déployé l'outil, on a pris des référents, des personnes qui se sont portés volontaires pour être formés par le prestataire concepteur du logiciel, accompagnés des cadres de santé. Tous nos cadres de santé sont référents sur le dossier patient informatisé. Il y a également deux IDE117. Tous ont été formés, moi aussi parce que je me suis dit que, dans le cadre de ma fonction, il fallait impérativement que je sache comment ça fonctionne. Une fois que nos référents ont été formés par notre prestataire, on a déployé des formations en interne en binôme cadre de santé/IDE. On a formé toutes nos équipes de titulaires et nos vacataires long terme dans des mini formations. On a créé des parcours parce que c'était assez conséquent en termes de compétences à acquérir. On l'a fait sous forme de mini formations pour que ce soit interactif et ludique avec des mises en situation. On a mis des ordinateurs à disposition, ils ont pu essayer avec un dossier test sur lequel on pouvait faire n'importe quoi et ça permettait de pratiquer comme ça.

On a fait un premier parcours qui était l'environnement du dossier : montrer globalement comment ça se présentait : la page d'accueil, les différents liens, le portail médical, tout l'environnement global. Après, on est rentré dans le détail. Pour les IDE ce qui était important c'était de savoir où aller trouver les transmissions, comment saisir une transmission, voir ce qu'il y a dans un plan de soin : le traitement médicamenteux, les prescriptions du médecin en termes d'actes. Le troisième niveau était optionnel pour apprendre à utiliser l'agenda et ainsi savoir où est le patient. Ce n'est pas essentiel mais c'est intéressant de savoir le faire.

Les cadres ont fait partie intégrante du projet, même dans la phase de recherche et de sélection du prestataire. Quand on a choisi le prestataire et qu'on s'est retrouvé à la réunion de lancement en 2016, avant le déploiement, il fallait mettre à plat tout notre fonctionnement papier. Un jour on est arrivé, notre prestataire nous a dit qu'il leur fallait tous nos papiers. On a tout mis sur la table. On s'est retrouvé avec une quantité de papier incroyable. On s'est rendu compte du nombre de papiers qu'il y avait. Elles - je dis elles car il s'agit de femmes - ont fait partie du process au même titre que le médecin référent qui venait en représentation de tous

117 Infirmier Diplômé d'Etat

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les autres médecins. Ça s'est fait avec eux. J'étais toujours présente également avec le responsable informatique. On a pris les décisions ensemble. Comme il y a quatre services et qu'il y a eu vraiment beaucoup de réunions, tous ne pouvaient pas être systématiquement présents donc on a créé des groupes de travail par service. Je n'ai pas pris de consultant externe, on a vraiment géré ça en interne avec notre prestataire. Ce moment-là nous a permis de nous réorganiser puisque ça nous a demandé de revoir complètement l'organisation de nos services. On l'a fait ensemble. La casquette que j'avais de consultante m'a bien servie puisque c'est moi qui ai piloté tout le projet. On l'a vraiment fait ensemble.

Là où on a eu des difficultés, c'était avec nos professionnels libéraux (médecins spécialistes et kinésithérapeutes). Là c'était compliqué parce que c'était des personnes qui se sentaient moins impliquées, elles viennent de façon ponctuelle. Il a fallu les impliquer dans le process. Ils ont eu beaucoup de mal à passer du papier à l'informatique. Il a fallu bien accompagner. C'est moi qui m'en suis occupé et ça a pris du temps. C'était la plus grosse difficulté et le changement a été complexe pour les professionnels terrain, surtout les médecins, qui comptaient le nombre de clics. Ils m'ont dit que ça avait vraiment fait évoluer leur métier.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Leur parcours d'intégration a été vraiment revu car ce n'est pas simple d'utilisation sur la partie gestion. Il y a des journées d'intégration qui sont vraiment nécessaires. On a essayé de former un maximum de personnes pour mutualiser les compétences et ne pas avoir une seule et unique personne qui sache faire chaque tache : par exemple un agent d'accueil qui sache faire l'accueil, une secrétaire qui sache faire l'admission. On a essayé de les former à plusieurs profils, pas tous non plus car ce serait trop compliqué, mais au moins à deux compétences. On arrive ainsi à les remplacer plus facilement.

On n'a pas eu de réfractaires mais des personnes qui ont eu des difficultés à utiliser l'outil. Les personnes savent que de toute façon on n'a pas le choix donc elles l'ont fait. Il y a effectivement des personnes qui sont là depuis longtemps, qui ont leurs habitudes et qui voient leur métier et leur fonction évoluer. Ce n'était pas simple mais il y a eu pas mal d'accompagnement des managers sur les profils administratifs et pas que des formations. Pendant plusieurs jours, un référent est resté à côté d'une personne à l'accueil ou à la facturation pendant des jours entiers pour bien l'aider à manipuler l'outil.

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EB : vous avez tout misé sur la formation aux outils pour qu'ils soient à l'aise et avec du temps et de l'écoute.

Oui. Ça a été lourd et difficile. Ces formations prennent du temps. On a 150 personnes sur la clinique. Ça fait vraiment beaucoup de temps. On accompagnait un maximum de fonctions différentes le même jour parfois parce qu'on ne voulait pas que certains aient le sentiment d'être privilégié ou pas par rapport à d'autres. Il fallait que tout le monde se sente accompagné. C'est une période qui a été très fatigante et très éprouvante.

Aujourd'hui l'outil est bien en place. On est dans l'optimisation maintenant et c'est intéressant. On est dans l'optimisation en termes de gestions et de pilotage mais aussi optimisation de l'outil. On essaie de voir comment on peut le manipuler autrement parce qu'on le connait mieux : pour essayer de gagner du temps, pour privilégier notre relation soignant/ soigné et de le perfectionner en interne. Ce qui est compliqué avec l'outil, c'est que ce n'est pas lui qui va s'adapter à l'établissement, on n'a pas le choix, c'est l'établissement qui s'adapte à l'outil et on ne nous l'avait pas vendu comme ça. On pensait leur donner tous nos dossiers papier pour qu'ils les paramètrent et que ça ne changerait pas. En fait, ce n'est pas du tout ça ! Il y a eu cette période de flottement où on ne se retrouvait plus dans ce fonctionnement et il a fallu qu'on apprenne à fonctionner avec cet outil. C'est nous qui nous sommes adaptés à l'outil et pas le contraire. Ça a été une refonte complète de notre organisation.

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Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne

ENTREVUE PERRINE CAINNE, Directrice des Ressources Humaines du Centre Hospitalier d'Arcachon

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

Je suis sortie de l'école de Rennes118 en 2013 dans la continuité de ma formation initiale. J'ai effectué mon stage professionnel au Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse et j'ai pris mon premier poste au centre hospitalier d'Albi en tant que directrice des affaires financières119. Je m'occupais aussi du contrôle de gestion, des admissions et, au départ, des systèmes d'information remplacés ensuite par la gouvernance après une révision des périmètres. Ensuite je suis arrivée au centre hospitalier d'Arcachon comme directrice adjointe, toujours chargée des finances mais également des achats avec notamment le projet de mise en oeuvre de la fonction achat mutualisée au niveau du groupement hospitalier de territoire. Nous avons piloté ce projet en binôme avec le directeur des achats du CHU de Bordeaux. J'occupe la Direction des Ressources Humaines, des affaires médicales et des affaires générales depuis un peu plus d'un an, toujours au centre hospitalier d'Arcachon. Cela m'a permis de découvrir à la fois deux établissements différents et surtout des directions fonctionnelles et des périmètres très différents.

Êtes-vous prête à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

Oui, tout à fait. Pas forcément pour pérenniser mon employabilité mais plutôt par curiosité personnelle et professionnelle, pour développer mes compétences et ma motivation aussi. J'ai besoin de changer régulièrement d'établissement ou de fonction : soit en restant dans le

118 École de Rennes : École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP)

119 La formation de directeur d'hôpital à l'EHESP est une formation pluridisciplinaire, avec un fonctionnement similaire à celui de l'ENA (École Nationale d'Administration) amenant à exercer à tous les postes de direction au sein des établissements publics et administrations du secteur sanitaire et médico-social.

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secteur hospitalier public, soit même en envisageant de découvrir d'autres horizons. Ce sont des perspectives qui me plaisent.

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

Pour moi il y a un double bénéfice, il y a le bénéfice que j'en retire personnellement et le bénéfice pour les établissements dans lesquels j'apporte ma contribution.

C'est important de développer mes compétences pour maintenir ma motivation. Quand on reste dans le même établissement, on a tendance à croire que les modes de fonctionnement auxquels on participe sont immuables. Dans le premier établissement dans lequel j'ai travaillé, j'ai découvert comment fonctionne un établissement de santé et je me suis rapidement habituée à certaines pratiques et organisations. En changeant de structure, on se rend compte que les choses ne fonctionnent pas du tout de la même manière d'un établissement à l'autre. Pour cela, c'est vraiment important de changer : pour se rendre compte que toutes les organisations sont vraiment modifiables et ne pas le perdre de vue. Il y a toujours la possibilité de modifier les organisations si on prend le temps d'accompagner le changement.

Pour les établissements, le bénéfice c'est d'avoir régulièrement un regard neuf et de nouvelles idées. Les personnes extérieures qui viennent avec leur expérience et leurs compétences permettent d'impulser des changements. Elles ont une ouverture d'esprit et la conscience que cela peut fonctionner différemment.

Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Je me considère avant tout comme une directrice d'hôpital avant de me considérer comme une DRH. J'ai découvert la fonction de DRH il y a un an et j'adore vraiment ce que je fais mais je me positionne plutôt comme directrice d'hôpital avec cette possibilité d'exercer différentes fonctions au cours de ma carrière. C'est aussi lié au fait d'exercer dans un établissement de taille moyenne : bien sûr chacun a son périmètre mais on mène beaucoup de projets transversaux et on est au coeur de la stratégie.

J'ai déjà vu pas mal de changements en sept ans sur le métier de directeur d'hôpital. L'hôpital est aujourd'hui sous le feu des projecteurs. Avec la crise sanitaire qu'on traverse, il va y avoir

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des réformes à concevoir et à mettre en place au niveau du fonctionnement de l'hôpital public et forcément cela impacte le métier de directeur. Cela avait déjà démarré avec les groupements hospitaliers de territoire et l'ouverture de l'hôpital qui s'ouvre sur la ville, le médico-social, la prévention. On décloisonne de plus en plus. La gouvernance hospitalière avait bien évolué aussi avec les pôles d'activité et cela va continuer. On parle d'aller encore plus loin dans la médicalisation du pilotage des hôpitaux c'est aussi quelque chose qui aura un impact sur notre métier : le binôme directeur/médecin est essentiel ! Il est amené à se consolider.

Quant à l'évolution par rapport aux outils numériques, c'est plutôt dans le positionnement de l'hôpital dans son environnement territorial qu'on sent vraiment leur importance. C'est un domaine qui avait été un peu mis de côté dans les hôpitaux. Chacun a développé ses propres outils indépendamment, il n'y avait pas eu de stratégie générale mise en place et il y avait de fortes disparités. Le premier plan « Hôpital numérique » a essayé de lancer une dynamique pour que tous les établissements priorisent les mêmes choses dans leur développement numérique et atteignent des niveaux de maturité équivalents. Il y a désormais un nouveau palier à passer pour à la fois atteindre un niveau de numérisation plus important et pour échanger plus facilement. Aujourd'hui, nous n'avons pas les mêmes outils et cela complexifie la communication entre établissements. C'est un vrai défi pour demain.

En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez ?

Ce n'est pas un sujet auquel je me suis intéressée de façon systémique. Je ne me suis pas demandée comment j'allais le développer dans mon établissement. En revanche effectivement nous en sommes entourés et cela infuse tous les domaines : le domaine de la technologie médicale est probablement le plus mature et développé dans certaines activités comme l'imagerie et la chirurgie. Dans le domaine administratif, dans les outils qu'on nous propose, on voit désormais des systèmes qui intègrent l'intelligence artificielle.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

Spontanément, je n'ai pas d'appréhension négative quant à l'intégration de l'intelligence artificielle à l'hôpital. Je vois une vigilance à avoir pour les intégrer à bon escient et faire en

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sorte que cela puisse être des technologies complémentaires, qui viennent en appui d'une stratégie. Je ne crois ni à l'outil pour l'outil ni au process pour le process, il faut toujours valider le but qu'ils poursuivent.

L'hôpital est un gros employeur et l'intelligence artificielle va assurément supprimer certains métiers, y compris les plus élevés dans la hiérarchie des compétences. A terme, on peut tout à fait imaginer que la machine pourra prendre des décisions stratégiques, poser un diagnostic et prescrire un traitement par exemple. Mon rôle de DRH est d'accompagner les professionnels dans ces changements pour qu'ils puissent s'adapter et les vivre le plus sereinement possible.

Quant à mon métier de DRH, il existe déjà de nombreux outils pour automatiser les process RH, pour développer les échanges avec les professionnels, des algorithmes permettant de faire des recrutements, de la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences, etc.

D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

Il faut vraiment qu'il y ait une vision, une stratégie, il faut toujours avoir ça en tête quel que soit son niveau hiérarchique ou fonctionnel. Il ne faut pas céder uniquement au côté « gadget » qui peut plaire à certains ou, au contraire, en rebuter d'autres. Si on l'intègre dans une réflexion générale, alors il peut y avoir de nombreux bénéfices et on peut partager cette approche avec l'ensemble de la communauté hospitalière. À un moment donné on veut développer une politique. Pour la mettre en oeuvre on va avoir besoin d'un outil. Qu'il y ait, ou pas, de l'intelligence artificielle dans l'outil ne change pas la donne ni la manière de procéder.

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On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Je ne suis pas experte du domaine mais je pense que la machine peut aller beaucoup plus loin que l'homme en matière d'intelligence pure. On est au-delà du simple modèle mathématique que peut sortir un ordinateur : on est sur une décision, a priori la meilleure, sans biais et validée par la prise en compte de paramètres beaucoup plus nombreux que ne peut en contenir un cerveau humain. Cela peut être très intéressant pour sécuriser. La qualité et la sécurité des soins sont attendus de la part de la population et des professionnels. L'intelligence artificielle peut nous aider à sécuriser encore davantage les pratiques.

On parle également beaucoup aujourd'hui du risque de perte d'humanité dans les établissements. C'est ce que les professionnels mettent en avant durant les grèves : le manque de moyens dans les hôpitaux, qu'on n'a plus forcément de temps pour prendre en charge les patients, pas uniquement sur le plan technique, mais surtout sur le plan humain. Si on pouvait transmettre des qualités humaines aux machines, je pense qu'il y faudrait prioriser le respect, l'éthique, l'écoute et la bienveillance. Toutes ces choses qui participent au prendre soin et qui sont des valeurs essentielles des professionnels de santé en général. Lors d'enquêtes ou dans les groupes de réflexion qui existent à l'hôpital, ce sont souvent ces termes qui ressortent. On ne travaille pas à l'hôpital par hasard, quel que soit son poste. C'est parce qu'on a conscience et envie d'incarner ces valeurs-là.

Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement spécifique, s'il y en a un, les institutions et les directions d'établissement souhaitent-elles mettre en place ?

Je ne suis pas sûre aujourd'hui qu'il y ait des modules spécifiques aux outils dotés d'intelligence artificielle dans la formation initiale des médecins. Il y a des diplômes universitaires qui commence à se développer et certains médecins demandent à être

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accompagné pour effectuer ce type de formation. Le plan de formation médicale peut nous aider à les accompagner dans cette voie mais il faudrait davantage les inciter. Aujourd'hui ce sont souvent les éditeurs et les fournisseurs qui accompagnent. Quand on fait le choix d'acheter un équipement il y a toujours une partie paramétrage et formation des utilisateurs qui est comprise. Certains sont très bons là-dedans et les formations sont de qualité. Je pense notamment aux robots chirurgicaux : la formation, d'après ce que j'en sais, est vraiment robuste pour former les utilisateurs.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement spécifique, s'il y en a un, les institutions et les directions d'établissement souhaitent-elles mettre en place ?

C'est très difficile de généraliser mais majoritairement ils n'envisagent pas l'évolution de leur métier. Chaque année il y a un entretien professionnel qui est effectué avec tous les agents paramédicaux qui porte sur l'année qui vient de s'écouler, les faits marquants, la manière de servir, les objectifs atteints/non atteint et ceux à atteindre pour l'année à venir. C'est suivi par un entretien de formation où justement on va faire le point avec la personne sur ses besoins de formation : soit pour acquérir des compétences qui lui manquent par rapport à sa fonction, soit pour développer elle-même certaines appétences ou pour accompagner un projet professionnel. Force est de constater que le personnel en général est assez peu acteur de son parcours de formation. On demande aux personnes de venir avec un projet, avec une proposition et ils ne le font que rarement. Pour ceux qui le font, je vois très peu de demandes liées aux nouvelles technologies ou à l'intelligence artificielle. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui intéresse pour le moment ou qui puisse être perçu comme pouvant être aidant pour l'exercice de sa profession, pour le développement de sa compétence et pour l'avenir.

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En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

C'est la même chose pour ces fonctions-là. Les demandes qu'on a sont des souhaits de formations classiques : les bases des outils bureautiques, se former sur des logiciels métier existants mais assez peu d'autres demandes de formation. Côté cadres, que ce soit les cadres de santé ou les cadres administratifs, c'est différent. J'ai en tête un exemple qui m'a interpellé et que justement j'ai trouvé très intéressant : c'est une personne qui est formatrice à l'institut de formation des aides-soignants, qui a un projet pour évoluer et passer sur une fonction cadre. Au-delà de développer ses capacités et ses compétences en pédagogie et en encadrement, elle s'est tournée vers une formation qui intégrait aussi des nouvelles technologies. J'ai trouvé ça très intéressant parce que justement dans la formation, il faut aller chercher du côté des nouvelles technologies. Son choix de formation est quelque part lié à la crise sanitaire : les instituts de formation ont dû mettre en place dans l'urgence des formations à distance. Elle avait l'appétence pour et elle a vu qu'elle allait de plus en plus pouvoir le mobiliser dans ses fonctions. Son cheminement est vraiment intéressant.

Je ne vois pas aujourd'hui de démarche générale et d'effet d'entraînement. Chaque formation est « outil dépendant ». S'il y a un outil qui est mis en place dans un groupement hospitalier de territoire, il va y avoir des formations mises en place autour de cet outil. On part de besoins très spécifiques ou d'une stratégie sur un domaine en particulier mais il n'y a pas cette dynamique qui consisterait à dire : « le groupement hospitalier de territoire ou l'établissement met l'accent sur les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle aujourd'hui ».

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Annexe 8 : Interview David Gruson

ENTREVUE DAVID GRUSON, Directeur Programme Santé Jouve / Fondateur d'Ethik-IA

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

J'ai envie de dire oui et non. En fait, je n'ai pas changé de contexte professionnel, j'ai toujours évolué dans un environnement qui touche au secteur sanitaire et médico-social avec une notion de numérique. Ça a toujours été la toile de fond, une toile de fond stable en termes de champs d'intervention professionnelle mais avec des postes et des organisations d'accueil différents : que ce soit la direction d'établissement de santé au CHU de la Réunion, la contribution à des fonctions nationales pendant ma phase de Matignon ou durant mes phases de présence à la cour des comptes et les fonctions opérationnelles maintenant dans le champ du numérique dans le secteur privé mais c'est bien la même trame de fond professionnelle.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents types d'établissements ?

Pas tout de suite. Je suis sur un projet qui doit être mené sur la durée pour réussir mais évidemment l'environnement de numérique en santé requiert de la mobilité.

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

Il n'y a pas que des bénéfices. II ne faut pas perdre de vue qu'il peut y avoir des changements professionnels contraints. J'ai la chance de n'en avoir connus que peu. Je considère que c'est plutôt bien d'avoir une phase d'évolution et de mobilité. Il ne faut pas non plus tomber dans l'écueil de la surmobilité qui est un peu une caractéristique de l'époque actuelle. A moins que je n'aie pas les bons référents, ce qui est possible, adaptés à l'époque mais j'ai toujours plutôt considéré qu'il fallait rester au moins deux ans dans un job pour apporter quelque chose. Après cela dépend comment on compte. Quelle est l'unité de temps ? Je vois dans le contexte privé

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du développement de l'activité économique que l'unité de temps n'est pas tout à fait la même, de la même manière que l'unité de temps à Matignon, où on était plutôt sur de la durée, n'était pas tout à fait la même. Arrive le seuil au-delà duquel il faut bouger pour pouvoir apporter dans un environnement nouveau. Il faut savoir le déterminer er en fonction de l'organisation. Quand j'étais au CHU de la réunion, je considérais que 4 ans c'était une bonne durée. Je n'ai jamais fait plus de 4 ans dans un job. Je ne sais si on considère que c'est court.

Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Cela dépend du métier. Je serais assez en peine de dire le métier que je fais. En tout cas le champ numérique et santé bouge beaucoup. Par construction il est intrinsèquement lié aux mutations des nouvelles technologies puisqu'une partie essentielle de mon job est d'en produire. L'avenir des fonctions que j'exerce aujourd'hui est lié aux changements que ces nouvelles technologies apporteront ou n'apporteront pas sur la société dans son ensemble.

En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un sujet auquel vous vous intéressez ?

Je m'y intéresse avec un angle particulier. Même si j'ai eu quelques rudiments de formation à l'ia d'un point de vue technique, je ne suis pas un informaticien. Je regarde le sujet du point de vue de ses applications pratiques et de son impact sur les métiers. Avec les fonctions que j'occupe aujourd'hui, je travaille avec des développeurs pour entrer plus concrètement dans la turbine concrète de production de ces algorithmes.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

S'il n'y a pas d'lA, je n'ai plus de métier. Mon métier c'est de faire de l'IA donc l'impact est assez puissant.

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D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme ?

C'est aussi une méta question mais c'est intéressant pour moi ! Comme une partie de mon travail consiste à aider les gens à accompagner ces évolutions, l'accompagnateur des évolutions d'une certaine manière doit s'imbiber des évolutions des métiers des autres elles-mêmes. Là où il y a une répercussion sur ce que l'on fait c'est qu'il faut qu'on prenne en compte, dans les technologies qu'on développe et les protocoles de déploiement qu'on met en place, leur appropriabilité par les professionnels sur le terrain. C'est là où il faut avoir ce méta raisonnement : on peut avoir des supers technologies hyper efficaces, si elles ne sont pas appropriables ou si elles ne correspondent pas au temps d'évolutions des métiers, on sera à côté de la plaque. Je prends un exemple précis de ce que l'on fait avec Jouve sur l'IA d'automatisation de l'admission. On travaillait depuis juillet 2019 sur une version très dense technologiquement de solution d'IA allant très vite avec un process d'automatisation assez complet de l'admission et en fait le Covid 19 a amené une demande forte plus urgente un peu moins aboutie technologiquement et on s'aperçoit que c'était la bonne manière de faire pour qu'elle soit appropriée par les personnels des admissions qui là maintenant sont prêts à admettre la 2ème étape technologique. Il y a à graduer la densité technologique avec son appropriation sur le terrain.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Il y a dans la question un présupposé qui mériterait d'être remis en perspective qui est l'idée que nous serions forcément meilleurs que les machines. En fait, sur toute une série de processus, elles sont bien meilleures que nous. La principale qualité humaine à transmettre aux machines et sur l'essentiel des processus est la qualité à déléguer ces processus aux machines. Ça ne vaut pas dire, et c'est cela le sens du principe de garantie humaine qu'on a porté avec Ethik-IA qu'il faut les laisser agir sans supervision et c'est là que se pose la question de jusqu'où doit aller la machine. Elle doit aller jusqu'où on lui dit d'aller et il faut qu'elle reste

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sous supervision et que son intensité et son degré d'exposition qu'elle emporte notamment dans le champ santé pour la sécurité des patients apaisés, il faut avoir des processus de garantie humaine un peu cadrés. C'est ce qu'on fait en déployant des collèges de garantie humaine avec les premiers cas pilotes qui se mettent en place dans le domaine dentaire sous l'égide de l'union française pour la santé bucco-dentaire. Il y a tout un champ de réflexion aujourd'hui sur la cognition en IA pour l'appropriation des émotions par l'IA. La question est de savoir si l'IA deviendra un jour ou pas consciente. Je pense que ce sont de beaux débats mais qui n'ont pas de portée opérationnelle. Tout dépend de la définition que l'on met derrière les termes. Pour moi la question de la conscience est réglée au sens où une machine qui est capable de prendre des décisions à partir d'informations qu'on lui donne et de faire en partie de manière autonome agit selon un processus conscient. Mais ce n'est pas la conscience comme on l'entend nous et d'ailleurs comme on l'entend à tort, comme quelque chose de spécifiquement humain. Il y a toute une série d'êtres vivants qui sont conscients et qui pourtant ne sont pas humains. La conscience n'est pas spécifiquement humaine. Si on doit le définir un peu plus platement, c'est un processus par lequel une entité réalise ce qu'elle est en train d'effectuer. Et là, l'IA, quand elle exécute un process algorithmique, quand elle descend une chaine décisionnelle, elle réalise parfaitement qu'elle est en train d'exécuter le processus algorithmique. Simplement, à la différence de nous, elle n'y met pas ce que l'on appelle des émotions. Là aussi il faudrait aller un peu plus finement dans la définition et c'est là où s'arrête ma compétence. Comme régulateur de l'IA, je vois plutôt du danger à ce que l'on cherche à inculquer de l'émotion humaine à l'intelligence artificielle. Cela risque de la dérouter de son rationalisme et cela risque de nous donner « bonne conscience » en se disant que comme elle se rapproche de nous, on va la laisser décider. Je pense que c'est une erreur d'analyse. Il faut la garder sous revue humaine qui elle implique du non rationnel et de l'émotion. Pour une bonne régulation éthique, c'est plutôt notre matière à nous. Cela m'inquiéterait beaucoup de savoir que l'IA ait des émotions. Les deux extrêmes du sujet sont inquiétants : un extrémisme rationaliste serait une IA dangereuse et une IA émotionnelle et fleur bleue qui verserait des larmes à chaque fois qu'elle aurait des décisions compliquées serait tout aussi dangereuse. Restons sur une ligne de partage qui est à peu près claire à ce stade-ci de l'évolution de la technologie. Évidemment elle va se brouiller au fil du développement des machines. On a des machines qui exécutent des process algorithmiques à partir de traitement de données dans une dynamique rationnelle par essence et nous, humains régulateurs, essayons de positionner le principe de garantie humaine qui peuvent intégrer des éléments irrationnels.

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Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement spécifiques les décideurs du secteurs santé (institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place ?

C'est un sujet sur lequel il y a une prise de conscience réelle. L'IA faisait peur, elle fait encore un peu peur mais les choses changent. Il y a une bascule qui s'opérait déjà au deuxième semestre 2019 que le Covid 19 a encore accentué sans doute. Il y a une demande très forte d'accompagnement qui sera vu par l'inclusion de l'IA dans les orientations prioritaires de développement professionnel continu. On a exécuté avec Ethik-IA les premiers programmes de DPC médical pendant le confinement. De la même manière, il y a une demande croissante d'accompagnement des institutions, des directeurs sur la connaissance de ces outils. Sur le type d'accompagnement, il y a ce qu'ils verbalisent comme étant leur demande d'accompagnement et il y a sans doute ce qui est sans doute ce dont ils ont besoin. Ce qu'ils verbalisent souvent, c'est « on veut comprendre » et ces demandes-là, il faut les reformuler : « on va vous aider à comprendre. Il est bien clair que votre job n'est pas d'être un algorithmicien. Il faut que vous compreniez à quoi cela sert, quels sont les recours, quels sont les enjeux éthiques, comment est-ce qu'on les régule et comment ces technologies peuvent vous aider pour renforcer la valeur ajoutée de votre organisation, améliorer la qualité de la prise en charge des patients et ce qu'on peut en déduire sur l'évolution de vos métiers qui est un champ en soi.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement spécifiques les décideurs du secteurs santé (institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place ?

Évidemment c'est à peu près la même toile de fond avec un point complémentaire qui est majeur, pas encore tout à fait vu dans le débat public mais majeur qui est que la diffusion des technologies algorithmiques en santé est parallèle au déverrouillage des délégations de

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compétences et des pratiques avancées pour les professions paramédicales. En fait, on a bien deux mouvements qui sont distincts mais très connexes, qui s'irriguent l'un l'autre qui sont pour élargir le champ d'intervention des infirmières. On déploie pour la région Auvergne - Rhône Alpes le premier programme de formation numérique à l'IA pour les 12.000 élèves de leurs instituts paramédicaux. On commence cette année par un programme d'IA pour les infirmiers de pratique avancée. On voit qu'il y a un vrai changement, non pas simplement des outils utilisés mais du coeur du métier. L'IA va être - elle l'est déjà - un adjuvant très puissant à l'extension des compétences de ces professions paramédicales en permettant d'accéder à des éléments de diagnostic médical sous intermédiation d'une profession paramédicale. Il y a là à réfléchir sur tout ce que cela amène en termes de gain d'accessibilité au soin pour les patients, d'enrichissement des pratiques professionnelles de ces professions paramédicales mais aussi à tout cela requiert comme besoin de régulation médicale. On retrouvera les besoins d'avis de spécialistes sans doute en fin de parcours. Cela se codifie et cela se regarde quasiment spécialité par spécialité et non pas simplement à un instant T mais au fil du temps et de l'évolution technologique. C'est un message plus général sur l'impact RH de l'IA c'est que toute prédiction au-delà de trois à cinq ans n'a aucun sens pratique vu le rythme de l'innovation. Ce sont plutôt des méthodologies d'évaluation continue de ces impacts qu'il faut regarder.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement spécifiques les décideurs du secteurs santé (institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place ?

Il faut de l'évaluation continue. Dans le débat public sur l'IA, depuis 2/3 ans, on s'est beaucoup focalisé sur quelques professions médicales, les radiologues notamment, en annonçant leur disparition, ce qui était évidemment une erreur d'analyse. On le sait maintenant. Des spécialités médicales menacées de disparition rapide, il y en a en fait très peu. La seule que j'identifie, c'est l'anatomopathologie qui va sans doute se redispatcher sur l'imagerie et sur l'oncologie. Pour le reste, il n'y pas d'annonce fracassante de disparition de spécialité médicale à faire. En revanche, sur les fonctions du back office, personnel administratif / secrétaires médicales / agents d'accueil et fonctions d'admissions, là, la rupture est très nette et beaucoup plus rapide que ce qu'on pense. L'effet de la technologie et l'effet de la Covid 19 amènent à générer des impératifs de distanciation physique. C'est un stimulus de court terme, peut-être.

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Le court terme depuis 6 mois devient du moyen terme mais c'est un stimulus très puissant qui va amener des recompositions très fortes pour le back office du système de santé. Ce n'est pas très étonnant au fond : quand on avait fait une étude sur les impacts RH de l'IA pour l'institut Montaigne en 2019, on constatait déjà, on l'avait pronostiqué, que le champ de développement sans doute le plus rapide en termes d'impacts RH pour l'IA en santé serait les fonctions de back office. On y est. En août 2020, il y a une rupture massive et on fait toujours le même constat qu'il y a dix-huit mois qui est que ça reste un sous-objet du discours public et cela reste un sous-objet des stratégies d'accompagnement à la conduite du changement. Les choses évoluent aussi un petit peu, il y a des structures plus avancées que d'autres mais sur ces fonctions support, administration, logistique, transport malade, logistique médicotechnique, il y a un vrai plan de transformation massive qui est en cours avec évidemment des impacts RH possiblement très puissants.

Voilà un peu le tableau en résumé. C'est un tableau qui bouge. La fonction RH doit s'y adapter. Il y a des métiers nouveaux qui émergent qui sont ceux, cette fois, auxquels on pensait : data scientist, manager de données, l'évolution des métiers de l'information médicale, les métiers strictement nouveaux, ceux qu'on ne connaissait pas en tant que tel, apparaissent moins. Je pense qu'il va y avoir un champ de jobs nouveaux, de missions nouvelles autour de la garantie humaine de l'IA maintenant que le principe est reconnu, au croisement de la politique qualité et des fonctions de DPE. On va être sur des emplois de niche d'animation de fonctions. Il y a en tout cas un enjeu majeur d'accélérer l'accompagnement à la transformation RH du numérique et de l'IA en santé.

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Annexe 9 : QUESTIONNAIRE VIERGE PERSONNEL MEDICAL / PERSONNEL NON MEDICAL

Rappel des éléments contextuels :

· Mémoire RH Elisabeth Berthelot

· Sujet du mémoire :

Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle sur certains métiers dans le plan de développement des compétences des établissements de santé en France ?

· Public concerné : Jury de DRH ne connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle ni le secteur santé

La transcription de l'entretien sera annexée au mémoire. Elle peut être rendue anonyme.

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

12. Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

13. Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité ?

14. Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

15. Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ?

16. Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

17. Que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

18. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

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19. D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle ?

· A court terme

· A moyen terme

· Sur le long terme

20. On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Partie 2 : questionnaire spécifique métiers professionnels de santé

21. Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans les changements de votre métier liés aux nouvelles technologies et notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment ?

22. Comment souhaiteriez-vous être accompagné d'une manière générale ? Pour les changements liés directement ou directement à la mise en place de nouvelles technologies ?

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Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel

ENTREVUE Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL et cervico-faciale pédiatrique Hôpital Robert Debré (AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise Paré / cabinet libéral

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

Oui. J'ai travaillé et je travaille encore à l'assistance publique des hôpitaux de Paris, j'ai un cabinet libéral en ville, je travaille à l'hôpital américain et je travaille aussi en clinique. Ça fait 4 structures de soins différentes, qui ne fonctionnent pas de la même manière et qui n'ont les mêmes perspectives en termes d'activités et d'objectifs de soin finalement et pas les mêmes budgets non plus pour faire fonctionner toutes les structures.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité ?

Non, je ne peux pas changer plus et faire d'autres choses encore .

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

En médecine c'est essentiellement d'enrichir les connaissances et les pratiques, voir comment les autres travaillent et comment travailler les uns avec les autres. A l'hôpital on travaille plus par équipe alors que dans le privé on travaille plus chacun pour soi. Ça change quand même énormément les pratiques et les échanges entre les professionnels. Ça permet aussi, au-delà de sa spécialité, d'élargir le réseau et d'apprendre sur chaque spécialité ce qui peut aider aussi après à pouvoir fonctionner et travailler ensemble pour traiter une personne dans sa globalité et pas appareil par appareil.

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Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ?

En ORL probablement en partie, pas sur toutes les parties. En chirurgie je pense peu. En consultation peut-être, et encore, c'est assez limité. Je l'ai vu dans le cadre de la téléconsultation pendant le confinement. On n'est pas une spécialité qui est adaptée aux outils numériques, en tout cas actuellement. Pour certaines spécialités, ça marche pour la mienne, ça ne fonctionne pas.

Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Il y a la téléconsultation. En ORL, c'est limité ou alors il faudrait des outils où les gens puissent par exemple montrer l'intérieur d'une oreille. La bouche, on peut l'examiner. Une oreille, ce n'est pas possible. Il y a quand même de fortes limitations. Tout ce qui est tests auditifs et explorations physiologiques, on ne peut pas les faire non plus. Ce qui est le plus développé dans ma spécialité, c'est la chirurgie robotique. La chirurgie robotique, ce n'est pas vraiment de l'intelligence artificielle. C'est plus une aide à la pratique. C'est de la belle technologie mais il y a quand même aujourd'hui encore besoin de l'humain derrière qui fait fonctionner le robot. Ce n'est pas une intelligence artificielle autonome.

Que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

C'est surtout utilisé en radiologie où il y a des logiciels qui, avec les images, sont capables de faire des diagnostics radiologiques. C'est de la vraie autonomie. Certains sont en train de créer des robots qui peuvent analyser les images aussi bien, a priori, qu'un radiologue même si pour le moment il y a quand même une relecture humaine. Concernant l'analyse d'images établies en ORL, la question c'est qui fait la radiologie ?

· Si on parle de fibroscopie ou d'examen un peu invasif - on passe quand même des caméras dans le nez et dans la gorge et ça je ne vois pas un robot le faire - la lecture seule des images pourrait être analysée auquel cas il faut que les examens soient tous faits de la même manière. Par exemple de commencer par la fosse nasale droite puis par la fosse nasale gauche, qu'il y ait une sorte de systématisation. Je ne suis pas sûre que la machine puisse s'adapter si tu commences un coup à droite, un coup à gauche. C'est peut-être possible mais cela me semble un peu compliqué.

·

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Si on parle d'analyse d'images de tympan, oui peut-être parce que c'est une image fixe. On te dit otite, pas otite, poche de rétraction ou pas... concernant certaines pathologies cela peut être possible. Encore une fois, qui va prendre l'image, c'est plus l'accès à l'image. Aujourd'hui c'est l'ORL qui le fait. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une machine qui le fasse. Déjà c'est tout bête mais il ne faut pas qu'il y ait de bouchon de cérumen. Qui retire le bouchon pour voir le tympan derrière quand l'accès est bloqué. Dans ma spécialité, c'est un peu plus limité que dans d'autres spécialités qui ont plus besoin de radiologie pure où là les diagnostics sont faits plus rapidement ou le cardiologue pour des analyses de battement cardiaque, d'enregistrements d'électrocardiogrammes parce que ce n'est pas invasif. C'est le côté invasif qui pose des limites à l'intelligence artificielle. Peut-être qu'on y arrivera mais aujourd'hui cela me semble compliqué.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

Pour les diagnostics simples c'est un gain de temps et cela permet de se concentrer sur des choses plus compliquées. Si l'intelligence artificielle est formatée pour rentrer dans des cases, avec des arbres décisionnels parfois cela ne rentre pas dans les cases. Est-ce que l'intelligence artificielle sera capable de mettre tout bout à bout et de sortir un diagnostic cohérent si cela ne rentre pas dans les cases ? Il y a un problème que je trouve important, qui est le même que pour la téléconsultation, c'est le cadre éthique et juridique. Qui est responsable ? On n'est pas en usine où si on se trompe sur une pièce ou si c'est défectueux on change. Si tu te trompes de diagnostic ou si tu donnes un mauvais traitement, ou s'il y a des effets secondaires importants, qui est responsable ? Ce ne sera pas l'intelligence artificielle. C'est plus le côté éthique et responsabilités qui est assez flou. Je ne sais pas si c'est déjà défini. Qui est responsable en cas d'erreur ? Les fabricants de machine se dédouaneront forcément sur celui qui a utilisé l'intelligence artificielle. Il faut que ce soit déterminé dans un cadre strict : vers qui se tourner quand il y a un problème ou un bug. L'humain fait des erreurs donc la machine en fera aussi après à quel degré ? Ce ne sera certainement pas pire que l'humain mais pas mieux non plus. On verra.

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D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle ? A court terme, moyen et sur le long terme.

A court terme, plus de communication. Je trouve qu'il n'y en a pas ou alors je ne me documente pas bien. Je trouve que ce n'est pas très facile de trouver des articles sur ce sujet. A l'hôpital, il n'y en a pas trop mis à part le robot, que ce soit à l'assistance publique ou à l'américain.

A moyen terme, ce sera de faire des conférences, qu'il y ait vraiment des formations faites sur le sujet. Dans nos formations médicales continues, ce n'est jamais proposé. En tout cas pas encore aujourd'hui. C'est plus sur les termes pratiques, sur de la clinique pure. Il y a également des formations de robotique. J'ai fait une formation de robotique mais il faut aller la chercher. Il faut faire un DU en plus. Ce sont les fabricants du robot qui te forment. Au niveau du conseil de l'ordre, ce n'est pas des choses qu'ils proposent facilement. Ce n'est pas bien rentré dans les formations.

Sur le long terme il faut des formations pratiques et juridiques dispensées par des professionnels. C'est bien gentil du côté des fabricants, ils ont une idée du comment ça fonctionne mais il faut toujours que ce soit mis en pratique et voir les problèmes que cela pose au quotidien, la facilité d'utilisation, le rendu du diagnostic, etc. Par exemple, même si ce n'est pas vraiment de l'intelligence artificielle, je ne faisais pas du tout de téléconsultations. Tout disait que c'était super mais ça a vraiment ses limites. Pour s'y former on est un peu lâché dedans alors l'intelligence artificielle ça risque d'être un sacré carnage.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

Tout ce qui est rigueur et professionnalisme, on peut l'inculquer à une machine. Il n'y a pas plus carré à faire. Après dans le domaine de la médecine, ce qui manquera toujours c'est ce que les gens demandent : de l'empathie et de l'écoute. C'est le côté humain. Les gens aiment bien, quand on les a en consultation, qu'on prenne le temps de les écouter et qu'on interagisse avec eux. Après je ne sais pas si l'intelligence artificielle pourra remplacer ce côté humain de

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la médecine et de l'échange. Je trouve que c'est la limite. Sur tout ce qui est diagnostic et rigueur, si cela rentre dans des cases, la machine peut faire aussi bien que l'humain. C'est le côté humain et empathie qui manquent.

En quoi cela me parait possible ? Possible, je ne sais pas. Je pense que c'est plus une aide au diagnostic, un outil complémentaire qu'un remplacement d'actes ou de spécialités. L'intelligence artificielle on doit pouvoir s'appuyer dessus pour aider à progresser, pour être meilleur en diagnostic ou en résolution de problème ou de chirurgie mais vraiment comme une aide. Il ne faut pas que ça remplace ce qui existe déjà.

Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans les changements de votre métier liés aux nouvelles technologies et notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment ?

Non, pas d'accompagnement. C'est non, c'est très clair.

Comment souhaiteriez-vous être accompagné d'une manière générale ? Pour les changements liés directement ou directement à la mise en place de nouvelles technologies ?

Surtout par des formations. Qu'on soit au courant de formations qui existent, des diverses opportunités : des projets en cours de façon générale et par spécialité. C'est surtout notre spécialité qui nous intéresse plus que l'intelligence artificielle en général. Les radiologues sont les plus avancés en termes de lecture et de diagnostic. Dans les autres spécialités, je ne vois pas ou je n'en ai pas connaissance. Aucune information sur ce sujet n'est donnée, que ce soit à l'AP-HP, à l'Américain, à la clinique ou au travers de l'activité en libéral. On a des informations dans les journaux scientifiques en étant abonné mais comme je ne reçois et ne lis essentiellement que de l'ORL, les seules nouveautés sont sur la chirurgie robotique.

Concernant les outils d'aide à la décision, j'aimerais bien voir et comparer, faire mon diagnostic et voir l'intelligence artificielle te fait penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas pensé parce que tu ne l'as jamais vu ou jamais rencontré dans ta pratique.

En médecine on a l'habitude de s'adapter tout le temps dans nos pratiques.

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Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine

ENTREVUE PAULINE CUISINE, Infirmière, Centre Médico-Psychologique de Villefontaine, Établissement de Santé Mentale « Portes de l'Isère » (Établissement de santé privé d'intérêt collectif)

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

Avez-vous déjà changé de contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?

Oui. J'ai changé de contexte professionnel. J'ai changé trois fois de métier dans le privé, dans le marketing. Ensuite dans le soin, j'ai travaillé à l'hôpital, en pédopsychiatrie, en libéral, en addictologie, en précarité et en psychiatrie.

Si non, êtes-vous prêt à changer d'établissement ou à passer par un détachement hors de votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels et ainsi pérenniser votre employabilité ?

Oui, je suis très pour le changement. C'est même quelque chose qu'on nous a appris à l'école. Le burn-out professionnel existe dans le soin, comme partout, et au lieu d'attendre, il faut changer. L'avantage de mon métier c'est qu'il y a de nombreuses possibilités différentes. Infirmière, c'est très résumé par rapport à tout ce qu'on fait, à tous les métiers qu'il y a derrière. Le changement ne me fait pas peur. J'ai changé plusieurs fois de structure entre l'hôpital, l'associatif, le privé à but non lucratif, le libéral et je le referai.

Quels sont selon vous les bénéfices des changements de contexte professionnel ?

Les bénéfices des changements sont la remise en question, étoffer son réseau, changer de pratique, améliorer sa qualité de soin, éviter la routine.

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Selon-vous, votre métier est-il amené à changer dans les prochaines années ?

Je suis infirmière en santé mentale, c'est particulier. Oui le métier va changer et grâce aux soignants. L'année prochaine, je vais peut-être devenir infirmière zoothérapeute. Il existe une formation de 10 jours qui coûte 1900€ qui est uniquement ouverte aux soignants et aux praticiens du social à l'institut français de zoothérapie. C'est un métier à double compétences.

Quels sont les changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?

Je ne sais pas. J'utilise peu les nouvelles technologies dans mon travail. On nous parle en formation d'applications pour les patients mais je ne connais pas aujourd'hui ce qui existe.

Avec le dossier patient informatisé, le changement, ce serait que cela fonctionne correctement. Le changement qu'il faudrait faire, ce serait d'impliquer les soignants dans le projet de structuration de l'outil. Je l'utilise depuis peu de temps pour des évaluations. Il y a un questionnaire qui s'appelle risque/urgence/danger par rapport au risque suicidaire et je me fais un point d'honneur à le faire car il est possible que je devienne référente sur ce sujet. Ce questionnaire n'est aujourd'hui pas du tout adapté. Il faut répondre oui ou non comme si c'était aussi facile. C'est très manichéen. A chaque question, les patients me répondent ça dépend. Les changements à envisager seraient d'impliquer les gens dont c'est le métier d'avoir des patients dans la construction de l'arborescence des outils. Aujourd'hui, on utilise des logiciels qui sont faits par des informaticiens pour qui les patients sont des numéros.

Un autre changement à envisager, c'est de former les gens qui les utilisent parce que je n'ai jamais été formée à l'outil. On m'a balancée en me disant : tu travailles sur cariatides. Je l'utilise à 4% de ses capacités parce que je ne fais que bidouiller avec. Je n'ai jamais eu de formation. Le changement à envisager c'est former et dégager du temps pour pouvoir faire ça. Ça prend beaucoup de temps d'utiliser les outils informatiques en soin. Si aujourd'hui je reçois mon patient pendant une heure, ensuite je dois retranscrire ce qu'il s'est passé sur l'ordinateur donc j'ai au moins une demi-heure en plus pour utiliser l'outil.

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Que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

Rien.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

L'intelligence artificielle je ne sais pas. Les nouvelles technologies l'impact négatif aujourd'hui c'est le temps que ça prend et le fait que ce ne soit pas adapté car ce sont des cases à cocher et qu'on traite de l'humain. L'impact positif, si on prend les applications d'éducation thérapeutique pour les patients, c'est que ça permet au patient de s'autonomiser. En psychiatrie, il y plein d'applications qui existe sur : c'est quoi ma maladie, c'est quoi mon traitement, ce que je dois faire si tout à coup je me mets à entendre, des voix avec des arborescences de prise de décision. A priori ce sont de supers outils. Je n'ai encore jamais rencontré de patient qui les utilisent. En tout cas cela permet au patient de s'autonomiser dans ses soins. C'est ce qu'on se souhaite dans la mesure où il n'y a plus d'argent dans la santé. On souhaite qu'ils puissent se soigner eux-mêmes.

D'après vous, quelles sont les actions à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus spécifiquement à l'intelligence artificielle ?

A court terme

A moyen terme

Sur le long terme

En plus d'investir les soignants dans la mise en place des outils, ce serait d'impliquer aussi les patients. Pour anticiper les bonnes mises en oeuvre, il faut prendre du temps, rencontrer des soignants et des patients et construire les choses ensemble. Imposer de manière verticale, ça ne fonctionne pas aujourd'hui. Ce serait de mettre en place des comités de pilotage et des comités de projet par outil en expliquant le but de l'outil avec un soignant, un patient, informaticien et un rh par exemple et de travailler ensemble. Ensuite, on met en place des formations de l'outil pour tous en expliquant ce à quoi ça sert, d'où ça vient et on la fait tester avec une évaluation à trois mois pour voir si cela fonctionne.

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Il pourrait y avoir des communications faites sur le projet en amont mais la réalité du métier c'est qu'on n'a pas le temps. On n'a pas d'espace de veille. Je vois quinze patients par jour et je n'ai pas le temps. Aujourd'hui sur mon propre projet je me dégage un peu de temps mais pas assez. Clairement un paramédical aujourd'hui n'a pas le temps de se tenir informé donc si je reçois un email qui dit : « on en est là du COPIL », clairement je ne le lirai pas. Pour la communication, ça pourrait passer par le cadre en réunion ou même de manière informelle. On est très dans l'informel en psychiatrie. Il y a des mémoires qui sont écrits sur les temps informels en psychiatrie, que ce soit avec les institutionnels, entre professionnels et avec les patients. Il très important.

On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la décision ?

L'intelligence émotionnelle ! Savoir identifier les émotions chez quelqu'un, de quelle émotion il s'agit, ce que la personne ressent dans son corps et ce à quoi je pense. Ça me permettrait d'être plus pertinente dans mon activité, aujourd'hui je ne gère que les émotions des gens. Après, une machine peut-elle comprendre ce qui se passe dans un le corps d'un patient puisqu'elle n'en a pas et comment peut-elle l'analyser ? C'est un débat philosophique.

Partie 2 : questionnaire spécifique métiers professionnels de santé

Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans les changements de votre métier liés aux nouvelles technologies et notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment ?

Non, je ne suis même pas accompagnée sur le logiciel que j'utilise. Ça n'a jamais été le cas, ni à l'hôpital, ni ailleurs. L'accompagnement c'est : « il y a un outil, tu te débrouilles, tu l'utilises. » A l'hôpital il y a les logiciels de patient informatisé et d'événement indésirable quand il arrive un problème et que l'information va directement à la direction. C'est une tannée : tu n'es pas formé, c'est un outil machine à gaz qui te demande un code que tu n'as jamais. En revanche on voit tout de suite que cela monte à la direction parce qu'en général on a une

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réponse dans les vingt-quatre heures. C'est bien mais encore une fois on n'est pas formé. A l'hôpital les autres ne voulaient pas le faire. J'étais une des rares à le faire. Je pars du principe que si on ne dit pas que ça ne va pas on n'aura jamais de personnes en plus ou de meilleurs outils.

Comment souhaiteriez-vous être accompagné d'une manière générale ? Pour les changements liés directement ou indirectement à la mise en place de nouvelles technologies ?

Je suis très formation. Aujourd'hui pour moi RH ça ne sert qu'à une chose c'est d'être un interlocuteur de formation parce qu'on a besoin de formations tout le temps. La RH nous a récemment avoué qu'elle attribuait les formations avec un tableau Excel avec des prix. Ça a pour conséquence que quand une infirmière est dans l'unité depuis 4 ans et qu'elle demande à faire une formation en médiation cognitive, la responsable des ressources humaines refuse à cause du coût que cela représente alors que l'unité veut faire de la médiation cognitive. Elle a conscience que l'outil qu'elle utilise n'est pas adapté.

La formation c'est de la communication car c'est du temps dégagé pour prendre du recul, pour se parler entre professionnels, interroger les professionnels qui souhaitent te faire utiliser un nouvel outil. Et il faut aller en formation à plusieurs et ne pas être un seul référent d'une unité à aller en formation. Ça crée des liens et des débats pour permettre d'être porte-paroles dans son institution. Sur l'intelligence artificielle par exemple, ce serait se poser une demi-journée ou une journée avec un professionnel qui explique ce qu'est l'intelligence artificielle, comment l'appliquer, comment la mettre en perspective dans les établissements avec des exemples concrets et des témoignages. La communication doit être orale. L'écrit, on n'a pas le temps.

On fonctionne déjà avec des référents. Il y a une référente pour le logiciel Cariatides mais qui n'est pas suffisamment impliquée. Je vais moi-même être référente comme évoqué sur le questionnaire tentative de suicide. Un protocole autour de ce questionnaire a été créé par le service qualité après un suicide mais personne ne nous a expliqué ce que c'était, comment l'utiliser et l'outil n'est, encore une fois, pas adapté. Comme j'ai une formation suicide en octobre j'ai proposé à ma cadre d'être référente dessus et de communiquer dessus quand l'outil sera adéquat.

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Je fais des demandes de formation tout le temps parce que c'est le seul moment où je peux m'arrêter, réfléchir et rencontrer des gens. Ça permet de discuter sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas d'une manière générale. En dehors de ça on travaille sans s'arrêter.

Il n'y a pas longtemps on a eu une formation d'une et demi par un cadre sup sur l'espoir. Ça, dans ma profession, c'est important. Il y a un truc qui m'énerve chez les infirmiers c'est qu'ils râlent et ne sont jamais contents, parce qu'effectivement on a de mauvaises conditions de travail et qu'on n'est pas bien payé. Alors cette formation m'a fait un bien fou. Les histoires des patients sont horribles, on a de mauvaises conditions de travail, on est mal payé, on a très peu de formation et ce type de formation peut être un vrai levier au changement. Le changement c'est d'arrêter de râler et de trainer des pieds et à aller toquer aux bonnes portes et bouger pour faire de son métier quelque chose d'agréable à défaut d'avoir un bon salaire.

On est quand même une profession super adaptable. Si on ne s'adapte pas on meurt et pourtant la résistance au changement c'est abominable dans les métiers paramédicaux. Il y a tellement de gens qui disent : « il ne faut pas changer c'était mieux avant », même des infirmières de 45 ans. Il y a un blocage sur les technologies parce qu'on travaille dans l'humain et que ce n'est pas humain. On souffre de la déshumanisation des institutions. C'est pour ça qu'on va dans la rue. Parce que c'est déshumanisé et qu'on nous méprise. Aujourd'hui, je ne peux pas contacter ma DRH. Je n'ai pas le droit d'appeler ou d'envoyer un email à ma DRH. C'est interdit. Si je le fais j'ai un avertissement. Avant on pouvait passer la porte du DRH, dire bonjour et lui demander un CET par exemple. Maintenant il y a :

1/ Une cadre de proximité 2/ Un cadre sup

3/ Une directrice des soins 4/ La DRH

5/ La direction générale

J'ai une collègue qui au lieu de passer par la cadre de proximité a envoyé sa lettre à la directrice des soins et qui s'est pris un blâme pour ça. Elle a dû faire une lettre d'excuse à la cadre pour lui dire qu'elle était désolée de ne pas être passé par elle. Quand on en est là, on est bien... ça me choque beaucoup de ne pas pouvoir contacter la DRH, d'autant qu'on n'est pas chez Google, on est une fondation locale, on est 50. Il y a trop de strates. Ça déshumanise. On parlait tout à l'heure de communication, pour communiquer tu ne mets pas 15 personnes au-dessus de toi et le même nombre de strates pour des demandes simples. Ça donne l'impression que le but est qu'il n'y ait justement pas de communication.

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Annexe 12 : QUESTIONNAIRE VIERGE COACHS ET PROFESSIONNELS ACCOMPAGNEMENT / CONDUITE DU CHANGEMENT

Rappel des éléments contextuels :

· Mémoire RH Elisabeth Berthelot

· Sujet du mémoire :

Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle sur certains métiers dans le plan de développement des compétences des établissements de santé en France ?

· Public concerné : Jury de DRH ne connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle ni le secteur santé

La transcription de l'entretien sera annexée au mémoire. Elle peut être rendue anonyme.

23. Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long terme dans le cadre des changements à venir liés à l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés d'intelligence artificielle ?

24. Quelles adaptations suggérez-vous suivant les familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel administratif ?

25. Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre ? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres ?

26. Le type de structure et les enjeux que représente l'hôpital nécessitent-ils des aménagements spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement ?

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Annexe 13 : Interview professionnel accompagnement Marie-Pier Levesque

QUESTIONNAIRE MEMOIRE Marie-Pier Levesque, Consultante changement, conflits, leadership, performance grandes entreprises et services publics au Québec, en France et en Suisse

Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long terme dans le cadre des changements à venir liés à l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés d'intelligence artificielle ?

L'accompagnement d'un changement de type technologique, c'est le même type d'accompagnement que d'autres changements. Je pense qu'il y a des règles et des pistes à suivre qui sont les mêmes. L'intérêt de celui-là c'est qu'on est sur un changement qui doit être développé avant d'être implanté. Parfois il y a des changements que tu dois implanter comme une nouvelle réglementation ou un nouvel outil et il faut juste procéder à la gestion du changement pour l'implanter. Ce qui est intéressant ici c'est que la gestion du changement peut commencer au moment du développement des outils. On peut faire participer beaucoup plus de gens, avoir des démarches beaucoup plus innovatrices, qui peuvent être beaucoup plus créatives et c'est beaucoup plus emballant de développer ce type de changement-là que des changements qui sont déjà prédéterminés.

Si on commençait au tout début, dans les principes de conduite du changement, il faut penser à de l'information, à de la formation, à de la rétro information, à des groupes de travail, à déléguer des décisions, etc. Il y a beaucoup de canaux qu'on peut utiliser pour accompagner le changement. Dans un hôpital par exemple la première chose à faire serait d'essayer de faire un tour des experts et de voir exactement ce qui existe, ce qui est envisageable, quel créneau est le plus intéressant pour l'hôpital parmi tout ce qui existe et de déterminer des orientations : se dire par exemple que dans tout ce qui existe on pourrait se spécialiser dans les patchs, les pilules interactives, la physiothérapie, choisir une orientation.

A partir de ça, commencer à mobiliser les gens ou à les impliquer dans des projets pour ensuite faire des sites pilotes, se connecter avec des acteurs externes, avec la recherche et impliquer le plus de gens possibles. Ça ferait un projet qui serait innovateur choisi par l'institution, porté par des participants volontaires. Alors le projet serait sans résistance parce qu'il est pris dès

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le départ, les gens peuvent choisir dans quoi aller et comment le développer. Plus tu peux donner de marge de manoeuvre, plus c'est intéressant et le moins tu as de résistance.

En contrepartie, s'il y a une crise qui arrive, le projet risque d'être mis de côté. De même s'il y a un changement informatique plus urgent. Ce sont des projets qui peuvent vite tomber dans l'inertie car il y a moins de pression que quand on a un changement urgent. La Covid en revanche demandait à ce qu'on développe beaucoup de solutions à distance, de télémédecine et il y avait peut-être aussi du temps qui était dégagé pour de la recherche. C'est devenu une opportunité pour développer ce genre de projet.

Le reste de ce que je suggérerais sont des choses assez traditionnelles : faire des choix, faire un groupe de travail pour faire des choix, chercher des gens pour aller dans un groupe de recherche, on fait plusieurs groupes, on met en place des moments où ils peuvent échanger ensemble, on fait des expériences. On peut aller vers une stratégie de foyer contaminant qui commence et puis quand ça marche d'autres groupes se joignent. Tout du long il doit y avoir beaucoup d'information. Il faut que personne dans l'entreprise, même ceux qui ne sont pas impliqués, ne puisse avoir l'impression d'être pris par surprise. Comme il y a beaucoup d'informations, on peut inventer un journal sur le projet ou s'il y en a déjà un une rubrique spécifique qui parle de ce projet régulièrement et que tout le monde progresse, même ceux qui n'y participent pas.

Ensuite il faut réfléchir à comment ça va changer l'avenir et si tu veux une organisation agile, c'est bien que régulièrement les équipes fassent des moments de réflexion pour voir comment toutes ces nouvelles technologies vont changer l'avenir, d'où on vient, vers quoi on pourrait aller, quels seraient les différents scenarii. Il y a beaucoup de choses à faire de ce côté-là.

Pour ceux qui sont déjà dans le changement et des expériences, c'est important qu'il y ait des mécanismes qui soient suivis, qu'il y ait du feed-back, qu'on voit comment évoluent les choses. On doit leur donner des objectifs et vérifier s'ils les atteignent, si les choses se passent bien, quels problèmes ça crée, c'est quoi les interférences avec les autres systèmes, ce qu'il faut corriger, est-ce que ces personnes ont du plaisir, pas de plaisir, qu'est-ce qu'ils recommandent, le temps qu'ils ont à disposition ou au contraire qu'ils n'ont plus pour faire le reste du travail. Ce sont des mécanismes de feed-back. Les mécanismes de feed-back ça peut être surveiller l'information de gestion, ça peut être d'avoir des sondages, ça peut être également d'aller voir au niveau des erreurs, la qualité, les atteintes d'objectifs.

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Il peut y avoir du benchmarking qu'on peut mettre en place avec d'autres organisations qui font des projets semblables.

Quelles adaptations suggérez-vous suivant les familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel administratif ?

Dans les résistances, la première résistance est celle qui est liée au sens et à la pertinence.

Les médecins voient tout de suite l'impact pour les patients et pour eux aussi. Ça c'est la deuxième résistance : ce que je gagne ou je perds. Pour eux c'est assez évident que ces changements sont intéressants.

Pour les professions paramédicales, dans la mesure où si on leur explique que si c'est bon pour les patients ils vont finir par l'accepter il faut quand même leur montrer les gains qu'il y a de leur côté. Il y en a moins que pour les médecins. Ça prend plus d'efforts pour les persuader mais on peut trouver d'autres gains qu'on peut leur apporter en parallèle pour que ce soit plus attrayant pour eux.

Pour le personnel administratif la pertinence est encore plus difficile à comprendre parce qu'ils s'identifient moins au patient. C'est plus difficile de trouver du sens et ils n'y gagnent probablement rien ! Il faut s'interroger sur ce qu'ils pourraient gagner, comment ils pourraient être soulagés dans ce qu'on trouve dans les logiciels, qu'est-ce qui facilite leur travail, est-ce que ça leur permet d'avoir un travail un peu plus varié, être plus polyvalent, est-ce qu'ils peuvent se remplacer plus facilement. A un moment il va peut-être falloir décider de passer en force mais il faut aussi calculer ce que va coûter ce passage en force : est-ce qu'ils vont faire de la résistance, est-ce qu'ils vont travailler moins bien, quelle importance accorde-t-il au fait d'adhérer à ce changement ? C'est un calcul entre l'effort et les retombées.

Pour les impliquer je vois surtout la piste de beaucoup d'explications, de leur parler avec intelligence de quelle est leur contribution dans l'avenir de l'institution pour qu'ils sentent bien qu'ils font partie de l'établissement et de ces nouveaux projets et non pas qu'ils sont là juste pour soutenir ceux qui mènent ces projets. Il faut aussi idéalement leur trouver des avantages à eux dans tous ces projets et peut-être leur donner des compensations. Est-ce que ce ne serait pas le bon moment pour leur donner ce qu'ils demandent depuis longtemps, par exemple des bureaux un peu plus agréables, du meilleur matériel, des bureaux communs, un

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local de pause plus agréable ? Il faut s'interroger sur ce qu'on pourrait leur donner pour que l'effort soit récompensé.

Et est-ce qu'ils peuvent participer dans l'élaboration du projet ? Peut-on les mettre dans des groupes de travail pour donner leur avis ? C'est peut-être difficile sur l'élaboration mais sur l'impact administratif, le choix du logiciel et comment les adapter, il y a moyen de les impliquer d'une manière ou d'une autre. Quand on les fait participer ils sont toujours plus partie prenante. S'ils ne sont pas d'accord ils pourront le dire et on pourra chercher des solutions. Essayer de voir comment les impliquer dans le développement du projet à leur niveau et les informer en continue.

Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre ? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres ?

Les techniques habituelles que je viens de mentionner sont très bien. Encore une fois l'avantage ici c'est de pouvoir vraiment commencer en amont, d'intéresser tout le monde ensemble, que tout le monde sache où on en est, quelles sont les orientations possibles, ce vers quoi on pourrait aller, choisir ensemble l'orientation à partir de différents projets et de différents niveaux et que ce soit décliné jusqu'au personnel administratif. Il s'agit de construire quelque chose ensemble. Ça me parait l'idéal. Il y a quand même beaucoup de projets potentiels dans tout cet univers des technologies.

Une des choses qu'on peut mettre sur pied dans les petites structures, c'est créer des relais d'information qui vont vraiment jusque dans toutes les strates de l'organisation, chercher les états d'esprit, les suggestions, faire remonter ça jusqu'à un groupe de pilotage, prendre des idées à partir du groupe de pilotage, les faire redescendre à la base, les valider. Il faut s'appuyer sur des cadres ou des personnes qui ont du leadership pour aller chercher des idées et les faire circuler, qu'elles fassent des allers-retours dans les étages, faire remonter des idées et les valider. Ça dans les hôpitaux, ça m'a toujours semblé assez porteur. On travaille toujours en vase clos : c'est l'informatique qui va développer quelque chose, qui va envoyer son projet et les cadres vont devoir le mettre en place alors qu'ils n'ont pas été impliqués avant. Ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et ça devient difficile dans l'implantation du changement. A l'hôpital on devrait procéder un peu plus à l'utilisation de ces relais par la hiérarchie ou par des employés qui ont du leadership dans des groupes de travail.

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Après, il y a la stratégie des foyers contaminants. Quand un groupe se lance dans un projet, tu fais beaucoup de publicité autour, ça intéresse tout le monde et normalement ça attirera un autre groupe qui voudra aussi le mettre en place. C'est une approche de conduite de changement qui se fait assez par volontariat. Il faut avoir du temps pour le faire, il ne faut pas être trop pressé. S'il y a plusieurs petits comme dans plusieurs départements de médecine, chacun avec un projet différent, on peut aussi créer une émulation entre les différents services et ça peut générer beaucoup de motivation chez les collaborateurs. S'ils sentent qu'ils sont impliqués dans un projet, qu'il faut avancer et qu'ils savent qu'il y en a d'autres qui sont dans un autre projet, qu'il y en a trois, quatre ou plus qui sont intégrés dans l'hôpital ça donne vraiment une impression que l'organisation apprend, qu'elle se développe, qu'elle a une vision, qu'elle va vers quelque part.

Le type de structure et les enjeux que représente l'hôpital nécessitent-ils des aménagements spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement ?

Je travaille surtout dans de très gros hôpitaux et ce que je voie beaucoup c'était des projets développés en vase clos par une entité comme la direction des ressources humaines, l'informatique, la pharmacie, le laboratoire, ... Ils développent des choses en vase clos sans consulter, sans informer, et le jour où ils sortent ça comme un projet les gens ne sont pas prêts et on a des résistances alors que si on avait de la gestion du changement en même temps qu'on développait le projet, il n'y aurait pas toute cette résistance. Je vois beaucoup ça dans les hôpitaux. Tout le monde est pris dans son truc et tout à coup il y en a un qui arrive avec un projet tout ficelé prêt à être implanté dans une unité mais l'unité n'a pas de place, le cadre n'en peut plus de négocier. On donne un objectif, une date, un budget et il faut que ça passe. C'est ce que je déplore dans le monde hospitalier : beaucoup de travail en vase clos qui rendent les choses difficiles.

EB : le fait que cela soit un patient en bout de ligne et non un produit ou un client nécessite-t-il des ajustements spécifiques ?

Le patient a de l'impact mais pas tant que ça. Le patient n'est pas le même d'une unité à l'autre. La pédiatrie, la gériatrie et la chirurgie n'ont pas la même mission ou les mêmes patients. Il y a des nombreuses chapelles entre les unités, les corps d'emploi, les spécialités. S'il pouvait y avoir un projet unificateur, pas juste pour la chirurgie de la hanche, pas juste pour la pharmacie mais qui réunisse plusieurs chapelles, plusieurs services et plusieurs professions

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ça pourrait être assez porteur d'une collaboration intéressante. Chacun peut avoir son propre projet mais il faudrait que chacun soit lié dans un projet plus global ou qu'ils aient plus de visibilité. J'appellerais ça des projets levier qui permettrait à l'hôpital de dire : « ça a réussi, ça a été intéressant, tout le monde s'est mobilisé. Vite on en veut un autre ! ». Le premier projet qui va passer, il faut que ce soit un projet levier. Il faut qu'il soit intéressant, il faut qu'il y ait des ressources, beaucoup de gens impliqués pour être sûr que ce soit un succès. Il faut qu'il donne une renommée à l'hôpital et à ceux qui auront travaillé dessus. En bout de ligne ça va être un moteur pour ceux qui suivraient. Je ne sais pas si c'est réaliste, je parle de façon tout à fait abstraite quand je dis ça.

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Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement Jérôme Carfantan ENTREVUE Jérôme Carfantan, Auteur, conférencier et Coach Agile

Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long terme dans le cadre des changements à venir liés à l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés d'intelligence artificielle ?

Quand je suis en accompagnement agilité, j'essaie de d'abord de comprendre la culture de l'organisation et si cette culture est propice à mettre en place des façons de travailler un peu différentes. Si la culture n'est pas propice, il faut aller au plus haut niveau de la hiérarchie pour essayer de comprendre pourquoi cette culture traditionnelle à la hiérarchie très marquée et au contrôle très fort est en place et essayer de coacher à ce niveau-là, au niveau hiérarchique le plus haut pour faire comprendre qu'il y a d'autres façons de faire et faire comprendre que pour que ces autres façons de faire soient diffusées, il faut avant tout être exemplaire sur ces sujets-là. Quand on ne montre pas l'exemple : si tout le monde te vouvoie, si tout le monde se met au garde-à-vous quand tu arrives dans un bureau, si tu montres cette exemple-là, toute ta garde rapprochée va montrer cet exemple-là et diffuser cette culture au sein de l'organisation.

L'agilité, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas un terrain propice à cette culture de l'agilité. La culture de l'agilité c'est l'entraide, le partage, l'exemplarité, l'intelligence collective. Qui dit intelligence collective dit on se fait confiance. On valide cette confiance par du feed-back régulier. Ça c'est la culture, en quelques secondes, de l'agilité. Si le terreau culturel de la structure n'est pas en ligne avec ça, on a un problème. Traiter ce problème c'est faire du coaching de dirigeant, je ne vois que ça. Tout le monde ne le fait pas. Moi-même je ne le fais pas systématiquement. Si ce sont de petites organisations, je peux le faire. Quand ce sont de grosses structures, je n'ai peut-être pas le carnet d'adresse suffisant pour le faire. A terme, j'arriverai peut-être y accéder. Le premier sujet, c'est donc valider la culture et ce n'est pas le cas dans le milieu médical. C'est peut-être par là qu'il faut commencer. Ensuite on peut commencer à diffuser les pratiques.

En général on commence par un projet pilote. Il ne faut pas qu'il soit trop simple ni trop confidentiel, suffisamment visible, que le dirigeant le connaisse et sur lequel il ait envie de communiquer. Il ne faut pas que cela soit trop compliqué non plus parce que si ça ne fonctionne pas on pointera notre méthode comme étant la cause de l'échec. Si c'est trop

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simple on dira que de toute façon c'était tellement simple que quelle que soit la méthode cela aura fonctionné. Il faut donc trouver le bon projet pilote.

Ensuite, il faut trouver au sein de l'organisation les personnes qui sont volontaires pour changer de façon de travailler. On ne travaille pas avec celui qui n'a pas envie. Pour un projet pilote, on est sûr de se planter. Une fois identifiées ces personnes et le projet pilote, on communique avec eux sur la nouvelle façon de travailler. Une fois que le projet a réussi. On communique de manière plus globale sur la réussite du projet. Il faut faire attention à ce qu'on entend par réussite d'un projet. En termes d'agilité ce n'est pas : « ok je suis dans mon budget, dans mes délais dans le périmètre que j'avais imaginé. » mais plutôt est-ce que l'utilisateur final du produit qu'on a sorti est satisfait par rapport à ce qu'on lui a délivré comme outil ou comme service. S'il y a une vraie satisfaction en face, c'est une réussite. Si c'est une réussite, tu communiques sur cette réussite en montrant que l'utilisateur ou ton client est content.

Une fois que tu as fait ça tu vas essayer par capillarité ou par effet virale essayer de le diffuser. Cela peut prendre du temps. Cela va dépendre de la taille de la structure dans laquelle tu arrives et de sa culture. Tu vas également suivre ce changement de façon agile. Tous les deux mois par exemple tu vas faire des rituels pour essayer d'identifier où tu en es, si tu dois pivoter, si tu vas dans le bon sens, si on a choisi les bons projets. J'essaie de synthétiser au maximum ce qu'on peut faire quand on est dans une dynamique d'accompagnement au changement agile.

Le type de structure et les enjeux que représente l'hôpital nécessitent-ils des aménagements spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement ?

Concernant la dimension structurelle de création d'une direction commune (il parle des groupements hospitaliers de territoire), cela peut être contradictoire avec l'agilité. L'agilité c'est aller vite dans les décisions et parfois, faire appel à un centre d'achat qui ne va pas prendre ta demande en priorité ou ne pas acheter le produit exact que tu avais demandé parce qu'il a trouvé moins cher, ça ne correspond pas. Vouloir regrouper, cela part toujours d'une bonne intention d'un point de vue budgétaire mais souvent cela amène à une perte de qualité, une perte de temps voire une perte de sens. L'aspect structurel est aussi important. Il est parfois compliqué d'obtenir de simples post-it ou un PC pour travailler avec un service achat centralisé avec des process dans tous les sens pour tout. C'est plus facile à mettre en place dans des petits établissements. Il faut peut-être commencer par ça : montrer que ça peut fonctionner

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dans un petit établissement et après essayer de diffuser cela sur des établissements un peu plus conséquents. L'agilité il ne faut pas vouloir commencer gros tout de suite. L'idée c'est d'avoir du feed back et pour avoir du feed back il faut commencer petit, apprendre de ce qu'on voit sur le terrain et en fonction on ajuste. On ne vient pas avec des méthodes toutes faites. Il y a plein de méthodes mais ce sont des méthodes qui s'adaptent, qui s'ajustent au contexte.

Quelles adaptations suggérez-vous suivant les familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel administratif ?

Ça ne va pas être le métier qui va déterminer l'accompagnement. En revanche, derrière un métier, il y a une culture avec des niveaux de hiérarchie plus ou moins marqués. C'est la culture qui drive la façon d'aborder l'accompagnement. Les médecins ayant une culture ouverte au changement, c'est avec eux qu'il faut travailler. Il faut commencer par eux. Eux ont l'habitude de se mettre à jour régulièrement, ils sont curieux, c'est leur métier qui veut ça. Ils sont obligés d'être à la pointe au niveau technologique, ils ont besoin d'aller vite parce qu'ils ont des patients en face qui ont besoin de réponses rapides parce qu'ils sont malades. C'est une population qui à mon sens est une bonne candidate pour expérimenter des façons de travailler différentes.

Le médecin a autre chose à faire que de penser à une méthode de travail. Il a sa façon de travailler pour soigner ses patients, pour le reste il sera ouvert. L'idée c'est de faire une petite acculturation d'une demi-journée ou d'une heure ou deux pour expliquer ce qu'il y a derrière l'agilité, ses bénéfices. Il faut que ce soit raccord avec le reste de la chaine de décision. Si ce n'est pas le médecin qui décide, tu as beau l'avoir convaincu, il faut quand même aller voir la personne décisionnaire sur le projet. Tu peux t'appuyer sur le médecin une fois que tu l'as convaincu pour qu'il aille en parler à la bonne personne.

Quoiqu'il arrive, il faut donner un rythme au projet. Il n'est pas forcément nécessaire d'avoir une date de mise en place. Le rythme fait que tu vas avoir plein de dates. L'agilité, c'est impulser un rythme. Tous les deux mois on se voit et tous les deux mois on montre quelque chose. On avance. Je dis deux mois mais cela peut être beaucoup plus court. Si tu prends la méthode Scrum qui est la plus connue, ils disent deux semaines. Toutes les deux semaines, on sait qu'on a un rendez-vous durant lequel on va faire grandir le projet. C'est itératif et incrémental. Ça permet d'avoir du feed back toutes les deux semaines sur : « est-ce qu'on va dans la bonne direction ? ».

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Ça me fait penser à un article que j'ai lu hier sur SpaceX et Elon Musk. Ce type est fou. C'est un ingénieur hyper intelligent. Il faut le connaître, c'est le nouveau Steve Jobs. S'il y a un successeur, c'est lui. Il a entre autres 2 entreprises : Tesla, désormais tout le monde connait, on commence à en voir de plus en plus dans la rue et SpaceX. Son projet, c'est d'aller sur Mars. Il a une vision. Sa vision, il n'a pas posé de date dessus. Il sait que, si ça se trouve, lui n'ira pas mais il sait que l'humanité ira sur Mars. Il n'a pas dit c'est dans 12 ans par exemple. Il a dit que l'humanité irait sur Mars. Une fois qu'il a posé ça, tout ce qu'il fait au quotidien, tout ce que font ses employés, c'est dans cette direction-là. Donc en fait tu n'as pas besoin d'avoir une date à 12 ans, tu as juste besoin de connaître la destination. C'est quoi la destination d'un hôpital demain ? C'est ce qu'avait fait Kennedy avec la Lune. Il a réussi à canaliser tout le monde pour aller sur la Lune et ils l'ont fait. Certains vont dire qu'il ne l'a pas fait mais c'est encore autre chose. Certains disent aussi que la terre est plate. Tout ça pour dire que ce n'est pas tant la date qui importe et si elle est lointaine, c'est la vision. Qu'est-ce qu'on veut faire ? Où on veut aller ? Est-ce qu'on veut aller sur Mars ? J'aime bien cet exemple-là : il est gros, il est grossier, peut-être qu'il ne le fera jamais mais en tout cas il a une vision et a une histoire à raconter. Si on prend Tesla, il y a peut-être un peu plus de 300.000 véhicules vendus par an alors que Toyota en vend des millions et pourtant Tesla vaut plus sur les marchés financiers en termes de capitalisation boursière. Il a tellement une histoire à raconter que tous les financiers misent sur lui pour ses voitures mais aussi pour aller sur Mars. En ayant ces idées-là, il arrive à concurrencer Ariane Espace. Ariane Espace ça existe depuis des dizaines d'années alors que SpaceX a un peu plus de dix ans. Ils ont fait le premier vol habité il y a quelques mois. Thomas Pesquet va bientôt repartir dans l'espace avec SpaceX. C'est le principal partenaire de la Nasa aujourd'hui, concurrent et partenaire. Si on prend Ariane 6, ils ont un projet, ils ont une date à laquelle ils doivent sortir une fusée. Elon Musk, il n'a pas de date mais il a un projet. Ce qu'il fait, c'est qu'il embauche les meilleurs en faisant ça. Parce qu'il raconte une vraie histoire. Tous les ingénieurs, aujourd'hui, si tu leur demandes s'ils préfèrent travailler pour Ariane, pour la Nasa ou pour SpaceX, tu peux être certaine que 99% des ingénieurs dans l'aérospatial vont répondre que SpaceX, c'est quand même plus sympa parce que chez SpaceX, on me raconte une vraie histoire. On a éradiqué une chose chez SpaceX également, c'est la bureaucratie. Elon Musk a une aversion à la bureaucratie et c'est beaucoup ce qu'il y a derrière l'agilité. L'agilité c'est un peu essayer d'enlever tout ce qui est bureaucratie. Tout à l'heure quand je parlais des achats, je sentais que ça piquait un peu mais tout ce qui est bureaucratie ça peut te gangrener une organisation, ça empêche d'avancer. D'une manière générale, ce qu'il faut retenir c'est que ce n'est pas la date qui importe, c'est la vision.

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Elisabeth Berthelot : Il y a un présupposé pour que cela fonctionne : c'est que le directeur doit avoir énormément de charisme.

Oui ! Pour moi un directeur doit avoir énormément de charisme. S'il n'en a pas c'est qu'il n'est pas à sa place. Ce n'est peut-être pas le cas dans les hôpitaux, je ne sais pas, je ne les connais pas. Le problème c'est qu'en France, dans les directions, on a que des politiques et pour moi les politiques n'ont pas forcément énormément de charisme. C'est un problème. Ils sont souvent sur leur intérêt personnel par rapport à leur plan de carrière et oublient l'intérêt général. Elon Musk, encore une fois, l'argent lui tombe dessus parce qu'il raconte une histoire. C'est ce qui manque aujourd'hui : des gens qui racontent de vraies histoires. Pas des histoires individuelles qui montrent qu'ils sont plus forts que le copain mais des histoires pour embarquer tout le monde. Aujourd'hui, on n'a pas ça, quel que soit le secteur.

Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre ? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres ?

L'agilité, pour conduire le changement, n'a rien inventé. On s'inspire de choses qui existent déjà. Les façons de faire, tu les retrouves dans toutes les façons de conduire le changement. Si tu as une culture du contrôle et de non-exemplarité, que tu n'es pas agile, tu vas mettre en place une conduite du changement traditionnelle qui ne sera pas efficace. La proposition de valeurs de l'agilité c'est d'arrêter de croire que tout seul on va y arriver. C'est dans la force du collectif qu'on va s'en sortir.

Croiser les compétences est une clef. Mettre les experts ensemble pour qu'ils sortent un produit, il ne faut pas les cloisonner. A la fin, ils portent un regard fier sur le produit collectivement.

Elisabeth Berthelot : Quelles différences y a-t-il avec le co développement professionnel par exemple ?

L'agilité est un aspirateur à bonnes pratiques. Le codéveloppement professionnel par exemple est une pratique agile. Il y a un proverbe africain qui dit : « tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin. » et l'idée n'est pas d'aller plus vite mais d'aller plus loin, d'aller sur Mars par exemple. L'idée est d'aller plus loin vers une vision fédératrice qui embarque tout le monde. Pour faire cela, on est obligé de le faire à plusieurs. Elon Musk ne construit pas sa fusée tout seul dans son garage, il a embauché les meilleurs pour le faire et pour embaucher les meilleurs, il a raconté une histoire. J'en reviens toujours à lui parce que c'est un bon

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exemple. C'est en cela que l'agilité est intéressante et passionnante, c'est qu'on ne prétend pas détenir la vérité. Il y a déjà plein de pratiques qui existent comme le codev. Quand on les découvre, si elles vont dans le sens de ce qu'on souhaite mettre en place quand on veut être agile demain on prend et on y va. S'il y a une habitude de faire ce genre de choses dans l'organisation, on dit ok : on prend et on y va. Scrum est le format de réunion agile le plus connu. On pourrait tout à fait combiner le scrum et le codev. Il y a une réunion de résolution de problème dans le Scrum et on pourrait se dire que pendant cette réunion de résolution de problème on va faire un codev. C'est totalement compatible. Dans Scrum, il y a plein d'événements (ou réunions), on appelle ça des itérations. A la fin d'un sprint ou itération, on a un meeting qui va durer quelques heures en fonction de la taille du sprint, qui va être dédié à résoudre les problèmes qu'on a pu rencontrer pendant l'itération pour les résoudre et/ou ne pas les rencontrer à nouveau sur les prochaines itérations. Il y a cette dynamique d'amélioration continue dans l'agilité.

L'agilité, ce n'est surtout pas une méthode. Certains disent que c'est un état d'esprit. C'est un état d'esprit ET les pratiques qui vont avec. L'état d'esprit sans les pratiques qui suivent ça n'a pas de sens et des pratiques sans état d'esprit non plus. Il y a eu une définition dans les années 90 qui disait : « C'est un moyen d'être performant dans un environnement complexe. ». Aujourd'hui on est dans un environnement complexe et incertain. Avec la digitalisation et l'intelligence artificielle on a complexifié et rendu incertain plein de choses. L'agilité est une réponse à ce climat d'incertitude et de complexification. Ce sont des compétences à acquérir pour une organisation, notamment la capacité d'apprendre mais aussi d'oublier, de désapprendre. Apprendre c'est avant tout désapprendre ce qu'on faisait bien hier mais qui n'est plus adapté à notre monde aujourd'hui. C'est être en capacité d'apprentissage permanent et de désapprendre ce qui nous entrave. Et ce n'est pas parce qu'il faut le désapprendre aujourd'hui que ce n'était pas bien de le faire hier.

L'agilité vient du monde de la stratégie d'entreprise. En 2001, il a été repris par le monde de l'IT, par des experts de l'informatique qui ont inventé des façons de travailler différentes qui permettent de satisfaire le client. Ces 17 experts ont rédigé un manifeste agile. C'est là que le mot agile a pris toute sa dimension et a pris corps, avec toutes les pratiques qu'ils avaient mis en place. Ils avaient plusieurs méthodes, différentes, qui fonctionnaient et se sont demandé quel était le dénominateur commun. Ces dénominateurs communs, ils les ont mis noir sur blanc dans un manifeste agile qu'ils ont rédigé et signé et qui tient sur une feuille A4. Ce manifeste agile, c'est ce dont je parlais sur la culture : c'est le partage, c'est l'entraide. L'idée c'est l'intelligence collective plus que les processus et les outils. On retrouve les concepteurs de Scrum, de eXtrême Programming (XP), Rational Unified Process (RUP), Dynamic Systems

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Development Method (DSDM) et d'autres. Tout ça c'est hérité de la pensée Lean qui vient de Toyota pour éviter les gaspillages, mettre en place un flux d'activité qu'on peut visualiser, faire de l'amélioration continue, etc. Il y a l'approche Kanban qui est très connue aujourd'hui qui hérite totalement du Lean. Encore une fois, l'agilité est un état d'esprit et une éponge à bonnes pratiques.

Mon métier est passionnant parce qu'on touche à de l'organisationnel, à du structurel, à de l'intelligence collective d'équipe, à de l'individuel aussi : on peut faire du coaching individuel pour essayer de comprendre des blocages. Quand on est sur de l'individuel, on apprend aussi de la psychologie. C'est juste passionnant. La base de tout, ce sont les échanges.

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Annexe 15 : QUESTIONNAIRE VIERGE CONCEPTEUR DE SOLUTIONS IA

Rappel des éléments contextuels :

· Mémoire RH Elisabeth Berthelot

· Sujet du mémoire :

Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle sur certains métiers dans le plan de développement des compétences des établissements de santé en France ?

· Public concerné : Jury de DRH ne connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle ni le secteur santé

La transcription de l'entretien sera annexée au mémoire. Elle peut être rendue anonyme.

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

27. En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

28. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

29. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

30. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

31. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

32. Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long terme dans le cadre des changements à venir liés à l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés d'intelligence artificielle ?

33. Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre ?

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34. Le type de structure et les enjeux que représente l'hôpital nécessitent-ils des aménagements spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement ?

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Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon ENTREVUE Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve

Partie 1 : Questions générales - contexte personnel

En quelque mots, que savez-vous des implications de l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?

Le secteur de la santé un des secteurs qui suscite le plus d'innovations et de cas d'usage de l'intelligence artificielle parmi les différents secteurs d'activité. Cela a été identifié à plusieurs reprises comme étant un secteur prioritaire en France comme terrain d'application de l'IA.

Il y a des préjugés : quand on pense à l'intelligence artificielle en santé on pense à tout ce qui relève du domaine médical qui est le plus visible, le plus médiatisé et qui suscite l'intérêt du grand public. Il ne faut pas oublier que c'est un secteur d'activité comme un autre avec ses fonctions support sur lesquelles il y a également beaucoup d'innovations en IA.

Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s) (positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?

Les impacts positifs c'est que ça va permettre de gagner du temps, d'éviter des tâches laborieuses et répétitives. Tout ce qui peut être automatisé et simplifié avec l'intelligence artificielle facilitera mon quotidien. Si je suis amené par exemple à faire des reportings, un compte-rendu ou à retranscrire un entretien, il y a un logiciel qui me permet d'écrire en même temps que je parle et de le retranscrire.

L'impact négatif c'est qu'on sait bien que plus on est assisté par la technologie et par l'intelligence artificielle, plus certaines compétences humaines vont être mises de côté. Si cela correspond à des compétences que je n'ai pas envie de développer, tant mieux et si ça correspond à des compétences que je dois exercer et qui sont cruciales dans mon métier, cela va nécessiter que je me positionne sur d'autres activités ou en tout cas que je change mon quotidien et que je sois bouleversé dans mes habitudes.

Partie 2 : métiers concernés et accompagnement

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Ils peuvent être accompagnés par le fait d'être impliqués le plus en amont possible notamment sur la compréhension de leurs besoins. C'est important. Concrètement il faut : qu'ils identifient eux-mêmes le souhait que les technologies les épaulent,

les impliquer dans la conception et l'identification de besoin en intelligence artificielle,

les accompagner dans la formation à la connaissance de ces sujets-là, aussi bien sur les aspects techniques, éthiques, juridiques et tout l'impact que cela aura pour eux,

leur expliquer dans quel écosystème cela s'imbrique, quelle plus-value il y a pour leur métier et pour le patient dans leur quotidien. Ces intelligences artificielles sont des outils. Elles ne seront que des outils qui doivent s'inscrire dans quelque chose de plus large pour que le sens qu'elles auront pour eux soit intégré.

En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Pour les professions paramédicales, on risque d'avoir des glissements de tâches qui auparavant étaient faites par les médecins et qui vont devoir être de plus en plus déportés vers les professions paramédicales et en l'occurrence les infirmières. Pour être très concret, si on développe la télémédecine couplée avec de l'intelligence artificielle à une analyse de diagnostic par rapport aux images qui vont être prises par la télémédecine, le médecin, après contrôle du diagnostic qui est tiré, pourra le valider ou l'invalider à distance. Il faudra bien que quelqu'un, dans une bonne partie des cas, accompagne le patient, lui explique qu'il doit s'allonger, qu'il doit bien regarder dans tel endroit, que l'examen qu'il va subir va consister à faire telle et telle chose, que le médecin ne sera pas là physiquement mais qu'il entendra. Il y a un accompagnement nécessaire et toutes les tâches qui peuvent se faire au contact du patient seront déportées sur les professionnels paramédicaux pour permettre au médecin d'utiliser la téléconsultation et les outils d'aide au diagnostic.

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En fonction des impacts (positifs/négatifs) des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?

Prenons le cas de figure de la solution qu'on (Jouve) développe : c'est une solution informatique qui permet de dématérialiser l'admission administrative d'un patient. Cela lui permet de faire les démarches administratives, de déposer ses pièces administratives et de remplir un formulaire avec un certain nombre de données le concernant à distance depuis chez lui via un ordinateur ou depuis son mobile. Ces données vont être mises à la connaissance des gestionnaires qui sont chargés d'accueillir les patients en temps normal de manière physique pour recueillir ces informations et les saisir dans leur logiciel établissement. Auparavant 100% des patients étaient invités à passer à ce bureau d'entrée et à rencontrer physiquement le gestionnaire pour réaliser ces opérations et demain, ce qu'on propose, c'est qu'une partie de ce flux patients puisse le faire à distance.

Cela nécessite, à partir de ce moment-là, que des gestionnaires soient détachés dans leur métier actuel au contact du patient pour tous ceux qui ne l'utiliseront pas et, a contrario, pour les patients utilisant cette solution d'admission à distance, il faudra qu'il y ait des gestionnaires qui soient dans des missions de back office, dans un bureau, qui reçoivent ces informations et qui les traitent sans contact physique ni échange avec le patient si ce n'est des messages mails. Ça change la position et le quotidien d'un gestionnaire. S'il fait le métier derrière le guichet avec des patients toute la journée, il a un contact relationnel très fort et ça ne sera plus du tout le cas quand il fera la même chose à distance. Cela se rapprochera beaucoup plus d'un métier administratif de gestionnaire pur. On voit très bien qu'il y a des compétences du métier qui vont évoluer.

Si je suis gestionnaire et que j'ai fait ce métier-là, c'est soit :

· 1 : que je trouve un intérêt dans le contact au patient, que ce que j'aime bien c'est aider le patient, le rassurer, l'orienter dans l'établissement et finalement la saisie de données administratives n'est qu'un prétexte pour être au contact du patient. Demain ce profil-là aura du mal à y trouver son compte si on le met dans un bureau et qu'on lui demande de ne se concentrer plus que sur l'activité de saisie et de contrôle des pièces.

· 2 : que j'ai plutôt envie de faire un travail administratif et de pouvoir lisser ma charge de travail sur la journée, ne pas être stressé par des pics de travail en telle et telle heure et que je dois faire face au patient, que je reste aimable parce que je suis la porte d'entrée de l'établissement et que cela m'impose un stress fort ben là je vais être

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content de faire ce travail-là, d'être protégé au back office et pouvoir m'organiser comme je veux sur la journée du moment que je réalise les tâches que j'ai à faire.

On voit bien que la manière d'exercer le métier dans le premier ou dans le deuxième cas on ne parle plus du même métier, plus du même quotidien. Ça peut susciter de l'engouement si je me retrouve plutôt dans le cas de figure 2 et à contrario si j'ai un profil où je prenais plaisir à être face au patient et que je nourrissais plutôt l'intérêt de mon métier dans le relationnel, là je vais avoir une résistance au changement sur le fait que l'adoption de cette solution va changer mon métier.

On s'est rendu compte, en discutant avec eux, que les motivations des professionnels qui sont à ce poste-là sont différentes. Parfois ce sont des postes sur lesquels la personne a été reclassée compte tenu de restriction médicales alors qu'elle était soignante auparavant. La motivation d'une personne avec ce profil ne sera plus forcément d'être au contact du patient. Elle a connu ce que c'était et aujourd'hui ce n'est plus ce qu'elle recherche. On retrouve différents profils de par la carrière que ces personnes ont eue et de par les affinités qu'elles ont. Il y a vraiment deux profils de motivation dans ce même poste. Soit c'est un lien d'accompagnement au patient, soit c'est plutôt la volonté de faire un travail plus administratif et plus éloigné du patient. Pour certains la solution est une réponse et pour les autres un obstacle. C'est intéressant de faire de l'accompagnement du changement parce qu'en fonction des profils d'utilisateur on va avoir deux types de réaction.

A ce stade, pour être très transparent, dans la mesure où on est concepteur d'une solution et que notre métier c'est d'abord de mettre en place cette solution, qu'elle réponde aux besoins de l'établissement d'un point de vue technique et que derrière ce soit déployé, testé, paramétré comme il faut. Ça c'est notre métier premier. Ensuite on se rend compte qu'en fonction des l'établissement, la possibilité de créer et d'animer une équipe projet pour donner vie à cette solution dans le réel du professionnel n'est pas la même. Dans ces cas-là il y a un besoin d'accompagnement des professionnels qu'on pourrait pousser un peu plus moyennant que cela soit convenu avec l'établissement. C'est plutôt un enjeu identifié dont on a bien conscience mais dont l'établissement doit également prendre conscience pour qu'on puisse les aider et faire une prestation sur ce sujet. C'est très dépendant du manager du bureau des entrées dans notre cas et de la manière dont il va traiter le sujet. Soit il en a conscience et c'est lui qui va le faire directement auprès de ses équipes, soit il en a moins conscience ou n'a pas le temps de le faire et dans ce cas-là on se retrouve avec un besoin là-dessus qui n'est pas couvert ou pas suffisamment.

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Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long terme dans le cadre des changements à venir liés à l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés d'intelligence artificielle ?

Clairement il y a des prestations d'accompagnement au changement à concevoir autour des outils qui doivent être faites très amont. A partir du moment où la direction d'un établissement identifie qu'elle veut, en l'occurrence, pour parler de notre métier, redéfinir son parcours administratif et l'expérience du patient à ce niveau, il faut bâtir un projet dédié à cela avec des personnes qui soient détachées et impliquées dès le départ pour penser à la cible, c'est-à-dire penser à ce qu'on voudrait mettre en place demain dans l'établissement et après se poser la question de l'usage des outils, qui peuvent avoir de l'intelligence artificielle ou bien définir le besoin que l'on a pour trouver les bons outils par rapport à ce qu'on veut mettre en place en termes d'organisation et pas acheter une solution et après se poser la question d'adapter l'organisation et les métiers à la solution. Il serait plus vertueux de faire l'inverse. Avec la réalité du quotidien et la pression opérationnelle qu'on a tous les jours, ce n'est pas évident de toujours pouvoir faire les choses dans le bon sens.

Le secteur de la santé va être culturellement à cheval sur certaines valeurs, et heureusement. La valeur de l'humain y est très forte. L'aspect technologique n'est pas toujours vu d'un très bon oeil spontanément. On oppose tout de suite la technologie aux humains en général. C'est un biais cognitif qu'on peut avoir et qui est, à mon avis, amplifié dans le secteur de la santé.

Qui sont les demandeurs de ce type de solution ?

En général ce sont le directeur financier et le directeur des systèmes d'information d'un établissement. Aujourd'hui c'est à l'échelle d'un établissement, pas d'un GHT.

Avez-vous des éléments à ajouter ?

L'idée fondamentale c'est de faire attention de ne pas se poser la question de l'organisation et de l'évolution des métiers a posteriori de l'achat d'une solution. Il faudrait vraiment inverser les raisonnements et d'abord se poser la question de ce qu'on veut faire et dans un établissement de santé il n'y a qu'une seule chose qui compte et qui est fédératrice c'est le

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patient. Il faut partir du patient et se demander se qu'on veut mettre en place pour améliorer l'expérience du patient au niveau administratif. De là, on se pose la question de l'organisation et des outils qui en découlent. Ça permet une chose fondamentale : c'est de donner de la cohérence et du sens au projet. C'est la première pierre à l'édifice dans l'accompagnement au changement. Porter des programmes d'accompagnement au changement sur des projets qui n'ont pas de sens, c'est compliqué et ce n'est agréable pour personne. Je défends une vision de l'accompagnement du changement qui n'est surtout pas de faire passer la pilule. Ça ce n'est pas de l'accompagnement au changement. L'accompagnement au changement c'est comprendre d'où on part, savoir où on veut aller et accompagner les professionnels à sauter d'une étape à l'autre du mieux possible. Ce n'est pas non plus sans douleur mais c'est clair, cela a du sens, c'est transparent pour tout le monde. C'est un accompagnement collectif. Un accompagnement individuel est possible mais c'est autre chose. Dans le cadre d'un accompagnement collectif, accompagner le changement, c'est le faire à l'échelle du groupe. Tous ne se retrouvent pas dans un changement collectif, c'est toute l'ambivalence et les incohérences auxquelles on est confronté dans un accompagnement du changement. Il faut structurer les choses du mieux possible en amont pour garder le cap du projet collectif et pas traiter les cas individuellement.

Annexe 17 : Processus de recommandations

Légende :

Étapes du projet

Actions/ Projets d'équipe RH à mener en parallèle

Accompagnement de la direction

Formations agilité et conduite du changement Formations agilité et coopérations Formations évolutions du métier

Recherche des

prestataires et choix d'une solution durant les premières

itérations

Ajouter le contact fournisseur de la solution dans les itérations du projet

Création copil projet

A

Exemple : projet
d'acquisition d'une
solution
d'automatisation
d'admission des
patients

Copil composé du
cadre chef des
entrées, de 2
assistantes
utilisatrices de la
solution, d'un
membre de l'équipe
RH, du DSI, de
l'architecte big data

Formation du
comité de pilotage à
l'agilité et au co-
développement
professionnel

Comment avancer
dans le projet et
travailler ensemble
en intelligence
collective

Créer un copil de projet de transformation numérique

exemple : projet
d'acquisition d'un
outil d'aide à la
décision en chirurgie
cardiaque

Copil composé du
chef de service de
chirurgie cardiaque,
, d'une infirmière
cadre, d'une
infirmière IBODE,
d'un membre de
l'équipe RH, du DSI,
de l'architecte Big
data

Création copil projet

B

Investissement
dans un SIRH
modernisé

Veille
permanente sur
les risques
psycho-sociaux

Projet interne au
service des Ressources
Humaines
d'adaptation du
dispositif de Gestion
Prévisionnelle des
Emplois et des
Compétences

Former la direction à l'agilité

Créer une acculturation et un changement

Consultation et
implication des
partenaires sociaux

Sensibilisation de l'ensemble de l'équipe RH au processus

en cours

Création d'une
banque de
formations en ligne
en format court sur
des sujets divers et
variés permettant la
montée en
compétence de tous
les collaborateurs.
Parmi ces
formations, une
sensibilisation à
l'intelligence
artificielle en santé
devra être mise en
avant

Créer un copil annexe ou identique ou avec des membre

en commun de formations à mettre en place dans le cadre de

la transformation numérique

Formation des
cadres à la
conduite du
changement dans
le cadre de la
transformation
numérique avec,
au coeur de
l'action de
formation, la
transmission des
éléments clefs des
projets en cours
pour transmission

Formations

communication et psychologie pour le personnel médical et paramédical en commençant par

ceux dont les

spécialisations ont déjà évolué ou sont amenées à évoluer rapidement suivant les projets retenus

(services de

radiologie et de

chirurgie cardiaque

par exemple

Formations au co-développement professionel pour

le personnel médical et paramédical

Apprendre à

travailler

ensemble et avec

de nouveaux

métiers

émergents

Année N

Année N+1

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Annexe 18 : Les typologies de formations

MOOC

MOOC signifie « Massive Open Online Courses ». En français, cela veut dire que ces cours proposés par des écoles et des universités, voir des entreprises, sont accessibles à tous gratuitement sur Internet. Les MOOC sont ouverts et rassemblent plusieurs milliers de personnes. Mieux que le e-learning et les simples tutoriels, les MOOC ont l'avantage de créer une forte interactivité entre apprenants, mais aussi avec les intervenants. Les MOOC, après évaluation pédagogiques, sont certifiants.

COOC

Le COOC (Corporate Online Open Course) est un cours en ligne dispensée par une entreprise auprès de ses clients, de ses salariés ou de ses fournisseurs/prestataires. Cette méthode permet aux apprenants de bénéficier de toutes les modalités pédagogiques : travail collaboratif, travail distanciel, gamification, etc. Un outil puissant pour accompagner la transformation digitale au sein d'une organisation et pour développer les compétences de chaque collaborateur.

MICRO-LEARNING

Ce sont des modules de formation très courts qui peuvent être suivis à tout moment de la journée. Les modules les plus courts ont une durée comprise entre 20 et 30 secondes, les plus longs durent en principe 5 minutes. Cette modalité pédagogique permet d'être «consommée» à tout moment de la journée (entre deux rendez-vous, lors d'une pause, dans les transports en commun...).

Ces modules de fast-learning répondent à l'acronyme anglais ATAWADAC : AT pour anytime (n'importe quand), AW pour anywhere (n'importe où), AD pour any device (sur n'importe quel support) et AC pour any content (tout type de contenus). Cette universalité s'inscrit parfaitement dans une démarche dite « BYOD » (Bring Your Own device) qu'adoptent de nombreuses entreprises ce qui signifie que l'apprenant peut apprendre en utilisant ses propres outils.

WEB SERIE PEDAGOGIQUE

La websérie (ou web-série) peut être définie comme un produit audiovisuel de fiction composé de vidéos diffusées principalement sur Internet. Ce mode de diffusion pousse les créateurs du genre à l'originalité pour se faire remarquer parmi la masse de vidéos disponibles. Le fait d'être sur le web permet aussi une grande liberté de ton et une audace que l'on ne peut pas envisager de la même manière sur un média plus formaté. L'intérêt étant de raconter des histoires différentes et de profiter de l'interactivité que permet Internet. La durée d'un épisode de websérie est généralement de quelques minutes, même si certains peuvent être plus longs.

LA SIMULATION

La formation par la simulation consiste à simuler un cas réel de situation rencontrées dans le domaine professionnel. Elle connait un engouement sociétal public depuis que se sont développés des domaines aussi différents que le jeu vidéo, le pilotage virtuel de véhicules ou la vulgarisation scientifique basée sur le numérique.

SERIOUS GAME

Un jeu sérieux (de l'anglais serious game : serious, « sérieux » et game, « jeu ») est une activité qui combine une intention « sérieuse » -- de type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique ou d'entraînement -- avec des ressorts ludiques. De manière synthétique, un jeu sérieux englobe tous les jeux de société, jeux de rôle et jeux vidéo qui s'écartent du seul divertissement.






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo