WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?


par Elisabeth Berthelot
IGS - Master Ressources Humaines 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

70

Conclusion

Je ne crois ni au changement de paradigme, ni à la disruption digitale ni autre révolution copernicienne sur une échelle de temps courte mais à l'évolution progressive des pratiques. Si ces expressions peuvent trouver un sens dans des cas précis qu'il n'est possible de définir qu'avec un recul et une distanciation dans le temps, elles sont majoritairement mal employées dans le contexte dont il est sujet ici et d'une manière générale. Les changements que nous connaissons aujourd'hui sont les conséquences de nombreuses découvertes des années et décennies précédentes.

Persuadée avant de commencer à traiter ce sujet que l'intelligence artificielle et le secteur de la santé étaient des éléments de contexte très particuliers et qu'ils nécessitaient une conduite spécifique, je me rends compte à la fin de ce mémoire qu'il n'en est rien. Une conduite de projet qui amène du changement reste identique, quel que soit le sujet et le secteur d'activité, avec ses spécificités et ses ajustements évidemment, mais c'est bien toujours le cas. Elle doit surtout amener du sens.

Les changements liés à la transformation numérique des établissements de santé ont commencé il y a plusieurs décennies mais les projets n'ont pas toujours été menés comme ils auraient dû l'être, en impliquant les professionnels de santé et les patients dès le début de chaque nouveau projet et en apprenant à tous à bien travailler ensemble. Les problèmes que connait l'hôpital aujourd'hui en découlent nécessairement, mais pas uniquement, et rendent la tâche d'autant plus difficile un peu plus chaque jour si on ne change pas la culture de l'hôpital. L'interopérabilité, qu'il s'agisse d'outil ou de culture reste le maître mot. Il faut continuer à agir, à créer et à échanger en ce sens.

Il est évident que cette culture de la coopération entre pairs mais et aussi entre métiers, que ces derniers existent déjà ou non, doit être intégrée par tous les professionnels. Aujourd'hui c'est au travers de la formation continue qu'on essaie de transmettre cette nouvelle culture mais demain, il est indispensable de l'intégrer aux cursus de formation initiale, tant pour les médicaux, les paramédicaux que pour les cadres et directeurs. Il en va de même de la connaissance des outils informatiques. On ne peut plus aujourd'hui se contenter de maîtriser la pack Office. Intégrer la sensibilisation au changement, aux bénéfices de la médecine 2.0 et même au-delà du sujet de la santé, non pas dès l'université mais dès le collège serait une solution. Les nombreuses start-up d'enseignement de codage à destination des collégiens

71

comme Magic makers108 sont un premier pas. A quand l'intégration de ces enseignements directement dans le cursus scolaire ? Il en va de même sur la base de la psychologie. Dans un monde où les machines seront de plus en plus présentes, c'est sur les échanges et donc sur l'apprentissage a minima des bases de la psychologie qu'il est nécessaire d'investir dans les cursus scolaires. Ce constat ne sera-t-il pas valable à l'échelle de la société et des apprentissages de tous les secteurs ?

L'intelligence artificielle n'a pas vocation à remplacer les médecins, elle ne peut pas s'assoir avec un patient, discuter avec lui de son diagnostic ni de l'adaptation du traitement prévu mais il peut aider les médecins à mieux identifier toutes les options. L'une des particularités du secteur santé, c'est la notion de relativité de la valeur des connaissances dans un secteur sensible, et la modestie face à la vie et à la maladie. A quoi peut ressembler l'apprentissage de l'humilité aux machines ?

Beaucoup s'interrogent, experts du sujets et médecins, sur les méthodes d'apprentissage profond, ou deep learning, dont les résultats sont meilleurs mais dont le système de classification reste obscur. Dans le cas d'une erreur de traitement, qui serait responsable, le médecin ou la machine ? Le constructeur de la machine ? Une mise à disposition et une vulgarisation des rapports des comités d'éthique sur la portée de l'intelligence artificielle comme outil d'aide, notamment en santé pour les médecins, l'ensemble du personnel soignant et les patients augmenterait les chances d'adhésion et fluidifierait ainsi les échanges entre professionnels de santé et patients.

Les parcours professionnels vont changer, tant sur la formation initiale que continue, les liens entre les professionnels de santé de ville et les différentes structures sanitaires et médico-sociales vont se resserrer, les technologies seront de plus en plus présentes tout le long du parcours santé. Tous ces éléments continueront à modifier en permanence les stratégies de ressources humaines dans le secteur santé. La DRH devra toujours poser la première pierre de la remise en question afin de pouvoir exercer son métier et mettre en oeuvre le parcours des professionnels de santé en adéquation avec les situations d'actualités. Les services de ressources humaines doivent être au front du sujet de la digitalisation et de l'intelligence artificielle à l'hôpital et faire preuve d'exemplarité « en digitalisant ses propres pratiques »109 tels que les process de recrutement ou en adaptant les modes d'apprentissage en formation.

108 https://www.capital.fr/votre-carriere/magic-makers-la-start-up-qui-initie-les-enfants-au-codage-1353056

109 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital, une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, 2020

72

L'utilisation d'un SIRH performant, la mise en place de solutions data mining, forme d'approfondissement de la GPEC, et une veille technologique continue révolutionneront les ressources humaines en prenant en compte la nécessité que chacun change de contexte professionnel tous les 3, 4, 5 ans et pour mieux anticiper l'évolution des métiers et les formations nécessaires.

Le fil rouge de ce mémoire, que l'on parle d'intelligence artificielle, de data, de diagnostic, de management, de culture ou encore de formation, c'est le rapport de confiance. Rien ne pourra arriver ou se dérouler dans un contexte serein, droit et éthique sans ce rapport de confiance. Si on peut l'acquérir en travaillant sur les différents points évoqués, le choix d'une solution qui n'est pas européenne et donc non soumise à la réglementation européenne, Azur de Microsoft, pour héberger les données de santé du Health Data Hub risque de ne pas simplifier ce rapport de confiance et pourrait remettre en question ce qui est supposé améliorer considérablement la recherche en santé et le système de soin. A l'instar de Google en cette rentrée de septembre 2020, on peut aisément supposer que Microsoft pourrait ouvrir dans les mois à venir une filiale d'assurances santé. La base de la médecine et du serment d'Hippocrate repose sur le secret médical et donc de la confidentialité des données. Comment faire adhérer les médecins qui sont le levier principal de la transformation numérique des établissements de santé, quand bien même on leur promet des outils et des recherches qui feront avancer leur métier et tout le système de santé, si on ne peut leur garantir le respect de ce serment ? Tout cela recouvre des enjeux qui sont bien au-delà de ce que l'on peut contrôler, décider ou processer à l'échelle des établissements.

Il me parait pourtant bien nécessaire de transformer la pratique des professionnels de santé au bénéfice de la santé des citoyens d'autant plus dans un contexte de vieillissement de la population.

La mise en oeuvre de plans stratégiques d'implantation de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle est un levier énorme qui permettrait de revoir en profondeur les pratiques à l'hôpital. Il ne faut pas passer à côté. Il s'agit d'un levier en plus d'un enjeu crucial. Il faut accorder à tous ces nouveaux dispositifs l'importance nécessaire pour améliorer le système de santé français dans sa globalité. Si nous ne le faisons pas, c'est une médecine à deux vitesses qui s'établira, permettant à ceux qui ont les moyens de partir se faire soigner là où la médecine sera à la pointe de l'innovation.

Je terminerai sur une notion d'éthique de la vie au sens large en citant les mots d'un autre. J'ai particulièrement apprécié ces quelques mots du professeur Guy Vallancien, chirurgien et

73

universitaire : « Le médecin que je suis utilisera tous les moyens numériques et génomiques pour réparer l'homme, la femme et l'enfant malades, blessés ou handicapés, mais jamais ne s'engagera dans l'augmentation de nos capacités si la maladie ne les a pas déduites. La mémoire de l'ordinateur me sert tous les jours : l'aide à la décision diagnostique ou thérapeutique que m'apporte la machine est indispensable à l'amélioration de la prise en charge des patients en réduisant d'autant les marge d'erreur ; tout comme la robotique chirurgicale m'aide à agir au plus profond de l'anatomie humaine. Mais le grand marché planétaire juteux de l'augmentation pour l'augmentation est une perversion de l'humanité que je réprouve. Mais l'homme est tel qu'il est, capable de se laisser tenter. Quand il aura créé de toutes pièces un monstre, il comprendra peut-être qu'on ne joue pas impunément avec la Nature. Si nous sommes les êtres vivants les plus aboutis de l'Évolution, nous n'en sommes pas les maîtres. »110

110 « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera