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Peche et conservation du poisson par les populations de Nziou et de Londji I dans la region du sud Cameroun: une analyse anthropologique des choix et finalités des savoir-faire des pecheurs


par Moise Mvetumbo
Universite de Yaounde 1 - Master en anthropologie 2013
  

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II-1-3-Les rites en rapport avec l'activité de pêche de moins en moins valorisés

Dans les sociétés traditionnelles africaines, l'un des fondements majeurs de la durabilité des ressources repose sur les croyances surnaturelles portées sur les entités divines toutes puissantes et garantes de leur subsistance. Il est de ce fait indéniable de reconnaître avec DEBOUVRY P. (1998:46) repris par FOUKOU G. (2003:97) qu'en Afrique, l'environnement naturel fait partie de la cosmogonie traditionnelle et devrait être géré comme tel. Terre- ciel- eau, divinités majeures ou éléments sacralisés, sont peuplés de génies bons ou malfaisants, intermédiaires entre les divinités et les hommes. Ils leur dictent comportements, principes et interdits. Dans ce sillage et pour revenir aux pêcheries de Nziou et de Londji I, les ressources halieutiques appartiennent aux divinités, aux «dieux de la mer» reconnus sous la désignation de «déesses de mer» ou «mami water» envers qui les rites ont été initiés depuis les temps anciens , afin de régler les situations de désharmonie entre les vivants et le monde divin, de solliciter leur soutien dans les circonstances d'incertitude. En effet, «pour mener à bien et à terme leur projet de vivre, satisfaire leurs besoins primaires, basiques, organiques, fondamentaux, secondaires et sociaux, les hommes exercent leur intelligence sur l'environnement naturel dans lequel ils

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vivent; ils inventent des pratiques, des institutions[...]» MBONJI E.(2009:9-10). Dans ce sillage, STRAUSS L. (1964: 343) estime à juste titre que: «Les rites apparaissent comme un »para-langage» [...] les rites offrent à l'homme, le moyen, soit de modifier une situation pratique, soit de désigner et de la décrire». Dans les villages Nziou et Londji I, ceux vers qui sont orientés les sacrifices ont les possibilités d'agir positivement ou négativement sur la disponibilité du poisson ainsi que sur la sécurité des hommes dans la mer. Seulement, pour atteindre cette fin, l'exploitation judicieuse des ressources doit s`opérer par l'adoption par les populations de pêcheurs, des attitudes qui respectent l'éthique liée à l'environnement marin. C'est en ce sens qu'en parlant des modalités d'exploitation paisible des espaces communs partagés entre les êtres visibles et invisibles (à l'instar de la mer), PAGEZY affirme que: «la gestion n'est pas seulement un problème purement pratique, elle est surtout une question philosophique... ce qui importe c'est d'éviter une gestion athée, une gestion qui ne vise que le profit privé, qui aborde le géré comme la propriété de Personne» PAGEZY H. (1996 :457) citant SINGLETON M. (1982: 84). A travers nos différents échanges avec les populations, il ressort que ces diverses dispositions bien appliquées constituaient par le passé une sorte de garantie quant à la disponibilité des ressources halieutiques pour les populations locales.

Seulement, les pêcheurs dans leur immense majorité estiment que l'efficacité d'antan n'est plus de mise. Les rites sont pratiqués avec peu de résultats probants à la fin. En même temps, la carence du poisson s'intensifie. Les causes d'une telle situation sont imputables selon nos informateurs à l'esprit d'égoïsme qui anime certains pêcheurs ainsi qu'au recours aux forces magiques afin de maximiser les chances de capture au cours des opérations de pêche. Toutes des attitudes contraires aux normes éthiques recommandées par les «dieux de l'eau». A juste titre, un de nos informateurs du village Londji I estime en effet que:

Ce rite perd de sa valeur parce que les gens ne respectent pas toujours les règles. Lorsqu'on demande aux gens de ne pas aller en mer, pendant une période, ils partent toujours .Ils ne peuvent pas supporter tous ces jours sans aller en mer. Ils partent avec leurs saletés. Ce qui fâche les dieux de l'eau .Quand cela arrive, Ils [les dieux de l'eau] se demandent si on est venu les tenter en faisant le rite. C'est pourquoi ils n'envoient pas le poisson. Si on le fait aujourd'hui et bien, et que les gens respectent les règles, il y aura beaucoup de poissons, le poisson viendra retrouver les gens sur la plage. Mais si les choses continuent comme elles sont, il n'y aura rien de bien (NGOUNDI LUC, Mabi, Londji I, Le 12-01-2011).

A la question de savoir pourquoi certaines connaissances et pratiques ancestrales en rapport avec la pêche sont de moins en moins valorisées, les parents estiment que les jeunes sont devenus craintifs de la tradition, ceci sous l'effet des nouvelles églises et mais aussi de la modernité ambiante caractérisée par une montée en puissance des actions individuelles. Ces

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derniers, dont le rôle dans le suivi des rites à travers la surveillance des eaux afin qu'elles ne soient violées par des inconnus mal intentionnés, sont de nos jours devenus les complices des personnes qui s'y rendent s'ils n'en font pas partie de ces équipes. Le souci principal de ces derniers comme tout citoyen dans une situation de crise, consiste désormais à défendre de prime à bord leurs intérêts personnels avant d'explorer dans quelle mesure le bien être collectif peut être pris en compte.

Le travail au niveau du cercle familial n'est plus toujours la chose la mieux partagée par les différents membres qui le composent. En effet, les jeunes ont la possibilité de travailler en toute indépendance en occupant une fonction dans la nouvelle configuration (pêcheur principal, pêcheur assistant, de chargeur...) auprès des propriétaires des matériels de pêche implantés dans leur zone de résidence. Ceci réduit les possibilités d'encadrement parental permanent et conduit à une situation de méfiance entre les générations qui sur le plan de la transmission des valeurs culturelles n'est pas sans conséquence. C'est ainsi que les populations observent une disparition progressive des maîtres desdites cérémonies.

Toujours dans la rubrique des causes, un doigt accusateur est porté sur les autorités traditionnelles censées conduire en toute honnêteté les cérémonies. Ces dernières se livrent quelquefois à des opérations d'escroquerie de la population au détriment d'une réelle communication avec le monde des ancêtres. En effet, bon nombre d'informateurs estiment que des contributions financières ont été exigées aux populations depuis environ dix mois et que malheureusement, rien n'a été fait de manière régulière dans le sens d'assurer ces dernières. En pareille situation d'incertitude, pour répondre aux besoins de subsistance, la voie du salut la plus recommandée reste pour bon nombre de pêcheurs, l'adoption des «techniques de pointes» et toutes les connaissances dont chaque acteur estime à même de lui permettre de mieux capitaliser ses efforts pendant le temps consacré à la pêche et /ou au fumage de poisson.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote