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Gestion stratégique des résultats, structure de l'actionnariat et gouvernance d'entreprise: une étude appliquée aux pme défaillantes du secteur agricole français.

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par Hurssel Hurssel
IAE de Lille, Université de Lille 1  - Master Recherche en Finance et Comptabilité 2017
  

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Chapitre 1 : La gestion stratégique des résultats

La gestion des résultats procède d'un champ d'étude vaste qui est celui de la démarche politico-contractuelle. La théorie de l'agence et la théorie de la réglementation contribuent efficacement à expliquer les rapports entre les parties prenantes, en fournissant des outils de compréhension des mécanismes de gouvernance et des pratiques comptables qui y sont effectuées.

Section 1 : Les fondements théoriques de la gestion des résultats.

La GR procède d'une dimension théorique qui part des prédictions de la théorie de l'agence à celles de la réglementation. Elle est, au sens de la théorie de l'agence, une pratique qui vise avant tout à la maximisation de l'utilité des parties prenantes de l'entreprise (dirigeants et actionnaires). Bien que ses effets aient été vivement critiqués, l'apport de la GR sur la structure financière des entreprises est mitigé du fait que certaines études ont démontré que l'impact de la GR est nul à terme sur la composition des résultats. En effet, la propriété d'auto-dénouement et le principe de non compensation viennent soutenir la complexité existante quant aux effets de la GR sur le les performances comptables (JeanJean, 2001 et Roychowdhury, 2006). Cependant d'autres études tendent à mettre en exergue le caractère opportuniste de la GR et ses effets néfastes, s'agissant des fraudes et des scandales financiers (Dechow et al., 2011).

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Gestion stratégique des résultats, structure de l'actionnariat et gouvernance d'entreprise : une étude appliquée aux PME défaillantes du secteur agricole

française.

Sous-section 1 : La théorie de l'agence, théorie comportementale de l'agence et la théorie de la réglementation : un cadre explicatif de la gestion des

résultats.

1. La théorie de l'agence (« standard agency framework ») et la gestion des

résultats.

La théorie de l'agence conçoit l'entreprise comme une « fiction légale » prise comme une « coquille vide » sensée accueillir « l'ensemble des relations contractuelles entre individus » (Chalayer-Rouchon, 1994). Cette définition cadre avec le postulat de la théorie de l'agence de par Jensen et Meckling (1976). Ces derniers proposent une lecture composite de la firme en déduisant qu'elle est un « lieu de réalisation d'un processus complexe » servant à un « équilibre » entre les différents intérêts des parties dans un cadre purement « contractuel ». Cette théorie conclue également que le système de coordination des activités au sein d'une firme s'appuie sur un lien de « délégation » et sur des relations de « mandat » (Casta, 2009). La firme s'apparenterait à un résultat de compromissions et à un équilibre des différentes parties. Rappelant que les auteurs définissent le principe de mandat par la relation entre un mandant (ou principal) et un mandataire (ou agent). Les nombres comptables ont ipso facto le rôle de garantir le suivi des contrats (Casta, 2009).

La théorie de l'agence présente des hypothèses qui étayent les biais comportementaux des dirigeants, dont l'ultime finalité vise à maximiser leurs profits, d'une part, et allouer de manière efficiente les ressources mises à leurs dispositions, d'autre part.

A cet égard, Chalayer-Rouchon (1994) précise que les individus auront des velléités à « profiter » des insuffisances des contrats pour maximiser leurs « utilités ». Le résultat comptable peut donc être conçu comme le reflet soit d'un compromis d'ensemble soit de l'expression comptable de l'utilité du mandataire.

Manne (1965) et Fama (1980)1 aboutissent unanimement à la conclusion selon laquelle les dirigeants ont un caractère discrétionnaire en interférant sur la structure des résultats. Lesquels résultats déterminent pour les dirigeants des moyens d'éviter une éviction inopportune et de s'assurer une rémunération en fonction des performances comptables et financières. Ces deux moyens contraignent le dirigeant à manipuler les résultats pour maximiser son utilité.

1 Cité par Chalayer-Rouchon (1994) dans `' lissage de résultat et théorie politico-contractuelle».

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Par ailleurs, la maitrise du risque est au centre de la relation d'agence. Pour le principal (actionnaire) le risque est une variable neutre en raison de la diversité d'activités qui fondent son portefeuille. Par contre, pour l'agent (dirigeant) le risque est une variable sensible à prendre en compte dans les décisions engageant l'entreprise (investissement, financement et gestion du BFR). Palliam et Shalboub (2003, p.78) identifient le mécanisme de gestion des résultats en deux principaux point : (a) le jugement (c'est-à-dire la façon dont le dirigeant procède à l'actualisation des flux et des actifs à long terme, les obligations au titre des prestations de retraite et autres avantages postérieurs à l'emploi, les impôts différés et les pertes découlant de créances irrécouvrables et de dépréciations d'actifs, le jugement dans la gestion des niveaux des stocks, le « timing » des expéditions, les méthodes d'inventaires et les politiques relatives aux créances) et (b) les méthodes comptables (e.i les méthodes d'amortissement linéaire ou accéléré, les méthodes d'évaluation des stocks comme le FIFO, LIFO ou CMUP). Palliam et Shalboub (2003, p.75) concluent que « les agents ont une sécurité et un revenu qui sont inextricablement liés à une entreprise ».

L'agent est dépositaire de l'autorité que lui confère le principal dans la gestion courante des activités. C'est fort de cela, que le dirigeant use de cette latitude dans la conception des nombres comptables. Si le cadre conceptuel promeut l'utilisation des « bonnes pratiques comptables », il n'est pas exclu que le cadre conceptuel légal permet aux fournisseurs des états financiers d'altérer le sens exact des performances réalisées. Palliam et Shalboub (2003, p. 78) arguent qu'il est « difficile de tenir la ligne des bonnes pratiques comptables lorsque les agents opèrent dans la `'zone grise» entre `'la légitimité» et `'la fraude pure et simple» ».

2. La théorie comportementale de l'agence (« behavioral agency theory »).

A la suite de la théorie comportementale de la firme (Cyert et March, 1965 et March, 1981 et 1994)2, l'exploration des nouveaux champs de validation des hypothèses classiques de la théorie de l'agence a vu naitre la théorie comportementale de l'agence (notée TCA). Cette nouvelle approche vise essentiellement à approfondir la compréhension des liens qui existent entre le principal et l'agent. Au contrepied de la monotonie des incitations, la TCA vient élaborer des « micro-fondations » sur l'hypothèse de rémunération des dirigeants (Pepper et

2 Cette théorie qui rompt avec la conception classique de la firme et promeut la recherche des heuristiques de décision des principaux acteurs de la firme.

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Gore, 2015, p. 1045). Les fondamentaux de la TCA sont présentés comme étant « plus réalistes » que ceux énoncés par la TA. Pepper et Gore (2015, p. 1046) formule que « cette théorie place la performance de l'agent au centre du modèle d'agence » et que « les intérêts des actionnaires et des agents sont plus susceptibles d'être alignés si les cadres sont motivés à effectuer leur travail au mieux de leurs capacités ». La TCA se présente donc comme une grille de lecture plus pertinente des heuristiques de décision des parties prenantes. Par ailleurs, la TCA se propose de « réévaluer » de manière générale les hypothèses comportementales qui sous-tendent la théorie de l'agence. C'est à cet égard que la TCA fournit un « modèle de l'homme économique » fondée sur « la rationalité limitée ». Cette démarche comprend (i) les préférences au risque, (ii) l'actualisation, (iii) l'aversion à l'inégalité et (iv) le compromis entre la motivation intrinsèque et extrinsèque (Pepper et Gore, 2015, p. 1045).

Tableau 1 : Confrontation des hypothèses de la TA et TCA

Hypothèses

Théorie de l'agence

Théorie comportementale de l'agence

Préférence du
risque du
`'principal».

Les dirigeants sont neutres en
termes de risque.

Comme pour la théorie de l'agence.

Fonction d'utilité
du dirigeant

Les agents recherchent les

rentes; L'utilité des agents est

positivement associée aux

incitations pécuniaires et

négativement associée à

l'effort.

comme la théorie des agences, mais

soumise aux contraintes liées à la
rationalité, la motivation, la perte, le risque, l'incertitude et les préférences temporelles

Rationalité de
l'agent

Les agents sont rationnels

Les agents sont limités rationnellement,

c'est-à-dire la rationalité des agents
dépend de leurs pouvoirs à recevoir,

stocker, récupérer et traiter des
informations sans erreurs.

La motivation de
l'agent

Il n'y a pas de motivation de
l'agent sans incitations `'non-
pécuniaires».

La motivation est à la fois intrinsèque et extrinsèque ; Intrinsèque et extrinsèque ne sont ni indépendants ni additifs

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La préférence du
risque de l'agent.

Les agents sont averses au
risque.

Les agents sont averses à la perte en dessous d'un point d'inflexion gain / perte; Autrement, risque aversion.

Les préférences
temporelles de
l'agent

Les préférences temporelles
des agents sont calculées en
fonction d'un facteur
d'actualisation exponentiel.

Les préférences temporelles des agents sont calculées en fonction d'un facteur d'actualisation hyperbolique.

La préférence des
agents pour un
salaire perçu
équitable.

Non défini.

Les agents sont averses à l'inégalité.

Source : Pepper et Gore, Behavioral Agency Theory : New Foundations for Theorizing About Executive Compensation, 2015, p. 1050.

3. La gestion des résultats au regard de la théorie de l'agence : entre opportunisme

et caractère bénéfique

`'La gestion des résultats a-t-elle un caractère strictement opportuniste ou au contraire
est-elle bénéfique ? `'

Depuis les faillites d'Enron et Worldcom, la GR est décriée comme étant à l'origine de nombreux scandales financiers aux Etats-Unis. Plusieurs études ont tenté de mettre en exergue les causes de ces phénomènes. A la différence des marchés boursiers (où les bulles spéculatives sont le reflet d'un ensemble de facteurs endogènes et exogènes), les faillites relatives à la comptabilité financière sont exclusivement liées aux déclarations frauduleuses des nombres comptables (performances comptables et estimations des comptes de régularisation).

S'agissant des effets réels de la GR, il existe deux présupposés, à savoir que la GR peut être bénéfique parce qu'elle améliore l'information des résultats, en transmettant l'information privée aux actionnaires et au public, et un autre présupposé, avec les scandales financiers qui représentent des cas flagrants de gestion opportuniste des résultats. L'idée selon laquelle la GR est une pratique opportuniste a aidé à l'élaboration des réglementations visant à atténuer son influence sur la structuration des déclarations comptables. Le caractère opportuniste de la gestion des résultats vise essentiellement à maximiser l'utilité du dirigeant au détriment des

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actionnaires, Jiraporn et al. (2008, p. 623) étayent qu'un « désalignement des incitations des gestionnaires et des actionnaires pourrait inciter les gestionnaires à utiliser la flexibilité offerte par les principes comptables pour gérer les revenus de façon opportuniste, créant ainsi des distorsions dans les résultats déclarés ».

En outre, des études ont démontré le rôle bénéfique de la GR, en retenant l'argument de « la divulgation de l'information privé » au profit des actionnaires et du public (Arya, Glover et Sunder, 2003, Demski, 1998, Guay, Kothari et Watts, 1996, Healy et Palepu, 1993, Holthausen, 1990, Subramanyam, 1996). La disparité des résultats portant sur l'effet de la GR rend difficile la tentative de compréhension du coût réel de cette pratique sur la structure financière des entreprises. Jiraporn et al. (2008) se propose de « distinguer les utilisations opportunistes et bénéfiques de la gestion des résultats » (p.623). Leur démarche s'articule sur l'étude de l'ampleur des coûts d'agence et l'étendue de la GR.

4. La théorie de la réglementation

La théorie de la réglementation, dans une perspective de gestion des résultats, décrit un cadre explicatif des différentes contraintes qui emmènent les agents à s'aligner sur des directives légales, dans le but de rendre compte de façon objective des opérations comptables et financières effectuées. On peut donc déduire que les normes comptables et les différentes dispositions légales en matière de gestion comptable et financière découlent de la théorie économique de la réglementation.

Partant du constat de l'asymétrie d'information, la théorie de la réglementation adosse aux dirigeants la nécessité d'encadrer l'enregistrement des flux et la reddition des comptes. Les arguments retenus pour justifier l'intérêt de cette théorie, dans la gestion stratégique des résultats, concernent le constat récurrent de la flexibilité des procédures comptables (différentes méthodes comptables) et le manque d'objectivité de la comptabilité (évaluation du montant des créances par exemple) (Chayaler-Rouchon, 1994).

A l'échelle macroéconomique, la théorie de la réglementation établie un équilibre entre les différents intérêts des parties au sein d'une économie3. Partant de ce postulat, la réglementation comptable chez Watts et Zimmerman (1986) se décline comme une procédure comprenant en son sein la maximisation de l'utilité de certains acteurs, dont le pouvoir de pression est le plus

3 De Watts et Zimmerman (1986) cité par Chalayer-Rouchon (1994).

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important. La réglementation comme norme se présente donc sous un angle beaucoup plus arbitraire et partisan et ne saurait donc être objective. Chalayer-Rouchon (1994) poursuit cette assertion en arguant que les procédures comptables sont le résultat de pressions politiques exercées par les différents groupes concernés par les états financiers de la firme.

En insistant sur le caractère politisé du cadre conceptuel, Casta (2009) retient que les nombres comptables, en l'occurrence le résultat comptable et les capitaux propres, sont un « argumentaire technique utilisé par les politiciens auprès des électeurs ».

Par ailleurs, la théorie de la réglementation s'articule sur l'analyse du point saillant qui compose les individus en groupe homogène. Lequel cherche avant tout les modalités les plus opportunistes dans le transfert des richesses. Ce caractère partial de la réglementation fait par exemple que dans l'établissement des normes comptables, le rapport coûts/bénéfices du groupe dont le rapport de force le plus élevé sera l'argument incitateur dans la ratification d'une norme par l'instance régulatrice. La normalisation ou la réglementation parait de ce fait être un ensemble d'instruments politiques détenu par un groupe d'individus aux objectifs bien déterminés au détriment d'autres acteurs.

La gestion des résultats obéit à une double exigence. D'une part, l'exigence de satisfaction des parties prenantes de l'entreprises et, d'autre part, la nécessité de la reddition des comptes la plus objective au regard des opérations contractuelles effectuées par la firme.

Sous-section 2 : La gestion des résultats à l'aune de la théorie positive de la

comptabilité

1. La théorie positive de la comptabilité et la gestion des résultats.

Au départ purement normative, la recherche en comptabilité, au travers de l'école de Rochester, a entrepris une approche dite « positive » afin de justifier , d'une part, la pertinence des modèles d'estimation des phénomènes comptables et d'élargir le champ de cette matière aux réalités sociales, économiques et financières qui la fondent, d'autre part.

Nous pouvons noter que la théorie positive de la comptabilité telle qu'énoncé par Watts et Zimmerman (successivement en 1978, 1979, 1986, 1990) accorde un intérêt majeur à l'explication empirique des pratiques comptables, en superposant à cette réalité des biais

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comportementaux des fournisseurs des nombres comptables. On regroupe cette démarche dans l'évaluation empirique de l'utilité décisionnelle des données comptables (Ball et Brown, 1968)4.

La théorie positive de la comptabilité s'est proposée d'établir une cartographie des comportements empiriquement validées et constitutive d'une théorie générale de l'élaboration des états financiers par les entreprises (Casta, 2009). Les déterminants de cette théorie concernent exclusivement : (a) l'étayement des facteurs associés aux choix comptables, (b) les motivations managériales dans l'élaboration des données comptables et (c) la prévision des choix comptables des dirigeants au regard des caractéristiques des entreprises.

1.1. Les hypothèses de la théorie positive de la comptabilité en matière de gestion de résultat.

La théorie positive de la comptabilité émet trois hypothèses. D'abord, l'argument de la dette, qui précise que l'action du dirigeant en matière de GR est restreinte par des clauses d'endettement. Ensuite, l'argument de la rémunération, qui formule que la rémunération est un outil d'encadrement du caractère discrétionnaire du dirigeant, qui opterait naturellement pour des gains personnels (développé également par Schipper en 1989, en ce qui concerne la définition de la GR). Enfin, l'argument de la taille, qui précise que les grandes entreprises privilégieraient des méthodes comptables minorant le résultat au regard de l'environnement politique restrictif et instable (fiscalité et obligations sociales).

1.2. L'instrumentation des pratiques de gestion des résultats : une méthodologie par validation

empirique

La démarche visant à mesurer les comportements comptables s'articule sur la tentative d'instrumenter des variables susceptibles d'interpréter, de manière objective et non-biaisée, la variation des nombres comptables. De prime abord, ce prisme s'articule sur l'observation des variables comptables et sur l'empiricité de la théorie par des essais portant sur la réplication des modèles en procédant à des analyses économétriques sur des panels d'entreprise.

4 Ball et Brown initie les études d'événement dans une perspective de compréhension de la formation des rendements anormaux à la publication des résultats comptables.

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Casta (2009) argue comme exemple l'instrument d'observation de la liberté des choix comptables, les accruals5. Lesquels mesurent l'incidence de la politique comptable menée par les dirigeants sur les variables calculées (provisions, amortissements, opérations de régularisation et charges à répartir).

1.3. Les coûts contractuels et les coûts politiques : des variables explicatives des choix

comptables

Chalayer-Rouchon (1994) traduit les manipulations comptables (choix comptables) par l'importance des coûts contractuels et politiques sur les transactions économiques de la firme. Ainsi, la gestion des résultats, dans une approche politico-contractuelle, résulte de la structure des coûts supportés par l'entreprise. A la suite, elle précise que les travaux empiriques menés pour expliquer les choix comptables dans une approche politico-contractuelle ont abouti à mettre en exergue trois hypothèses.

D'abord, l'hypothèse des coûts politiques, qui définit les choix comptables par les relations qu'ont les entreprises avec la puissance publique et les organismes de normalisation comptable. Dans le cadre de la comptabilité financière, il s'agit de se conformer au formalisme et aux règles comptables telles qu'énoncé par le normalisateur. Cette hypothèse nait donc de la validité de la théorie de la réglementation, et du fait que le normalisateur introduit des règles de tenue et de transactions économiques et financières entre les agents.

Zimmerman (1983) propose une mesure de l'intensité des coûts politiques par la taille de la firme. Il infère dans son étude que les entreprises les plus grandes sont beaucoup plus enclines à supporter les coûts politiques les plus importants (impôts, taxes, intéressements publics particuliers) (Chalayer-Rouchon, 1994). D'autres mesures permettent de déduire la graduation des coûts politiques subis par une firme : « l'appartenance à une industrie, la concentration de l'industrie, la part de marché de l'entreprise, l'intensité du capital, le risque systématique et la variabilité des résultats ». Des études concluent qu'à mesure que les entreprises appartiennent à ces segments, elles auront des velléités à baisser leurs résultats (Hagerman et Zmijewski (1979) et Morse et Richardson (1983).

Leuz et al.(2003) précisent que la gestion des résultats est plus importante pour les entreprises cotées dans les pays relevant du code civil que dans les pays du common law. Ce constat

5 Terme utilisé par Healy (1989), DeAngelo (1986) et Jones (1991)

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6 Les stock-options.

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disproportionnelle dans la gestion des résultats est également précisé en termes de pression institutionnelle. Dans un tout autre contexte, Ben Othman et Zeghal (2006) déduisent que les entreprises françaises gèrent leurs résultats pour minimiser les coûts politico-contractuels tandis que les entreprises canadiennes le font du fait de la pression du marché.

Ensuite, il y a l'hypothèse des rémunérations incitatives des dirigeants, qui postule que l'existence d'un contrat de rémunération variable peut justifier la gestion des résultats. Cornier et al (2006) concluent que la gestion des résultats est incitée par diverses primes dont les stocks options. Par des études de comparaisons sur des panels et des « timing », ils aboutissent au constat selon lequel à mesure que l'écart entre les résultats de l'année en cours et ceux de l'année précédente sont élevés, à concurrence les primes en stock-options sont moindres. Bien que l'hypothèse classique retienne que les clauses relatives aux contrats de rémunération des dirigeants soient une fonction croissante des manipulations comptables (au profit de l'utilité du dirigeant), des études tendent à démontrer le contraire. En effet, les analyses de Bebchuk et Frield (2003) montrent que l'hypothèse traditionnelle défendue par la théorie de l'agence est équivoque aux conclusions de leurs études, lesquelles pointent une non-convergence des intérêts des actionnaires et des dirigeants, même en présence d'un contrat de rémunération. Selon eux, les dirigeants ont des velléités à accroitre leur utilité en préservant un espace de discrétion managériale par la manipulation des résultats financiers, et cela même en recevant des stock-options.

Dans une étude récente, Huang, Huang et Shih (2012, p. 2389-2402) étudient les effets des contrats de rémunération sur les décisions d'investissement et concluent que les actions de propriété6 incitent les gestionnaires à émettre des dettes, tandis que la rémunération en prime basée sur les résultats induit une aversion à les émettre. Cette étude a mis en lumière l'association complexe entre l'existence d'un contrat de rémunération et les incitations à la gestion des résultats comptables. Les auteurs précisent qu'en général la rémunération à base de primes incite le dirigeant à accélérer l'investissement. Cependant le gestionnaire n'a aucune incitation à utiliser le financement par emprunt lorsqu'il n'est rémunéré qu'en espèces ou en primes. De même, il observe que les dirigeants recours à l'emprunt lorsqu'ils sont rémunérés à la fois en espèces et actions de propriété. Toutefois, Huang, Huang et Shih (2012) observent

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que dans la mesure où le contrat de rémunération comprend des primes en espèces, adossées aux résultats et aux actions de propriété, les dirigeants s'alignent sur les attentes des actionnaires. Les actions de propriété et les primes fondées sur le résultat ont des effets différents et même opposés sur les décisions d'investissement et de financement. Lesquelles décisions peuvent impacter la gestion des résultats comptables (variation du BFR pour les accruals et charges d'intérêts en ce qui concerne l'estimation du cash-flow anormal7).

Enfin, il y a l'hypothèse du contrat d'endettement et la place de l'actionnaire dans la gestion des résultats. A ce titre, Kelly (1983) observe que le contrat d'endettement est un mécanisme d'encadrement de la latitude discrétionnaire des dirigeants. Les « covenants »8 sont des outils de protection des créanciers contre « les éventuelles expropriations et transferts de richesses au profit des actionnaires ».

A titre d'exemple, He et al. (2017, p. 267-286) étudient la relation entre politique de dividendes et gestion des résultats. Sur un échantillon de 23 429 entreprises tirées de 29 pays, ils observent une association négative entre le statut de payeur des dividendes et la gestion des résultats. Ainsi, les entreprises qui versent les dividendes ont un intérêt à éviter de gérer les résultats. Par ailleurs, le non-versement des dividendes entraine systématiquement le paiement d'un produit privé aux actionnaires majoritaires -aux dépens des actionnaires minoritaires-. Ce produit encore appelé « `'private control benefits» ou `'avantages privés liés au contrôle» » disparait lorsque les dividendes sont versés. En procédant alors au versement des dividendes, il devient inutile de gérer les résultats pour dissimuler le versement de ces produits exceptionnels (He et al., 2017).

De plus, He et al. (2017) trouvent un lien entre politique de dividendes, gestion des résultats, d'une part, et l'accès futur au financement, d'autre part. Ils constatent qu'une politique axée sur le versement des dividendes augure une bonne gestion financière. Si les audits effectués sur les comptes de régularisation traduisent des manipulations comptables, cela pourrait jouer en défaveur des entreprises en besoin de financement (Gunny, 20109).

7 Résidu caractéristique des manipulations comptables par le cash-flow.

8 Clauses inclues dans les contrats d'endettement.

9 Cette étude met en exergue l'intérêt des contrôles des comptes de régularisation par les auditeurs et organismes de crédit.

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2. Les principales critiques de la théorie positive de la comptabilité

JeanJean (1999) distingue trois principales critiques faites à la théorie positive de la comptabilité : les critiques épistémologiques, les critiques liées au cadre conceptuel et celles liées à la validation des hypothèses.

Les critiques épistémologiques concernent la remise en cause des hypothèses énoncées par Watts et Zimmerman. En effet, le corps de critiques faites à la théorie positive de la comptabilité concerne : (a) l'ambiguïté sur la nature de la théorie de la comptabilité -s'agit-il d'une théorie positive ou normative ? -, (b) l'intérêt moindre des recherches prescriptives par rapport aux recherches normatives, (c) la complexité quant au positionnement de la théorie de la comptabilité au regard des principes d'action du cadre positiviste et (d) la remise en cause de la démarche qu'elle emprunte au regard des prescriptions des sciences, il s'agirait plutôt d'une sociologie de la comptabilité que d'une théorie positive de la comptabilité (Christenson, 1983). C'est donc le caractère de « pertinence » de la cette théorie qui est critiquée (Casta, 2009, p. 1400).

Les critiques liées au cadre conceptuel remettent en question la monotonie stricte entre l'utilité du dirigeant et la valeur actualisée des gains futurs. L'hypothèse de départ de Watts et Zimmerman sur la prédiction de l'utilité du dirigeant n'est pas toujours vérifiée. Le dirigeant peut faire montre de bonne volonté en stockant « du résultat » en prévision des éventuels résultats antérieurement déficitaires.

Les critiques sur la validation des hypothèses concernent premièrement la validité du postulat des pratiques comptables comme variable de la gestion des résultats. Les pratiques comptables ne sont pas forcément les seuls éléments flexibles du résultat. Deuxièmement, le choix d'un portefeuille de méthodes peut également être une manière d'interférer sur le résultat et par conséquent, sur l'utilité du dirigeant. (JeanJean, 1999, p. 27).

Casta (1999) argue que la « nature contingente des hypothèses » constitue une limite forte de la réplication des présupposés de cette théorie aux fins de sa validation. Il en veut pour preuve le confinement de l'empiricité de cette théorie au seul contexte nord-américain. Ainsi, l'Europe dispose de normes spécifiques qui peuvent par exemple rendre impossible la transposition de ces observations « sans précaution » ( e.i fiscalité, pratiques comptables autorisées, poids des marchés financiers, nature des entreprises -familiales ou managériales-, le type de contrôle et la place de l'Etat dans la vie sociale des entreprises).

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Section 2 : L'approche définitionnelle et les estimations de la gestion
stratégique des résultats

Sous-section 1 : Approche définitionnelle de la gestion stratégique des

résultats

Dans cette sous-section nous présenterons les diverses définitions et les modalités de la gestion stratégique des résultats

1. La gestion des résultats : une pluralité de définitions.

Deux définitions sont couramment usitées dans la littérature. La première est celle de Schipper (1989, p.92), qui définit la GR comme « une intervention délibérée du dirigeant dans le processus d'information financière externe dans le but de s'approprier des gains personnels ». La deuxième, plus récente, est celle de Degeorge, Patel et Zeckhauser (1999, p.2) qui identifient la GR comme « l'utilisation de la discrétion managériale pour influencer le résultat diffusé auprès des parties prenantes ». La première définition semble assez réductrice du fait du constat récurent de l'absence de la « monotonie stricte des incitations »10, qui déduit que les dirigeants ne sont pas toujours opportunistes en termes de choix comptables. Comme nous l'avons vu précédemment (en s'appuyant sur la théorie comportementale de l'agence), les incitations à la GR ont été débattues, notamment dans sa dimension béhavioriste. L'approche défendue par Degeorge et al (1999) rompt avec la pensée dominante héritée de l'école de Rochester et implique d'autres notions telles que la discrétion managériale et les parties prenantes, en considération des jeux d'influence entre ces derniers (Jensen, 2001)11.

Healy et Whalen (1999) comme Degeorge et al.(1999) introduisent une définition plus axée sur les « modes d'action » du manager dans la GR (Jeanjean, 2003). En effet Healy et Whalen (1999, p.386) définissent la GR comme « l'utilisation par les dirigeants de leurs latitudes

10 In incitations et contraintes de la gestion des résultats, Thomas JeanJean (2000).

11 Michael Jensen dans une critique de la théorie des parties prenantes ( value maximisation, stakeholder theory, and the corporate objective firm) considère la nécessité de rompre avec cette vision paternaliste du dirigeant ( notamment dans les allocations des ressources) et présente une remodélisation de cette théorie par un procédé qui prend en compte les autres parties prenantes de la firme.

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discrétionnaires dans le processus de comptabilité financière et dans la structuration des transactions pour modifier les états financiers soit pour induire en erreur certaines parties prenantes sur les performances réelles de l'entreprise, soit pour influencer les enjeux contractuels qui reposent sur les normes comptables ».

La « gestion des résultats » procède donc d'un champ définitionnel beaucoup plus large que la simple définition de Schipper (1989). En effet, Vidal (2011)12 pose le problème de la polysémie et de la mauvaise interprétation de la GR, en reprenant le terme de « manipulations comptables », qui n'est aucunement « péjoratif ». La GR relève de la dimension juridique du fait qu'elle désigne l'ensemble des manipulations comptables « autorisées » par le normalisateur. La frontière est donc étroite entre une GR dans le cadre de la réglementation comptable (options sur la pluralité des choix comptables légales) et une gestion frauduleuse des résultats (Dechow et ali., 2010).

Breton et Stolowy (2004) désignent la GR sous les termes de « transferts comptables de richesse, big bath accounting, nettoyage ou toilettage des comptes, habillage des états financiers ». En effet, la pluralité des formes prises par la GR est associée aux objectifs des dirigeants, à la prise en compte des pressions exogènes d'autres acteurs institutionnels (créanciers divers, banques, fournisseurs, obligataires ...) et à la pérennité de la firme.

Couramment, on admet deux types de manipulations comptables (Vidal, 2010) : les manipulations de la structure des comptes (sans altérer a fortiori le solde définitif) ou « window dressing » et les manipulations du solde définitif (résultat comptable) ou gestion du résultat. Enfin, Davidson et al. (1987) désignent la GR comme « la prise de mesures délibérées » au travers « des contraintes des normes comptables » dans le but ultime d'atteindre un seuil de résultat. Cette définition prend donc le contrepied de l'hypothèse traditionnelle de l'opportunisme des dirigeants et défend une vision plus consensuelle et sociale de la gestion des résultats, qui est censée être un mécanisme d'ajustement des résultats réels au bénéfice de la firme et de toutes ses parties prenantes. Lequel ajustement dépend du sens des manipulations comptables au regard des contingences, des obligations et du contexte qui pèsent sur la firme.

12 Revue Française de comptabilité, n°434, Juillet-Août 2010.

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2. L'approche managériale de la gestion des résultats : tentative de compréhension

d'une ambiguïté sociale

La théorie positive de la comptabilité telle qu'énoncé par Watts et Zimmerman (1986) se propose d'expliquer les principales causes et intentions qui motivent les préférences comptables des dirigeants, et les proportions discrétionnaires dont ils font montre dans la gestion des nombres comptables. La littérature concernant l'approche managériale de la gestion des résultats s'établie en termes d'incitations et contraintes. Les dirigeants adoptent des comportements en réponse à la préservation de leurs utilités mais également dans le but de satisfaire les actionnaires.

Watts et Zimmerman (1986) étayent trois grandes hypothèses qui explicitent les dispositions managériales à manipuler les résultats : (a) les managers ont des préférences à reporter les résultats futurs vers la période présente, (b) les firmes dont le levier financier est faible auront tendance à reporter les résultats futurs vers la période présente et (c) la taille non-négligeable de la firme détermine sa préférence à reporter en avant ses résultats (JeanJean, 2001).

Mard et Marsat (2012, p.13) établissent que parmi les facteurs incitatifs, et à l'instar de ceux cités précédemment, on peut retrouver les appels à l'épargne ou le changement de l'équipe dirigeante et que les contraintes liées à la gestion des résultats peuvent découler des règles comptables utilisées (normes US, IFRS ou Françaises), le système de protection légale13 et ce qu'ils nomment « les mécanismes de gouvernance »14.

Ce cadre formel -qui obéit à un schéma mental général des dirigeants- a fait l'objet de nombreuses critiques. JeanJean (2001) précise le constat récurrent de « la rupture de la monotonie stricte des incitations » à expliquer la gestion des résultats à partir du canevas traditionnel (à savoir les prédictions de la théorie positive de la comptabilité). S'agissant du contrat d'endettement par exemple, des études ont remis en cause le principe de la monotonie stricte des incitations des « debt covenants15 ». En effet, les entreprises en difficulté financière, et dont le matelas financier a défailli, auront tendance à obérer davantage leurs résultats (DeAngelo et Skinner, 1994). Les travaux de Iatridis et Kadoranis (2009, p. 164-173) montrent que les entreprises qui sont dans une situation financière difficile utilisent la GR afin

13 Les auteurs parlent indument des disparités entre le common low et code law.

14 Par référence à la qualité de l'audit, la structure de l'actionnariat et le conseil de direction.

15 e.i. les clauses contractuelles inscrites dans les contrats de dette.

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d'améliorer leurs nombre financiers d'une part et rassurer les créanciers (en capitaux propres er dettes) d'autre part. En effet, ils concluent que les entreprises qui sont en besoin de capitaux propres et dettes sont proches de la violation des clauses restrictives et qu'en considérant que la situation de telles entreprises en pâtirait sur le marché, les dirigeants seraient plus enclins à pratiquer la GR.

Healy (1985) précise que le manager ne suit pas toujours les objectifs associés à la monotonie stricte dans sa gestion stratégique des résultats. Il précise l'aspect équivoque de la gestion des résultats en présence de contrat de rémunération incitatif. En effet, dans la mesure où le résultat est élevé, il aura tendance à porter ce dernier à hauteur de son niveau maximum et si le résultat est faible (inférieur à la limite maximale), il aura tendance à davantage diminuer le résultat afin de l'augmenter les années suivantes.

3. Conception comptable et financière de la gestion des résultats

L'étude des manipulations comptables a abouti sur la modélisation de modèles économétriques mettant en exergue les effets discrétionnaires ou anormaux conscrits dans les déclarations comptables.

Avant d'approfondir la littérature relative à la GR, on peut d'ores et déjà retenir qu'elle se compose de deux principaux éléments : la gestion des résultats par les accruals (notée GRA) et la gestion des résultats par l'activité réelle (notée GRAR16).

Eisele (2012, p.15) distingue les caractéristiques propres à chacune de ces modalités de gestion des résultats en cinq (5) points : le timing, la composante du résultat affecté, le coût, les contraintes et la visibilité de la détection.

Le timing est différent selon que l'on se trouve dans une perspective de GRA ou GRAR. Dans la GRA, les opérations se font après la clôture des activités, en l'occurrence pendant l'établissement des états financiers (Roychowdhury, 2004 ; Gunny, 2010)17. Tandis que la GRAR doit être « initié à l'avance », c'est-à-dire avant la fin de l'année fiscale. Eisele (2012) précise que « les réductions des prix pour atteindre les objectifs de résultat doivent être accordées suffisamment à l'avance » dans le cadre de la GR.

16 Encore appelé gestion réelle des résultats.

17 Il est donc aisé de constater qu'il s'agit d'une approche beaucoup plus flexible que la GRAR.

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Le coût de la GR traduit les différents efforts consacrés par la direction aux « activités discrétionnaires ». Eisele (2012, p. 16) argue que le coût de la GR implique aussi la prise en compte de la « dimension des conséquences négatives sur la performance actuelle et future de l'entreprise ». Comme pour le timing, le coût de la GR est différent selon que l'on se situe dans une approche par GRA ou GRAR. Dans la GRA le coût est moindre que dans une approche par GRAR, parce que les manipulations comptables par les accruals subissent à terme un auto-dénouement (JeanJean, 2001). Il s'agit d'une gestion nulle des résultats, au sens du rapport coûts/bénéfices. Par contre, la GRAR est plus coûteuse que les manipulations par les accruals. Eisele (2012) rappelle que la modification des transactions réelles induit deux coûts : « les coûts liés à la planification des transactions et les coûts liés à la communication des écarts par rapport aux stratégies commerciales optimales ».

Dumas (2014, p.40) retient que la composante du résultat affectée par la GR a trait aux éléments sur lesquels l'interférence se portera (flux de trésorerie ou accruals). A ce titre, il rappelle que la GRA renvoie aux « choix comptables » et donc systématiquement aux produits et charges calculés (les accruals). Comme nous le verrons, la composante du résultat affectée peut aussi concerner la GRAR, dans des proportions peu ou prou importantes (Roychowdhury, 2006 ; Campa et Minano, 2015).

La visibilité de la détection : la GRA est plus aisée à détecter que la GRAR. Les instruments de détection des accruals discrétionnaires se sont largement développés depuis la première mesure des accruals normaux de Healy (1985). A l'opposé, la GRAR a été estimée en observant les seuils des résultats comptables ("seuil 0" de Burgsthaler et Dichev, 1997) puis par les mesures des effets anormaux sur les comptes d'exploitation (proxy des flux de trésorerie anormaux et proxy de la production anormale, Roychowdhury, 2006).

Les contraintes : l'environnement peut différencier l'ampleur de la GR. Dumas (2014, p. 29) illustre ce constat par le cas de l'adoption de la loi Sarbanes-Oxley (SOX) aux Etats-Unis qui a réduit la GRA (Cohen, 2008)18. Sur le plan de la culture juridique, on a pu observer que les entreprises cotées relevant des pays dont le code civil est de mis ont plus de velléités à gérer les résultats que les pays relevant du common law -où les contraintes sont plus importantes- (Leuz et al., 2003).

On pourrait ajouter une sixième caractéristique de différenciation entre la GRA et la GRAR, il s'agirait du contexte lié à la conjoncture des entreprises. En effet, des études ont démontré que

18 In Dumas (2014, p.29).

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les entreprises en période de détresse financière gèrent les résultats plus par les flux de trésorerie que par les accruals (Campa et Minano, 2015 ; Razzaque, Ali et Mather, 2016 ; Kouaib et Jarboui, 2016). Ceteris paribus, les entreprises saines auraient des tendances à manipuler leurs résultats par la GRA plutôt que par la GRAR.

Tableau 2 : Les caractéristiques des deux modalités de gestion des résultats

Caractéristiques

Gestion des résultats par
les accruals

Gestion des résultats par
l'activité réelle

Timing

Pendant l'établissement des
états financiers (après
l'année fiscale)

Pendant l'exercice
comptable (pendant l'année
fiscale)

Composante du résultat
affecté

Produits et charges calculés
(accruals)

Produits et charges ayant fait
l'objet de flux de trésorerie
et accruals

Coûts

Faible

Elevé

Contraintes

Gestion antérieure /
Auditeurs et législateurs.

Arbitrage coûts-bénéfices

Visibilité

Modéré / élevé

Faible

Source : Eisele (2012, p.29).

Sous-section 2 : Approche estimatoire de la gestion des résultats

A. La gestion des résultats par les accruals

La gestion des résultats par les choix comptables (ou accruals) découle des « changements des méthodes comptables et estimations utilisées lors de la présentation des états financiers » (Zang, 2012, p.676). Cette gestion découle de la liberté donnée aux dirigeants d'évaluer certains comptes comptables de manière discrétionnaire, tout en respectant le cadre normatif en vigueur. Cependant, la gestion des résultats par les accruals peut aussi découler d'opérations frauduleuses. Lesquelles se basent sur une gestion agressive des résultats comptables (Dechow, 2011, p.17-82). Les accruals résultent des « prescriptions des organismes de normalisation » et désignent « l'espace discrétionnaire substantiel permis par les normes comptables » (Jeanjean, 2001, p.1). Les effets des accruals sur le résultat ont fait l'objet de nombreuses études. Roychowdhury (2006, p.336) argue que ce type de gestion n'a pas d'effet sur les flux

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de trésorerie tandis que JeanJean (2001, p.5) l'entend de manière plus complexe, en retenant « la condition de non compensation ». Laquelle condition préconise qu'un élément d'accruals n'aura un effet mineur sur le résultat qu'à la seule condition qu'il existe un effet inverse de cet élément d'accruals sur les flux de trésorerie.

Par ailleurs, au-delà du débat relatif aux effets des accruals sur le résultat, la problématique de la nullité des accruals se pose. La littérature admet de manière générale que les accruals sont nuls à terme, il s'agit de la propriété d'auto-dénouement des accruals.

Par ailleurs, JeanJean (2001, p.15) argue que la GR consiste à un simple étalement de la « sécrétion » du résultat comptable et Healy (1985, p.89) conclut que l'effet majeur des accruals est de modifier « la temporalité » des résultats comptables.

Un autre aspect des accruals est son effet « mean reversion », c'est-à-dire la propriété de l'impossibilité de gérer « indéfiniment » les accruals, sur des horizons temporels longs, à la hausse ou à la baisse. Ces propriétés associées à celle de l'auto-dénouement rendent difficile l'estimation statistique de la période initiale de la gestion des résultats et des modalités de fiabilité des hypothèses de mesure des accruals.

Avant de passer en revue les différents modèles d'estimation des accruals discrétionnaires, il est nécessaire de présenter la construction logique de ces derniers par les accruals totaux et normaux, comme précisé par JeanJean (2002).

Résultat Comptablet = Flux de trésoreriet +/- Accrualst

La formule précédente aide à approcher la modalité d'estimation des accruals totaux. Il vient que les accruals totaux correspondent :

Accruals totaux (AT) = Accruals normaux (AN) + Accruals discrétionnaires (AD).

Accruals discrétionnaires (AD) = Accruals totaux (AT) - Accruals normaux (AN).

1. La classification des accruals en fonction de leurs natures.

JeanJean (2002) précise que les accruals n'ont un effet sur le résultat qu'à la seule condition que leur gestion ne produise pas un effet inverse sur les cash-flows ou sur un autre accrual.

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Toutefois, les accruals longs relevant du haut du bilan -à savoir l'actif stable- n'ont pas de contrepartie dans les cash-flows. Il reste alors les accruals courts -ceux de l'actif circulant-qui nécessitent une plus grande attention dans leurs estimations.

S'agissant des accruals nuls et non-nuls, il s'agit d'une simple déduction du principe de non compensation. Les accruals longs n'ont pas de contrepartie dans les flux de trésorerie d'exploitation, ce qui en fait a priori des accruals non-nuls. Les accruals courts sont beaucoup plus complexes. En effet, ils peuvent d'une période à une autre s'annuler, se compléter ou se réestimer dans les flux de trésorerie. Plus précisément, les accruals longs se composent des reprises et dotations aux amortissements sur immobilisation et de la production immobilisée et des accruals courts, qui se composent des dotations et reprises sur actifs circulants et de la variation de BFR.

L'estimation des manipulations comptables peut être faite en évaluant un seul accrual, c'est-à-dire en suivant son évolution et ses effets sur le résultat, ou en étudiant l'intégralité des manipulations comptables discrétionnaires, donc les accruals anormaux (JeanJean 2002). Nous obtenons le tableau qui suit :

Tableau 3 : Les différentes méthodes d'estimation des accruals discrétionnaires

Méthodes

Avantages

Inconvénients

Accruals discrétionnaires
totaux.

Mesure de la stratégie dans son ensemble

Erreur de mesure importante car modèle globalisant.

Grands échantillons

Accruals discrétionnaires
spécifiques.

Mesure fine de la gestion du résultat.

Résultat spécifiques à un secteur économique

Taille de l'échantillon réduite.

Source : Thomas JeanJean, 2002.

2. Les modèles naïfs : l'estimation des accruals normaux par une moyenne des

accruals totaux

Les premiers modèles estimatoires de la gestion des résultats, à partir des accruals, sont dits « naïfs ». En effet, les accruals normaux sont calculés par une simple moyenne des accruals totaux des années antérieures. Deux études sont des références dans l'estimation naïve des accruals, l'étude de Healy (1985) et celle de DeAngelo (1988).

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2.1. Le modèle de Healy (1985) : Les manipulations comptables par les accruals et la maximisation de l'utilité du dirigeant.

Le premier modèle d'évaluation des accruals est élaboré par Healy (1985) dans le cadre d'une étude empirique testant l'hypothèse d'agence selon laquelle les dirigeants manipulent les comptes pour maximiser leurs primes.

L'auteur décompose la performance en deux intéressements, à savoir les « bonus schemes » et « performance plans ».

RC = {Bonus schemes ; Performance plans).

S'intéressant aux seules primes, Healy (1985) établit un paramètre explicite des schémas incitatifs des dirigeants, arguant que ces derniers interfèrent sur la structure des résultats comptables pour augmenter la valeur actuelle de leurs primes.

Soit :

Bt' = Ptmax{(Et - Lt), 0).

Pour une période (t) établie, l'espérance de l'utilité du dirigeant équivaut à la maximisation de sa prime (Bt) dans la limite de la différence entre les gains déclarés (Et) et une limite minimale (Lt) en dessous de laquelle l'espérance de toute prime est nulle. L'espace discrétionnaire concerne donc l'ensemble des manipulations effectuées dans la région (Et-Lt).

Dans l'éventualité où il existerait un excédent de gain par rapport au gain cible, un plan d'intéressement (Ut') peut être considéré dans la limite de la différence entre le bénéfice réel et le bénéfice cible.

Soit :

Bt' = Pt {min{U', max{(Et - Lt), 0)11. Ainsi, Healy (1985) estime les accruals totaux comme suit :

ACCt = -DEPt - XIt. D1 + DARt + DINVt - L APt - {LTPt + Dt}. D219

In fine, il aboutit sur l'estimation des accruals normaux (NA) :

19 Désignation des termes en annexe.

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t--N

NA = 11 N Accruals_totauxk

k=t-1

L'hypothèse de base de ce modèle est que les accruals discrétionnaires sont en moyenne nuls. Ce qui suppose que l'on peut approcher les accruals normaux en faisant la moyenne des accruals totaux des années antérieures.

2.2. Le modèle de DeAngelo (1986) : la marche aléatoire des accruals 20.

Dans un tout autre contexte, DeAngelo (1986) étudie la gestion des résultats de 64 firmes ayant subi des opérations de MBO (Management Buy Out) et notamment les variations de leurs accruals et résultats nets. Le caractère opaque de la gestion des entreprises ayant fait l'objet d'opérations de MBO conduit DeAngelo à évaluer les possibles interférences sur les résultats avant lesdites opérations. Les conclusions traduisent une sous-évaluation des résultats avant les opérations de MBO.

L'approche de DeAngelo s'inspire du modèle de Healy (1985), avec la particularité de considérer le caractère aléatoire suivi par les résultats et ses composants. Il vient donc que la meilleure estimation du résultat en l'année (t) est au moins le résultat en l'année (t-1).

Soit,

Résultatt = Résultatt_1 + Et

Accrualst = Accrualst_1
ANt = ATt_1.

20 DeAngelo suppose que les résultats et les accruals suivent une marche aléatoire et qu'il est possible d'estimer les accruals discrétionnaires à partir des accruals totaux de l'année antérieur et non plus de la moyenne des accruals des années antérieurs.

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3. Les modèles économiques : la prise en compte du poids des immobilisations et

de la variation du Besoin en Fonds de Roulement (le passage du modèle de Jones de 1991 au modèle de Jones modifié de 1995).

A l'opposé des modèles naïfs, il a été considéré que les accruals prennent en compte l'effet conjoncturel des activités opérationnelles. Par ailleurs, le modèle developpé par Healy (1985) et DeAngelo (1986) sont moins précis que le modèle de Jones quant à la désagrégation et les effets des accruals discrétionnaires.

3.1. Le modèle de Jones (1991)

L'étude de Jones (1991) visait à répondre à une préoccupation des autorités fédérales américaines sur l'éventualité des manipulations comptables des sociétés bénéficiant d'allégements aux importations. L'approche défendue par cette étude était de mesurer l'ampleur de la gestion des résultats pendant les enquêtes sur les importations effectuées par ITC21. Le constat récurrent était que les entreprises d'export-import s'adonnaient à une gestion des nombres comptables afin d'obtenir des aides à l'importation et ainsi accroitre le montant de l'allégement accordé. La problématique de départ était le fait que l'ITC n'ajustait pas ses données financières au regard des procédures comptables utilisées et en fonction des décisions de comptabilité prises par les entreprises22. L'objectif poursuivi était la prise en compte de l'ajustement discrétionnaire des nombres comptables sur les nombres financiers élaborés par l'autorité de régulation.

Fort de ce constat, Jones (1991) propose d'approcher les accruals discrétionnaires par une estimation de la composante anormale des accruals totaux plutôt que par la composante discrétionnaire d'un seul accrual23. La composante discrétionnaire des accruals totaux a pour particularité de capter des différentes manipulations faites sur le résultat avant impôt. Lequel comprend les effets de tous les comptes de régularisation -utilisation des provisions-.

21 United States International Trade Commission.

22 `'Furthermore, interviews of ITC regulators indicate that the ITC does not adjust financial data for accounting procedures used or for accrual decisions made by firms» (Jennifer Jones, 1994, p 194).

23 `'which includes the effects of all accrual accounts, and, as such, managers are likely to use several accruals to reduce reported earnings.» (Jennifer Jones, 1994, p 194).

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DAt = a + (3. PART + ut + Et

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Jones (1991) argue que les accruals discrétionnaires se composent des résidus provenant des modèles classiques de prévision -soit (E)-.

Partant du modèle des accruals totaux de DeAngelo, il vient que les accruals totaux d'une période correspondent à la variation du BFR de cette période :

L ATt = (TAt - TAt-k) = (DAt - DAt-k) - (NAt - NAt-k).

A partir de cette estimation des accruals totaux, les accruals normaux équivalent à :

AN;,t = a; + (31.L CA;,t + (32. IMMOCORP;,t + Et

Les accruals discrétionnaires s'estiment donc comme suit :

Et = DAt = (TAt} - {(a; + (3i. L CA;,t + (32. IMMOCORP;,t))

Deux observations peuvent être faites au regard du modèle de Jones (1991). Premièrement, l'estimation des accruals normaux comprend la variation du chiffre d'affaires et les accruals normaux de l'actif stable (cela sous-entend donc que ce modèle exclu de ces comptes les accruals discrétionnaires). Deuxièmement, la part résiduelle Et des accruals normaux correspond aux accruals discrétionnaires des comptes estimés.

3.2. Le modèle de Jones modifié (1995) : une alternative aux limites du modèle de Jones

(1991).

Le modèle de Jones modifié (1995) est une alternative aux modèles précédents dans la mesure où ces derniers souffrent de quelques insuffisances. Dechow, Sloan et Sweeney (1995) procèdent à des tests d'hypothèse pour évaluer la performance des modèles de détection de la gestion des résultats. En effet, ils identifient trois problèmes majeurs. Partant sur la base de la relation linéaire telle que conçue par les premiers modèles :

Soit,

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Le premier problème24 concerne « l'attribution incorrecte de la gestion des résultats à PART ». En effet, comme nous le montre la relation linéaire précédente ji?? comprend la somme des effets omises par la variable estimatoire des accruals discrétionnaires ainsi que l'erreur de mesure des accruals discrétionnaires (error in the researcher's proxy for discretionary accruals).

Si le chercheur estime de manière erronée le coefficient attribué à PART (soit 0), il viendra que le coefficient estimé 13 sera biaisé. Et donc par effet de cascade, la probabilité de survenance d'une erreur de type I sera grande.

Le deuxième problème concerne « l'extraction incorrecte de la gestion des résultats causée par PART »25. Si la gestion des résultats qui est supposé être causée par PART 26 a lieu et que la corrélation entre u et PART est opposée en signe, alors le coefficient estimé de PART sera biaisé, ce qui accroitrait la probabilité d'une erreur de type II27.

Enfin, le dernier problème renvoi à l'hypothèse de non-corrélation entre ji et PART. Dans la mesure où cette absence de corrélation existerait, certaines variables pertinentes seraient exclues et partant, cette situation conduirait à gonfler l'erreur du coefficient estimé /9. Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité de survenance d'une erreur de type II s'en trouvera forte. Comme précisé par JeanJean (2002), une hypothèse implicite du modèle de Jones (1991) est la non-anormalité de la variation du chiffre d'affaires. Autrement dit, le modèle de base (Jones, 1991) exclu que le chiffre d'affaires puisse être considéré comme une variable discrétionnaire -pouvant subir des interférences de la part du dirigeant-. Le modèle de Jones pose une toute autre réflexion en admettant que le pouvoir du dirigeant peut s'exprimer sur le chiffre d'affaires par l'entremise des créances. L'apport de ce modèle sera donc de corriger cette « tendance conjoncturelle » (Dechow et al., 1995).

L'extraction de la variation des créances du chiffre d'affaires entraine que seule la partie du chiffre d'affaires ayant une contrepartie monétaire effective sera prise en compte comme variable non discrétionnaire. La fonction suivante traduit cette correction :

24 incorrectly attributing earnings management to PART, p. 196.

25 Unintentionally extracting earnings management caused by PART, p. 196.

26 Valeur choisie en réponse au stimulus de gestion effectif des résultats. La valeur PART étant une variable dummy, il vient que si le chercheur lui donne la valeur 0, il n'y a pas de gestion effectif des résultats au regard du stimulus identifié (Dechow et ali, 1995).

27 L'hypothèse nulle de non gestion systématique des résultats en réponse à un stimulus identifié n'est pas rejetée.

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ANt = a; + 13;. (ACA;,t - ACREANCES;,t) + 132. IMMOCORP;,t + Et.

Les accruals discrétionnaires correspondent à :

DAt = TAt - NDAt

Et = DAt = (TAt} - [(a; + 131. (ACA;,t - ACREANCES;,t) + 132. IMMOCORP;,t)).

4. Estimation de la gestion des résultats par les accruals discrétionnaires : approche par des modèles mathématiques

Comme présenté par Kighir, Omar et Mohamed (2014), les modèles de Jones (1991) et Jones modifié (1995) peuvent souffrir de quelques insuffisances. Premièrement, ces estimateurs de gestion des résultats nécessitent une étendue importante de séries chronologiques pour spécifier les résultats obtenus. Deuxièmement, l'auto-réversion des accruals peut atténuer la spécificité des tests.

4.1. Beneish (1999) : une approche par le scoring.

Ce modèle présente la particularité d'établir une régression de référence (un score) susceptible de déceler les `'accruers28». Il propose donc une mesure de la captation des manipulations comptables (M) par huit indices agrégés à des coefficients pré-estimés.

M = -4.84 + 0.92 * DSRI + 0.528 *GMI + 0.404 *AQI + 0.892 * SGI + 0.115 * DEPI - 0.172* SGAI + 4.679* TATA - 0. 327* LVGI29.

Beneish (1999) indique que les entreprises qui obtiennent un score supérieur à 2.22 ont une forte probabilité d'être des manipulatrices. La spécificité de cette approche est de 76% de bons classements avec 17.5% d'erreur.

28 Termes désignant les entreprises qui pratiquent la gestion stratégique des résultats.

29 (DSRI): Trade receivable index, (GMI); Gross profit margin index, (AQI): Asset quality index, (DEPI): Depreciation index, (SGAI): Changing Debt Structure Index, (TATA): Total accrual/total asset rate, (SGI): Sales growing index, (LVGI): Marketing sales distribution expenses and general management expenses index.

40

30 Soit les encaissements créances.

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4.2. Le modèle de la marge : une conceptualisation transversale des accruals normaux.

Proposé par Peasnell, Pope and Young (2000), ce modèle a pour but d'approcher différemment des accruals normaux. Ils considèrent que les accruals estimés (normaux) correspondent au BFR. Toutefois leur compréhension du BFR est différente de la conception traditionnelle. Ils incluent donc de nouvelles variables explicatives.

Le modèle s'établit de la manière suivante :

BFR = a0 + a1CA + EC30 + ?? .

B. La détection des manipulations comptables par la distribution des

résultats.

Burgstalhler et Dichev (1997) initient une approche transversale dite de distribution des résultats, encore appelé "accounting thresholds", autrement dit les manipulations comptables pour atteindre un seuil préétabli. Burgstalhler et Dichev (1997) mettent en exergue deux discontinuités sur un échantillon de plus de 4000 entreprises : le seuil du résultat nul et le seuil des variations nulles des résultats (Vidal, 2010).

Figure 1 : Forme de la distribution des résultats au seuil des variations nulles des résultats.

Source : Burgstahler et Dichev , 1997, p 105.

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Comme il est visible sur la figure ci-dessus, à l'approche du seuil 0, une discontinuité anormale est observée : un niveau anormalement bas avant le seuil et un niveau anormalement élevé après le seuil, il s'agit du constat de "transfert d'effectif d'un intervalle sur l'autre" (Vidal, 2010). Yves Mard (2003) donnent quelques avantages et inconvénients de cette approche.

Le principal avantage de cette méthode est qu'elle est une alternative aux mesures de la GR par les accruals. La distribution des résultats fait office de mesure de portée générale (accruals et flux de trésorerie) par rapport aux seuls accruals discrétionnaires, qui nécessitent des estimations délicates et imparfaites.

L'inconvénient majeur de la mesure de Burghaster et Dichev (1997) est l'absence d'une distinction entre l'ampleur de la gestion des résultats par les accruals et celui par les flux de trésorerie. De plus, la distribution des résultats suppose que le chercheur ait une bonne connaissance du seuil nul de chaque entreprise, ce qui en pratique peut être difficile à estimer.

C. La gestion des résultats par l'activité réelle : les cash-flows anormaux et la production anormale

Dans cette partie nous allons procéder à une revue sommaire de la seconde modalité de la gestion des résultats comptables : la gestion des résultats par l'activité réelle.

Dechow et Skinner (2000) et Healy et Whalen (1999) étudient les entreprises qui gèrent les résultats par les activités réelles. Ils concluent qu'il y a d'évidentes interférences sur certains comptes d'exploitation. Ces pratiques concernent : la réduction des dépenses en R&D, la diminution des frais administratifs et généraux, la planification des ventes en rétrocédant des crédits plus `'flexibles» et la production excédentaire (Sellami et Adjaoud, 2010).

D'inspiration anglo-saxonne, la gestion réelle des résultats -real earnings management ou earning management through real activities manipulation- est généralement usitée pour l'atteinte d'un seuil de résultat : le seuil zéro ou "zero threshold" (Roychowdhury, 2006). Roychowdhury (2006) définit la GRAR de la manière suivante : "Real activities manipulation is defined as management actions that deviate from normal business practices, undertaken with the primary objective of meeting certain earnings thresholds31".

31 « La manipulation comptable des activités réelles est définie comme des mesures de gestion qui s'écartent des pratiques commerciales normales, entreprises dans le but principal de respecter certains seuils de résultat ».

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Roychowdhury (2006) argue que la GR peut aussi s'effectuer en interférant sur la structure des flux de trésorerie. Lesquelles interférences concernent "les remises de prix pour augmenter temporairement les ventes, la surproduction pour signaler un coût moindre des marchandises vendues et la réduction des dépenses discrétionnaires pour améliorer les marges déclarées pour les entreprises les moins performantes ".

Le modèle de Roychowdhury (2006) se focalise principalement sur les ventes et la production comme variables d'ajustement des activités réelles. Comme dans les mesures des accruals, E traduit le résidu, variable de l'interférence des dirigeants.

Soit les cash-flows totaux (1) et la production totale (2) :

(1) CFO;t/ACTIFSt_1 = a + 131(1/ACTIFS;t_1) + 132(VENTES/ACTIFS;t_1) + 133(AVENTES;t/ACTIFS;t_1) + E;t ; (2)PROD;t/ACTIFSt_1 = a + 131 (1/ACTIFS;t_1) + 132 (VENTES/ACTIFS;t_1) + 133 (?VENTES;t/ACTIFS;t_1) + E;t.

D. Le lissage des résultats : définition et détection

Le lissage du résultat est la forme de GR obéissant au principe de linéarité des bénéfices publiés. Son estimation par un modèle comparatif des scores a été largement développée dans l'article de Leuz et al. (2003). En effet, ces auteurs développent un score d'ensemble (`'The aggregate earnings management score», p.511) basé sur 4 mesures de la gestion des résultats32, cette mesure rend compte de la magnitude du lissage des résultats pour chacun des 31 pays de leur étude.

1. Définitions du lissage des résultats comptables.

Pour Mard et Schatt (2011, p. 311), le lissage des résultats consiste à « réduire la volatilité des résultats affichés », ce qui en tout état de cause « modifie la perception des parties prenantes du risque et de la situation financière de l'entreprise ». Attia (2013, p.233) argue que le lissage intentionnel du résultat est une modalité de gestion du résultat servant à « modérer les

32 Ces 4 mesures (notées de EM1 à EM4) comprennent (a) Smoothing reported operating earnings using accruals

(p.509), (b) Smoothing and the correlation between changes in accounting accruals and operating cash flows

(p.510), (c) Discretion in reported earnings : The magnitude of accruals (p.510) et (d) Discretion in reported earnings : Small loss avoidance (p.511).

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fluctuations du résultat d'une année à l'autre » et « consiste à manipuler des instruments comptables réels pour réduire la volatilité du résultat ».

2. L'estimation du lissage des résultats

L'article de Mard et Schatt (2011, p. 313-315) résume les différentes estimations du lissage des résultats. Deux études (Eckel, 1981 et Leuz et al., 2003) ont permis de mettre en exergue la pertinence de la variation d'indicateurs financiers tels que le résultat d'exploitation, le résultat net, le cash-flow des activités opérationnels et le chiffre d'affaires. Les deux ensembles de mesure du lissage des résultats concernent : (a) la variation des résultats et la variation des ventes d'une part et la variation des résultats et la variabilité des flux de trésorerie d'exploitation d'autre part.

2.1. La variation des résultats et la variation des ventes

Les premiers travaux, dans la lignée de ceux d'Eckel (1983), ont mesuré le lissage des résultats par l'élaboration d'un critère de la variation des résultats et la variation du chiffre d'affaires. La différence entre ces mesures de variation est censée rendre compte de la magnitude du lissage des résultats sur une période déterminée. A la différence de la mesure des accruals discrétionnaires, la modalité d'estimation de la manipulation des résultats par la variation des ventes et la variation du résultat permet de prendre en compte « le lissage naturel produit par le processus comptable, ainsi que les chocs liés à l'activité » (Mard et Schatt, 2011, p. 314). L'estimateur utilisé est un coefficient qui discrimine les « lisseurs » des « non-lisseurs ». Un coefficient de variation du résultat inférieur au coefficient de variation du chiffre d'affaires indique que l'entreprise en présence pratique le lissage des résultats.

2.2. La variation des résultats et variation des flux de trésorerie d'exploitation

Cette mesure a été influencée par l'apparition des mesures des pratiques discrétionnaires dans l'élaboration des nombres comptables, à savoir les accruals. Comme dans les travaux de Roychowdhury (2004 et 2006), cette estimation prend en compte le fait que « les flux de trésorerie d'exploitation s'imposent en grande part aux dirigeants et la gestion des résultats s'opère essentiellement à l'aide des accruals » (Mard et Schitt, 2011, p. 314). Comme pour la

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première estimation, une variation du résultat supérieure à la variation des flux de trésorerie d'exploitation traduit une « volonté de lisser les résultats via les accruals ».

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