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La compétence de la Cour pénale internationale face aux Etats tiers au statut de Rome

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par Shai Lakhter
Université Paris 2 Panthéon-Assas - Certificat d'éudes internationales générales 2017
  

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2. Les obstacles subsistants : la gravité des crimes et la complémentarité

La reconnaissance de la qualité d'État, ne peut suffire à elle seule au déclenchement de la compétence de la Cour. Deux conditions supplémentaires doivent être réunies : tout d'abord, les crimes doivent présenter une gravité suffisante et puis, en vertu du principe de complémentarité, aucune poursuite « réelle » n'a dû être engagée par des autorités nationales.

S'agissant du principe de gravité d'abord, il convient de rappeler l'examen préliminaire effectué par la procureure dans l'affaire des îles Comores98. Suite au blocus imposé sur la bande de Gaza, une flottille en provenant de la Turquie a essayé, pour des raisons considérées comme humanitaires, d'y apporter de la nourriture et médicaments. Arrêté par les forces armées israéliennes, la confrontation a causé la mort de 10 personnes et la blessure d'une cinquantaine. Les îles Comores, propriétaires d'un des bateaux, le Mavi-Marmara, ont saisi la Cour pour que celle-ci mène des enquêtes sur des crimes de guerre commis à bord.

Dans sa décision du 6 novembre 2014, la procureure commence par rappeler que « L'appréciation de la gravité des crimes tient à la fois compte d'aspects quantitatifs et qualitatifs »99. Elle rajoute par la suite qu'« aux termes de l'article 8-1 du Statut « [l]a Cour a compétence à l'égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s'inscrivent dans le cadre d'un plan ou d'une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle »100 et conclut ainsi que « les événements se rapportant à la flottille ne seraient pas suffisamment graves pour que la Cour y donne suite »101. Cependant,

93 Ibid.

94 C.J.C.E., Farell, affaire C-356/05, arrêt du 19 avril 2007, Rec. p. I-03067

95 Pour l'état actuel de l'examen préliminaire, voy. C.P.I, communiqué de presse, Le Procureur de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, présente son rapport annuel sur les activités menées en 2016 en matière d'examen préliminaire, 14 novembre 2016

96 Pellet (A.), Les effets de la reconnaissance par la Palestine de la compétence de la Cour pénale internationale, Op. Cit. p.337

97 Cour E.D.H, 23 mars 1995, affaire Loizidou c/ Turquie, Req. N°15318/89

98 Pour une description, voy. Scalia (D.), La Palestine et la Cour pénale internationale, Op. Cit. p.382-390.

99 C.P.I, Bureau du Procureur, Situation relative aux navires battant pavillons comorien, grec et cambodgien, rapport établi, au titre de l'article 53-1 du Statut, 6 novembre 2014, ICC-01/13-6-AnxA.

100 Ibid.

101 Ibid.

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suite à un appel interjeté par les îles Comores, la chambre préliminaire a invité la procureur à apprécier de nouveau la situation102. La nouvelle décision est à venir.

Transposant ce raisonnement à l'opération « bordure protectrice », il serait difficile pour le procureur de considérer que la gravité des crimes n'est pas suffisante. Cette opération menée pendant 51 jours a causé la mort d'environ 2000 Palestiniens103, 67 soldats israéliens et 5 civils israéliens. D'un point de vue quantitatif, les pertes subies pourront être considérées comme suffisantes pour caractériser une gravité. Toutefois, force est de constater que puisque l'article 8-1 du statut susmentionné exige un « plan organisé », ce qu'en l'espèce paraît difficilement défendable104, la décision du procureur ne sera pas aisée.

S'agissant de la condition de complémentarité (voir supra) en second lieu, on rappellera que la Cour ne pourra pas être compétente si de véritables poursuites judiciaires ont été déjà engagées à l'échelle nationale.

Suite à l'opération « plombe durcie » de 2009, le rapport Goldstone du Conseil des droits de l'homme de l'O.N.U105, constatant « la réticence d'Israël d'ouvrir des enquêtes pénales »106, a encouragé les États à exercer une compétence universelle conformément à la Convention de Genève de 1949.

Ce rapport, très mal accueilli par les autorités israéliennes, a porté ses fruits. Ainsi, suite à l'affaire du Mavi-Marmara, le gouvernement israélien a désigné une commission d'enquête menée par l'ancien juge de la Cour suprême israélienne, Jacob Turkel. Le 6 février 2013, le rapport Turkel a été publié. Il prônait une intervention plus large du Procureur militaire général dans les enquêtes menées.107.

Le rapport Turkel a été pris en compte. Ainsi, suite à l'opération « bordure protectrice », 190 événements ont été déférés, par des civils palestiniens, au Procureur militaire général. Parmi les 190 événements, 27 ont donné lieu à des poursuites pénales,108 dont trois ont abouti à des condamnations109.

Les poursuites pénales ainsi engagées devront être soigneusement prises en compte par le procureur lors de sa décision. Si le procureur les considère comme étant de véritables procès, elle sera dans l'impossibilité d'ouvrir des enquêtes.

La compétence de la Cour dans cette affaire ne révèle pas ainsi de l'évidence, et il conviendra d'attendre la décision du procureur en la matière.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams