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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Chapitre 1 : Une dénonciation commune de l'injustice des tribunaux envers les femmes

Les articles de presse considérés comme l'oeuvre conjointe d'Harriet Taylor et de John Stuart Mill sont une dizaine. Le nom d'Harriet Taylor n'apparaissait pas dans la plupart d'entre eux, et pour

222 Stuart Mill (J.), Collected works, op.cit. Newspaper Writings Part. I

223 Stuart Mill (J.), Collected works. Newspaper Writings Part. IV. Appendix I, Newspapers for which Mill wrote

72

cause. Certains sont datés de 1847, époque à laquelle Harriet était encore officiellement l'épouse de son premier mari, John Taylor. Ces articles ont un objectif affiché : celui de dénoncer la cruauté et l'injustice de certaines décisions rendues par les tribunaux anglais en matière civile comme pénale. Harriet Taylor et Mill étant deux « féministes » convaincus et la loi anglaise étant très peu favorable aux femmes ; il n'est pas étonnant de trouver parmi ces publications plusieurs relatives au sort des femmes. L'on peut identifier plusieurs thèmes dont celui déjà abordé de la garde des enfants (Section 1) mais aussi un sujet nouveau (que nous avons jusqu'ici très peu abordé dans notre étude) : celui des violences conjugales voire du meurtre de l'épouse (Section 2).

Section 1 : La question de la garde des enfants

Ce sujet, nous l'avons déjà examiné précédemment sous l'angle de l'absence de protection accordée aux femmes par la loi anglaise. Nous le retrouvons ici abordé d'une façon différente. En effet, il s'agit d'articles de presse. Ceux-ci sont donc succincts et nécessitent d'accrocher l'attention du lecteur. Chaque article de cette série va consister en la description d'une affaire juridique, ayant déjà été relayée dans la presse ou non, et ayant retenu leur attention par son caractère injuste ou cruel.

La question des droits des femmes sur leurs enfants est traitée de façon originale à travers deux éditoriaux du Morning Chronicle parus en 1846. Le premier, publié le 28 octobre, revient sur « le suicide de Sarah Brown »224. Cette jeune femme âgée de dix-neuf ans s'était noyée, apparemment par désespoir d'avoir été privée de son enfant, enlevé par son père de façon illégale (les deux parents n'étant pas mariés, le père présumé n'a aucun droit légal sur l'enfant illégitime). Les deux auteurs se saisissent de l'affaire pour en évoquer une autre, récente et similaire, dans laquelle la question de la garde de l'enfant était allée devant un magistrat. Ce dernier avait alors décidé d'accorder une garde « partagée » aux parents, chacun ayant l'enfant un mois complet et ce de façon alternative. Selon Mill et Taylor, cette décision était non seulement contraire à la loi mais aussi injuste car elle privait la mère de son fils pour la moitié du temps. Cette moitié était injustement accordée à son père supposé, alors même qu'il avait « déserté ».

L'article se penche ensuite sur les dispositions légales relatives à la garde des enfants de deux parents mariés. Les auteurs font alors un constat critique de la loi biaisée en faveur des hommes et peu protectrice envers les femmes. Ils reviennent notamment sur les évolutions

224 Stuart Mill (J.), Collected works, Newspaper writings Part. III n°318

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législatives dans le sens d'une amélioration telles que la loi Talfourd (évoquée en première partie de notre étude).

L'article défend l'idée que, pour prétendre à des droits sur l'enfant, le père doit avant tout se rendre [traduction] « responsable légalement des obligations qui, d'après la nature même de l'affaire, incombent moralement à la condition parentale »225. S'il n'est pas marié à la mère de l'enfant et a fui ses obligations de père, il n'y aurait pas de justification à ce que les tribunaux lui accordent et qui, par ailleurs, est contraire à la législation. L'éditorial se termine par une remise en question globale de la condition assignée aux femmes par la loi et de leur traitement devant la justice. Nous voyons ainsi comment, à partir d'un cas précis, John Stuart Mill et Harriet Taylor s'emploient à sensibiliser l'opinion publique à la cause féminine.

Un second éditorial consacré au même thème paraît le 29 décembre. Il décrit « le cas de la famille North »226. A la suite du décès du lieutenant North, son épouse était entrée en conflit avec sa belle-mère et sa belle-soeur quant à la garde de ses quatre enfants. Les enfants avaient été confiés à un membre de la famille paternelle. Les tribunaux décidèrent de laisser temporairement les enfants à la garde de la famille paternelle, accordant à la mère un simple « droit de visite » de deux heures journalières, en la présence d'autres personnes. Les deux penseurs manifestent dans cet article leur incompréhension face à ce refus du magistrat d'accorder la garde de ses enfants à la mère, alors même qu'il s'agit du seul parent encore vivant. Cette décision est donc, selon eux, contraire [traduction] « au lien le plus fort de la nature »227.

La question de la garde des enfants est ainsi posée d'une façon plus pragmatique par Harriet Taylor et John Stuart Mill. Il est fait usage d'exemples individuels afin de permettre au lecteur de s'imaginer plus aisément l'ampleur des conséquences de la loi et de la justice sur les femmes mais aussi sur l'unité familiale entière. Les thèmes abordés ne peuvent être identiques qu'il s'agisse d'un essai ou d'un article de presse. Les questions théoriques ou scientifiques ne sont pas les plus enclines à sensibiliser le lecteur à la nécessité d'améliorer la condition des femmes dans la société. Au contraire, il faut évoquer des situations plus quotidiennes, concrètes, faisant appel aux sentiments du lecteur et dans lesquelles il peut se reconnaître. Cela explique pourquoi un second thème abordé par Mill et Taylor est celui des violences et abus commis au sein du mariage, sujet tout à fait ancré dans la réalité.

225 Stuart Mill (J.), Collected works, Newspaper writings Part. III n°318

226 Stuart Mill (J.), Collected works, Newspaper writings Part. III n°350

227 Ibid.

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Section 2 : La question des violences conjugales

Précisons tout d'abord que ce sujet est très peu développé dans De l'assujettissement. John Stuart Mill y fait bien référence à des abus de pouvoir de l'époux envers son épouse, en particulier, selon lui, chez les individus les plus rustres et les plus bas. Toutefois, il s'attarde peu sur la question. Il considère encore que la loi et la justice doivent être mises au service d'une meilleure protection de la femme mariée contre les abus de son époux, mais sans jamais entrer dans des développements plus concrets ou détaillés.

L'occasion d'exprimer davantage son opinion sur le sujet lui est donnée par la presse écrite. Ainsi, dans la série d'articles sur la cruauté et l'injustice, oeuvre de Mill et d'Harriet Taylor, deux sont consacrés à cette question. Le 29 mars 1850, un premier éditorial est publié sur « le cas de Susan Moir »228. Une femme, battue par son mari et laissée sans aide ni soin par ce dernier, décède des suites de ses blessures. Les deux auteurs dénoncent le verdict du jury qui a qualifié l'acte d'homicide involontaire et non de meurtre. Bien que cela n'ait pas empêché la justice d'intenter un procès pour [traduction] « l'infraction capitale »229 c'est-à-dire pour meurtre ; les deux auteurs sont scandalisés de la décision du jury. Ils notent, surtout, qu'une telle décision n'aurait jamais été prise concernant une femme ayant battu une personne à mort. Ainsi, est cité l'exemple d'une femme condamnée à la pendaison pour des faits similaires, Madame Brownrigg. Cette affaire particulière permet donc aux deux penseurs de mettre en évidence ce qu'ils dénoncent dans leurs autres écrits : les traitements différenciés auxquels sont confrontées les femmes, du seul fait de leur sexe.

Le 28 août 1851, Harriet Taylor et John Stuart Mill (désormais unis par le mariage) sont à nouveau amenés à écrire sur ce thème. Dans cet article sur les meurtres d'épouses, les époux développent une critique générale de l'impunité dont fait preuve la justice anglaise à l'égard des maris violents voire meurtriers. Ils font ainsi état de plusieurs affaires au lieu de se tenir à un cas individuel pour le développer. Le cadre est donc davantage général mais c'est toujours l'institution judiciaire et non la législation qui est visée par la critique. C'est l'application de la loi par les tribunaux qui est dénoncée e non la loi pénale en elle-même puisque celle-ci permettrait une condamnation plus sévère des époux. Un mari ayant battu sa femme jusqu'à ce que mort s'ensuive est par exemple condamné à six mois de prison. Dans un autre cas similaire, l'homme est condamné à la déportation à vie.

228 Stuart Mill (J.), Collected works, Newspaper writings Part. IV n°393

229 Ibid

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Les deux auteurs mettent notamment en avant l'idée que c'est précisément le lien qui unit les époux, supposé être un lien de protection du mari envers sa femme, qui « justifie » presque, en tout cas incite les tribunaux à l'indulgence en cas de meurtre. Tout se passe comme si la protection due du fait du mariage conférait au mari [traduction] « un permis de tuer »230. En l'absence de sévérité de la justice, les époux concluent à une nécessaire intervention de la loi afin de faire cesser ce phénomène d'ampleur. Selon eux, la loi devrait punir encore plus sévèrement la violence et le meurtre au sein du mariage car ils viennent en violation, non seulement de la loi, mais aussi de promesses solennelles prises à l'occasion du mariage. Les femmes sont ainsi désignées comme faibles et souvent incapables de se défendre et sont comparées aux enfants.

Telles sont les revendications énoncées par Harriet Taylor et John Stuart Mill dans leurs écrits conjoints. En fait, Mill révèle dans son Autobiographie : [traduction] « tous mes articles de journaux sur des sujets similaires [...] sont une production commune avec ma femme »231. Toutefois, tous ces articles ne sont pas expressément désignés comme tels par l'auteur lui-même. Nous allons donc maintenant nous intéresser aux opinions développées par l'auteur seul dans la presse écrite.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway