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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Conclusion du titre deuxième

Pour le philosophe, « il est désormais temps que les femmes aspirent à autre chose qu'à se contenter de trouver un protecteur »72. Elles sont « mûre[s] pour l'égalité »73 qui est, selon ses dires, « l'état normal de la société »74. Il s'agit d'un principe essentiel, chez Mill, pour parvenir non seulement au bonheur de la société mais aussi à sa moralité. Cette égalité juridique, les femmes doivent la revendiquer dans la sphère privée mais aussi dans la sphère publique.

68 Stuart Mill (J.), op.cit. p.71

69 Ibid

70 Stuart Mill (J.), op.cit. p.76

71 Orazi (F.), op.cit. p.79

72 Ibid

73 Ibid

74 Stuart Mill (J.), op.cit. p.87

Titre troisième : Une égalité juridique dans la sphère publique : un accès égal à
l'éducation et aux professions

Après s'être attelé à la question de l'égalité juridique dans le cadre spécifique du mariage au Chapitre II de De l'assujettissement ; Mill aborde, dès les premiers lignes du chapitre suivant, la question de l'accès aux fonctions et métiers pour les femmes. Il quitte ainsi le domaine privé pour entrer dans le domaine public. Il applique son analyse à la sphère publique dans le sens large du terme : établissements scolaires, professions, société dans son ensemble ; mais aussi dans le sens restreint, c'est-à-dire comme sphère politique cette fois. En effet, les pouvoirs publics ont une importance indéniable dans la question de l'égalité entre les hommes et les femmes puisque, si égalité en droit il doit y avoir, celle-ci sera décidée par la classe politique. L'accès à une éducation égale ou à des professions prestigieuses sera encore l'objet d'une décision politique. Enfin, l'accès aux professions pour les femmes pose également la question de l'accès aux fonctions politiques, centrale chez John Stuart Mill.

Comme souvent dans ses écrits, le penseur n'annonce ni n'adopte aucun plan défini. Toutefois, il est aisé, au fil de la lecture, de repérer des éléments importants et récurrents mais aussi la logique qui accompagne sa réflexion. La question principale étant ici celle de l'accès des femmes aux diverses professions, nous verrons à la fois comment Mill justifie et conditionne cette requête (Chapitre 1) avant d'analyser la question des professions en elles-mêmes (Chapitre 2), ce qui nous permettra de mettre en évidence les spécificités de Mill sur cette question.

Chapitre 1 : Un accès juste mais conditionné

John Stuart Mill défend fermement l'accès des femmes à toutes les professions. Mais cela ne signifie en rien que cet engagement est inconditionnel. Bien que Mill le pense justifié à bien des égards (Section 1), il y pose une condition principale : l'acquisition, par les femmes, de connaissances suffisantes grâce à l'accès à une éducation égale à celle que reçoivent les hommes (Section 2).

Section 1 : Un accès justifié à de nombreux égards

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En tout premier lieu, l'égal accès des femmes aux professions est justifié par ce qui constitue

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le fondement du féminisme millien : la croyance en l'égalité naturelle entre les hommes et les femmes. Tout comme dans le mariage, l'égalité juridique dans la sphère publique découle de cette conviction. John Stuart Mill ne nie pas qu'il existe, de façon positive, des différences entre les hommes et les femmes, des inégalités même. Mais il est convaincu que celles-ci sont artificielles et non naturelles, point essentiel sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

Concernant la question de l'accès aux professions, ce sont les capacités intellectuelles des femmes qui nous intéressent. Or, Mill considère que « les femmes n'ont pas de tendances naturelles spécifiques qui distinguent leur génie de celui des hommes »75. Il pense les femmes tout aussi capables que les hommes. C'est pourquoi il tente de comprendre et d'expliquer pour quelles raisons les femmes sont parfois inférieures ou font preuve de moins de génie que les hommes dans certains domaines.

Un argument consécutif avancé par Mill est celui de la justice. Le philosophe est très attaché à ce principe et n'aura de cesse, au fil de son oeuvre et de sa vie, de dénoncer l'intolérable injustice qu'est la condition réservée aux femmes. En effet, dès lors que l'on reconnaît à celles-ci une égalité naturelle avec les hommes et des capacités intellectuelles égales aux leurs ; comment admettre l'injustice de leur éviction dans tant de domaines ? Si cette infériorité, en droit et en fait, est dépourvue de fondement théorique probant ; comment accepter qu'elle perdure ? Cela n'est pas possible, au moins pour Mill. Il considère ces interdictions comme arbitraires car étant fondées sur la naissance de l'individu et non sur des critères rationnels. Or, selon lui, la société moderne prétend précisément s'être débarrassée de ce principe d'exclusion par la naissance. L'infériorité et la mise à l'écart des femmes constitue donc une exception, une anomalie dans la société.

Mill va avancer une proposition totalement opposée au système de son temps. Il développe l'idée d'un « droit moral qu'ont tous les êtres humains de choisir leur occupation »76. Dès lors, comme les hommes, les femmes devraient avoir la liberté de choisir l'activité qui leur convient. L'interdiction légale qui leur est opposée pour certaines professions devrait donc logiquement disparaître au profit d'un système de libre compétition. Ainsi, dans ces pages particulièrement mais aussi tout au long de l'oeuvre, John Stuart Mill développe une vision philosophique, parfois aussi économique, de la liberté. Nous aurons l'occasion de nous attarder plus longuement sur cet élément.

75 Stuart Mill (J.), op.cit. p.128

76 Stuart Mill (J.), op.cit. p.99

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Dans les Principes d'économie politique, Mill évoque cette absence de liberté de choix de la femme en des termes surprenants et avant-gardistes. En effet, il y évoque les qualités d'épouse et de mère avant de poursuivre à propos de l'injustice qu'est, pour une femme, le fait de ne pas avoir « d'autres choix, d'autre carrière possible »77. L'emploi de ce terme n'est pas anodin puisqu'il fait de cette qualité un choix de vie, de carrière et non une fonction naturelle dont la femme ne pourrait s'écarter.

Mill avance encore, dans plusieurs de ses écrits, l'argument de l'indépendance. Comme nous l'avons déjà décrit à propos de l'étude du mariage, John Stuart Mill considère que la théorie de la dépendance est désuète et n'a pas vocation à survivre dans la société moderne. Ainsi, dans les Principes d'économie politique, il évoque à plusieurs reprises la nécessité pour les femmes de sortir de cet état de dépendance. L'individu qui a « de quoi vivre [...] n'a pas besoin d'une autre protection que celle que lui donne ou que devrait lui donner la loi »78. La femme qui, par quelque moyen, subvient à ses besoins, n'a pas besoin de la protection d'un homme (époux, père, frère, ...).

Ainsi, « il n'est plus nécessaire que les femmes dépendent des hommes »79. Elles ont des capacités égales à celles des hommes et peuvent donc subvenir seules à leurs besoins. Bien que ces écrits aient été rédigés au XIXe siècle, ils montrent que Mill avait déjà compris à quelle point l'indépendance financière et cet accès aux fonctions prestigieuses des femmes était primordiale dans leur quête d'égalité. Tout cela allait leur permettre d'obtenir une reconnaissance sociale en tant qu'individu et plus en tant qu'épouse, prolongement du mari.

L'égalité juridique dans la sphère publique trouve de nombreuses justifications et avantages auprès de John Stuart Mill. On y trouve l'égalité naturelle de la femme avec l'homme, la justice, la liberté. Ces arguments se placent tous du point de vue de la femme. Un autre argument avancé par Mill et qui, peut-être, serait plus susceptible d'emporter l'adhésion de ses lecteurs les plus sceptiques ou opposés à l'émancipation des femmes est le suivant : l'accès de la femme aux diverses professions et notamment aux plus prestigieuses serait bénéfique pour l'ensemble de la société. Il aurait un impact considérable sur le progrès et sur la moralité de tous, hommes et femmes. Cette théorie, fondamentale chez Mill, nous aurons l'occasion de l'approfondir plus tard.

Quels que soient les arguments que Mill avance et son enthousiasme pour défendre ce sujet,

77 Orazi (F.), op.cit. p.121

78 Orazi (F.), op.cit. p.120

79 Orazi (F.), op.cit. p.121

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il procède toujours rationnellement. C'est pourquoi son opinion ne l'empêche pas de poser lui-même certaines conditions aux revendications qu'il énonce.

Section 2 : Un accès conditionné à l'acquis de connaissances suffisantes

John Stuart Mill ne pose qu'une condition à l'accès aux mêmes professions que les hommes : le suivi d'une éducation équivalente afin d'obtenir des connaissances suffisantes à l'exercice de tel ou tel emploi. Mill reconnaît aux femmes certaines qualités supérieures notamment d'un point de vue pratique. Elles seraient dotées d'une meilleure « compétence pratique »80 que les hommes, les femmes intelligentes auraient une « plus grande agilité d'esprit »81 et nombre d' « inspirations heureuses »82. Il est permis de douter du caractère probant de ces éléments.

Quoiqu'il en soit, Mill considère qu'ils ne suffisent pas. Car la femme, malgré ces diverses qualités, n'a pas les connaissances théoriques suffisantes pour accéder au rang de génie, théoriser ou démontrer la véracité de son intuition. « Il ne peut y avoir de bonne pratique sans principes »83 et c'est notamment pour cette raison que l'accès aux professions réservées aux hommes est remis en cause par la société. Pour pallier ce défaut actuel, Mill propose de donner accès aux femmes « à tout ce que peut lui apporter l'éducation »84. Leur instruction est primordiale, qu'il s'agisse d'exercer une profession particulière ou de devenir prodige dans un certain domaine.

A l'époque de Mill, les femmes sont communément éduquées « pour être mariées »85. Dans le cas où elles recevraient une éducation intellectuelle et culturelle, celle-ci a pour but de rendre leur compagnie agréable aux hommes. L'objectif de l'auteur est à l'opposé de cette tendance et vise à munir les femmes des connaissances nécessaires pour le développement de leur raison, de leur logique, de leur originalité, et cætera. Mill applique notamment cette idée au « domaine littéraire ou artistique »86 dans lequel il considère que les femmes n'ont pas encore égalé le talent des hommes. Toutefois, il l'explique là encore par diverses raisons parmi lesquelles leur manque d'éducation et le fait qu'elles s'exercent à l'art depuis peu de temps ou seulement comme amateurs.

80 Stuart Mill (J.), op.cit. p.108

81 Stuart Mill (J.), op.cit. p.110

82 Stuart Mill (J.), op.cit. p.127

83 Stuart Mill (J.), op.cit. p.108

84 Ibid

85 Orazi (F.), op.cit. p.69

86 Stuart Mill (J.), op.cit. p.124

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Notons, avant de poursuivre à propos des professions en elles-mêmes, qu'au moment où De l'assujettissement est publié, l'enseignement supérieur commence seulement à s'ouvrir aux femmes et ce de façon très limitée.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius