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La crise de la première période intermédiaire en Egypte pharaonique


par Mamadou Lamine Sané
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maîtrise 2007
  

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B- Le processus d'affaiblissement de la royauté

La Ve dynastie, en adoptant une orientation politico-idéologique qui avait comme conséquence la reconstitution de la puissance de l'aristocratie, allait créer une situation défavorable à la royauté. En effet, jusque là, l'Etat memphite avait, comme principale caractéristique, sa forte centralisation autour de pharaon. Ce fut dans le strict rassemblement

220 Roccati A., op.cit, 1982, p.46-47

221 Séne Kh., op.cit, 2003-2004, p.52

222 Pirenne J., op.cit, 1961, p.242

223 Séne Kh., op.cit., 2003-2004, p.52

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des énergies, sous l'égide de ce dernier qui était à la tête d'une organisation administrative centralisée et remarquablement efficace, que l'Etat tirait sa puissance224.

Ce système centralisé qui fut à la base de la puissance de la monarchie pharaonique, avait été le résultat d'une politique de négation de tout pouvoir à tendance autonomiste.225 En d'autres termes, toute action allant dans le sens d'altérer cette forte centralisation de l'Etat signifiait en même temps affaiblissement de la puissance monarchique.

Or, à partir de la Ve dynastie, commençait à se manifester une situation allant dans le sens d'une déconfiture des institutions pharaoniques. Dans la mesure où cette situation signifiait en même temps renforcement des pouvoirs des nomarques, chefs de file des forces centrifuges, c'est à travers son évolution que nous allons tenter d'analyser le processus d'affaiblissement de la royauté.

Dans le système politique centralisé appliqué par les souverains des premières dynasties memphites, l'une des principales mesures contre la tendance au pouvoir personnel avait été le fait de muter les agents de l'Etat. C'est ce système qui fit des nomarques, dans l'administration locale, de simples « préfets » susceptibles d'être déplacés plusieurs fois au cours de leur carrière.226 Il semble toutefois que même si pharaon avait théoriquement conservé le pouvoir de muter les nomarques, il cessa très tôt de l'exercer.227 Cet abandon par pharaon de son pouvoir de muter les nomarques, devait constituer une des premières étapes dans le processus qui allait conduire à l'affaiblissement de la monarchie. En effet, accepter que les nomarques, dans l'administration provinciale, s'établissent de manière permanente dans les nomes, était une façon d'encourager la reconstitution de pouvoir personnel. Si cette situation n'avait pas eu d'incidence au départ sur le système monarchique, c'est probablement parce qu'il y avait une puissante administration centrale, au début de l'A.E., capable de contrôler ces nomarques.

Cependant, avec l'avènement de la Ve dynastie, d'importants changements allaient se produire dans le système monarchique. En effet, le cumul des charges administratives et sacerdotales devait entraîner l'accroissement de la puissance de l'aristocratie. Cette dernière allait continuer de bénéficier des faveurs de la part de pharaon. C'est ce que laisse apparaître l'inscription biographique du vizir Ptahouach qui vécut sous la Ve dynastie. Selon ce dernier, il a obtenu « ...une tombe en calcaire blanc sur le Bassin de [sa] fondation, lequel est dans ( la nécropole de) la pyramide « Sahourê se lève en tant que bais»...200 pièces de lin royal

224 Wolf W., op.cit., 1955, p.34

225 Sall B., op.cit., 1984, p.23

226 Drioton E Vandier J., op.cit., 1984, p.180

227 Ibidem

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lui furent sorties des restes du grand palais[...] Sa Majesté lui fit faire [une litière]... des caisses [relatives à la place d'embaumement pour] le traitement(de la momie) et (à) la tente de purification avec un nécessaire [pour l'oeuvre du prêtre- lecteur]...Sa Majesté ordonna qu'on lui fasse cela [en tant que concession] royale »228. Il semble qu'en plus de ces concessions, les besoins du culte funéraire et le désir de transmettre sa fonction à ses enfants, allaient amener le nomarque à demander au pharaon, pour son fils aîné, la succession de sa charge229. Le pharaon, semble-t-il, avait cédé assez rapidement à cette demande permettant en même temps l'hérédité des charges.230 Ainsi dès le règne de Sahourê, le nome de Oun (Hermopolis Magna) devint en fait héréditaire dans la famille de Sérefenka.231 A la fin de la Ve dynastie, le nome de Nâret-Pekhout (Crocodilopolis) est donné, en fief, au général Inti.232 Cette hérédité des nomarques, ajoutée au fait que ces derniers n'étaient plus mutés, devrait être à la base de l'évolution très sensible qu'avait connue l'administration provinciale sous l'A.E.233 Cette évolution est visible au niveau des titres portés par les nomarques. Par exemple, la transformation des gouvernements des nomes de Oun et de Nâret-Pekhout, en apanage de famille au profit des descendants du « directeur de la province des Nouvelles Villes » Sérefenka et au profit du général Inti, fut accompagnée d'un changement de titre pour leurs gouverneurs.234 Au lieu de juge intendant, c'est l'ancien titre de « régent de château » (heqa het), porté jadis par les princes féodaux qui est utilisé.235 Ce retour aux anciens titres reflète un désir d'autonomie face au pouvoir central. On peut dire par conséquent, que c'est au courant de la Ve dynastie, que les nomarques commencèrent à marquer des points dans leurs prétentions autonomistes face à Memphis. Et au moment où s'achevait cette dynastie, il semble que la puissance de la tendance autonomiste, dirigée par les nomarques, avait commencé à représenter une menace pour le pouvoir central. Certes, le passage de la Ve à la VIe dynastie s'était effectué sans troubles majeurs.236 Mais le nom d'Horus que prit Téti, le fondateur de la VIe dynastie, est révélateur d'une certaine situation au sein de la monarchie. Il s'agit de Sehetep-taoui, celui « Qui pacifie les Deux-Terres », ce qui laisse augurer son programme politique237. Dans l'histoire de l'Egypte, tous les pharaons

228 Roccati A., op.cit., 1982, p.111

229 Drioton E Vandier J., op.cit., 1984, p.180

230 Ibidem

231 Pirenne J., op.cit., 1961, p.260

232 Ibidem

233 Grimal N., op.cit., 1988, p.111

234 Pirenne J., op.cit., 1961, p.273

235 Ibidem

236 Vercoutter J., op.cit., 1992, p.318

237 Grimal N., op.cit., 1988, p.97

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qui avaient porté ce nom, avaient eu à rétablir l'unité du royaume après des troubles politiques graves238. Or pour Téti, nous venons de voir qu'il accéda au trône sans troubles majeurs. Cela semble se confirmer à travers la biographie de certains fonctionnaires qui ont servi sous son règne et qui étaient déjà dans l'administration sous la Ve dynastie239. En outre, il n'a été noté ni de destruction, ni d'usurpation dans les nécropoles contemporaines240. On peut dés lors se poser la question de savoir qu'est ce qui explique le choix du nom de Sehetep-taoui par Téti ? Nous pensons que la réponse à cette question peut être cherchée dans l'évolution des institutions pharaoniques avec la puissance grandissante de l'administration locale au détriment du pouvoir central. Cette situation, même si elle s'effectuait de façon pacifique comme nous venons de le voir, pouvait représenter à terme une menace pour la royauté. Peut-être que le pharaon Téti, conscient de ce danger, avait voulu redresser la situation d'où, le choix de ce nom d'Horus, qui semble se traduire dans ses actes. En effet, un des vizir très connu sous son règne, Kagemni, rapporte dans sa biographie : « [La Majesté de Téti, mon Seigneur, qu'il vive éternellement, me nomma à la tête de] tout bureau, de tout service horaire de la Résidence »241. Ce Kagemni et un autre fonctionnaire du nom de Méhi avaient été dotés d'importants pouvoirs par Téti. Ils furent vizir, juges suprêmes, chanceliers, directeurs des écritures royales, directeurs de tous les travaux du roi, directeurs de la haute cour des six, directeurs de l'administration des finances et des domaines.242 Ces charges, détenues par une poignée de hauts fonctionnaires, montrent que Téti avait probablement tenté de maintenir la centralisation de l'Etat pharaonique, base de son unité et de sa puissance. Mais d'après Manéthon, ce souverain périt assassiné.243 Les raisons de ce supposé assassinat ne sont pas connues. Etait-il lié au programme politique du pharaon ? Rien ne permet de l'affirmer. Toutefois, plusieurs faits montrent que ce fut à partir

238 Id., ibid., p.96 ; Vercoutter J., op.cit., 1992, p.318.Ce fut le cas de Hetepsekhemouy, fondateur de la IIe dynastie ou de Khâsekhemouy, dernier pharaon de cette dynastie qui réunit les royaumes « horiens » et « séthiens » ?

239 C'est le cas de Kagemni qui avait été « fonctionnaire de l'Etat au temps d'Onnos » (dernier souverain de la Ve dynastie) et qui occupa d'importantes fonctions sous Téti. (Cf., Roccati A., op.cit, 1982, p.137)

240 Vercoutter J., op.cit., 1992, p.318

241 Roccati A., op.cit., 1982, p.140

242 Pirenne J., Histoire des Institutions et du droit privé de l'Ancienne Egypte, Tome III : La VI e dynastie et le démembrement de l'empire, Bruxelles, Edition de la Fondation Egyptologique Reine Elisabeth, 1935, p.70.

243 Manéthon, cité par Grimal N., op.cit., 1988, p.98. Si cette affirmation de Manéthon, rapportée par N. Grimal, est vraie, on pourrait dire, en se basant sur les sources, que c'est la première fois qu'un souverain d'Egypte a été assassiné. Cela impliquerait en même temps que le dogme de la royauté divine avait commencé à subir de graves violations dès le début de la VIe dynastie. Cependant la critique que l'on peut apporter à cette affirmation de Manéthon porte sur le fait que pour une action aussi grave que le meurtre d'un souverain, les sources contemporaines soient muettes. En effet, aucune inscription biographique contemporaine de la VIe dynastie ne fait état de cette action. Cela d'autant plus que certains de ces fonctionnaires ont servi sous le règne de Téti et sous celui de ses successeurs ; c'est le cas d'Ouni.

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de la VIe dynastie, que la puissance des nomarques allait devenir de plus en plus manifeste. Dans les nomes, l'hérédité des charges de nomarques, amorcée sous la Ve dynastie, devait se généraliser244. Plusieurs exemples illustrent cet état de fait. Ainsi dans le nome du Lièvre (XVe nome de Haute Egypte), Merou-Bébi qui exerçait la charge de « régent de château » légua à son fils, Téti-Ankh, les mêmes fonctions245. Dans le XIVe nome de Haute Egypte, à Sebekhotep (qui vécut sous Pépi Ier), succédèrent, dans sa charge de nomarque, ses fils à savoir Pépiânkh l'aîné, Pépiânkh le puîné et Pépiânkh le cadet246. Etant une hérédité de fait durant les dynasties précédentes (car nécessitant pour être nomarque la nomination par le souverain), le nome allait finir par devenir une hérédité de droit et l'approbation de pharaon ne devint qu'une formalité.247 Ceci permit à certaines familles de nomarque, d'étendre leur pouvoir sur d'autres nomes, par le biais de l'alliance matrimoniale. Cette situation est attestée sous le règne de Mérenrê Ier. Le nomarque Ibi, issu de la puissante famille des nomarques du nome thinite248, avait hérité du nome de Cerastes-Montain parce qu'étant époux de Rahenem, reconnue comme héritière du dit nome249. A Ibi, succéda son fils Djaou-Shemai, à la tête des deux nomes (celui de Thinis et de Cerastes- Montain)250.

La montée en puissance des nomarques se reflète dans leurs titres qui continuaient à évoluer. Ainsi, à partir de la VIe dynastie, on voit apparaître chez les nomarques, certains titres qui montrent le pouvoir dont ils disposaient au sein de leurs nomes. Il s'agit des titres tels que « grand seigneur de nome », « prince » ou « directeur des prophètes ».251 Ce dernier titre montre qu'en dehors des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires que leur conférait pharaon jusqu'à la fin de la Ve dynastie, les nomarques s'étaient emparés, à la VIe dynastie, des pouvoirs religieux.

Mais pour les souverains de la VIe dynastie, il n'était pas question de laisser la puissance des nomarques prospérer au risque de menacer le caractère centralisé de l'Etat qui était le fondement de la puissance monarchique. Aussi, des actions allaient être entreprises pour endiguer le désir autonomiste des nomarques et renforcer le pouvoir central.

244 Drioton E Vandier J., op.cit, 1984, p.211

245 Pirenne J., op.cit, 1935, p.170-171

246 Vandier J., op.cit, 1954, p.308

247 Séne Kh., op.cit., 2002-2003, p.59

248 Nous verrons dans la suite de cette partie que cette famille des nomarques thinites allait occuper une position assez importante dans la monarchie égyptienne.

249Breasted J. H., op.cit., 1988, paragraphe 375

250 Id., Ibid, paragraphe376

251 Husson G., Valbelle D., op.cit, 1992, p.53-54.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams