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Le consentement du délinquant en droit béninois de la procédure pénale


par Moyaro Abass Wassy OLAGBADA
Université d'Abomey-Calavi - Master en Droit Privé Fondamental 2018
  

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SIGLES & ABREVIATIONS

Al. : Alinéa

Arch. Pol. Crim : Archives de politique criminelle

Art: article

Av. J.-C. : Avant la naissance de Jésus-Christ

Bull. Crim : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle de la cour de cassation

française

CPP : Code de Procédure Pénale en vigueur en République du Bénin

CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme

Chron. : Chronique

Coll. : Collection

Com. : Chambre commerciale de la cour de cassation française

CPF : Code Pénal Français

Crim. : Chambre criminelle de la cour de cassation française

CRPC : Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité

CPPF : Code de Procédure Pénale Français

DEA : Diplôme d'Etudes Approfondies

Ed. : Edition

FADESP : Faculté de Droit et de Science Politique

Gaz. Pal : La Gazette du Palais

Ibidem : Au même endroit

vi

JCP : Juris-Classeur Périodique

JORB : Journal Officiel de la République du Bénin

JORF : Journal Officiel de la République Française

L.G.D.J : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

N°: Numéro

OIT : Organisation Internationale du Travail

Op. cit : Opere citato

P.: Page

PP : Pages

PUF : Presse Universitaire de France

RSC : Revue de Science Criminelle

S. : Suivant

TIG : Travail d'Intérêt Général

U.N.B : Université Nationale du Bénin

U.P : Université de Parakou

V. : Voir

1

« La volonté ne consent au mal que par crainte de tomber dans un mal plus grand »

DANTE ALIGHIERI

Introduction

« Mauvais arrangement mieux vaut que bon procès »1. Ce proverbe populaire, relevé par Balzac semble traduire l'idéal de justice que devrait rechercher toute organisation humaine. Cet idéal dont l'atteinte pourrait paraitre peu difficile tend à consacrer l'abandon progressif d'un modèle de justice transcendantale pour une justice dite consensuelle fondée sur l'émergence du pouvoir des parties privées, en l'occurrence le délinquant dont le consentement pourrait désormais influencer la nature de la réponse pénale subséquente à sa faute. En effet, sans pour autant compromettre les droits et garanties des parties, le système de procédure pénale contemporain des Etats développés est fort ampliateur du consentement du délinquant et ce, dans une perspective de remède aux maux qui jalonnent et inhibent l'efficacité du système classique de la procédure pénale. Mais au demeurant, que peut-on entendre par consentement du délinquant ? En réalité, la notion n'est pas aussi récente que l'on pourrait le prétendre. Elle est consubstantielle à l'idée de contractualisation de la procédure2 et partant du droit.

Et pourtant, le terme consentement n'est pas une notion difficile d'accès. Pour le profane, c'est le fait de se prononcer en faveur de l'accomplissement d'un projet ou d'un acte. Selon le vocabulaire Capitant du doyen CORNU, le concept

1 BALZAC de (H.), Les illusions perdues, Paris, Ed. Garnier-Frères, 1963, p. 1054.

2 CADIET (L.), « Dernière évolution de la contractualisation de la justice et du procès : les protocoles de procédures », Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives spécial, Année 2014, Leçons béninoises de théorie générale du procès, p. 106.

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consentement vient du latin « consentire » ; c'est-à-dire, être d'accord. Ainsi, le consentement serait un accord de volonté3 en vue de créer des effets de droit4. Toutefois, cette définition du consentement plus ou moins générale a été reprise et parfaite par les tenanciers de la thèse civiliste du consentement. Ainsi, ceux-ci le définissent comme étant la manifestation de volonté de chacune des parties et mieux, l'acquiescement qu'elle donne aux conditions du contrat projeté5. Cependant, pris dans le contexte de la présente étude, il faut établir les démarcations essentielles entre le consentement pénal et celui civil, et mieux le consentement du délinquant de celui de la victime.

Le consentement en matière pénale ne s'identifie pas au consentement en matière civile. En effet, sans être défini par la loi, encore moins par la doctrine, le consentement en matière pénale sans autres considérations particulières pourrait au prime abord s'entendre de la volonté individuelle des parties privées dans la commission ou dans la poursuite d'une infraction à la loi. Cette définition, en réalité laconique pourrait varier selon le domaine pénal considéré. Ainsi, s'agissant du droit pénal général, discipline régissant la constitution de l'infraction, le champ d'étude du consentement pénal implique de manière générale l'analyse de l'élément moral de l'infraction6, et plus spécifiquement le degré de participation des auteurs en cas de pluralité7. Il pourrait donc être défini en ce sens comme la ferme volonté du délinquant dans la commission de l'infraction.

3 CARBONNIER (J.), Droit civil, les biens, les obligations, Quadrige, puf, 1ere édition, 2004, p. 1973.

4 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 8ème Ed. PUF, Paris, 2009, p. 217.

5 TERRE (F.), SIMLER (P.) & LEQUETTE (Y.), Droit civil, Les obligations, Dalloz, 7ème édition, 1999, p.96.

6 PIN (X.), Le consentement en matière pénale, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Faculté de droit, Université de Grenoble, Ed. L.G.D.J. 1999, n° 3. L'auteur propose une analyse précise du consentement du délinquant (V. Titre II). A cet effet, La doctrine s'accorde à considérer l'intention comme « la volonté de l'agent de commettre le délit tel qu'il est déterminé par la loi ; c'est la conscience chez le coupable d'enfreindre les prescriptions légales ».

7 Dans ce sens, le consentement du délinquant serait attaché aux modes de participation à l'infraction. Présentant ainsi la complicité, la coaction et l'association de malfaiteurs, certains auteurs soulèvent l'idée de la prise en compte par le droit pénal de la notion « d'infraction consensuelle.» V. PIN (X), op. cit. (et particulièrement Titre II, pp. 235 et s.).

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Toutefois, appliqué à la procédure pénale, le consentement pourrait s'entendre de l'acquiescement, l'assentiment et donc l'accord de volonté entre les parties privées au procès pénal et ceux publics, chargées de la poursuite et mieux du jugement. Cette définition met en relief une entente décelée entre justiciables et acteurs de la justice pénale dans le cadre de la répression d'une infraction.

Le consentement en matière pénale s'isole donc de celui en vigueur en droit civil d'une part en raison des parties en cause et d'autre part en considération de l'objet du consentement. Relativement à la première, le consentement pénal va au-delà des parties privées, c'est-à-dire l'auteur des faits et la victime, en impliquant également les organes de poursuite8 et ceux de jugement des infractions pénales. Quant à son objet, le consentement pénal porte sur la constitution de l'infraction ou mieux sur les modalités de sa répression. Ce qui en effet, parait hostile à toute volonté individuelle car relevant de règles d'ordre public sur lesquelles la volonté particulière ne devrait avoir la moindre conséquence9.

Le délinquant quant à lui s'entend, non de l'auteur d'un délit comme pourrait le véhiculer le concept pris au sens restreint, mais plutôt de toute personne présumée auteur d'une infraction10, qu'il s'agisse d'un crime, d'un délit ou d'une contravention. Mieux, le délinquant outre l'indifférence de la gravité de son acte, sera appréhendé tout le long de la procédure pénale. Ainsi, il s'agira d'analyser

8 Il s'agit en effet du ministère public et de certaines administrations légalement investies du pouvoir de mettre en mouvement l'action publique, à l'exemple de l'administration des eaux et forêts et de la douane en République du Bénin.

9 SALVAGE (P.), « Le consentement en droit pénal », RSC, 1991, p. 699.

10 L'infraction peut être définie comme un comportement actif ou passif (action ou omission) prohibé par la loi et passible selon sa gravité d'une peine principale, soit criminelle, soit correctionnelle, soit de police, éventuellement assortie de peines complémentaires ou accessoires ou de mesures de sureté. V. CORNU (G.), op. cit. p. 490.

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le consentement du suspect11, de l'inculpé12, du prévenu13 voire du condamné dans le cadre de l'exécution de sa peine. Ce qui exclut du champ de la présente, la situation de la victime14, qui pendant longtemps a semblé susciter l'admiration de la doctrine15 au détriment du délinquant laissé pour compte.

S'agissant de la procédure pénale, elle est l'étude du procès pénal16 ; le procès pénal étant lui-même défini comme une suite plus ou moins longue d'actes divers accomplis par des autorités publiques et visant à tirer d'une infraction toutes les conséquences qu'elle comporte17. A cet effet, la procédure pénale retrace le cheminement à suivre pour la répression d'une infraction. Autrement dit, elle précise les modalités selon lesquelles s'exercera la réaction sociale en cas de violation alléguée de la loi pénale18. Ce faisant, elle est constituée de l'ensemble des règles d'organisation judiciaire et de conduite d'une instance, aboutissant à partir de l'élaboration d'un dossier de procédure, à un jugement définitif dont il faut apprécier l'autorité et les effets. C'est alors qu'il sied de la distinguer du droit pénal général, qui à l'instar du droit pénal spécial, est un

11 Le suspect est une personne au sujet de laquelle le Procureur a des motifs raisonnables de croire qu'elle aurait commis une infraction relevant de la compétence du Tribunal. V. DEFFERARD (F.), Le suspect dans le procès pénal, L.G.D.J, 2005, pp. 13-18.

12 L'inculpé est une personne mise en examen qui fait l'objet d'une procédure devant la juridiction d'instruction.

13 Le prévenu s'entend de la qualité d'une personne citée devant une juridiction correctionnelle pour répondre d'une infraction.

14En droit, la victime est une personne lésée. Plus exactement, dans le vocabulaire juridique courant, la victime est celui ou celle qui subit personnellement un préjudice par opposition à celui ou celle qui le cause. V. PIN (X.), les victimes d'infractions, définitions et enjeux, www.cairn.info.

15 V. notamment : SUBRA (P.), De l'influence du consentement de la victime sur l'existence d'un délit et la responsabilité de l'auteur, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Fac. de droit, Toulouse, 1906 ; FAHMY ABDOU (A.), Le consentement de la victime, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Paris, L.G.D.J, 1971 ; FLEURY (R.), Du consentement de la victime dans les infractions, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Lille, 1911 ; AZIZ BADR (M. A.), L'influence du consentement de la victime sur la responsabilité pénale, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, L.G.D.J, 1928 ; KABBAJ (N.), Le consentement de la victime, Thèse, Doctorat d'Etat en droit, Montpellier 1, 1981 ; SALVAGE (P.), « Le consentement en droit pénal », Rev. Sc. crim. 1991, p. 699. Cités par EXPOSITO (W.), La justice pénale et les interférences consensuelles, Thèse présentée et soutenue publiquement devant la Faculté de Droit pour l'obtention du grade de Docteur en droit, le 9 décembre 2005, Université Jean Moulin-Lyon III, p. 30.

16 PRADEL (J.), Procédure pénale, Ed. CUJAS, 14 éd. 2008/2009, p.11.

17 PRADEL (J.), Procédure pénale, Ed. CUJAS, Paris 2006, p. 19.

18 DESPORTES (F.) & LAZERGES-COUSQUER (L.), Traité de procédure pénale, Ed. Economica, 2009, p. 1.

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ensemble de règles de fond mis en application par la procédure pénale, elle composée de règles de forme19.

Suivant ces distinctions, le consentement du délinquant en procédure pénale peut alors être saisi comme l'expression de l'accord du délinquant dans la mise en oeuvre de certaines mesures du procès pénal20. Pour certains auteurs, le consentement du délinquant revêt deux formes21. Il s'agit d'une part, d'un « consentement-renonciation » par lequel, le délinquant renonce à la protection que le législateur avait instauré contre une éventuelle atteinte à ses droits et libertés fondamentaux dans la mise en oeuvre de la procédure pénale et d'autre part, d'un « consentement-participation » par lequel, le législateur fait participer le délinquant à la réponse pénale qui lui est appliquée.

Au terme de ces clarifications, on tentera dans la présente étude, de relier le concept de « consentement du délinquant » aux règles béninoises de procédure pénale aux fins d'y jauger le rapport de compatibilité.

Ce concept, bien qu'insuffisamment révélé en droit béninois de la procédure pénale, n'en est pas moins familier aux législations étrangères, françaises en l'occurrence car servant d'inspiration au droit béninois.

Au plan historique, trois périodes résument l'étude du sujet de recherche. Il s'agit de l'époque antique22, celle du moyen-âge23 et ensuite celle marquée par

la révolution française de 1789.

19 PRADEL (J.), op. cit. pp. 11-12.

20 PIN (X.), op. cit. n°98.

21 ANTOINE (V.), Le consentement en procédure pénale, Thèse, Université de MONTPELLIER 1, 25 novembre 2011, p. 90.

22 L'antiquité est une période de l'histoire. Elle désigne la période des civilisations de l'écriture autour de la mer Méditerranée, après la Préhistoire et avant le Moyen Age. La majorité des historiens estiment que l'antiquité y commence au IVème millénaire av. J.-C. (3500 av. J.-C., 3000 av. J.-C.) avec l'invention de l'écriture en Mésopotamie et en Egypte, et voit sa fin durant les grandes invasions eurasiennes autour du Vème siècle (300 à 600).

23 Le Moyen-âge est une période de l'histoire de l'Europe, s'étendant du Vème au XVème, qui débuta avec le déclin de l'empire romain d'Occident et se termina par la Renaissance et les grandes découvertes.

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Dès l'antiquité, aux IIIème et IIème millénaires avant notre ère, on trouve trace dans différentes législations de Mésopotamie24 d'un régime pénal reposant sur le principe de la composition pécuniaire. Ainsi, les Codes sumérien d'Ur-Nammu et d'Esnunna prévoyaient-ils que le coupable était tenu envers la victime ou ses ayants droits d'une indemnité dont le montant, fixé par le législateur, variait selon la gravité de l'infraction et la qualité de la victime25. Le paiement honoré conduisait à une juste compensation, éteignant le litige.

Mieux, des manifestations de consentement sont également répertoriées à l'époque de la Grèce antique dans le récit du procès de Socrate où l'on voit que l'accusé est amené à proposer une peine : « Lorsque le vote en faveur de la culpabilité fut acquis à une faible majorité, l'accusateur demanda contre lui la peine de mort. L'accusé fut alors invité à formuler une contre-proposition. Les amis de Socrate le pressaient de demander contre lui-même une peine pécuniaire. Après des difficultés, il consentit à demander une condamnation de trente mines d'argent, mais au terme d'un discours noble et hautain qui exaspéra les juges. Aussi, la peine capitale fut prononcée par une majorité considérablement accrue »26.

A l'évolution du cours de l'histoire, des préceptes de consentement conciliés à la justice pénale n'ont pas moins été remarqués au moyen-âge. En effet, déjà à l'époque franque27, âge du déclin de l'Etat par excellence, la loi salique reconnaissait les compositions pécuniaires. A la période Mérovingienne28 il était

24 La Mésopotamie est une région historique du Moyen-Orient située dans le Croissant fertile, entre le Tigre et l'Euphrate. Elle correspond pour sa plus grande part à l'Irak actuel.

25 La période sumérienne s'étendrait de la fin du IIIème millénaire au début du IIème millénaire. Ur-Nammu fut le roi de summer et d'Akkad de 2124 à 2107 avant notre ère. Le Code sumérien a été découvert en partie non loin du centre de l'empire d'Ur, au Nord du Tigre, non loin de l'actuelle Bagdad.

26 LAINGUI (A.), Histoire du droit pénal, Paris, Ed. Cujas, 1993, p. 18.

27 L'époque franque s'étend de la chute de l'Empire d'Occident (an 476 après J.-C.) jusqu'l'établissement en France du régime féodal au Xème siècle.

28 Les Mérovingiens sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne, de la Suisse et des Pays-Bas, du Vème jusqu'au milieu du VIIIème siècle. L'histoire des Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi l'aristocratie, l'implantation progressiste de l'église dans leur territoire et une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'empire romain.

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possible de renoncer à la faida (vengeance privée) et de préférer l'indemnisation. Ainsi, en cas d'homicide, la compensation, appelée Wergeld, représentait alors le prix de l'homme. La médiation apparaît à cette période comme un véritable lieu de résolution amiable des litiges, s'établissant comme une troisième voie à côté de la vengeance et du tribunal de droit commun.

Quant à la période carolingienne29, elle n'a pas occulté la résolution consensuelle, malgré une organisation plus précise du système judiciaire. Il suffit pour s'en convaincre de relire le capitulaire de 802 : Et nous défendons formellement que les parents du tué se livrent à quelques violences que ce soit, ajoutant ainsi un autre mal à celui qui a déjà été commis, et qu'ils refusent de faire la paix, mais (nous voulons) au contraire qu'ils fassent la paix en acceptant la composition convenable et que le coupable paie la composition sans retard30.

Enfin, la justice moderne, issue de la révolution française de 1789, va rompre avec les fondements de l'ancien régime par une grande loi d'organisation judiciaire adoptée les 16-24 Août 1790. En effet, celle-ci s'appuie sur une distinction précise entre la justice civile et pénale, et sur une spécialisation des organes, ce qui n'est pas sans conséquences pour les pratiques consensuelles qui s'avèrent désormais restreintes au domaine du droit civil. Ainsi, ce système qui consacre l'emprise du ministère public sur la procédure pénale prévoit toutefois quelques fenêtres de consensus en la matière. En effet, nonobstant le monopole du ministère public dans la mise en oeuvre des poursuites, certaines administrations disposent de la faculté de transiger avec le délinquant dans des domaines techniques dont elles ont la charge. A cet effet, l'article 23 du décret du 5 germinal an XII, renouvelé avec quelques modifications, par les ordonnances du 2 janvier 1817 et celle du 3 janvier 1821, autorise l'administration des contributions indirectes à transiger sur les amendes et les

29 Les carolingiens forment une dynastie de rois francs qui régnèrent sur l'Europe occidentale de 751 jusqu'au Xème siècle.

30 CARBASSE (J.-M.), Introduction historique au droit pénal, Paris, Ed. P.U.F, Coll. Droit fondamental, 1990, p. 69.

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confiscations résultant des contraventions constatées par ses employés. Mieux, en ce qui concerne l'octroi31, l'article 83 de l'ordonnance du 9 décembre 1814

permettait au maire de transiger. Ainsi, était-il le seul à être autorisé, sauf approbation du préfet, à ne pas intenter de poursuites, ou à faire une remise partielle ou totale des condamnations prononcées.

Cette néo-conception de la répression du délinquant basée sur son consentement n'est pas construite en marge des nouvelles tendances politiques. En effet, l'étude du consentement en procédure pénale met en exergue la tendance de la politique criminelle actuelle qui semble s'orienter ostensiblement vers un modèle participatif rejetant l'idéologie traditionnelle d'exclusion et de rejet32. Ainsi, la politique criminelle à orientation participative favorise la réinsertion, la prévention et la promotion des mesures de substitution. Celle-ci requiert de ce fait la présence du consentement aussi bien au stade des poursuites que de la sanction et ce suivant l'idée d'associer le prévenu ou le condamné à la réponse pénale. Ce qui semble d'ailleurs correspondre aux idéologies de l'école de pensée dite néo-classique33 et celles de la Défense sociale nouvelle34, qui prônent la défense des libertés.

Mieux, cette intrusion grandissante du consentement en procédure pénale est davantage justifiée par d'autres écoles de pensée partagées entre l'approbation et l'improbation de la mesure.

En effet, une première école d'inspiration libérale et individualiste propose un modèle appelé « contractualiste » ou encore libertarium qui a pour but de se

31 L'octroi était une contribution indirecte que les communes étaient autorisées à établir sur des objets et marchandises destinés à la consommation locale et qui était perçue à l'entrée de la commune. V. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, op. cit. V° Octroi.

32 ROJARE (S.), "Une politique criminelle participative: l'exemple de la participation des associations à la variante de médiation", APC, 2004, Pédone, n°11, p. 105 et s.

33 Selon cette école de pensée, la sanction détient une fonction utilitaire. Cette idéologie est résumée dans le Traité des délits et des peines de Beccaria et dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

34 Ce mouvement est défendu notamment par Marc ANCEL à travers son ouvrage "La défense sociale

nouvelle".

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libérer des contraintes du droit afin de laisser aux seules parties la maîtrise du règlement de la difficulté.

Quant à la deuxième école, dite de pensée « communautarien », elle recherche au sein de la communauté les ressources nécessaires pour régler les litiges entre ses membres. L'accord ainsi conclu permet d'éviter les circuits traditionnels de sorte à rendre plus efficace la justice pénale dont la lenteur n'est pas exempte de critiques.

Toutefois, une troisième école d'opinion divergente semble méconnaitre les mérites de l'immixtion du consentement dans les règles procédurales et ce, en dénonçant la protection accrue des intérêts individuels et collectifs au détriment de l'intérêt général ainsi qu'un recul du rôle répressif de l'Etat35.

A l'examen des lois béninoises de procédure pénale, on s'aperçoit que le consentement du délinquant, s'avère presqu'inexistant, en dépit des tendances actuelles. En effet, eu égard aux différentes évolutions législatives françaises, source d'inspiration des normes béninoises, il n'y a lieu d'affirmer une quelconque présence d'une justice pénale consensuelle, pourtant nécessaire et efficace à la lutte contre la criminalité tant classique que moderne. L'on pourra ainsi affirmer sans risque de se tromper que la procédure pénale béninoise est en marge de l'émergence des pouvoirs des particuliers, en l'occurrence du délinquant dans le déroulement du procès. On pourrait donc se demander si l'agent pénal peut influencer la réponse pénale en phase d'être appliquée à son comportement. Précisément : Quel est l'état de la volonté du délinquant dans la mise en oeuvre des règles de procédure pénale en République du Bénin ?

L'étude de ce sujet de recherche présente bien d'intérêts en théorie comme en pratique. Au plan théorique, elle permettrait d'évaluer le taux de souplesse et

35 PIN (X.), « La privatisation du procès pénal », RSC, 2002, chron. p 245 et s. « Cette privatisation conduirait à un brouillage des finalités du procès pénal et au recul du caractère impératif de ses règles (...). Ce mouvement a entraîné une transformation de la nature du procès pénal, marquée par l'affaiblissement du rôle autoritaire et répressif de l'Etat (...) ».

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d'humanisation des normes béninoises de procédure pénale. On parviendrait de ce fait à pointer du doigt le déclin des règles classiques de procédure qui, au fil des ans se sont révélées dépassées et incompatibles aux réalités contemporaines, auxquelles semblent le mieux répondre les normes consensuelles de justice pénale tel que l'a soutenu Courtalon lorsqu'il affirma que « l'exercice contractuel de la justice pénale permettrait une justice moins violente, moins traumatisante »36. Au plan pratique, la période semble propice d'autant plus que les normes de procédure pénale du Bénin faisaient l'objet de vives critiques. La recherche permettra, de ce fait, d'aider les acteurs de la justice pénale dans le processus de décongestion des centres pénitentiaires, pleins du fait de l'absolutisme remarquable des normes de procédure pénale. Ce faisant, elle contribuera certainement à l'élévation du degré de confiance des justiciables, en pleine procédure de divorce avec la justice pénale37.

Pour tenter de résoudre la problématique que porte le sujet, il a été procédé à une recherche documentaire approfondie. La doctrine et la jurisprudence en la matière au Bénin sont peu nombreuses. Les réflexions antérieures et extérieures existent tant de façon spéciale que générale. Ainsi, la prise en compte du droit comparé a permis de proposer des pistes de solutions aux craintes relevées.

Plusieurs démarches sont possibles dans l'analyse de la problématique. Néanmoins, celle choisie consistera à d'abord exposer les constations afin de parvenir ensuite aux orientations prospectives. Cela amènera sans doute à la jauge de la procédure pénale béninoise dans le sens de la prise en compte de la volonté des parties privées, en l'occurrence le délinquant.

36 COURTALON (V.), « La contractualisation : évolution ou mutation du droit pénal », Conférence donnée le 25 novembre 2005, sous la direction de LAMY (B.).

37 Cela se remarque sans doute par la recrudescence de la justice privée, en l'occurrence le phénomène de vindicte populaire.

11

C'est fort de cet objectif, que l'approche choisie qui semble receler des gages de pertinences serait fondée à apprécier le seuil du consentement du délinquant le long de la procédure pénale béninoise, dont les règles demeurent éparses. A priori, le consentement du délinquant, bien que requis pour l'accomplissement de certains actes voire la mise en oeuvre de certaines procédures, s'avère toutefois quasi insignifiant au regard de l'évolution de la criminalité. Ce qui toutefois, ne manquera d'appeler à une rénovation des règles de procédure pénale dont la nécessité semble tout aussi justifiée que varier.

Il conviendrait donc d'examiner d'une part, la quasi absence du consentement du délinquant en droit béninois de la procédure pénale (première partie) et d'autre part, de la nécessité d'appréhension de ladite notion par le droit béninois de la procédure pénale (seconde partie).

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote