Section II - Le contentieux de l'exercice de
l'autorité parentale
158. Toujours dans la catégorie des actions
préventives, une seconde série de demandes consiste pour le
requérant à faire interdire indirectement la circoncision de
l'enfant, en exigeant une modification des modalités d'exercice de
l'autorité parentale. Si le parent défendeur voit ses
prérogatives sur l'enfant diminuer (perte de la titularité de
l'autorité parentale, ou de celle de son exercice, perte ou diminution
du droit de visite et d'hébergement, interdiction de sortie du
territoire avec l'enfant sans l'accord préalable de l'autre parent...),
la probabilité qu'il prenne seul la décision de circoncire
l'enfant s'en trouvera paralysée, ou du moins réduite.
159. En cette matière, les décisions des juges
sont relativement cohérentes. Ils refuseront en effet de modifier les
modalités d'exercice de l'autorité parentale, ne voulant pas
donner une quelconque valeur à une simple « crainte de circoncision
» (I). Mais cette crainte, lorsque corroborée par d'autres
éléments, aura une certaine influence sur la décision du
juge en matière de sortie du territoire (II).
I - Le refus de répondre à une simple
crainte de circoncision
160. Les cours d'appel rejettent toutes les demandes en
modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale,
lorsque fondées sur la crainte d'une circoncision (peut-être)
à venir. Pour ce faire, les juges ignorent l'argument tiré de la
crainte et rejettent la demande (CA Nancy dans deux arrêts du 3 septembre
2010* et du 30 mars 2012*).
101 V. § 48 à 52.
102 CEDH 16 décembre 2003; D. 1994.326, note Hauser.
103 Petr Muzny, « pour que garde des enfants et pratique
religieuse fassent bon ménage », in Mélanges en l'honneur du
Professeur Jean Hauser, Dalloz LexisNexis, 2011, page 427.
161.
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Parfois aussi, les juges prennent le soin d'étudier la
demande avant de la rejeter. Ainsi, la Cour d'appel d'Aix énonce que :
« Dès lors, et sans même qu'il y ait lieu d'examiner le
problème de la circoncision souhaitée par le père pour son
fils, qui n'est que l'un des nombreux points sur lesquels les parents sont en
conflit » (CA Aix-en-Provence 26 mai 1998*). De même, la Cour
d'appel de Poitiers juge que : « S'il est de confession musulmane,
fait connu de l'épouse au moment du mariage, il a simplement émit
le souhait que son fils ne mange pas de viande de porc. La question de la
circoncision a été évoquée entre les parents, mais
n'est plus d'actualité, compte tenu de la réticence de la
mère » (CA Poitiers 28 janvier 2009*).
162. Cette position est à saluer en ce qu'elle refuse de
donner effet à une simple crainte de circoncision, fondée sur les
convictions religieuses de l'autre parent. Cette position a plus
généralement le mérite de mettre à l'écart
les griefs fondés uniquement sur les convictions religieuses de l'autre
époux, qui ne correspondraient pas aux canons de la normalité,
arguments bien trop tentants pour que l'avocat se retienne de les exploiter
dans le but de sensibiliser le juge. Il est nécessaire pour les juges de
pouvoir « distinguer le bon grain de l'ivraie »104.
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