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L'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire

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par Xavière Prugnard
Université d'Evry-Val-d'Essonne - Master 2 Droits de l'Homme et droit humanitaire 2015
  

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Section 2 - L'intervention américaine en Irak

La question de savoir si l'intervention américaine en Irak lancée en mars 2003 est une intervention humanitaire peut paraître surprenante d'un point de vue francophone. Or, aux Etats-Unis cette question a nourri un vif débat. Pour des personnalités comme Messieurs Kouchner, Glucksman ou Tesòn, l'intervention américaine était bel et bien une intervention humanitaire. Avant d'examiner à proprement parler l'intervention américaine en Irak (§ 2), il convient de rappeler le contexte dans lequel cette dernière s'est déroulée (§ 1).

§ 1 - Le contexte de l'intervention américaine en Irak

L'intervention américaine en Irak a commencé le 20 mars 2003 à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Appelée également « guerre d'Irak » ou « seconde guerre du Golfe », cette intervention résulte d'une coalition conduite par les Etats-Unis. Elle fait suite à une première intervention en Afghanistan, dans le but d'arrêter Ben Laden qui avait revendiqué sa responsabilité dans les attentats des tours jumelles. Les Etats-Unis, entrant « en guerre contre le terrorisme », présumaient des liens entre le Président irakien Saddam Hussein et le réseau terroriste Al-Qaïda. La coalition militaire en Irak était composée d'une cinquantaine de pays. Cette campagne militaire a été très importante, faisant appel à plus de 150 000 soldats au sol (surtout des américains et des britanniques) et à une force aérienne conséquente. Les forces américaines n'ont commencé à se retirer du pays qu'en décembre 2011, soit plus de huit ans après le commencement.

§ 2 - L'examen du cas irakien

Monsieur Ken Roth, le directeur exécutif de Human Rights Watch, a mené un examen de l'intervention américaine135 que nous allons développer tout au long de ce paragraphe. Il l'effectue à la lumière des critères de l'intervention humanitaire armée développés par la CIISE que sont le niveau des tueries (A), le dernier recours (B), l'objectif humanitaire (C), le respect du droit humanitaire (D), l'effet positif (E) et l'approbation du Conseil de sécurité (F). Sa réponse est sans appel, l'intervention

135 Ken ROTH, « War in Iraq: Not a Humanitarian Intervention », Human Rights Watch World Report, 2004.

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américaine en Irak, sous couvert d'un motif humanitaire prétexté que trop tardivement, n'est pas une intervention humanitaire.

A. Le niveau des tueries

Comme nous l'avons vu précédemment, une intervention humanitaire armée ne peut s'engager que lorsque certains crimes, les plus graves en droit international, sont constatés. En l'occurrence, il s'agit du crime de génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du nettoyage ethnique.

Il est indéniable que l'ancien Président Saddam Hussein était un tyran ayant commis des horreurs par le passé. Au pouvoir depuis 23 ans, le dirigeant s'était livré à un réel massacre des kurdes irakiens et une répression des islamistes chiites du Sud. Monsieur Ken Roth rapporte que « le gouvernement irakien a tué ou « fait disparaitre » environ 250 000 Irakiens136 », toutefois l'ampleur des massacres avait nettement diminué à la veille de l'invasion américaine. A l'époque, personne ne pouvait avancer des preuves qui justifieraient qu'un futur massacre allait être commis.

L'étendue des massacres qui se sont déroulés au cours du règne de Saddam Hussein ne justifie pourtant en rien l'intervention américaine, car elle n'était pas concomitante à ces derniers. Le caractère exceptionnel d'une intervention humanitaire armée doit s'accompagner de critères stricts comme le caractère imminent des massacres. L'absence de « cause juste » à l'intervention permettrait directement d'affirmer qu'elle n'est pas une intervention humanitaire armée. Afin de renforcer ce propos, il convient d'examiner les autres critères.

B. Le dernier recours

Avant l'intervention militaire, une ingérence judiciaire aurait pu être envisagée comme c'est le cas de nos jours avec le Président kenyan Uhuru Kenyatta. Certes, la CPI n'aurait pu être compétente que pour les crimes commis après l'entrée en vigueur de son statut, soit le 1er juillet 2002. Puisqu'aucune rétroactivité n'aurait pu être envisagée, la CPI ne semble pas être une solution adéquate. En revanche, la création d'une juridiction

136 Ken ROTH, « War in Iraq : Not a Humanitarian Intervention », op. cit., p. 51.

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pénale internationalisée aurait pu tout à fait être créée par le Conseil de sécurité, comme ce fut le cas avec le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone.

Toutefois, on peut remarquer que le Conseil de sécurité s'est intéressé de près à l'Irak dès 1992 avec sa résolution 688 précédemment étudiée et qu'aucune initiative de création de juridiction n'a vu le jour.

C. L'objectif humanitaire

Arguant en premier lieu la présence d'armes de destruction massive, chimiques, biologiques et nucléaires, les Etats-Unis ont tenté de justifier l'intervention en Irak tant bien que mal. Ils ont fait valoir d'un côté des justifications sécuritaires, et de l'autre, des justifications humanitaire et démocratique du fait de la dictature que constituait le régime de Saddam Hussein. La CIISE requiert que la motivation humanitaire ne soit certes pas la seule, mais qu'elle soit en tout temps première. Or, on peut observer que les justifications humanitaires ne sont apparues qu'une fois la campagne militaire lancée, face à l'absence évidente d'armes de destruction massive.

Ainsi, l'intervention américaine en Irak illustre parfaitement l'instrumentalisation du droit d'ingérence humanitaire. Il s'agissait moins de venir au secours des populations dans un objectif humanitaire, que d'intervenir en vue d'imposer une démocratie et de s'assurer de l'absence d'armes de destruction massive.

D. Le respect du droit humanitaire

La campagne irakienne a totalement desservi le droit international humanitaire. Les forces de la coalition se sont rendues coupables de violation des droits de l'Homme. Le scandale d'Abou Ghraib est un terrible exemple. Il s'agit d'une prison irakienne dans laquelle des soldats américains ont commis des crimes tels que des tortures, des viols et des exécutions. Par ailleurs, le Patriot Act voté par le Congrès états-uniens peu de temps après les attentats du 11 septembre 2001, avait introduit les statuts de « combattant ennemi » et de « combattant illégal ». Cela va totalement à l'encontre du droit international humanitaire et de sa protection des prisonniers de guerre. En effet, cela

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permet au gouvernement américain de détenir toute personne soupçonnée de terrorisme, pour une durée illimitée et ce, sans inculpation (pas de droit à un procès équitable).

Par ailleurs, avec le recul, on peut s'apercevoir qu'il y a eu d'importantes pertes civiles parmi la population irakienne du fait des forces aériennes. Des munitions à fragmentation étaient également utilisées à proximité de zones peuplées de civils comme le précise Monsieur Ken Roth. Cela va à l'encontre des principes classiques du droit international humanitaire que sont les principes de distinction et de précaution.

E. L'effet positif

Cet effet positif se calcule avant de lancer l'intervention humanitaire armée, afin de savoir si une amélioration des conditions de vie de la population peut être obtenue. Monsieur Ken Roth a procédé à cet examen dans le « Rapport mondial 2004 » d'Human Rights Watch, il n'a ainsi que très peu de recul. Il rapporte cependant que « les gouvernements américain et britannique espéraient clairement que le gouvernement irakien tomberait rapidement et que la nation irakienne emprunterait rapidement le chemin de la démocratie »137.

Au vu de la situation actuelle en Irak, et de la décennie passée, on peut se rendre compte à quel point ce critère peut-être politique, malléable et peu significatif. Il est toujours difficile de faire des prévisions hypothétiques, car une situation donnée peut toujours empirer.

F. L'approbation du Conseil de sécurité

L'approbation du Conseil de sécurité permet à l'intervention d'être considérée comme légitime aux yeux de la communauté internationale et de contrer bon nombre de critiques. De plus, un soutien international permet à une intervention d'avoir plus de ressources financières et humaines. Pour reprendre les termes de Monsieur Ken Roth, elle « clôt le débat sur la légalité138 ».

137 Ken ROTH, « War in Iraq : Not a Humanitarian Intervention », op. cit., p. 51.

138 Ibid.

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L'intervention américaine s'est déroulée sans avoir été au préalable autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Face au spectre du véto français et russe, aucun projet de résolution allant dans le sens d'une autorisation n'a été déposé par les américains. Les Etats-Unis ont argué que la résolution 1441, votée le 8 novembre 2002, constituait une base suffisante à leur intervention. Cela paraît à plusieurs égards douteux, notamment à la vue des propos du Conseil de sécurité qui déclarait « rester saisi de l'affaire. »

On peut en conclure que l'intervention américaine en Irak de 2003 est illégale par le simple fait qu'elle n'avait pas reçu l'approbation du Conseil de sécurité. Aucun des cinq autres critères de légitimité de l'intervention humanitaire armée n'était rempli. Cette intervention ne peut se prévaloir du « label » d'intervention humanitaire auquel elle fait tant mauvaise presse. L'argument humanitaire n'est apparu qu'une fois après avoir constaté sur le terrain que la présence d'armes de destruction massive en Irak n'était qu'un mensonge d'Etat de la part des Etats-Unis. Qui plus est, le lien présumé entre le Président Saddam Hussein et le terrorisme international n'a jamais été prouvé. Juridiquement, cette intervention relevait d'une guerre d'agression conformément à la résolution 3314 de l'Assemblée générale du 14 décembre 1974. Il ne s'agissait pas d'une guerre préemptive comme le soutenait l'administration du Président américain Georges W. Bush, mais d'une guerre préventine.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote