B) Le territoire d'étude
La zone d'enquête, située dans le département
de Rufisque, comprend les communes 
de   Diamniadio   et   Sébikhotane.   Cette  
dernière   ne   pourra   pas   échapper   au   processus
d'urbanisation, les équipements prévus pour le projet de ville
nouvelle de Diamniadio ayant une emprise sur son territoire. Sébikhotane
a été instituée commune en 1996 et Diamniadio en 
2001,  dans  la  mouvance  de  la  réforme 
institutionnelle  de  la  Région  de  Dakar.  Notre  entité
d'accueil au sein de l'Ong Enda tiers monde, Enda Syspro, possède
à Sébikhotane 3 hectares 
de terrains voués à l'agriculture
expérimentale. 
  
Carte 5 : l'agriculture dans le département de
Rufisque 
Réalisation : V. Mendret 
Source : Atlas du Sénégal 
C)  Des villages marqués par une logique de
réseau...
A l'exception du village de Sébi Ponty, toutes les
implantations d'habitat ont été crées 
par des chefs de groupements familiaux, qui souvent voulaient
fuir des épidémies. Le nom des fondateurs   est   resté  
dans   la   dénomination   des   quartiers   des   communes  
étudiées.   Les marabouts à l'origine de la
majorité des villages ont, pour la plupart, choisi une installation 
auprès d'un arbre remarquable, un vieux fromager (Deny en
Sérère). 
Les noms de villages juxtaposent donc le préfixe Deny et
le fondateur du village, ce 
qui  donne  des  appellations  telles  que :  Deny  Babacar 
Diop,  Deny  Demba  Codou,  Deny Malick Guèye, Deny Youssouf, Deny
Ndiakhate.  Les premières ethnies implantées sont les
Lébous, puis, les Sérères, les Peuhls, les Diolas, et les
Mandjaques. C'est parmi les familles fondatrices  des  villages  que  sont 
choisis  les  chefs  de  quartiers.  Les  confréries  musulmanes
dominantes  sont  les  Tidjanes  et  les  Layennes,  alors  que  les 
Mandjaques  sont  à  majorité chrétienne. 
L'efficacité  des réseaux  familiaux  et confrériques pour
l'obtention des parcelles d'habitation  a  été  à  la 
base  de  regroupements  ethniques  au  sein  des  quartiers  et  d'une
occupation  anarchique  de  l'espace.  Celle-ci  a  été  quelque 
peu  corrigée  par  l'administration lors d'un premier plan de
lotissement en 1994, qui a permis de régulariser les habitations, de
libérer l'emprise de la voirie, et de redimensionner les parcelles. 
Pour un même quartier, il peut donc y avoir un chef par
ethnie, donc plusieurs chefs, mais  c'est  le  chef  originaire  de  la 
famille  fondatrice  qui  emporte  la  légitimité  auprès 
de  la collectivité locale. Cela favorise une répartition
inégale des titres fonciers, des équipements (eau,
électricité), des permis de construire, et crée des
frontières au sein d'un même quartier. Les  revendications  des 
habitants  n'ont  pas  la  même  résonance  selon  leurs 
appartenances respectives, car certains n'ont aucun intermédiaire pour
communiquer avec les élus, ou n'ont accès à aucune
information officielle. 
Une  catégorie  d'allochtones  motorisée 
s'implante  peu  à  peu,  avec  une  tendance  à construire  de 
belles  villas,  bien  équipées.  Ceux-ci  semblent 
bénéficier  de  l'appui  d'autres réseaux politiques et
familiaux, encore plus efficaces à terme, qui sont en train de se mettre
en place. 
...et un environnement difficile pour
l'agriculture 
Les communes de Diamniadio et de Sébikhotane se situent en
bordure sud de la zone 
des Niayes,  qui s'étend  sur la frange 
côtière de  Saint-Louis à  Dakar.  Le  climat est de  type
canarien et subit l'influence maritime avec deux grandes saisons : 
-  Une  saison  des  pluies,  chaude  et  humide  qui  dure  3 
à  4  mois  (mi-juin  à septembre, appelée hivernage) 
- Une saison sèche qui dure 8 à 9 mois (octobre
à mi-juin). 
Les vents dominants sont l'harmattan en saison sèche,
l'alizé et la mousson qui donne 
la  pluie  en  hivernage.  Les  températures  sont 
élevées  entre  avril  et  octobre  et  basses  entre novembre et
mars. 
Au niveau de ces communes, la végétation est
caractérisée par une steppe arborée. A 
l'instar de cette zone sud des Niayes, la composition floristique
est dominée par des baobabs 
et  des  acacias  mais  également  des  espèces 
telles  que  des  margousiers,  des  eucalyptus,  des tamarins  et  des 
genêts  épineux.  La  ressource  faunique  a  sensiblement 
diminué  avec  la destruction  des  habitats  naturels  intervenue  sous
 l'action  combinée  de  la  sécheresse  et  des hommes. Elle
reste dominée par les oiseaux tels que les perdrix, les grues, les
corbeaux, mais aussi d'animaux comme les chacals, les lièvres, les
lézards. 
Des sols de type argilo-sableux (deck-dior) sont aussi
identifiés dans la zone, un sol argileux étant appelé deck
en wolof, un sol sableux dior. La nappe phréatique se situe entre 7 
et 30 mètres. Elle est renfermée dans des sables
argilo-marneux du Continental Terminal et 
des  calcaires  du  Paléocène  du  bassin 
sédimentaire.  On  note  l'existence  de  deux  vallées
encaissantes dans les villages de Deny Demba Codou, Sebi Ponty et
Ndoyène où s'installent 
des  mares  temporaires  en  hivernage.  Il  y  a  un  lac  de
 barrage  appelé  lac  de  Séby-Ponty,  à hauteur du
village  Gyent Arafat, dont la digue a été construite à
l'époque coloniale. Le relief accidenté et la nature
imperméable des sols favorisent un ruissellement intense des eaux de
pluie. La zone est ainsi fortement lacérée de vallées
où coulent en hivernage des marigots qui fusionnent  en  piedmont 
à  hauteur  de  Diamniadio  pour  former  le  marigot  de  Pantior  qui 
se perd en mer. 
La sécheresse qui a perduré ces dernières
années, le ruissellement de l'eau qui coule vers  la  mer,  la 
profondeur  de  la  nappe  phréatique  imposent  de  fortes  contraintes
 pour  une agriculture traditionnelle manquant cruellement d'équipements
et de moyens. Concentrée sur trois mois de l'année, pendant les
mois d'hivernage, cette agriculture familiale s'accompagne rarement   de   la  
possession   de   titres   fonciers.   Nous   allons   essayer   de  
comprendre   le fonctionnement de cette agriculture au statut précaire,
puis nous mettrons en perspective une agriculture  d'entreprise  s'affirmant 
des  contraintes  naturelles,  et  dominée  par  des  acteurs 
urbains. 
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