Deuxième partie
L'agriculture périurbaine au risque de la ville ? Le cas
de Diamniadio (Dakar, Sénégal) 
  
Plusieurs logiques de fonctionnement des exploitations
agricoles
Les  stratégies  des  agriculteurs  et  éleveurs
 à  Diamniadio  sont  mal  connues :  pour  la plupart, ils sont en
situation d'insécurité foncière : en sont-ils conscients ?
Dans quelle mesure peuvent-ils anticiper le processus d'urbanisation ? Les
stratégies des agriculteurs et éleveurs varient-elles  selon  les
 différents  types  de  statuts  fonciers  qui  ont  cours  dans  cette 
zone ? Quelles  perceptions  et  quelles  informations  ont-ils  des  services 
administratifs  et  des  Ong dakaroises  et  étrangères  qui  ont
 des  projets  sur  ce  secteur?  Ces  questions  n'ont  pas  été
étudiées  à  ce  jour  par  les  différents 
services  interrogés.  Les  enquêtes  permettent  alors  de
connaître  des  données  que  l'on  ne  peut  appréhender 
par  d'autres  sources  d'information. Aussi,  l'information  se  trouve 
inégalement  répartie  au  sein  d'un  même  village  ; 
elle  est généralement bloquée au niveau des chefs de
quartier qui assurent mal leur rôle de courroie de transmission entre le
conseil municipal et les populations. Cela rend obligatoire la recherche 
de   données   sur   le   terrain,   afin   d'approcher  
une   frange   importante   de   la   population marginalisée dans le
processus de transformation des dynamiques agricoles et urbaines. 
1 Une démarche d'enquête
L'enquête semblait être la meilleure méthode
pour mettre en lumière les stratégies et 
les  représentations  mentales  des  exploitants  par 
rapport  aux  différents  types  de  régimes fonciers et leur
connaissance des Ong et des services administratifs. Un travail
préliminaire a constitué en une recherche sur les productions, la
commercialisation et le fonctionnement des exploitations. S'intéresser
aux stratégies, aux représentations mentales et aux conflits en
prise avec cette agriculture nécessite au préalable la
connaissance des systèmes d'exploitation agro- pastoraux, aux
différentes filières de production, et aux modes d'accès
à la terre. 
A) Méthodologie de l'enquête
Pour   comprendre   la   réalité   actuelle   et
  les   dynamiques   à   l'oeuvre   au   sein   des exploitations 
agricoles,   il  est  indispensable  de  prendre  en  compte  la 
diversité  de  ces exploitations et les facteurs en jeu dans le
processus de différenciation agricole. 
Nous  n'avons  pas  trouvé  d'indications 
précises  sur  la  typologie  des  exploitations agricoles  qui  se 
positionnent  sur  les  filières  du  maraîchage,  des  cultures 
fruitières  et  de l'élevage  dans  les  documents  de  recherche
 consacrés  à  la  zone  constituée  au  niveau  de
Diamniadio et Sébikhotane. La plupart des travaux de recherche
effectués dans cette région se sont intéressés
davantage aux problématiques agronomiques, à la gestion des
écosystèmes, et 
aux risques écologiques qu'à celles des
stratégies des agriculteurs et éleveurs concernant la 
question  foncière  et  leur  positionnement  à 
travers  un  système  d'acteurs  en  compétition  sur une
même zone. 
Du  point  de  vue  de  son  déroulement,  le  travail  de
 terrain  s'est  fait  en  deux  étapes successives : la première
a été consacrée à des enquêtes exploratoires
auprès d'un échantillon 
de 33 exploitations agricoles dont 27 exploitations familiales
et 6 exploitations d'entreprise. Ces unités ont été
choisies de manière raisonnée afin que l'enquête puisse
couvrir toutes les catégories d'exploitations, sauf la filière
avicole, dont le caractère intensif réduit l'impact sur 
le  territoire  d'étude.  La  composition  de 
l'échantillon  des  exploitations  d'entreprises  a  été
modifiée au cours de la phase des enquêtes, à la suite de
certaines contraintes liées à la non disponibilité  des 
personnes  ciblées.  Dans  ces  cas  de  figure,  nous  avons  choisi 
d'autres exploitations agricoles présentant le même profil que
celles qui n'ont pas pu être enquêtées. 
L'exploitation  des  résultats  dès  les 
premières  enquêtes  a  permis  de  sélectionner plusieurs 
personnes  ressources  aux  niveaux  d'administrations,  d'Ong  et 
d'organisations  de producteurs auprès desquelles des entretiens
approfondis ont été effectuées. Des responsables 
de  la  coopération  canadienne,  l'IAGU  (Institut 
Africain  de  Gestion  Urbaine),  la  Fédération 
des Producteurs et Maraîchers des Niayes, la
confédération paysanne Sénégalaise ont
été des interlocuteurs disponibles. Au niveau de
l'administration, le Ministère de l'Urbanisme et de l'Aménagement
du Territoire a permis l'acquisition de données ayant trait au
déroulement du projet  de  la  plate-forme  du  Millénaire  de 
Diamniadio.  Les  mairies  de  Diamniadio  et Sébikhotane ont
été choisies pour la collecte d'informations pouvant être
croisées avec celles collectées  par l'intermédiaire des 
enquêtes.  En effet, ces mairies  disposent de récents plans
d'investissements  communaux  pour  lesquels  des  diagnostics  territoriaux 
ont  été  dressés. Ceux-ci concernent différents
secteurs économiques, dont l'élevage et l'agriculture. De plus le
personnel  des  mairies  (secrétaires  municipaux,  agents  voyers)  et 
les  élus  ont  de  bonnes connaissances  de  l'avancée  des 
projets  de  l'Etat  grâce  à  de  nombreux  ateliers 
organisés  en partenariat avec le Conseil de la région de Dakar.
Ces personnes rencontrées au niveau des mairies ont souvent
d'excellentes connaissances de leur commune et sont à même de
donner 
de précieuses informations sur l'évolution de
l'ensemble du territoire d'étude. 
Pour ce qui concerne les conditions de l'enquête, on
retiendra que les investigations 
ont  été  effectuées  avec  l'aide  d'un 
traducteur,  la  majorité  des  agriculteurs  et  éleveurs  ne
parlant  pas  le  français.  On  regrettera  l'absence  de  support 
logistique,  ce  qui  a  rendu  les données assez difficiles à
recueillir, ajoutée à des conditions climatiques contraignantes
pour 
un néophyte. Cela a allongé considérablement
le temps alloué aux enquêtes. 
La  recherche  aurait  dès  lors  pu  être 
enrichie  par  l'étude  d'un  territoire  plus  vaste, englobant les
communautés rurales de Yène et de Sangalkalm qui connaissent
elles aussi une très forte pression foncière. 
Après le démarrage de l'enquête, il a
fallu peu de temps pour se rendre compte que l'administration  des 
questionnaires  ne  suscitait  pas  de  difficultés 
particulières,  lorsque  l'on s'adresse   aux   exploitations  
paysannes   familiales.   En   revanche,   les   responsables   des
exploitations agricoles d'entreprise ont montré quelques
réticences à fournir des informations 
sur  les  activités  qu'ils  mènent.  Une  telle
 situation  s'explique  en  partie  par  le  fait  que  les interlocuteurs 
rencontrés  ne  sont  pas  toujours  les  promoteurs  de  ces 
entreprises  agricoles, mais  plutôt  des  employés.  Ainsi, 
certains  d'entre  eux  s'estimant  peu  informés  sur  les conditions 
de  création  des  exploitations  agricoles  dans  lesquelles  ils 
travaillent,  ont  préféré renvoyer  les  enquêteurs
 auprès  des  promoteurs  eux-mêmes.  Or,  ces  derniers  ne 
résident généralement pas dans la zone d'étude et
l'établissement de contact avec eux s'avère, le plus souvent,
difficile. Dans ce cas, les cadres d'Enda Syspro ont été
très utiles en mettant à notre disposition leur réseau de
relations concernant l'agriculture d'entreprise. 
Une limite importante de ces enquêtes est liée au
fait que les informations recueillies constituent  des  données  brutes,
 qui  souvent  ne  sont  pas  recoupées  par  des  observations  au
niveau des  exploitations agricoles.  En  effet, les  personnes ont 
été plus souvent sondées  sur leur  lieu  d'habitation 
que  sur  leur  lieu  de  travail.  Concernant  l'agriculture  pluviale,  les
exploitants se livraient à d'autres activités que l'agriculture
durant la période de collecte des informations  (de  mai  à  juin
 2005),  alors  que  les  champs  sont  cultivés  pendant  l'hivernage
(juillet  à  octobre).  De  plus,  pour  l'arboriculture,  les 
propriétaires sont  rarement  sur  les vergers en dehors des
périodes de récoltes. La fiabilité des renseignements
obtenus est donc 
incertaine et cela impose une grande prudence dans
l'interprétation des résultats. 
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