C)  Un  financement  difficile  causé  par  le 
désengagement  de  l'Etat  et  un  manque  de garanties
monétaires et matérielles.
Dans  le  contexte  actuel  d'une  économie  agricole 
libéralisée,  le  financement  de l'agriculture dépend des
ressources mobilisées par les producteurs eux-mêmes, et
aucunement 
des  fonds  publics.  Dans  le  cas  spécifique  des 
producteurs  de  la  zone  d'étude,  ce  sont  les exploitations 
familiales  qui  ont  subi  les  contrecoups  de  l'arrêt  de  la 
politique  de  soutien  à l'agriculture, parce qu'elles ont
été privées des possibilités d'approvisionnement en
intrants offertes par les programmes agricoles. Selon les éleveurs
Peuls, les distributions gratuites de d'aliments pour le bétail sont
bien moins nombreuses qu'auparavant. Les petits producteurs se 
sentent complètement « oubliés » des
politiques d'intervention étatiques. 
Le  manque  de  financement  ou  le  non  accès  aux 
crédits des  producteurs  est  dû  à plusieurs facteurs
: 
- Il   y   a   d'abord   une   méconnaissance   des  
circuits   financements   de   la   part   des agriculteurs : la majeure partie
des producteurs ignore les processus de recherche des partenaires  financiers. 
Cela  s'explique  par  la  faiblesse  des  niveaux  d'instruction, beaucoup
d'entre eux sont analphabètes. 
- Il y a ensuite le manque de sécurité
foncière : l'absence de garantie sur les terres ne favorise  pas  le 
financement  à  long  terme.  Sans  titre  foncier  réel, 
l'hypothèque  du terrain auprès d'une banque est impossible. 
- Les agriculteurs n'ont pour la majorité pas de revenus
sur un compte en banque et ne peuvent pas accéder aux circuits bancaires
proposés par exemple, par le crédit mutuel 
de Diamniadio. 
- La  pluriactivité  des  personnes  interrogée 
ne  dégage  pas  de  revenus  suffisants  pour influer  sur 
l'exploitation  agricole.  Le  recours  à  la  migration  internationale
 (une enquête   seulement)   a   permis   l'achat   d'un   titre  
foncier,   mais   la   question   des investissements agricole est en suspens.
En effet, pour un agriculteur périurbain, il est plus  urgent  (et  plus
 rentable)  d'investir  dans  la  spéculation  foncière  que 
dans le matériel agricole. 
Le micro crédit, une réponse pertinente au
manque de financement ? 
Il existe aujourd'hui dans la région de Dakar, un
réseau de 17 caisses d'épargnes et crédit  crées 
avec  l'appui  d'Enda  Graff  et  regroupant  quelque  21  000  membres  (80% 
de femmes,  15%  d'hommes  et  5%  d'organisations).  L'activité 
principale  de  ces  caisses  est constituée de services financiers
offerts aux membres à travers la collecte de l'épargne et la
distribution  du  crédit.  Les  caisses  sont  alimentées  pour 
25%  de  cotisations  individuelles  et pour 75% d'une contribution d'Enda sous
formes de prêts. Les modalités de financement sont
caractérisées par : 
- Une   somme minimale allouée est fixée à
25 000FCFA   et une somme maximale de 
300 000 FCFA, pour le prêt individuel. 
- Une somme plafonnée à 2 000 000 FCFA pour les
groupements. 
- Un taux d'intérêt  très
élevé, 16% l'an (généralement 8% sur 6 mois),
calculé sur le montant total. 
- Une durée de  crédit faible: la durée
maximale est de 12 mois (généralement 6 mois dont un mois de
différé) 
- Avant de débloquer l'argent, les caisses exigent de
chaque bénéficiaire une caution de garantie  à 
l'ouverture  du  compte  et  pour  chaque  groupement  une  garantie  solidaire
supplémentaire. 
D'autres  organisations,  à  majorité 
féminines,  ont  été  citées  lors  des 
enquêtes  pour l'accès au crédit. Les femmes,
organisées en GIE inter-villageois (dans les villages de Deny Youssouf,
Ndoyène I, Ndiassane) de 300 membres, font du crédit revolving
(crédit avec une réserve d'argent, qui se renouvelle
partiellement) grâce à une cotisation mensuelle de 600 Frs. 
  
A  Deny  Malick  Guèye,  le  Groupement  féminin
 «Yakkar »  comprenant  107  membres  fait preuve de dynamisme : les
femmes disposent d'un périmètre maraîcher de 6 ha dont 2 ha
sont mis en valeur grâce au soutien technique et matériel de l'ONG
Association Culturelle d'Auto- Promotion  Educative  et  Sociale  (ACAPES). 
Elles  accordent  du  crédit  revolving  permettant aux membres de mener
des activités génératrices de revenus. Ces initiatives ont
pu voir le jour grâce  à  un  financement  de  2.000.000  Frs. 
L'ONG  GROSEF  apporte  elle  aussi  un  appui 
  
financier à ces femmes et leur permet de suivre des cours
d'alphabétisation. 
Photo  3-Une  parcelle  de  choux 
cultivée  par  un groupement féminin avec l'aide de l'ONG
Acapes. 
Photo    4-La    responsable    du   
groupement 
féminin Yakkar lors d'un entretien. 
Ces financements agricoles concernent surtout le fond de
roulement (achat d'intrants 
agricoles) grâce à de petites sommes. Ils concernent
rarement l'acquisitions d'équipements et 
de matériel, encore moins la réalisation de
constructions et d'infrastructures. 
La nature des ressources, leur modicité et les conditions
de crédit ne permettent que des financements à cours terme, le
crédit moyen et long terme étant inexistant. 
Conclusion : une agriculture en sursis ? 
Bien  qu'entretenant  de  fortes  relations  avec  la  ville, 
tant  pour  les  entrants  (graines, engrais)  et  l'écoulement  de  la 
production,  l'agriculture  traditionnelle  se  trouve  face  à
l'impossibilité de se moderniser, à cause d'un manque
d'investissements et de moyens. Les machines et outils défectueux sont
rarement remplacés, c'est donc la  main d'oeuvre familiale 
qui assure encore la quasi-totalité des travaux. Le
recours aux engrais chimiques constitue la seule  innovation  adoptée 
par  la  majorité.  Même  si  l'intégrité  des 
groupes  sociaux  est progressivement remise en cause (une baisse de l'entraide
entre villageois a été soulignée lors 
des  entretiens),  on  peut  dire  que  cette  agriculture 
tend  à  se  reproduire  sur  elle-même,  sans possibilité 
réelle  d'innovation.  Génératrice  de  revenus  pendant 
moins  de  trois  mois  par  an, elle ne fait que compléter le revenu
des personnes interrogées, dont l'activité principale est
l'artisanat  (boulanger,  charretier,  tailleur...),  la  fonction  publique 
(douanier,  professeur)  le petit commerce, ou l'élevage (poulets,
bovidés). L'eau reste inaccessible pour des individus non solvables, et
lorsque qu'une forte somme d'argent est disponible (par la migration d'un ami
d'enfance ou d'un membre de la famille), elle est destinée en premier
lieu à l'achat d'un titre immatriculé. Les investissements
agricoles passent dès lors au second plan. Concernant 
les droits d'usage et coutumiers, la mise en valeur
saisonnière est considérée comme nulle par 
la loi sur le Domaine National pour l'Etat et les promoteurs
fonciers qui voient en ces champs 
des terres vacantes. L'emprise de l'agriculture «
traditionnelle » se trouve donc au coeur des convoitises des acteurs
urbains. 
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