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Les contrats dans le cyberespace à l'épreuve de la théorie générale: problèmes et perspectives

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par Cica Mathilda DADJO
Université d'Abomey Calavi - BENIN - Maîtrise en droit des affaires et carrières judiciaires 2003
  

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Paragraphe 2 Détermination du lieu effectif de conclusion

du contrat cyberspatial.

La délocalisation qui caractérise le cyberespace représente sans aucun doute un obstacle à la localisation du lieu effectif de conclusion du contrat cyberspatial.

A. LA DIFFICILE LOCALISATION DU CONTRAT DANS LE CYBERESPACE.

La question du lieu de conclusion d'un contrat est étroitement liée à celle du moment de conclusion du dit contrat. Ceci en vertu du principe suivant

133 Art. 15 de la loi type sur le commerce électronique de la CNUDCI.

134 Pour des détails sur les différentes formes d'entreprises virtuelles et leur fonctionnement, voir GUILLEMARD (S.), Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op. cit.

135 FROMENT (C.), la loi applicable aux contrats du commerce électronique, mémoire de DESS de droit du multimédia

et de l'informatique, Université de droit, d'économie et de sciences sociales, Paris II- Panthéon-Assas, 2000-2001. p.13.

lequel, le contrat se forme au lieu où se trouvent les parties et au moment où leurs volontés se rencontrent. Mais, l'application de cette règle pose un problème pour tous les contrats conclus entre absents, puisque les parties ne sont pas en face l'une de l'autre.

La doctrine a dégagé différentes théories relatives à la détermination

du lieu et du moment de conclusion des contrats à savoir les théories de l'émission et de la réception avec leurs différentes variantes. Ainsi, pour un contrat conclu sur un site Web, on pourra retenir comme lieu de conclusion soit le lieu où est hébergé le site, soit le lieu de résidence du vendeur, soit le domicile de l'acquéreur. De même, un contrat conclu par courrier électronique pourra être réputé formé au lieu de l'émission du courrier électronique ou, au lieu de sa réception, c'est-à-dire au lieu ou se trouve la boite électronique du destinataire.

Mais ces différentes alternatives sont difficilement applicables au cyberespace puisque au terme du processus il faudra faire un rattachement territorial alors que, le cyberespace partage une particularité avec l'espace extra-atmosphérique : il « ne se prête pas à division en zones quelconques »136. Comme l'écrit le philosophe Pierre Lévy, « [l]orsqu'[...] un acte, une information se virtualisent, ils se mettent «hors-là», ils se déterritorialisent »137. Afin d'illustrer le décalage entre nos repères territoriaux habituels et le cyberespace, prenons un exemple simple. Supposons qu'une partie québécoise et un Français communiquent entre eux par le biais du courrier électronique. La première a une adresse du type sg@globetrotter.qc.ca et le second a pour coordonnées électroniques

10134 1.314@compuserve.com. Si les lettres qc et ca laissent deviner qu'elles correspondent à Québec et Canada, il est toutefois impossible de déceler la situation géographique de l'autre adresse. En outre, l'adresse donnée au correspondant ne coïncide pas forcément avec le lieu d'activité ni avec le

domicile. Il est tout à fait possible, techniquement, que le contractant

136 LAVENUE (J.-J.), « Cyberespace et droit international : pour un nouveau jus communicationis », R.R.J 1996. v. 3 811,

p. 824.

137 LEVY (P.), Qu'est-ce que le virtuel?, Paris, La Découverte, 1995 à la p. 18.

québécois soit en poste aux U.S.A. pour une période plus ou moins longue et

le Français en Italie. Ainsi, le contractant dont l'adresse est au Québec peut être physiquement aux États-Unis lorsqu'il correspond avec son vis-à-vis dont l'adresse est en France. Celui-ci peut fort bien ouvrir son courrier électronique

et y répondre à partir de son poste de travail à Turin.

Si l'on utilise le Web, l'énigme territoriale est encore plus grande en raison des liens hypertextes138. Une fois le navigateur lancé, le cybernaute inscrit une adresse URL, http://lexmercatoria.org/, par exemple. Où est-il en termes terrestres? Une fois la page ouverte, en cliquant sur les termes

« Electronic Commerce », il est transporté au site dont l'adresse URL est :

http://www.jus.uio.no/lm/electronic.commerce/x.00-electronic.commerce.EDI.

html. Là, il choisit de « cliquer » sur la rubrique « Electronic Commerce and EDI» dont l'adresse est http://www.jus.uio.no/iri/rettsinfo/lit/docs/inf_ law/edi/edi.html. S'il désire voir ce que contient la rubrique « Law Journal Extra », il est dirigé à l'adresse : http://www.ljx.com/. Rien de tout cela n'évoque quoi que ce soit en termes de lieux géographiques et terrestres. Cet exemple, testé le 21 avril 2001139, est intéressant car il permet de faire une expérience typique des déplacements cyberspatiaux. Lorsque la page correspondant à l'adresse <http://www.ljx.com/> s'ouvre, un message s'affiche prévenant que le site a déménagé. Et, sans aucune manoeuvre de la part du cybernaute, une nouvelle page apparaît automatiquement, à l'adresse

<http://www.lawnewsnetwork.com/>. On constate donc que l'utilisateur de l'Internet non seulement se déplace de site en site sans savoir géographiquement où ils sont situés mais en plus, il peut être transporté

« ailleurs » à son insu140.

Il arrive que les étapes du trajet soient plus limpides ou plus parlantes :

on commence par entrer une adresse terminant par .fr et grâce à des « clics »

successifs, on finit par aboutir à un site en .ca. Pourtant, même si à première

138 LEVY (P.), Qu'est-ce que le virtuel ? op. cit. p. 252.

139 GUILLEMARD (S.), Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op. cit.

vue, comme nous l'avons signalé précédemment, cela semble indiquer que le trajet a débuté en France pour se terminer au Canada, il n'en est peut-être rien141.

En plus de ces difficultés, dans les relations cyberspatiales, les attaches territoriales sont fluides, mouvantes, évanescentes, pourrait-on dire. Puisqu'en raison des caractéristiques de la technique un serveur qui ferait l'objet d'une action en justice, par exemple, pourrait être très rapidement déplacé ailleurs, là où la loi lui serait plus favorable 142 . Ajoutons que les repères habituels permettant la localisation d'un acte ou d'un fait sont d'autant plus perturbés qu'entre les utilisateurs viennent se greffer des intervenants qui peuvent être disséminés aux quatre coins du monde143.

B. LES SOLUTIONS POSSIBLES

Le droit béninois ne contient aucune disposition certaine en matière de localisation des données numériques pouvant permettre de régler la question.

Le code civil règle détermine la localisation dans des sens différents selon les contrats144, et les juridictions ne semblent pas avoir pris parti pour l'une ou l'autre de ces théories, le contrat cyberspatial n'étant pris en compte par aucune disposition145.

On devrait considérer que le lieu de formation du contrat est le cyberespace, où les parties se trouvent virtuellement et où s'effectuent les

140 Voilà qui illustre parfaitement la remarque de l'équipe de l'université de Montréal : l'interactivité « ajoutée au mode

hypertexte, permet [...] d'amener l'usager dans un lieu ou sur un site auquel il ne s'était pas préparé ». (TRUDEL (P.) et

al., droit du cyberespace, op.cit. p. 1-9.).

141 De plus en plus, il est possible d'avoir des noms de domaines correspondant à un pays donné sans pour autant résider dans ce pays. Voir à cet effet GUILLEMARD (S.), Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op.

cit.

142 La vitesse ici est de l'ordre de quelques minutes.

143 Outre les lieux d'établissement ou de résidence habituelle des parties, l'emplacement du serveur, la présence d'intermédiaires tels que les fournisseurs d'accès, de "propriétaires" de galeries commerciales ou de bouquets de services viennent un peu plus troubler la situation O. Iteanu, supra note à la p. 34.

144 L'article 932 C. Civ. Retient le système de la réception pour les contrats de donation ; l'article 1985 applique le système de l'émission au contrat de mandat.

145 Req. 21 mars 1932 D.P. 1933. I. 65 note E. SALLE de la Manierre, Gaz. Pal. 1932. I. 910. la cour a pris parti pour la théorie de l'émission, la chambre sociale a confirmée cette solution : Soc. 2 juill. 1954 :Bull. Civ. IV, n° 579, p. 432 ; Soc.

3 mars 1965 : DALLOZ 965.492 mais les arrêts de la troisième chambre civile et de la chambre commerciale sont intervenues dans le sens contraire : cass.com. 21 nov. 1996 : JCP 1967, II, 15012, note Level ; Civ. 3, 24 oct ; 1978 : Gaz.

Pal. 1979, I. som. 18.

échanges de communications. En effet, les parties pour communiquer l'une avec l'autre, doivent inévitablement se brancher sur le réseau qui les transporte dans l'espace virtuel que partagent leurs ordinateurs. Là est le lieu

de rencontre des volontés. Deux auteurs français parviennent à une conclusion identique en fondant leur raisonnement sur l'interactivité propre aux réseaux, ce qui distingue les opérations cyberspatiales de la vente à distance par excellence, la vente par correspondance où un certain délai, pour ne pas dire un délai certain, s'écoule entre l'offre et l'acceptation: « Ainsi, s'il n'y a pas, sur Internet, présence physique simultanée des contractants, conformément à la définition même de la vente à distance, le réseau permet toutefois une présence virtuelle grâce à l'interactivité. L'offre et l'acceptation

peuvent se rencontrer presque simultanément sur le réseau »146.

Cette solution peut paraître déroutante, peut-être même simpliste. Pourtant, elle permet de surmonter plusieurs difficultés conceptuelles auxquelles on se heurte inextricablement en niant l'existence de cet espace autonome et en restant attaché aux références terrestres. Chercher des correspondances entre cyberespace et territoires terrestres mène, du moins sur ces questions, à des impasses.

En premier lieu, une telle localisation présente l'intérêt de la certitude. Les parties ne savent pas forcément où est localisé leur vis-à-vis ni dans l'absolu - quelques exemples en ont été donné précédemment -, ni à tel moment. Elles ne peuvent se fier à l'adresse terrienne qui, nous l'avons vu, ne signifie pas toujours grand chose puisqu'elle peut n'avoir que peu de liens avec la personne et ne correspondre qu'à des contingences pratiques, administratives ou de tout autre ordre. Ou, comme le disent David Johnson et David Post, « there is no necessary connecxion between an Internet address

and a physical jurisdiction »147. Au contraire, la seule certitude réside dans le

fait que si une personne envoie un message, prend connaissance de données numérisées, clique sur une icône ou visite une galerie marchande, elle a

146DEPREZ (P.), FAUCHOUX (V.), Lois, Contrats et Usages du Multimédia, Paris, Éd. Dixit 1997 p. 112.

147Il n'y a pas forcément de lien entre une adresse Internet et une juridiction physique. JOHNSON (D. R.), POST (D.

G.), « Law and Borders -- The Rise of Law in Cyberspace » , en ligne : <http://www.cli.org/X0025_LBFIN.html>

pénétré dans le cyberespace. La seule adresse significative est l'adresse IP

de la machine.

D'autre part, plus personne ne nie que le cyberespace se joue des frontières. Dans ces conditions, cela ne rime pas à grand chose d'essayer de

lui faire correspondre des limites, des découpages qui n'ont leur raison d'être que dans le monde matériel. Le concept même étant global, il est contradictoire de le découper en zones spatiales, d'autant plus lorsque ces découpages ne correspondent à aucune réalité ni géographique, ni politique,

ni juridique.

On pourrait être tenté de faire une analogie avec le monde terrestre puisque ici aussi les partenaires, même résidant dans des pays différents, relèvent globalement du même espace. La difficulté provient du fait que si dans le monde réel, l'espace terrestre est divisé en zones, territoires, découpés, délimités, distincts les uns des autres, tant politiquement que juridiquement, il en va tout autrement dans le cyberespace, qui ne forme qu'une grande entité. Ainsi, les moyens de communication utilisés au sein du cyberespace ne servent pas à véhiculer de l'information d'une zone bien délimitée à une autre mais plutôt à les transmettre à l'intérieur d'une grande sphère commune.

Afin de se prononcer efficacement sur le moment et le lieu de conclusion du contrat dans le cadre qui est le nôtre, seul importe le fait que les parties entrent en relation et communiquent par le biais des réseaux, abstraction faite de la forme, orale ou écrite, que prennent les messages échangés entre elles. En considérant le cyberespace comme un « lieu » qui

« permet [...] une présence virtuelle grâce à l'interactivité »148 et au sein duquel

des contractants peuvent échanger des données sans délai, les contrats qui

s'y nouent doivent être considérés comme des contrats entre personnes présentes149.

148 DEPREZ (P.), FAUCHOUX (V.), Lois, Contrats et Usages du Multimédia p. 112.

149 GUILLEMARD (S.), Le droit international privé face au contrat de vente cyberspatial, op. cit. note 1041

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