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Etude linguistique et sociolinguistique de l'argot contenu dans les textes de rap au Sénégal, l' Exemple Du DAar J


par Mamadou Dramé
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA 2000
  

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III-3 SIGNIFICATION DE L'ARGOT EMPLOYE PAR LES RAPPEURS

Comme l'ont déjà souligné tous les chercheurs qui ont travaillé sur ce phénomène, les valeurs premières de l'argot sont ludiques et cryptiques (cf. Guiraud et François-Geiger4(*)8).

La fonction ludique concerne essentiellement le fait que l'argot est d'abord un jeu. En effet cette stratégie de communication repose sur le plaisir. Quant à la fonction cryptique elle consiste à limiter la compréhension des messages délivrés au seul groupe des initiés. Cependant dans le cadre qui nous concerne, l'argot comme moyen de communication, dépasse les premières significations pour prendre des valeurs très importantes et relatives d'une part au mouvement hip-hop et à ses réalités et d'autres part à ses exigences. Il y a enfin la fonction relative à l'originalité du groupe qui a prêté ses textes pour servir de corpus et de ses membres.

III-3-1Les dimensions cryptiques et ludiques

Nous l'avons déjà précisé plus haut, les premières fonctions de l'argot sont d'être cryptiques et ludiques. Déjà Pierre Guiraud faisait remonter son origine au dix-septième siècle et le faisait correspondre au langage des mendiants et des gueux. Plus tard, avec l'évolution, il est devenu le langage de la drogue et de la délinquance où il est impératif de ne pas se comprendre du reste de la population5(*)1. Pour des raisons évidentes de sécurité.

Dans le cadre du langage employé à la fois par les jeunes dans leur vie quotidienne et les rappeurs dans la création artistique, le rapport au langage change. Il s'agit bien de se dissimuler par rapport aux autres, mais aussi de vulgariser sa production d'où son caractère paradoxal. On relève à cette stratégie de communication tout cet aspect qui en fait un langage secret ou «code à clé » pour reprendre le mot de Manuel Boucher5(*)2.

Mais l'argot demeure lié à la quête du plaisir à cause de joutes oratoires au cours desquelles les initiés doivent montrer ce qu'ils peuvent faire. Ensuite l'usage de l'argot peut permettre de reconnaître les autres qui font partie du milieu.

II-3-2 L'affirmation d'une identité

Le rappeur sait au moins une chose : il est différent des autres comme les autres sont différents de lui. Cette différence se manifeste à travers plusieurs aspects: vestimentaire, comportemental, langagier, gestuel. De ce fait, son langage qu'il veut spécial a pour mission de dire cette différence et d'affirmer cette identité qui lui est propre. En utilisant l'argot avec tout ce que cela renferme de cryptique, il dit à la face du monde qu'il existe et qu'il est un messager5(*)2. Son message il le délivre en le maquillant, obligeant les gens à le décoder. Cela permet de faire le tri des personnes que cela intéresse et cela lui permet de reconnaître les membres de cette communauté qui cherche à s'auto-exclure.

Il demeure évident que l'argot pour être vraiment «bon argot» ne doit pas être diffusé à grande échelle mais doit révéler le désir d'un groupe de rester homogène en excluant tous les autres s'il veut sauvegarder son identité. Mais dans le cadre du rap, le message est social, politique, et s'occupe des moeurs. Il doit ainsi être vulgarisé pour que le rappeur puisse jouer véritablement son rôle de messager. De la sorte, tous les procédés utilisés pour créer l'argot ont pour mission de montrer n'est pas un être passif qui vit d'inspiration et qui digère les concepts venus d'ailleurs sans réagir. Il doit aussi dire comment il trouve le monde et comment il voudrait qu'il soit.

Ce désir devient possible grâce à cette sorte de subversion du langage qui reflète la révolte dans laquelle les jeunes sont plongés et leur désir de voir leur monde se transfigurer ( dans le sens positif, bien entendu).

Ainsi l'argot permet au rappeur de s'identifier à son groupe, d'identifier les autres membres de son groupe. Il permet aussi de s'identifier par rapport aux jeunes de sa génération, de prendre ses préoccupations et ses problèmes.

Ainsi Doug E.T.du P.B.S. déclarait dans une interview parue dans le quotidien Le Soleil:

« il arrive souvent que les enfants comprennent plus vite des choses que les adultes ne comprennent pas. Nous employons le plus souvent le langage de la rue, le langage des enfants de la rue " ku wax feñ " par exemple. Un adulte qui entend le mot anglais " kill " dans notre jargon, pense tout de suite à l'acte de tuer. Or chez nous ça s'entend autrement » 5(*)4.

Ce langage plutôt réservé à un groupe tout étant vulgarisé à travers les médias est la manifestation de l'identité d'un groupe qui a choisi de crier sa révolte et sa colère.

II-3-3- La subversion du langage comme moyen de résistance

positive d'un groupe

Le contexte d'apparition et de développement du rap dans les trois pays que sont les Etats-Unis, la France et le Sénégal est assez révélateur. Il laisse apparaître que les jeunes devaient à une époque précise éprouver le besoin de dire leur refus face à certaines pratiques et certaines réalités de leur pays. Le texte de rap donne ainsi l'occasion de dire le « ras le bol » général et permet de refuser et de résister.

Rappelons qu'aux Etats -Unis, l'apparition du rap a coïncidé avec la virulence des mouvements racistes qui considéraient les Noirs, les Hispaniques et les Juifs comme des hommes plus bas que les animaux ou comme des objets5(*)5. En France, c'est le schéma qui est repris car les étrangers sont considérés dans ce pays comme des moins que rien, de même que les enfants des émigrés5(*)6. Enfin on se souviendra qu'au Sénégal, le mouvement hip-hop a débuté au lendemain des élections législatives et présidentielles de 1988 et l'année blanche qui a suivi dans la même année et a jeté des milliers de jeunes atteints par l'échec scolaire dans la rue5(*)7.

Ces trois pays ont pour dénominateur commun de voir l'émergence du mouvement et son évolution être en étroite corrélation avec des événements peu ordinaires. Ces événements montrent que les précurseurs du mouvement dans ces pays sont sujets à une marginalisation de la partie d'un système qui n'a pas pris en considération leurs préoccupations, ni pris en charge leur destin. Alors ce qu'ils ont perdu par leur faute, ils le récupèrent grâce à cette torture ou cette subversion qu'ils imposent au langage.

La subversion du langage consiste à tirer à boulets rouges sur le système et en veillant à ce que les personnes ou les groupes ciblés ne comprennent pas de prime abord ce qui est dit de plus, on impose à ceux qui veulent comprendre de faire des efforts pour pouvoir décrypter le message qui est délivré. Par l'intermédiaire de ces efforts qu'on lui fait faire, on peut de manière symbolique se venger de lui.

Déjà, dans Rapologie, Philipe Pierre Adolphe et José Louis-Bocquet voyaient le rap comme un « cri venu des milieux urbains voués au silence ». Ils ajoutaient en déclarant que:

« le rap (était ) l'expression directe des incertitudes de fin de siècle. Cette tchatche hargneuse et poétique, paradis des mots hybrides assénés comme des uppercuts, des flots qui s'enchaînent comme des avalanches de coups de poings, est devenu le symbole de anti-langue-de-bois, comme ennemi naturel du politiquement incorrect et de la nove langue de la société du spectacle » 5(*)7

Alors il devient plus aisé de lire les onomatopées qui reprennent avec violence les coups de poings et d'armes à feu relevés dans le corpus.

La résistance n'est pas violente dans les actions, elle l'est dans les paroles. Il s'agit en réalité de transformer les énergies négatives accumulées par chaque individu en énergie positive ainsi que le prônait l'un des précurseurs du mouvement Grand Master Flash. Il s'agit également de prendre une revanche sur les systèmes politiques et économiques de leur pays qui ne les a pas pris en compte comme le montre R.Brown dans cette reprise par Lapassade et Rousselot:

« Quand Brown parle de babouin et d'éléphant, il fait appel à une ancienne pratique ; celle du " signifying " dont l'origine est le "signifying monkey " ( le singe vanneur ), le babouin ou encore le macaque, deux surnoms péjoratifs du noir, mais que celui-ci a récupéré à son profit: il est malin comme un singe et se venge de l'homme blanc par la parole, le blanc évoque la lourdeur de l'éléphant » 5(*)7.

Ainsi l'usage de l'argot dans le rapport peut passer comme l'expression d'une révolte, la résistance d'un groupe qui refuse d'abdiquer face à un système politique qui ne l'a pas suffisamment pris en compte.

II-3-4 Un discours teinté de religiosité

Dans l'observation de notre corpus, il est ressorti toute une panoplie d'expression d'origine arabe. Ces mots et expressions reflètent une culture et une religion: la culture islamique et la religion musulmane.

Les expressions comme « Euskey »et « Akassa » sont souvent utilisées lors des séances de lecture du Coran ou de lecture de poèmes dédiés au prophète de l'Islam. Cela montre qu'il est possible de relever dans l'expression des rappeurs une certaine lecture religieuse de la société.

Il faudrait tout d'abord souligner que le mouvement hip- hop a très tôt été imprégné de religiosité. A son origine, aux Etats Unis, il y a eu un discours profondément influencé par l'Islam. Georges Lapassade et Philipe Rousselot avaient déjà montré la présence de Dieu dans les textes de rap. D'ailleurs ils soulignent que le rap, qui marque un si net retour aux symboles de la militance des années 60 reprend totalement à son compte l'islam noir américain ,celui d'Elija Mohamed, de Malcom X, de Muhammad Ali de Leroi Jones et celui de Farakhan, Ice T, Public Ennemi, Divine Styler, autant de prosélytes de cet Islam si particulier:

« Allah-u-akbar, May peace and blessing be up on Elija Muhammad and Imam W.D. Muhammad, i give thanks for Abdullah servent of Allah " lit-on sur une couverture de Divine Styler ; et sur celle de professeur Griff : «Assalam Alaikum, peace be into your aila praise are to whom none is grater » 5(*)8

Cette dimension religieuse s'explique du fait que le rappeur Américain se considère comme un prophète, un messager de dieu qui doit dire la société et amener une révélation.

Pour le rap sénégalais il est à noter que la société est pro ancrée dans la religion musulmane pratiquée par plus de 90% de la population avec un certain nombre de confréries existant dans le territoire. Beaucoup de jeunes se réclament de l'une de ces confréries. Les enfants apprennent le Coran, dès le bas âge et l'Islam fait partie du quotidien des sénégalais.

Le rappeur est un messager, un prophète qui doit révéler ce qui est bon et ce qui est mauvais. Cela se fait à la lumière de l'Islam, de la morale islamique et de ses préceptes.

Pour eux cette religion est le recours pour sortir de la dépravation des moeurs et surtout de la politique politicienne qu'il convient de dénoncer. L'Islam est ainsi un moyen de sortir de la délinquance qui guette les jeunes et de ne pas plonger dans la drogue et la violence

* 50 François Geiger; Denise; (1990) opcit.

* 51 Guiraud (Pierre ) opcit p.5

* 52 Boucher (Manuel) Opcit .p.73

* 52 Lapalissade ( Georges ) & Rousselot (Pierre ) opcit p.36

* 54 Cissé (Sambou ). " P.B.S. : " rap public en république " in Le Soleil du samedi 29,dimanche 30 avril et lundi 1er mai 2000, Dakar p.14 .

* 55 Lapalissade (Georges ) & Rousselet opcit

* 56 Boucher ( Manuel ) opcit

* 57 Benga (Ndiouge Adrien) opcit

* 57 Lapassade (Georges ) & Rousselet (Philipe) opcit p.56

* 58 Lapassade & Rousselet opcit

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway