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Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle

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par Marie Bastin
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris -  2002
  

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Disparités

Les disparités des rapports de l'après-« conversion » et du « je » portent sur deux thématiques, celle de la circoncision et celle du certificat de « conversion ». Les rapports qu'entretiennent les « convertis » du corpus avec ces deux dimensions de la religiosité sont divers jusqu'à être très opposés.

· La circoncision

Dans la mesure où le Coran n'a pas mentionné la prescription de la circoncision, un vide juridictionnel existe de fait, que seuls les hadiths146(*) permettront de combler. Les hadith renvoient, en effet, cet acte, soit à une tradition de fitra (nature première), en effet : « Cinq actes relèvent de la tradition de la fitra : la taille des ongles et celles des moustaches, l'épilation des aisselles, l'ablation des poils du pubis et la circoncision »147(*), soit à la tradition abrahamique. Pour les systèmes juridiques islamiques, seul le système shafi'ite148(*) considère la circoncision comme une obligation pour tout musulman. Les systèmes hanafite, malékite149(*) et hanbalite la recommandent fortement (sunna muakkadat). La circoncision est donc tenue par les musulmans comme un acte de conformité à l'esprit du croyant plus qu'à la lettre coranique. Même si la dimension hygiénique est exhaltée, par usage, les musulmans tiennent cet acte pour celui de l'intégration à la communauté des croyants. Cette divergence des systèmes juridiques laisse une marge de réflexion et laisse légitime de s'interroger : la circoncision est-elle une pratique des musulmans plutôt qu'une pratique de l'islam ? L'islam de « conversion » en France est le plus souvent celui qui est marqué par le système juridique malékite ou sous influence de celui-ci. Les influences du shi'isme existent, sans pour autant prédominer.

Trois d'entre les « convertis » sont circoncis, deux C4 et C6 à la naissance et pour des raisons familiales. C1, lui, a subit l'opération au moment de sa « conversion ». C2, C3 et C7 ne le sont pas. Seul C7 a explicitement répondu qu'il ne s'agissait pas d'une prescription coranique et qu'il n'envisageait pas de procéder à la circoncision, « mutilé » qu'il se sentirait. C2 et C3 envisagent de le faire faire, à un moment qu'ils estimeront propice, mais ne semblent pas inquiets, religieusement parlant, de n'avoir pas subi une telle opération. Il n'a pas été possible de poser la question à C5.

Le témoignage de C1 à propos de sa circoncision est riche d'enseignements concernant, pourrait-on dire, le besoin de ritualiser un événement comme la « conversion ». Il explique l'exigence qu'il a eu de vivre l'opération de façon traditionnelle, tant parce que « cette expérience m'a permis de comprendre ma soumission de ce qu'il y a de plus matériel, qui donne la relation avec la terre la plus profonde »150(*) que par une nécessité sous-jacente de « verser le sang, c'est un symbole matériel, et là c'est le sacrifice de ce que tu as de plus intime »151(*). Ce fut l'occasion pour lui de se retirer du monde, pour convalescence, pendant quinze jours, au cours desquels, il semble avoir vécu la transition nécessaire entre l'avant et l'après conversion à l'islam : « Reclu 15 jours, dans la maison d'un homme qui a pratiqué la circoncision, sans contact avec aucune femme. J'étais auprès de cet homme comme auprès d'un père. Je me suis senti béni »152(*). L'état de purification de soi qui se dégage d'un tel acte, de la mise en éloignement du monde et de ses tentations ainsi que la possibilité de vivre sa naissance, sa renaissance, par une reconstruction d'un « rapport au père », ne restent pas moins emprunts de représentations plus liées au système de pensée chrétien qu'islamique. En effet, la notion du sacrifice ne siège pas, en de tels termes en islam, nous l'avons vu. La circoncision ne semble pas ni traditionnellement ni islamiquement, avoir été emprunte d'une quelconque dimension sacrificielle. Souffrir pour devenir autre, rappelle étrangement le calvaire christique à l'issue duquel Christ de simple messager put devenir fils de dieu ! En revanche, cette quinzaine de repos apparaît comme une pratique saine pour l'individu, au regard des moments émotionnellement violents qu'il a vécu juste avant. L'on peut apercevoir là, comme une représentation physique du phénomène de la « conversion », ce changement, cette rupture qui propulse l'individu hors de son système d'origine, dans un espace-temps, une zone neutre ou bisystémique, vers le nouveau système. Chacun vit, en réalité, un tel moment de transition, il peut être très intérieur et solitaire, intellectuel et intime, plus ou moins exposé. Seul C1, dans cet échantillon, offre une expérience physique pleinement vécue de la « conversion ».

* 146 Bokhari

* 147 rapporté par Abu Hurayra

* 148 définition du shafi'isme : système juridique fondé par Al-Shafi'i (767-820)

* 149 Définition du hanafisme et du malékisme : systèmes juridiques fondés respectivement par Abu Hanifa (700-767) et Ibn Malik (715-795)

* 150 voir annexe, témoignage C1, p. 17

* 151 ibid

* 152 ibid

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