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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

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CONCLUSION GENERALE

En pleine moitié de l'année 1990 qui devait constituer l'année charnière d'une ouverture à la démocratie libérale au Cameroun, M. Paul BIYA, président du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) et président de la République du Cameroun, donnait cette définition de la démocratie : « ...La démocratie, c'est avant tout la liberté.

· Liberté de la presse,

· Liberté d'opinion,

· Liberté d'expression,

· Liberté d'association,

· Elections libres.

(...) La démocratie se définit aussi par :

· L'indépendance de la magistrature,

· Le respect des droits de l'homme.

(...) La démocratie, c'est aussi :

· Le respect de la loi, car un peuple et un Etat ne sont forts que quand les lois sont fermes, appliquées avec rigueur et respectées par tous,

· La démocratie c'est aussi le respect des droits et des idées de l'autre,

· La réciprocité des obligations des uns vis-à-vis des autres ! »

Et il en concluait que « nous ne sommes pas si éloignés de nos idéaux de démocratie et de liberté, mais, nous devons toujours aller de l'avant et faire en sorte que ce qui est l'idéal se transforme en réalité... »380(*).

Indubitablement, démocratie, Etat de droit et droits fondamentaux sont un triptyque indissociable dans tout Etat qui se veut libéral et constituent l'idéal à atteindre en son sein. Les droits fondamentaux se doivent ainsi, dans toute société, d'être reconnus, respectés, mais surtout, protégés, afin que les citoyens puissent véritablement en bénéficier.

Au Cameroun, « en sommes-nous si éloignés » ? Pour reprendre le questionnement du président BIYA. Sommes-nous si éloignés d'une garantie fiable des droits fondamentaux devant aboutir à un véritable Etat de droit au sein de l'Etat camerounais ? La réponse ne doit pas prêter à équivoque. La garantie des droits fondamentaux existe au Cameroun, mais elle est imparfaite et demeure perfectible. S'il est vrai que beaucoup a été fait dans le sens de son édification, beaucoup reste également à faire pour qu'elle tende vers la perfection. En effet, elle est sujette à des limitations tant au niveau de la garantie matérielle que de la garantie pratique des dits droits.

Au niveau de la garantie matérielle, le Cameroun a résolument pris le chemin d'une législation largement favorable aux droits humains, ce qui a conduit le Pr POUGOUE à parler d'une avancée significative dans ce domaine381(*). C'est que les droits fondamentaux ont singulièrement influencé la législation camerounaise dans son ensemble, ce qui a conduit dans cet ordre juridique à une large consécration textuelle des droits au profit des citoyens. Les droits fondamentaux sont ainsi proclamés dans la constitution, dans divers textes législatifs et même réglementaires.

Toutefois, si cette garantie matérielle semble satisfaisante, des difficultés surviennent à ce stade. On peut par exemple relever l'hypothèse de la survenance de conflits entre des normes constitutionnelles, surtout entre certains droits fondamentaux des citoyens. De plus, la législation camerounaise fait une grande place à des situations d'exception au cours desquelles l'exercice des droits peut être mis entre parenthèses, et créer ainsi de multiples désagréments aux citoyens. Des dérives dans l'application de ces législations d'exception peuvent survenir et il est alors important que les droits soient protégés de manière convenable.

Pour bénéfique que puisse être la proclamation des droits, il est admis qu'isolée, elle ne peut suffire et doit être accompagnée de la protection de ceux-ci. C'est la phase de la garantie pratique. Cette dernière au Cameroun, recèle bien des insuffisances en ce qui concerne les mécanismes juridictionnels et non juridictionnels affectés à la protection des droits fondamentaux.

En ce qui concerne la protection juridictionnelle des droits fondamentaux, les limites essentielles résident dans les difficultés liées aux recours possibles devant les juges notamment administratif et constitutionnel, et dans la problématique du statut du juge camerounais.

Relativement au recours devant le juge administratif camerounais, la permanence de l'écran législatif dans cet ordonnancement juridique et la sévérité du juge concernant la règle du recours gracieux préalable sont les points d'ombre qui vicient la protection des droits par ce juge. Il convient que ces deux obstacles soient assouplis, sinon écartés afin que la liberté soit toujours le grand vainqueur face à l'arbitraire.

S'agissant du recours devant le juge constitutionnel, on peut regretter qu'il soit purement et simplement écarté à l'égard des particuliers, qui sont pourtant ceux qui souffrent quotidiennement des violations de leurs droits fondamentaux. Cette situation est fortement préjudiciable à la protection des droits dans l'espace juridique camerounais, car des lois inconstitutionnelles peuvent alors continuer de recevoir application au détriment des libertés des citoyens.

On ne peut qu'appeler de nos voeux l'introduction dans l'ordre juridique camerounais d'un recours direct par les particuliers devant le juge constitutionnel, garantie à n'en point douter essentielle pour une protection optimale des droits humains dans cet Etat.

De plus, l'aménagement d'un statut qui garantisse l'indépendance de la magistrature camerounaise ne peut qu'être tout aussi favorable à une protection pérenne des droits. En effet, le juge judiciaire ou administratif camerounais souffre cruellement du sentiment de ``vendu'', ``corrompu'' et ``dépendant'' présumé à son endroit. Il convient donc de l'en départir, au moins par cet aménagement.

Il lui reviendra par la suite, au moyen d'une jurisprudence constructive et propice à une émulsion saine des droits au Cameroun, d'écrire ses lettres de noblesse pour une protection juridictionnelle effective et efficace des droits fondamentaux dans cet espace juridique. Il en va de même pour les mécanismes non juridictionnels de protection de ces droits qui rencontrent également de multiples obstacles dans leur mise en oeuvre, qu'il s'agisse des autorités administratives indépendantes ou des organisations de la société civile.

S'agissant des autorités administratives indépendantes à portée générale et sectorielle, les contraintes structurelles et conjoncturelles qui pèsent sur elles, empêchent qu'elles participent de quelque façon que ce soit à la protection des droits fondamentaux des citoyens. La nouvelle Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés (CNDHL), le Conseil National de la Communication (CNC), et l'Observatoire National des Elections (ONEL) accusent encore le coup d'une dépendance de leurs différentes institutions vis-à-vis du pouvoir exécutif. Sans doute faudrait-il revoir, comme le préconise le Pr POUGOUE, « leur conception d'ensemble »382(*), afin de les rendre plus efficaces dans le domaine de la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Mais plus encore, il convient d'en appeler à la volonté politique des décideurs camerounais, afin qu'ils mettent en place des structures fiables, indépendantes et véritablement affectées à la construction d'un Etat camerounais soucieux de la liberté de ses citoyens.

En effet, ces citoyens affichent une certaine lassitude face à la situation politique et socio-économique que traverse leur pays, à tel point que la dynamique revendicatrice née au début des années 1990 est actuellement presque inexistante. Les organisations de la société civile peinent à être représentatives des différentes franges de la population camerounaise qui ne se reconnaissent pas en elles. Elles s'analysent plutôt, du point de vue de leur constitution, comme une «  illusion structurelle »383(*) et non pas comme des structures appelées à ``gérer la colère collective''384(*) des citoyens camerounais.

Dès lors, devant un tableau si peu flatteur de la garantie des droits fondamentaux au Cameroun, nous ne pouvons que constater la vérification de notre hypothèse de départ. En effet, eu égard aux différents obstacles relevés tant au niveau de la garantie matérielle des droits qu'au niveau de sa phase pratique, il faut poser le constat d'une grande faiblesse de ladite garantie. En conséquence, il convient alors de tirer les leçons des différents obstacles relevés et de s'atteler à les éradiquer par une volonté véritablement affichée des politiques. C'est cette volonté qui le plus souvent a fait défaut en Afrique, où les droits fondamentaux ont été depuis longtemps consacrés, mais le plus souvent violés aussi.

Il est nécessaire, afin que l'Etat de droit s'inscrive de façon pérenne dans l'espace juridique camerounais, que l'édification d'une culture démocratique de tous les citoyens prenne définitivement corps. Cette culture qui aura pour axiome de base les droits fondamentaux permettra de faire reculer les derniers bastions favorables à l'impunité, et à des fléaux sociaux tels que la corruption, le népotisme, autant de maux susceptibles de maintenir les Etats africains en général et l'Etat camerounais en particulier dans un état de ``sous-développement durable''.

Toutefois, tout n'est pas que sombre dans le ``ciel juridique camerounais''. Aujourd'hui en effet, il est possible de disserter sur la garantie des droits au Cameroun, chose qui n'était pas possible il y'a une quinzaine d'années dans un régime de parti unique. Un régime dans lequel les droits les plus élémentaires ne pouvaient être exercés par leurs titulaires, un régime qui vivait sous une constante législation d'exception qui restreignait au maximum les allées et venues des citoyens camerounais.

Au total, en l'état actuel de sa législation, le Cameroun a résolument pris le chemin d'un constitutionnalisme tourné vers les valeurs les plus sacrées de la démocratie libérale. Mais, ce constitutionnalisme nouveau est-il à même d'assurer la jouissance optimale par les citoyens de leurs droits fondamentaux et instaurer ainsi la mise en place d'un véritable Etat de droit ? Telle est la question qui nous interpelle dès à présent, afin que puissent être explorées les conditions les plus saines et les plus propices à l'avènement d'un Etat de droit stable et prospère, susceptible de jeter les bases d'un développement optimal des Etats africains dans leur ensemble et du Cameroun en particulier.

* 380 Rapport de politique générale du président BIYA au congrès du RDPC du 28 juin 1990 in SOPECAM, Droits et libertés, Recueil de nouveaux textes, Yaoundé, Ed. SOPECAM, déc. 1990, pp. 12-13.

* 381 P. G. POUGOUE, ibid., p. 103.

* 382 Ibid., p. 119.

* 383 J. ONANA, ibid., p. 97.

* 384 C. MONGA, Anthropologie de la colère -Société civile et démocratie en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, 1994, 167 p. ; p. 104.

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