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KAFALA (le recueil legal)

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par Hafid ASSAOUI
Université de PERPIGNAN - DES Droit comparé 2006
  

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SECTION 3. LA POSITION DES TRIBUNAUX FRANÇAIS FACE A L'INSTITUTION DE LA KAFALA

A titre liminaire, il convient d'indiquer que le ministère de la justice (direction des affaires civiles et du sceau) est lui- même en train d'effectuer des recherches en vue de clarifier sa position en matière d'adoption internationale, par exemple par la publication d'une circulaire3(*) . Il s'agit donc d'une matière susceptible de connaître de nouvelles évolutions, d'autant plus que la jurisprudence consécutive à la loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale est encore réduite, et même inexistante au niveau de la Cour de cassation.

Depuis l'arrêt Torlet de la Cour de cassation, du 7 novembre 1984, les conditions comme les effets de l'adoption sont régis par la loi nationale des adoptants, sauf en ce qui concerne le consentement et la représentation de l'adopté, qui obéissent à la loi nationale de celui-ci.

A cet égard, la justice française considère que l'adoption, y compris plénière (arrêt Fanthou de la Cour de cassation, du 10 mai 1995), d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas ou prohibe cette institution est possible, à la condition que, indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, s'agissant d'une adoption plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine.

En revanche, les personnes dont le statut personnel prohibe l'adoption ne peuvent pas adopter. La Cour de cassation applique en effet la loi nationale des adoptants aux conditions de l'adoption.

Le juge doit ainsi vérifier que le consentement donné par l'adopté ou son représentant l'a été en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à cette institution.

Dans une décision du 19 juin 1997, la cour d'appel de Paris a considéré que tel était le cas lorsque les adoptants de nationalité française, après avoir obtenu successivement une kafala puis une autorisation judiciaire de sortie du territoire marocain et un acte notarié d'institution d'héritier, peuvent produire un acte du juge marocain, représentant légal du mineur, autorisant une régularisation de la situation de ce dernier auprès des autorités judiciaires françaises. La réponse dénuée d'ambiguïté des autorités marocaines à la demande française qui leur avait été adressée permet de considérer que le juge marocain a donné un consentement éclairé à la demande d'adoption plénière.

En revanche, la même cour d'appel, le 24 juin 1997, a estimé que ne peuvent être considérées comme ayant donné un tel consentement, les autorités algériennes qui ont remis une enfant abandonnée de nationalité algérienne à un couple de Français, au titre de la kafala, celle- ci, comme il a été exposé plus haut, maintenant la filiation d'origine de l'enfant et n'étant pas assimilable à une adoption, du reste prohibée par la législation algérienne.

Ainsi, la seule obtention d'une kafala dans un pays de droit coranique est

insuffisante pour faire reconnaître l'adoption par les tribunaux français, même si, sur ce point, la jurisprudence a longtemps souffert d'un défaut d'unité, notamment au niveau des cours d'appel.

La cour d'appel de Toulouse a autorisé, le 22 novembre 1995, la transformation d'une kafala en adoption simple, estimant que ces deux institutions étaient assimilables. La cour d'appel de Paris a rendu une décision identique, le 22 mai 2001 (cf. infra).

Quant à la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans une décision du 25 mars 1999, elle a accepté de déduire la possibilité d'une adoption plénière d'une kafala, cependant assortie de nombreux éléments, en particulier le changement de nom de l'enfant, l'assentiment écrit à l'adoption des trois enfants légitimes des adoptants, précisant notamment qu'ils étaient conscients des conséquences successorales et le consentement à l'adoption plénière donné par le conseil de famille algérien. Les juges ont ainsi estimé que « les autorités publiques algériennes avaient consenti à l'adoption plénière en connaissance des effets attachés à cette institution en France ». Ils ont également invoqué l'intérêt supérieur de l'enfant, en particulier la nécessité, affirmée par la convention de La Haye, de lui offrir une famille stable et permanente, rappelant que l'enfant en question avait,depuis sa naissance, et précisément en vertu de la kafala, été élevé au sein de la famille qui souhaitait l'adopter.

Néanmoins, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 1er février 2001, a adopté une position différente. Rappelant que le code de la famille algérien prohibait l'institution de l'adoption et ne connaissait que la kafala, elle a précisé que

« l'autorisation donnée par les autorités algériennes à l'enfant du port du nom des personnes qui l'ont recueilli ayant seulement pour objet de permettre son insertion sociale, ne consacre aucun lien de filiation et n'autorise pas l'assimilation du recueil légal [kafala] à l'adoption plénière ».

Elle a donc refusé de prononcer l'adoption, au motif que « le consentement des autorités administratives et judiciaires algériennes à la kafala ne peut être considéré comme un consentement à une adoption simple ou plénière, en pleine connaissance des effets attachés à cette institution », la loi algérienne prohibant l'adoption.

En raison du manque d'unité de la jurisprudence, l'intervention du législateur s'est révélée nécessaire. La loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, issue d'une proposition de loi de M. Jean- François Mattei, mais dont la rédaction résulte largement des conclusions de la commission des lois du Sénat, vise précisément à éviter des décisions de justice éventuellement divergentes et à résoudre des conflits de lois.

Elle a notamment inséré, au titre VIII du livre Ier du code civil, un chapitre III, intitulé Du conflit des lois relatives à la filiation adoptive et de l'effet en France des adoptions prononcées à l'étranger (articles 370-3 à 370 - 5).

Plusieurs de ces dispositions donnent un fondement législatif à la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'elles reprennent, en particulier les règles relatives à la reconnaissance des décisions étrangères, à la conversion d'une adoption simple en adoption plénière et au consentement qui doit être donné à l'adoption.

En résumé, la kafala n'est pas une procédure d'adoption. Il semble - tel est actuellement le sens de la jurisprudence de la cour d'appel de Paris mais la Cour de cassation n'a pas encore été appelée à se prononcer sur ce point, et la doctrine est défavorable - qu'elle puisse toutefois être assimilée à l'adoption simple du droit français si la loi nationale des adoptants ou si, en cas d'adoption par deux époux, la loi qui régit les effets de leur union reconnaît l'institution de l'adoption. Si la loi d'un seul des époux prohibe l'adoption, celle-ci est possible, d'autant plus que le conjoint étranger peut facilement acquérir la nationalité française. Selon la doctrine, il convient d'entendre par « loi qui régit les effets de leur union » la loi des effets du mariage, c'est- à- dire celle du domicile commun des époux en cas de différence de nationalité entre eux.

En revanche, la kafala ne peut pas être convertie en adoption plénière, la loi du 6 février 2001 précitée ayant tranché ce point. Une décision comme celle, rappelée plus haut, de la cour d'appel d'Aix-en- Provence du 25 mars 1999, du reste rendue avant la loi du 6 février 2001 mais de toute façon demeurée isolée, ne serait plus possible.

D'une manière générale, envisager de bénéficier d'une kafala dans un pays de droit coranique, pour ensuite la faire reconnaître en France comme une adoption devrait être déconseillé à un couple candidat à l'adoption. Il est préférable de suivre la procédure mise en oeuvre par la mission de l'adoption internationale du ministère des affaires étrangères. Quant aux cours d'appel, leurs décisions récentes semblent toutefois convergentes pour refuser l'assimilation de la kafala à l'adoption simple du droit français. Telle serait également la position du ministère de la justice. Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la cour d'appel d'Amiens, rappelant que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, ce qui est le cas de la loi algérienne, a estimé que « la kafala [...] ne peut être considérée comme une adoption, même simple ». Dès lors, « le prononcé de l'adoption de la mineure est légalement impossible, l'enfant ne remplissant pas les conditions cumulatives de naissance et de résidence en France », imposées par la loi.

La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 27 novembre 2003, a donné raison au ministère public pour lequel la kafala n'est pas assimilable, en droit français, à l'adoption simple, mais à une délégation d'autorité parentale, alors que les intimés estimaient le contraire. La cour d'appel, rappelant que « l'adoption, qu'elle soit plénière ou simple, crée un lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté », a jugé que la kafala « n'instaure aucun lien de filiation entre l'adoptant et l'adopté, même si les enfants recueillis peuvent prendre le nom des titulaires du recueil légal [autre nom de la kafala] », qui « s'apparente à un transfert de l'autorité parentale et n'équivaut pas à une adoption simple ».

Enfin, le 4 décembre 2003, la cour d'appel de Reims a rendu un arrêt identique, précisant que le consentement à l'adoption donné par le conseil de famille « en violation de la loi nationale de l'enfant est sans valeur ». Elle a ajouté que « l'exclusion de l'adoption par la loi algérienne ne heurte pas l'ordre public français dès lors que cette loi met en place par kafala une institution de substitution susceptible de fournir à l'enfant la protection

(entretien et éducation) dont il a besoin ».

Quant au Conseil d'Etat, il a été amené à se prononcer, le 24 mars 2004, sur des décisions administratives refusant à un enfant de nationalité marocaine bénéficiant d'une kafala l'autorisation d'entrée en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial.

L'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France prévoit que l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté. La haute juridiction administrative a alors considéré qu' « il appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'une décision refusant le bénéfice du regroupement familial demandé pour un enfant n'appartenant pas à l'une des catégories ainsi mentionnées ne porte pas une atteinte excessive aux droits des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lesquelles « dans toutes les décisions qui concernent les enfants... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale »

Dans ces deux affaires, le Conseil d'Etat, estimant que le juge devait procéder à un contrôle au cas par cas, a donné tort à l'administration et considéré que la décision du préfet avait porté au droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'autorisation sollicitée dans le cadre du regroupement familial avait été refusée.

* 3 La circulaire du garde des sceaux, en date du 16 février 1999, avait été adressée aux parquets, son objectif étant de susciter une unification de la jurisprudence en matière de conflits de lois portant sur l'adoption internationale. Elle était cependant controversée, notamment parce qu'elle posait des règles plus restrictives que celles généralement mises en oeuvre par les juridictions. Elle visait notamment à remettre en cause la distinction opérée par certains tribunaux entre adoption simple - la kafala lui étant, selon eux, assimilable - et adoption plénière. Néanmoins, la loi du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a rendu cette circulaire caduque.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry