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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

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IV. L'APPROCHE PARTICIPATIVE DANS LA MISE EN OEUVRE DE L'INITIATIVE PPTE AU CAMEROUN EN QUESTION

La première lecture de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE a permis de constater la non implication des populations bénéficiaires et la prise en compte problématique de leurs besoins et aspirations dans les projets qui leur sont destinés. Un tel constat suscite des questions qui ne peuvent trouver des réponses que dans une lecture en profondeur du sens de la participation dans cette Initiative. Pour cette lecture, l'approche sociocritique sera mise à contribution puisqu'elle permet de mettre en évidence le sens caché de la réalité sociale comme l'affirme Jean ZIEGLER :

« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique ».

Quels sont les non-dits de l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun ?

IV.1. L'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une question de formalité

La participation des acteurs sociaux, plus précisément des populations bénéficiaires, à la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE est l'une des exigences des promoteurs de cette Initiative par rapport à l'exécution de son volet social. Cette participation, loin d'être l'expression d'une réelle volonté de respect du principe de la « responsabilité démocratique » visé à travers son application, relève plutôt d'un souci de conformité aux exigences des bailleurs de fonds. Ce constat se dégage de l'analyse de l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun.

En effet, la non implication des populations d'accueil et la non insertion de leurs besoins et attentes dans les initiatives de développement qui leurs sont destinées, ont été reconnues par la Communauté internationale comme étant les causes de l'échec de la plupart des projets de développement. Cette prise de conscience a conduit à un changement d'approche dans la mise en oeuvre des initiatives de développement, et s'est faite jour la promotion de l'approche participative dans ces initiatives. Cette approche est au centre des préoccupations des promoteurs de l'Initiative PPTE qui en ont fait une condition sine qua none de la mise en oeuvre de cette Initiative.

Au lendemain de l'admission du Cameroun au point de décision de cette Initiative, les autorités camerounaises ont mis en place un dispositif de mise en oeuvre des projets PPTE qui intègre le principe de l'approche participative, il s'agit du Comité consultatif et de suivi de la gestion des ressources PPTE (CCS/PPTE). Créé le 1er décembre 2000 par le décret numéro 2000/960 du Premier ministre, le CCS/PPTE est chargé, entre autres, d'assurer la gestion participative et transparente des ressources PPTE . Dans son organisation, le CCS/PPTE dispose d'un mécanisme de participation de par la constitution de ses membres qui comprennent les bailleurs de fonds, le gouvernement et les départements ministériels concernés par les champs d'intervention des projets, et les organisations de la société civile. Son fonctionnement intègre également le principe de la participation à travers la voix qu'il donne à chacun de ses membres dans les délibérations relatives aux projets à financer. Mais ce dispositif de participation, au regard de l'application qui en est faite, apparaît tout simplement comme un effort de conformité aux formalités de mise en oeuvre des projets PPTE exigées par les promoteurs de cette Initiative et les autres bailleurs de fonds.

En fait, l'approche participative telle que recommandée par les promoteurs de l'Initiative PPTE et qui est également celle promue dans la nouvelle approche du développement, suppose l'implication de tous les acteurs sociaux et plus particulièrement des populations bénéficiaires dans les différentes étapes de la mise en oeuvre des projets. Elle suppose également la prise en compte des besoins et attentes de ces bénéficiaires dans lesdits projets. Mais, l'exécution des projets PPTE ne respecte pas ce principe de la participation.

Les étapes de cette exécution sont constituées de la sélection et de la réalisation proprement dite. Mais comme le révèle l'observation relative à l'implication des acteurs sociaux dans la mise en oeuvre de ces projets, les principaux bénéficiaires des projets sont absents des travaux relatifs à la sélection des projets destinés à leur développement. Ils sont, d'après la même observation, absents de la réalisation desdits projets. Cette absence aux différentes étapes de l'exécution des projets PPTE, comme relevé plus haut, compromet la prise en compte de leurs besoins et attentes dans lesdits projets. Ainsi, la mise en oeuvre des projets PPTE au Cameroun ne respecte aucun principe de la participation des populations bénéficiaires. Et dans ces conditions, le dispositif de la participation mis en place par le gouvernement ne sert pas les intérêts des populations bénéficiaires, mais plutôt ceux du gouvernement, dans la mesure où il constitue la preuve du respect des exigences des promoteurs de l'Initiative PPTE en ce qui concerne la participation des acteurs sociaux aux projets. Bien plus, ce dispositif s'inscrit tout simplement dans le registre des formalités à remplir par le gouvernement pour rassurer les bailleurs de fonds de la bonne gestion des fonds PPTE et se donner plus d'arguments pour l'atteinte du point d'achèvement de cette Initiative qui consacre un allègement plus substantiel de la dette et beaucoup plus de fonds pour les projets PPTE.

En définitive, l'application de l'approche participative telle qu'elle est menée dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, répond à une question de formalité plutôt qu'à un souci d'efficacité des projets à réaliser. Une telle application de l'approche participative a également pour effet de dissimuler l'hégémonie des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets PPTE.

IV.2. L'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun : une stratégie de dissimulation de l'hégémonie des acteurs étatiques sur l'exécution des projets PPTE

Plus qu'une question de formalité, l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun apparaît comme une stratégie de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre des projets y relatifs. Ce constat se dégage également de l'analyse de l'application de cette approche à l'exécution de ces projets.

Désormais admise comme le gage de la réussite des initiatives de développement, l'approche participative est une recommandation majeure des promoteurs de l'Initiative PPTE dans la mise en oeuvre de son volet social. Principe cardinal de cette mise en oeuvre, l'approche participative consacre l'irruption de la société civile et plus particulièrement des populations dans la gestion des affaires publiques jadis réservée exclusivement aux acteurs étatiques.

A la faveur de l'admission du Cameroun à l'Initiative PPTE, un dispositif de participation a été mis en place par le gouvernement pour assurer l'application du principe de la participation dans les projets PPTE, le CCS/PPTE. Mais la conception et l'application de ce principe font état du monopole des acteurs étatiques sur la mise en oeuvre de ces projets au Cameroun.

L'approche participative en matière de développement recommande l'implication des communautés d'accueil dans la formulation et la réalisation des initiatives de développement qui leur sont destinées. Dans le cadre des projets PPTE, le dispositif de la participation se met en oeuvre dans la phase de la sélection et de la réalisation des projets.

Dans la phase de la sélection des projets, ce dispositif accorde un effectif prépondérant aux acteurs étatiques, au détriment des acteurs à la base ou de leurs représentants supposés. Sur les 19 (dix-neuf) membres que compte le CCS/PPTE, 07(sept) relèvent de la catégorie des acteurs étatiques, 05(cinq) de celle des bailleurs de fonds et qui assistent aux travaux en qualité d'observateurs. Dans la catégorie de la société civile, 03(trois) membres assistent aux travaux en qualité de représentants des confessions religieuses, 01(un) en qualité de représentant de l'association professionnelle de la micro-finance et 02(deux) en qualité de représentants des ONG. Suivant la « configuration développementiste »qui comprend les acteurs au sommet, les acteurs intermédiaires et les acteurs à la base, cette dernière catégorie d'acteurs ne figure pas dans le registre des acteurs appelés à prendre part aux travaux relatifs au choix des projets de développement qui leur sont destinés. Le dispositif de participation exclut de ces travaux les populations bénéficiaires.

Dans la phase de la réalisation des projets déclarés éligibles, les acteurs intermédiaires non membres de l'appareil gouvernemental et les acteurs à la base encore, sont exclus de la mise en oeuvre des projets.

Il y a donc dans la mise en oeuvre des projets PPTE, exclusion totale des populations bénéficiaires aussi bien dans la phase de la sélection que dans celle de la réalisation des projets d'une part, et exclusion ou implication partielle des organisations de la société civile d'autre part. Seuls les acteurs étatiques prennent pleinement et activement part à la mise en oeuvre des projets.

Une telle pratique constitue une entorse à l'application du principe de la participation telle que recommandée dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. Dans ces conditions caractérisées par l'escamotage du principe de la participation, l'approche participative apparaît tout simplement comme une stratégie de dissimulation du monopole des acteurs étatiques sur les projets PPTE, « la société civile (n'étant) qu'un faire-valoir important ».Et dans ce cas, il s'agit à travers l'admission de quelques organisations de la société civile au sein du CCS/PPTE comme membres, de donner l'impression de respecter le principe de la participation recommandé par les promoteurs de l'Initiative PPTE, tout en poursuivant avec l'approche classique caractérisée par un interventionnisme étatique fort. Ainsi, l'approche participative telle que conçue et appliquée dans les projets PPTE, a aussi pour effet de voiler l'hégémonie des acteurs étatiques sur ces projets.

Ce chapitre avait pour objectif d'évaluer l'application de l'approche participative dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE au Cameroun. Il nous a conduit tour à tour à l'exploration du prétexte, des principes et des objectifs de la participation dans la mise en oeuvre des projets y relatifs, et à son analyse. De l'application de cette approche dans les projets PPTE au Cameroun, il ressort que l'implication des populations bénéficiaires n'est pas une réalité et que la prise en compte de leurs besoins et attentes est problématique. L'approche sociocritique utilisée pour la lecture de la pratique de la participation dans la mise en oeuvre de l'Initiative PPTE, révèle que cette application relève d'une question de formalité et qu'elle participe de la stratégie de dissimulation de l'emprise des acteurs étatiques sur ces projets. Il apparaît qu'un tel usage de l'approche participative compromet l'appropriation des projets ainsi mis en oeuvre par les populations bénéficiaires et par ricochet leur réussite. Et dans ces conditions, l'Initiative PPTE se retrouve porteuse des écueils reconnus aux précédentes initiatives de développement, ceux relatifs à la non implication des populations bénéficiaires et à la non insertion de leurs besoins et attentes dans les préoccupations des initiatives de développement. Au regard de ces écueils, il y'a lieu de croire que de l'Initiative PPTE ne produira pas les effets escomptés sur les conditions de vie des populations camerounaises.

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