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L'Initiative PPTE et la lutte contre la pauvreté au Cameroun: une analyse sociologique

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par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1,Cameroun - DEA 2007
  

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I.3. L'Initiative PPTE : fondements théoriques

Au-delà des revendications d'ordre éthique (devoir de solidarité mondiale, Jubilé 2000) qui ont plaidé en faveur de l'adoption de l'Initiative PPTE, cette dernière repose sur des théories à la fois économique et juridique.

I.3.1. Fondement économique de l'Initiative PPTE

Face aux problèmes de l'endettement endémique des pays du sud, plusieurs méthodes issues de la « théorie de l'excès d'endettement » ont été envisagées et expérimentées pour ramener le niveau de dette de ces pays à de niveaux soutenables, solvables. Au nombre de ces méthodes figurent le rééchelonnement et la conversion.

Le rééchelonnement de la dette consiste pour un créancier à consentir à son débiteur le report, à une date ultérieure, du paiement des termes échus du service de la dette. Il en résulte une diminution immédiate du service de la dette mais une augmentation au total de son montant selon la méthode dite du « chasse-neige ».

La conversion quant à elle consiste à transformer les titres de créances en éléments d'actifs ou en dette interne. Connue sous le terme anglais « swap » qui signifie échange, cette opération consiste pour un Etat endetté à obtenir de rembourser sa dette en monnaie locale à condition que les sommes remboursées soient réinvesties dans le pays.

La conversion de la dette peut s'effectuer contre actifs locaux (actions, obligations) ou en projets de développement.

La conversion de la dette contre actif implique généralement le rachat de la dette avec décote par un investisseur qui l'échange contre des fonds en monnaie locale utilisée pour acheter des actifs ou titres privés.

La conversion de la dette en programmes de développement implique également son rachat avec décote sur le marché secondaire et son échange en monnaie locale en vue de financer des projets de développement en actions sociales : projets environnementaux, éducation, santé, lutte contre la pauvreté.

A l'issue de cette exploration des méthodes économiques de traitement de dette, il apparaît que l'Initiative PPTE relève de la conversion, plus précisément de la conversion de la dette en programmes de développement.

Après avoir rencontré une forte opposition chez les créanciers, c'est à la fin des années 1980 que cette pratique prend effet à la faveur de la prise de conscience par les créanciers que l'abandon partiel de créance ne recouvre pas un acte de générosité mais de réalisme économique, dans la mesure où ils reconnaissent qu'en situation de surendettement, faute de contrepartie, la valeur réelle d'une créance est inférieure à sa valeur nominale. Cette prise de conscience prend sa source dans une analyse de l'américain Krugman qui, s'inspirant d'un modèle popularisé par son collègue Laffer en matière de taux de prélèvement fiscal, relève qu'au-delà d'un certain niveau, l'augmentation nominale de la dette du débiteur souverain s'accompagne d'une diminution de sa valeur réelle. Dans cette situation, préconise-t-il, un traitement efficient de l'endettement des pays nécessite une réduction du montant nominal du passif afin d'accroître la valeur marchande courante des remboursements futurs. En d'autres termes, un effacement de tout ou partie de l'endettement global du débiteur souverain s'impose au moyen des procédés de capitalisation ou de rémission des dettes. C'est sous cet angle théorique que peut être économiquement comprise l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Cette Initiative a également un fondement juridique.

I.3.2. Fondement juridique de l'Initiative PPTE

Le problème de l'endettement fait également l'objet des analyses juridiques. Il y est reconnu que des changements sensibles d'orientation dans la conjoncture économique générale (ralentissement de la hausse des prix et des affaires) peuvent hausser le poids de la charge courante et future des annuités d'emprunts, à tel point que le débiteur se révèle être dans l'incapacité immédiate et/ou à venir d'en assurer le remboursement. Cette défaillance du débiteur, reconnaît l'analyse juridique, ne relève pas de son incompétence ou de sa malhonnêteté, elle trouve plutôt son origine dans la crise. Et dans cette situation, la morale des relations entre les sujets au lien d'obligation, mais aussi l'intérêt même du créancier au rétablissement de son débiteur (afin que se poursuivent au mieux leurs relations d'affaires), condamnent l'exécution du contrat selon ses modalités initiales. Il s'impose alors la nécessité d'un réaménagement qui requiert la participation des créanciers. Cette participation se traduit par l'ouverture des pourparlers entre les parties qui s'accordent sur la nécessité de maintenir entre elles un rapport obligatoire tout en recomposant la substance de l'endettement du débiteur dans des termes correspondant à ses nouvelles capacités de remboursement. La dette acquiert alors le statut d'objet de négociations à l'issue desquelles les parties concluent des conventions définissant de nouvelles prestations financières à la charge du débiteur. Ainsi, la recomposition de l'endettement assure la poursuite des relations d'affaires entre le débiteur et ses créanciers tout en permettant aux seconds de recouvrer une partie de leurs droits et au premier de se libérer en exécutant des prestations réaménagées.

Cette recomposition de l'endettement s'inscrit, sur le plan technique, dans deux sortes de contrats, ceux qui impliquent l'extinction des rapports d'obligation originels sous l'effet d'une novation de l'endettement et ceux qui maintiennent les liens de droit initiaux en opérant une simple modification de l'endettement.

La novation est une mutation de l'obligation qui s'opère soit par changement de créancier, soit par changement d'objet, voire par changement de modalités. Par changement de créancier, la novation a pour effet de faire payer la créance due par le débiteur à un créancier autre que celui qui avait noué le rapport d'obligation. Par changement d'objet, elle a pour effet de remplacer l'ancienne créance par une nouvelle ayant un objet différent.

L'Initiative PPTE semble conduire à ces deux niveaux de la novation. D'une part, le mécanisme de l'Initiative PPTE met à la charge du débiteur une obligation de conversion de la dette de sommes d'argent initialement dues en obligation de développement. D'autre part, cette obligation de développement a pour créanciers les populations du pays débiteur et non plus les créanciers prêteurs.

La modification de l'endettement renvoie au concordat. Il s'agit d'une convention à caractère collectif par laquelle l'Assemblée générale des créanciers chirographaires d'un débiteur en règlement judiciaire lui accorde soit les délais de paiement (concordat d'atermoiement), soit des remises d'une fraction uniforme de chacune de ses dettes chirographaires (concordat de remise), soit simultanément des délais et des remises.

Les remises de dette dans le cadre du concordat ne peuvent être assimilées aux remises de dette proprement dites qui sont purement volontaires. De plus, leur soumission à une acceptation de la part du débiteur n'enlève rien au contexte judiciaire dans lequel elles s'inscrivent et qui est étranger à la remise de dette. En outre, l'intention libérale qui fonderait la remise de dette y serait absente. Les créanciers n'agissent que dans leurs intérêts et ne cherchent qu'à sauver une partie de leurs droits, en autorisant la poursuite de l'exploitation commerciale par le débiteur. Les remises de dette consentie dans le cadre de l'Initiative PPTE s'inscriraient dans un contexte marqué par le souci des créanciers de sauver une partie de leurs engagements de solidarité. Ils auraient ainsi par le truchement de l'Initiative PPTE partiellement résolu la question de l'aide aux pays en développement.

A l'issue de l'analyse de l'Initiative PPTE en rapport avec les dispositifs de traitement de la dette, il apparaît qu'elle a un fondement juridique. Elle est pleinement fondée sur la novation de l'endettement et légèrement sur le concordat. Il en ressort qu'elle constitue un devoir de solidarité de la part des créanciers.

En effet, à travers ses aspects et ses objectifs fondamentaux, l'Initiative PPTE apparaît comme un instrument de conquête des droits économiques et sociaux. Le droit à l'éducation et à la santé, l'accès à l'eau potable, à un logement décent ou encore aux infrastructures de base constituent ce que l'on appelle les services sociaux essentiels. Il s'agit en droit, des besoins fondamentaux et nécessaires à la dignité de tout être humain. Le constat que ces droits font défaut dans les pays pauvres très endettés justifierait également cette initiative en faveur desdits pays. Il y donc lieu d'affirmer que la réduction de la pauvreté qui est l'objectif final de l'Initiative PPTE s'inspire largement du souci de procurer ou de renforcer le minimum social aux populations des pays pauvres très endettés. L'Initiative PPTE est donc également fondée sur le souci d'humanisation du monde à travers la réduction des inégalités économiques criardes.

En définitive, l'Initiative PPTE a des fondements à la fois économiques et juridiques, lesquels fondements permettent l'intelligibilité de la remise de la dette dans le cadre de ladite Initiative. Comment s'opère cette Initiative ?

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand