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L'enquête de police et l'infraction flagrante en droit Libanais(étude Comparative)

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par Ali Ataya
Université de Perpignan Via Domitia - Master II droit comparé, option droit privé Et science criminelle 2006
  

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A. LES PREUVES TIRÉES DE LA VIDÉOSURVEILLANCE EN FRANCE

En France, l'article 226-1 du code pénal interdit l'emploi d'un procédé quelconque pour capter ou enregistrer l'image d'une personne se trouvant en un lieu privé. Doctrine et jurisprudence s'accordent pour estimer nulles les preuves tirées d'images obtenues dans un lieu privé où le policier ne peut pénétrer d'office337(*). Les rares décisions, convergentes, sont rendues en ce sens sous l'empire de la loi du 17 juillet 1970 : ainsi, le policier ne peut prendre de photos, à travers des fenêtres fermées, des activités auxquelles un individu se livrait au sein de son appartement placé en face de l'endroit où se trouvait le policier338(*).

Avant même l'adoption de dispositions législatives réglementant la surveillance vidéo et audio de lieux et établissements ouverts au public (Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, ci-après "LOPS", 21 janvier 1995), les images prises sur la voie publique étaient estimées parfaitement saisissables par les services enquêteurs. En particulier, un véhicule automobile se trouvant sur la voie publique n'était pas considéré comme un lieu privé ou un domicile et son conducteur était dès lors réputé ne pas s'abriter derrière le mur de la vie privée339(*) Ainsi, la Cour de cassation a très tôt estimé que les images prises par une caméra de surveillance d'une agence bancaire pouvaient très bien offrir matière de preuve pour être soumises au débat contradictoire340(*).

La loi du 21 janvier 1995 est venue fixer un cadre réglementaire à la vidéosurveillance des espaces publics. Son article 10 précise qu'un tel dispositif peut être mis en oeuvre "aux fins d'assurer la protection des bâtiments publics et de leurs abords, la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, la régulation du trafic routier, la constatation des infractions aux règles de la circulation ou la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol aux fins d'y assurer la sécurité". L'article en question prévoit également que les films sont enregistrés et conservés pendant un délai maximal d'un mois, au terme duquel ils sont nécessairement détruits. Saisi, le Conseil constitutionnel avait souligné la conformité de cet article 10 aux règles fondamentales de la vie privée, estimant que l'image vidéo ne constitue pas une information nominative au sens de la loi du 6 janvier 1978. Il ne s'était ainsi pas opposé à la vidéosurveillance pourvu, avait-il toutefois rappelé, que toute installation soit soumise à l'autorisation du préfet, que le public en soit informé par voie d'affichage et que l'installation ne permette pas de filmer l'intérieur des immeubles d'habitation, ni leurs entrées341(*). Le Conseil constitutionnel a également souligné la nécessité, prévue par la loi, de voir la commission départementale qu'elle institue jouer son rôle de contrôle (du reste limité à l'édiction d'un simple avis, dont l'art. 10 de la loi n'impose pas qu'il soit conforme...)342(*). Aucune finalité visée par l'article 10 ne renvoie directement à l'établissement de la preuve d'un crime, d'un délit ou d'une contravention : la finalité de ces installations, avant tout liées à la prévention de troubles à l'ordre public, n'apparaît donc pas spécifiquement probatoire, ce qui ne signifie pas que la vidéosurveillance ne puisse bien entendu être utilisée afin de prouver une infraction343(*). Dans la mesure où l'article 10-IV se réfère à l'existence d'une procédure d'enquête ou d'instruction au cours de laquelle les enregistrements issus de la vidéosurveillance seraient utilisés, rien n'empêche les services d'enquête de recourir licitement à cette technique de preuve lorsque les formalités relatives à l'implantation et à la gestion du réseau de caméras auront été respectées.

La licéité des preuves obtenues par le biais de la vidéosurveillance repose sur le respect des règles définies dans la loi de 1995. Du reste, avant même la mise en oeuvre de la loi, lorsqu'un employeur licenciait un employé pour faute lourde, dès lors qu'il était attesté que ce dernier avait commis un vol établi par la surveillance vidéo, il importait avant tout de déterminer si l'employé avait dûment été informé du fait qu'il était surveillé par des installations vidéo344(*) Sur la même base, la chambre criminelle put confirmer la condamnation au chef d'abus de confiance prononcée contre un préparateur en pharmacie et établie par les caméras du magasin345(*). L'exigence formelle reste la même hors du milieu du travail, par exemple lorsqu'est enregistrée la scène de vol d'une banque346(*).

L'emploi de matériels tirés d'une vidéosurveillance dans le cadre de recherches judiciaires redéfinit néanmoins les conditions d'usage des enregistrements, ainsi que les garanties offertes par l'art. 10 de la loi du 21 janvier 1995. D'une part, bien sûr, le délai légal, d'un mois, de conservation des films est allongé pour épouser celui de la durée nécessaire de l'enquête (LOPS, art. 10-IV). À l'issue de ce délai, les enregistrements doivent être détruits, ainsi que "les éventuelles données numérisées issues de la transformation des images et susceptibles d'être traitées sur ordinateurs"347(*). Ensuite, l'accès des citoyens prévu par la loi aux enregistrements effectués n'est plus garanti pour des raisons "tenant à la sécurité de l'État, à la défense, à la sécurité publique, au déroulement de procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures ou au droit des tiers" (LOPS, art. 10-V, al. 4). Ainsi, d'une part, les possibilités de refus apparaissent aux commentateurs "très étendues"348(*) et, d'autre part, la loi entretient un certain flou quant aux garanties du contradictoire, en ne distinguant pas suffisamment clairement la phase d'enquête de la phase d'instruction proprement dite, au cours de laquelle l'accès au dossier doit être assuré aux parties349(*). On peut supposer toutefois que cette exception quant à l'accès aux enregistrements ne vise que l'accès à la commission départementale et non pas, bien entendu, l'accès au dossier dans le cadre d'une instruction. Comme on le voit, le législateur semble ne pas avoir voulu étendre très loin le régime de la vidéosurveillance en matière de recherches probatoires, sans doute pour protéger l'efficacité propre, en ce domaine, de la technique. C'est sans doute cette raison qui l'a amené à exclure la vidéosurveillance du champ d'application de la loi du 6 janvier 1978, en précisant dès l'art. 10-I que l'image ne constitue pas une "information nominative". Définition stricte, voire restrictive de la notion d'information nominative350(*) , cette disposition permet de ne pas considérer comme fichier relevant de la loi informatique et libertés les fichiers d'images tirés d'enregistrements vidéo.

Avant la loi, il faut rappeler que les employeurs qui souhaitaient procéder à l'installation de caméras de surveillance dans leurs établissements devaient en faire la déclaration à la Commission nationale informatique et libertés, comme l'exigeait l'art. 16 de la loi du 6 janvier 1978. La même loi définit d'ailleurs les données nominatives comme "les informations [permettant], sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l'identification des personnes physiques" (art. 4, loi du 6 janvier 1978). Toutefois, si les enregistrements sont destinés à constituer un fichier effectivement nominatif, ce fichier tombe sous le coup de la loi informatique et libertés et sous le contrôle de la CNIL.

Nonobstant ces difficultés éventuelles sur la conservation des images, les services d'enquête sont donc amenés à déposer les images vidéo dûment enregistrées aux termes de la LOPS comme moyens de preuve. Certes, puisque nous sommes en matière pénale, "aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale"351(*). Mais les juridictions répressives veillent au caractère loyal de l'obtention et de la matérialité de la preuve ainsi fournie : "compte tenu des possibilités de montage et de trucage qu'offre l'évolution des techniques, [l'enregistrement vidéo réalisé par l'employeur] ne présente pas des garanties suffisantes d'authenticité, d'impartialité et de sincérité"352(*), ainsi qu'à la matérialité de l'infraction, qui repose notamment sur la possibilité offerte par les images "de différencier l'erreur de l'acte intentionnel"353(*).

* 337 MATSOPOULOU H., 1996, Les enquêtes de police, Paris, LGDJ, Collection "Bibliothèque des Sciences Criminelles".p 907

* 338 Crim., 25 avril 1989, Bull. crim. n° 165.

* 339 MATSOPOULOU, 1996, 908.op.cit

* 340 Crim., 4 avril 1990, Gaz. Pal., 1990.2.506.

* 341 Cons. constit., 18 janvier 1995, n° 94-352. Cf. de manière plus générale, LUCHAIRE F., 1995, La vidéosurveillance et la fouille des voitures devant le Conseil constitutionnel, Revue de Droit Pénal, 575., 1995, 575.

* 342 MOLINA E., 2001, La liberté de la preuve en droit français contemporain, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille. , 2000, 222

* 343 LUCHAIRE F., 1995, La vidéosurveillance et la fouille des voitures devant le Conseil constitutionnel, Revue de Droit Pénal, 575. (1995) considère toutefois que dès lors que l'art. 10 énumère les comportements que la vidéosurveillance a pour fin d'identifier, la loi ne permet que la satisfaction de ces fonctions, et donc pas l'établissement de matériel probatoire.

* 344 Cass. soc., 20 novembre 1991, D., 1992, Jur., 73. Cf., de manière générale, LEFEBVRE S., Nouvelles technologies et protection de la vie privée en milieu de travail en France et au Canada, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, Collection "Centre de Droit Social"., 1999.

* 345 Crim., 6 avril 1994, JCP, 1994.G.IV.1755.

* 346 WEHBI D., 2000, La captation, la conservation, la transmission de la voix et de l'image, in

COLLECTIF, Le droit des preuves au défi de la modernité, Actes du colloque organisé par la Cour

de cassation et l'Université Paris V-René Descartes, Paris, La Documentation Française,

36., 2000, 36.

* 347 BOULOC B., 1996, Chronique législative, Revue des Sciences Criminelles, 2, 439., 1996, 439.

* 348 LUCHAIRE F., 1995, |  « La vidéosurveillance et la fouille des voitures devant le Conseil constitutionnel », Revue de Droit Pénal, 575., 1995, 581.

* 349 MOLINA. E., La liberté de la preuve en droit français contemporain, 2001, 222, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille

* 350 PELLET R., «  La vidéosurveillance et l'application de la loi Informatique et libertés », Revue

Administrative., 1995, 142 et suiv. Dans le même sens, cf. DE LAJARTRE A., 1996, Fonctions et fictions des "miradors électroniques" publics. La vidéosurveillance dans la loi du 21 janvier 1995, JCP, 3955, 318-319., 1996, 318-319.

* 351 Crim., 6 avril 1994, JCP, 1994.G.IV.1755.

* 352 CA Aix-en-Provence, 4 janvier 1994, JCP, 1995.G.II.22514.

* 353 CA Aix-en-Provence, 10 juin 1999, in MOLINA, 2000, n. 1148.cite par MOLINA E., 2001, La liberté de la preuve en droit français contemporain, Aix-en-Provence, Presses Universitaires d'Aix-Marseille

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