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Le refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique de la Rue Cases-Nègre de Joseph Zobel

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par Théophile Muhire
Université Natinale du Rwanda - Licence en Lettres 2004
  

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CONCLUSION

Pour mener à bien ce travail, il a fallu emprunter des voies théoriques de recherche suffisamment exploitées mais dont les applications en études de cas étaient rares. Il a fallu considérer les avis parfois divergents des pionniers et ceux de leurs successeurs. Malgré nos efforts d'investigation, une telle aventure de recherche dans le domaine de la littérature et du cinéma ne pouvait cependant que rester partielle, le domaine étant suffisamment vaste comme nous avons pu le démontrer dans le cheminement de notre étude. En reprenant ici les étapes essentielles et les conclusions générales, nous allons rendre compte du chemin parcouru.

Au départ, notre intérêt a été éveillé par une question fondamentale qui a suscité un débat non encore vraiment tranché : celle du rapport qui existe entre la réussite éventuelle d'un film et sa fidélité au roman qu'il adapte. Certes les notions bien connues de « fidélité aveugle », de « porter sur écran » héritées d'André Bazin et reprises et enrichies par les auteurs comme Louis Chauvet, Lyon Caen, Olivier Dumont et René Paulin avaient été, avec succès d'ailleurs, contredites par plusieurs théoriciens de la liberté du réalisateur envers le texte adapté. C'est surtout André Gaudreault, André Gardies, James Cisernos et Francis Vanoye qui se sont présentés comme adeptes du refus de la fidélité aveugle au texte de départ.

Cependant, les affirmations des théoriciens n'étaient pas étayées par l'existence de suffisamment d'études de cas. En choisissant d'étudier Rue Cases-Nègres et La rue Cases-Nègres, deux oeuvres qui ont été respectivement couronnées au cinéma et dans la littérature, nous avons tenté d'infirmer l'hypothèse d'André Bazin et de ses disciples, dans la mesure où l'on considère que le film de Palcy pour être un chef-d'oeuvre n'a pas eu besoin de « coller » au roman de Zobel.

C'est ainsi que nous avons avancé l'hypothèse du refus de la linéarité dans l'adaptation cinématographique des romans. Ainsi perçu, ce refus renforce les capacités créatrices du réalisateur et le pousse à respecter la technique du cinéma, au lieu de se perdre dans les descriptions romanesques.

Le choix fait pour valider cette hypothèse s'est naturellement porté sur un roman de la littérature négro-africaine d'expression française mis en images par un réalisateur également négro-africain. De ce champ qui se cherche encore, nous avons retenu le roman de Joseph Zobel et son adaptation cinématographique réalisée par Euzhan Palcy, ciblés à cause de la réception élogieuse qui leur a été réservée et dont il a été question plus haut.

Dans notre travail, nous avons d'abord fait un exposé de la théorie actuelle sur le cinéma, la littérature et l'adaptation, les trois notions clefs de cette étude sur la fidélité du film de Palcy envers le roman de Zobel. La fidélité d'une adaptation au texte de départ ne pouvait cependant pas être abordée sans précaution. La notion a connu tant d'approches qu'il fallait en préciser les limites applicables à notre recherche. Parmi les mille et une possibilités d'approche qui s'offraient à nos yeux, nous avons surtout choisi l'un des outils d'analyse littéraire les plus aptes à faire ressortir la différence entre deux récits d'une même histoire : la narratologie. Cette méthode présentait l'avantage d'avoir été initialement conçue pour l'étude des récits littéraires par des auteurs comme Gérard Genette, puis adaptée à l'étude des récits filmiques par des auteurs comme Francis Vanoye, Anne Goliot-Lété et bien d'autres.

Au moyen de la narratologie, nous avons pu dégager différents points de divergence entre le roman et le film qui forment notre corpus. Nous nous sommes attardé sur la différence de structure événementielle entre le roman et le film, la différence entre le temps et l'espace chez Palcy et chez Zobel mais aussi, et surtout, la différence entre les personnages du roman et ceux qui ont été repris par le casting.

Malgré l'effort de la cinéaste de respecter l'idée principale du livre, nous avons pu démontrer qu'à plusieurs endroits le contraste est énorme entre le canevas du film et celui du roman. Palcy le fait d'ailleurs remarquer dans une interview dont nous avons donné quelques extraits.

Toutefois, certaines séquences filmiques s'efforcent de rester le plus fidèle possible aux pages du roman et donc ne changent rien à l'esprit du livre. C'est notamment le cas de la vie scolaire du protagoniste, surtout à l'école primaire. La mise en spectacle de cette étape, le passage du pouvoir abstrait du mot au pouvoir concret de l'image, surtout à l'école primaire, ont dévoilé que le texte romanesque pouvait être « porté sur écran ».

Outre les considérations intertextuelles, il y a aussi des préférences d'ordre esthétique et social qui nous conduisent à admettre la réussite d'une adaptation, sans toutefois se baser sur les théories héritées de Bazin, mais plutôt en considérant le cheminement du sens. Une sorte de vision, qui semble sémiotique au départ, mais qui se nourrit d'une multitude d'approches, tant et si bien que la théorie sur la transformation filmique s'enrichit constamment sans pour autant être fondée sur des systèmes évidents ou clos. D'une adaptation à l'autre, il existe tant de phénomènes récurrents et divergents qu'il est impossible de parler de vecteur commun, mais plutôt de forces, de pôles informels qui s'entrecroisent, s'enrichissent et se contredisent parfois.

Cependant, si la narratologie nous a servi de base pour mener l'analyse de notre corpus, elle ne pouvait, bien entendu pas mesurer la réception que le public a réservé à l'adaptation de Palcy par rapport au roman qui a inspiré le film. C'est pourquoi nous avons fait recours à la sociologie de la littérature afin de voir combien l'image en mouvement du cinéma aide les pages écrites du roman à connaître une plus grande diffusion.

Par ailleurs, notre cheminement, qu'elle soit narratologique ou sociologique, laisse de nombreux champs non encore explorés qui pourraient donner matière à d'autres recherches. C'est le cas notamment du point de vue du public sur la réussite ou l'échec du film de Palcy en tant qu'adaptation du roman de Zobel. D'autre part, les deux récits pourraient également être confrontés du seul point de vue de la sémiotique, outil par excellence d'analyse filmique. Certains symboles évoqués par le romancier ont été repris au cinéma avec, le plus souvent, quelques modifications qu'il serait intéressant d'étudier à part.

Le film passe, comme on sait, par plusieurs étapes de textes avant d'en arriver à la réalisation finale : le canevas, le scénario et le découpage technique. Ici, le canevas est justement le roman de Zobel. Mais nous n'avons malheureusement pas pu accéder aux deux autres qui restent, ce qui nous aurait permis de juger de l'esprit qui animait Palcy : fidélité ou liberté.

En règle générale, la question de l'interaction entre la littérature et les nouvelles technologies de l'information reste très délicate dans la mesure où nous vivons l'époque de «l'homme qui communique». Malgré notre grand souci de frôler ce sujet, beaucoup de d'aspects ont été laissés à l'ombre et pourraient fournir une matière abondante à de nombreux projets de recherche.

Malgré ces insuffisances dues, en grande partie, aux contraintes méthodologiques liées aux objectifs que nous nous sommes fixé au départ, notre travail apporte, croyons-nous, une contribution à la recherche dans trois domaines clefs : la littérature, le cinéma et l'adaptation. Ce mémoire aura le mérite d'avoir participé au débat scientifique non encore tranché pour valider l'opinion que nous avons suffisamment justifiée. Rares sont les travaux qui confrontent la littérature négro-africaine au cinéma. L'application de la narratologie à une adaptation négro- africaine constitue une voie de brecherche où la critique ne s'est aventurée que très parcimonieusement. L'ouverture de la sociologie de la littérature pour l'étude du comportement du lectorat rwandais face à une oeuvre qui a été adaptée au cinéma représente, quant à elle, un véritable travail de pionnier car, à notre connaissance, aucune étude n'existe à ce sujet.

Cette recherche tente également d'enrichir l'étude des relations entre la littérature et le cinéma, en abordant les rapports de fidélité entre une oeuvre romanesque et sa transposition cinématographique ainsi que les chocs conflictuels entre les écrivains et les réalisateurs face à la question délicate de « trahison » et de «  fidélité » à l'oeuvre adaptée.

C'est sans doute dans la tentative de participer au débat scientifique déjà ouvert qu'il faut chercher l'apport le plus important de ce mémoire.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille