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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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Chapitre 2 : Rapports Hommes/cultures vivrières et rapports éléphants/cultures vivrières

L'alimentation est un phénomène socioculturel proprement humain, comme le relate cette sagesse populaire : « tous les animaux se nourrissent, mais seul l'être humain cuisine ». La formule suivante de Jean Brillat-Savarin76(*) (1974) résume bien cette idée : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » n'est pas seulement une boutade. Ainsi, les pratiques alimentaires d'un peuple, et les ethnologues comme Claude Lévi- Strauss l'ont si bien montré, forment des éléments déterminants de sa définition culturelle. Les populations connaissent-elles parfaitement les espèces végétales de leurs écosystèmes, mais aussi les différents usages qu'elles peuvent en faire. Ces usages ne relèvent pas du hasard.

Car l'alimentation procède d'un système de classification, et si l'on mange pour subsister, ce qui est « bon à manger est bon à penser » selon la célèbre expression de Claude Lévi-Strauss. L'alimentation est de ce fait un fait social total en ce qu'elle permet une approche de la société dans son ensemble. L'alimentation dans ces différents usages occupe une place importante. Celle-ci est d'ailleurs classée parmi les besoins alimentaires de l'homme. Loin de se situer dans un universalisme alimentaire même si l'on sait que chaque société s'alimente, notre travail, dans cette partie consistera à partir de cette étude de cas de rechercher les rapports culturels que les Bisir entretiennent avec leurs cultures vivrières.

2.1. Besoin d'alimentation et de production

L'homme est avant tout un être biologique. De ce fait, il ressent de contraintes biologiques telles que la faim. Et pour satisfaire sa faim, il doit se nourrir c'est-à-dire qu'il doit s'acquérir des vitamines, des acides aminés et des calories lui permettant de développer une activité physique et mentale. C'est dans cette optique que Mathieu Mboumba Nziengui  note que : « l'alimentation, ainsi que les autres besoins physiologiques permettent « l'équilibre de l'homme ». L'énergie vitale dont a besoin l'homme est d'abord l'alimentation qui, en plus de favoriser le bon état ou la bonne santé, reste la « matrice » de tous les autres besoins de l'homme, en même temps qu'il lui reconnaît le qualificatif « d'aspiration naturelle » qu'éprouve chaque être humain, quel qu'il soit »77(*).

Selon Ganyo Galley Yawo (1985), les références des normes fixées pour le Gabon par les nutritionnistes en matière d'alimentation, pour un adulte modérément actif sont de 2800 calories par jour. Ce chiffre s'élève à 3500 à 4000 calories pour les travailleurs de force. Les trois éléments déterminants de l'alimentation de base d'un homme sont les glucides, les protéines et les lipides. Les glucides sont en général apportés par les cultures vivrières tels que la banane, le taro, l'igname, etc. Ces cultures sont celles qui constituent l'aliment de base. L'aliment de base est par nature, l'aliment qui assure l'essentiel des aliments caloriques, il calme la faim, assure une satiété sécurisante. Il ne manque jamais, il est présent sur la table toute l'année et est indispensable à chaque repas. Quand il manque, il marque la faim. Et le repas est toujours constitué de deux types d'aliments différents : l'aliment de base et l'accompagnement. L'agriculture fournit principalement l'aliment de base, c'est-à-dire la part énergétique du régime alimentaire. Chez les Bisir, l'aliment de base est constitué en général de féculent (manioc, banane plantain, igname, taro, patate douce). Ainsi, pour obtenir l'aliment vital, les Bisir sont obligés de le produire. Au sein du système de production, les différentes activités (chasse, cueillette, piégeage, pêche et agriculture) se complètent. Toutefois l'agriculture y occupe la place principale. Voilà pourquoi l'économie des Bisir est fondée essentiellement sur la production agricole. Cette production agricole chez les Bisir vise deux principaux buts : assurer, par les cultures vivrières, une alimentation suffisante à chaque membre de la communauté. Roland Pourtier (1989), en parlant des sociétés traditionnelles gabonaises écrit que « nourrir tous ses membres est une obligation »78(*).

Cette production vise également de se procurer par la vente du surplus agricole, des revenus monétaires appréciables afin de satisfaire d'autres besoins (biens vestimentaires, matériaux de construction, transport, électricité, etc.). C'est d'ailleurs à juste titre que Charlotte Kassou nous se lamente en disant que : « (...) Les enfants ne peuvent plus manger cette nourriture, l'argent de l'école, du taxi vient d'ici or moi je ne travaille pas, je gagne un peu d'argent qu'avec ces cultures »79(*).Quoique l'agriculture fournisse l'essentiel de l'alimentation, le régime alimentaire des Bisir dépend aussi des produits sauvages de la forêt, particulièrement en ce qui concerne l'apport en protéines. En effet, la quasi-totalité des populations équilibrent leur alimentation par de nombreux produits sauvages : l'agriculture donne la part quantitative du régime alimentaire, la forêt en fournit la part qualitative. Autrement dit, l'agriculture fournit principalement l'aliment glucidique de base (calorique), alors que la forêt fournit les protéines (soit par la chasse, soit par la pêche), les lipides et une partie des vitamines.

L'alimentation occupe également une place centrale dans les cérémonies traditionnelles. En effet, parmi les aliments qui constuent l'aliment de base de l'homme gisir, certains sont des aliments de prestige et symbolique. La banane par exemple est un aliment indispensable dans les cérémonies mortuaires. Lors d'un décès chez les Bisir, la famille paternelle du défunt à l'obligation de faire appel à la famille maternelle pour l'annoncer le décès de leur enfant. Lorsque celle-ci est arrivée, un repas symbolique (gikumbu) lui est offert. Ce gikumbu est constitué d'un coq, d'une bouteille de vin, accessoirement d'une bouteille d'huile et d'un régime de banane. Le régime de banane symbolise la faim. Dans le mariage, la dot chez les Bisir est constituée des composantes masculines et féminines. La composante masculine est apportée par la famille du futur marié et la composante féminine est celle exigée à la famille de la future mariée. Cette dernière est constituée de nattes, de coqs, de moutons, de canards, de paniers, de mortiers, de pilons et de différentes sortes de cultures vivrières.

Sur le plan social, la production agricole procure de l'autonomie. L'efficience du système de production traditionnel découlait en grande partie du pouvoir de contrôle que détenait les aînés. Or ce pouvoir était fondé essentiellement sur l'accaparement par ces derniers de tous les biens surtout les biens à usage matrimonial. Par le biais du paiement de la dot, les aînés pouvaient exercer une pression permanente à n'importe quel niveau sur n'importe quel membre du groupe. Mais l'introduction de la monnaie, en substituant progressivement les espèces aux biens qui traditionnellement entraient dans la dot, a sérieusement perturbé le schéma classique. Jadis, les aînés seuls avaient accès aux biens rares ; aujourd'hui tout le monde a accès à cette nouvelle forme de richesse qu'est la monnaie. Il suffit de faire une plantation pour échapper à l'emprise du schéma d'autorité classique et devenir autonome. C'est donc fort de tous ces besoins (alimentaire et cérémoniel) que les Bisir produisent.

2.1.1. L'organisation des tâches et coût des activités agricoles

L'organisation des activités agricoles chez les Bisir se faisait sur la base à la fois familiale et sociale. Le groupe familial élargit (père, mère, oncle, cousins, etc.) représentait l'élément de travail permanant de l'unité de production mais le recours à la société d'entreaide était souvent indispensable. La rémunération se faisait en nature soit par des repas soit par des dons. Cette société d'entreaide était un groupe de travail qui rassemblait au niveau de chaque lignage ou clan, selon des critères donnés, un certain nombre de personnes, en vue de l'exécution d'une tâche de production précise. Avant que la civilisation européenne n'ait fait évoluer les peuples traditionnels, les travaux domestiques étaient répartis selon le sexe et l'âge. En ce qui concerne les travaux agricoles, le nettoyage du sous-bois et l'abattage des arbres en saison sèche étaient le lot des hommes. Cette période, est une période masculine.

Selon Jean Emile Mbot, « chez tous les peuples du Gabon, pour la grande majorité, le calendrier agricole s'étend sur deux grandes périodes : la période masculine et la période féminine »80(*). La période masculine encore appelée saison sèche, est exclusivement réservée aux hommes qui vont s'occuper des travaux champêtres, débroussage, abattage et brûlis. La saison des pluies quant à elle, c'est la période féminine. Elle est l'apanage des femmes qui s'activent pour planter, désherber et transporter les aliments vers le village. Et la société traditionnelle gisir n'échappe pas à ce schéma agricole. Cependant, avec l'introduction de l'économie capitaliste, la société gisir tout comme toutes les autres sociétés traditionnelles, va subir de profondes mutations. Le choix des sites agricoles, le défrichage, l'abattage, et brûlis qui étaient autrefois l'apanage exclusif des hommes, sont de nos jours effectués par les femmes de même que les activités féminines sont réalisées par les hommes. L'introduction de l'économie monétaire a sérieusement perturbé le schéma traditionnel d'organisation de la production.

En juxtaposant à une économie du besoin une économie de profit, elle a bouleversé un certain de normes anciennes telles que l'éclatement des sociétés d'entreaide. Celles-ci se constituaient désormais moins sur la base du lignage que sur la base de rapports d'affinité multiples. Elles deviennent des unités d'intervention groupant un ensemble de personnes ayant décidé de mettre leur force de travail en commun pour la louer à qui en a besoin sous forme de contrat de type salarial. Cet éclatement des sociétés d'entreaide va donner donc naissance à l'individualisation des unités traditionnelles de production même si le domaine agricole demeure toujours collectif. Pour réaliser les activités agricoles à Mandji, les hommes prêtent leur force de travail moyennant trois (3) milles francs par personne pour le défrichage d'une journée. Pour l'abattage, le montant est de cinq (5) milles francs par abatteur par jour. Quant aux femmes, pendant la période de la récolte des nouveaux plants et du désherbage, elles exigent le paiement de trois (3) milles par femme par jour. Sans oublier le transport dont le montant varie de six (6) à douze (12) milles francs par jour.

* 76 Jean Brillat-Savarin (1974), cité dans OBENGA Théophile (1985), Traditions et coutumes alimentaires du Kongo au XVIIè siècle in : Muntu, n°3, pp. 17-37.

* 77 Mathieu MBOUMBA NZIENGUI  (1999), « Etude de la notion d'alimentation comme facteur du developpement physique et psychologique » in : L'alimentation, Revue Semestrielle de l'Institut de Recherches en sciences Humaines, n°6, vol. 6, p.44.

* 78 Roland POURTIER (1989), Le Gabon : Espace, Histoire et Société, Paris, l'Harmattan, tome 1, p. 215.

* 79 Charlotte Kassou, corpus n° 11, séquence n°3.

* 80 Jean Emile Mbot (1997), Quand l'esprit de la forêt s'appelait jachère in : L'esprit de la forêt : Terres du Gabon, Paris, Somogy Editions d'art, pp. 33-51.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore