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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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Chapitre 3 : Rapports Hommes/éléphants

S'il est un animal que tout le monde connaît, c'est bien l'éléphant. Certains l'admirent au cirque, d'autres le collectionnent (peluches pour les petits objets précieux pour les grands), d'autres encore passent leur vie à l'observer pour mieux l'étudier. Il est vénéré par certains peuples, mais aussi convoité et chassé pour son ivoire. C'est dans cette optique que Nigel Leader-Williams note que : « Les éléphants sont une provocation, car eux et leurs produits attirent l'attention de beaucoup de gens, du fermier au chasseur pour la viande et l'ivoire, sculpteurs et utilisateurs d'ivoire, chasseurs touristes et touristes venant voir la faune sauvage, jusqu'aux scientifiques et conservateurs. Cependant, la perception qu'ont tous ces différents groupes, des éléphants varie grandement, et est faite d'un mélange complexe de motifs, allant de l'avidité à la noblesse et de l'intolérance à la sentimentalité. Pour un fermier local il s'agit de trois tonnes de viande qui peuvent détruire la récolte annuelle de maïs. Pour les chasseurs, sculpteurs et acheteurs d'ivoire, c'est une source de revenu, et un produit de grande beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par le fusil ou la photo. Pour un scientifique, l'éléphant est une espèce pourvue d'une haute intelligence, ayant un système social dont l'étude est fascinante »112(*).

En dépit de cela, il n'a jamais cessé de véhiculer une dimension imaginaire et symbolique dans l'univers culturel de certains peuples. A titre d'exemple chez les bakwélé, les bagando et les pygmées baka du Cameroun ainsi que ceux de la République Centrafricaine, l'éléphant représente le symbole de la force et du caractère évasif113(*). Chez le peuple Baoulé du nord-ouest du Cameroun, l'éléphant était un symbole de puissance114(*). Tout comme chez ces peuples, l'éléphant revêt également une dimension imaginaire et symbolique chez les Bisir.

3.1. Conception de l'éléphant chez les Bisir

L'éléphant constitue un symbole majestueux du continent africain. Il est utilisé comme logo sur une série de produits commerciaux, les partis politiques et sur la monnaie de certains pays de la sous-région, notamment la République Démocratique du Congo. Au sein de l'« ethnoculture » gisir, l'éléphant est un animal qui occupe une place importante dans l'univers culturel de ce peuple. L'éléphant est désigné en langue gisira par le terme « nzahu ». Le terme gisira « nzahu » est un terme invariable. Il n'a pas de pluriel. L'éléphant se désigne toujours au singulier même quand il s'agit de plusieurs éléphants. Que ce soit un mâle, une femelle ou un éléphanteau, ils sont tous désignés par le mot « nzahu ». Les Bisir connaissent deux espèces d'éléphant. La première est « nzahu musala » qui correspond à l'éléphant de forêt (loxodonta africana cyclotis) et la deuxième est « nzahu i ditotu » dont la description renvoie à l'éléphant de savane (loxodonta africana africana).

Par contre, dans la société des mâles, lorsque deux mâles adultes se retrouvent dans un même état sexuel, ils se combattent parfois jusqu'à ce que l'un des deux succombe. Lorsque aucun n'a succombé, « le perdant » se retire du groupe et s'isole. Cet état d'isolement d'un éléphant combattu par un de ses congénères, est désigné par le terme « mutimbu » ou « nzahu mutimbu ». Cependant, dans l'imaginaire gisir deux conceptions essentielles se dégagent de l'éléphant. Il y a l'éléphant de forêt (Nzahu i musiru) et « l'éléphant du village » (nzahu i dimbu). L'éléphant de forêt est l'éléphant naturel qui vit dans un environnement forestier lointain même s'il peut avoir des interactions avec les hommes. Par contre « l'éléphant du village » est un éléphant protecteur qui est au service des hommes. Cet éléphant vit toujours autour du village. Il peut parcourir des longues distances pour des raisons alimentaires ou sexuelles mais il revient toujours vers le village. Voilà pourquoi en cas de perte, il suffit de suivre les pistes de l'éléphant car celles de « l'éléphant du village » mènent toujours vers les hommes. Dans l'univers culturel des Bisir, l'éléphant occupe une place prépondérante. Il est le symbole de puissance, d'influence, de la grandeur, de la renommée, et du pouvoir.

Cette assertion est soutenue par l'extrait de discours suivant : « les anciens « fétichaient » l'éléphant pour avoir l'influence et la grandeur et la renommée. Pour que les autres aient peur de toi, on te faisait une scarification au front pour avoir l'influence car personne ne peut fixer le front d'un éléphant. L'éléphant est un animal influent et qui engendre la peur. Quand tu attends qu'une personne fût influente ici, cela veut dire qu'il avait l'éléphant. Lorsqu'il arrive au milieu des hommes, il attirait toute leur attention. Il y avait certains notables qui avaient « fétiché » l'influence de l'éléphant. Quand il va chez l'autorité administrative, celle-ci se sentait influencée et le considère comme un homme respectable (...) »115(*). Selon Mahamane Halidou Maiga116(*), l'éléphant est considéré chez les peuples du Gouma Malien comme un symbole de la puissance, du pouvoir et de la force tranquille. Et chez les touareg, il est le symbole de la longévité et du bonheur, il est souhaitable de ce fait de le rencontrer au lever du jour.

L'extrait de discours de Camille Mboumba semble confirmer notre assertion sur l'incarnation de l'influence et de la grandeur de l'éléphant chez les Bisir. En effet, dans la société traditionnelle gisir est chef de famille, de lignage ou de clan, celui qui possédait de la grandeur et de l'influence à l'égard des autres membres de la communauté. Et l'éléphant est l'animal à partir duquel on acquérait ces valeurs chez les Bisir. Il est vrai que de nos jours, rares sont les hommes qui recourent encore à l'éléphant pour posséder grandeur et influence mais ces pratiques sont encore de mises. Outre la grandeur et l'influence, l'éléphant est également considéré comme un guide. Lorsqu'une personne vient à se perdre dans la forêt, elle doit, pour retrouver le chemin du village, suivre les pistes de l'éléphant car celles-ci mènent toujours au village.

L'éléphant est également présent dans l'organisation matrimoniale chez les Bisir. Camille Mboumba nous apprend que : « Autrefois, lorsqu'une personne va épouser chez un notable, il apporte des défenses d'éléphant dans la dot pour que la femme ait du poids devant la société »117(*). En effet, comme de nos jours, les pointes d'éléphant avaient déjà connu une grande valeur. Elles étaient considérées comme l'une des plus grandes richesses. Ainsi, lors du mariage de la fille d'un grand notable, la compensation matrimoniale était toujours accompagnée de pointe d'ivoire. Ces pointes d'ivoire consistaient à dire que la femme épousée doit cultiver un certain nombre de qualités dont la grandeur et la dignité. L'éléphant chez les Bisir symbolise également le partage. Dans l'organisation sociale du peuple gisir, la viande de l'éléphant est une viande qui ne se mange jamais seul. Nul ne peut après avoir abattu un éléphant le consommé seul avec sa famille. Une fois un éléphant est abattu, le chasseur se présente au village muni de sa trompe pour informer les autres membres de la communauté de son succès. Puis, un ou deux jours après toutes les personnes sont autorisées à participer au dépeçage de l'animal à l'exception des initiés au rite ngubi et des plus petits.

Donc l'abattage d'un éléphant est un évènement de partage. Même les personnes qui n'ont pu prendre part au dépeçage reçoivent leurs parties. Ainsi, lorsqu'un homme avait pour fétiche l'éléphant, il avait la main large vis-à-vis des autres membres. Il était un homme de partage et généreuse. Et nous sommes d'avis avec Jean Pierre Kabou M. quand il dit que : « L'éléphant était aussi le symbole du partage et de la générosité. Tous ceux qui avaient pour fétiche l'éléphant étaient des personnes qui avaient des grandes familles, qui étaient sollicités et généreuses. Parce que la viande de l'éléphant est une viande du partage »118(*). Outre la générosité, l'éléphant symbolisait aussi la renommée. Toutes les personnes qui avaient l'éléphant comme fétiche, étaient des personnes de grande renommée tout comme l'éléphant qui est un animal très connu. Lorsqu'un éléphant a été abattu ou quand il a causé des dégâts, la nouvelle se répand facilement sur toutes les contrées du village. La symbolique du partage de l'éléphant est aussi utilisée pour désigner une femme frivole.

Une femme qui a des rapports intimes avec plusieurs partenaires est désignée par l'expression « nyama nzahu » c'est-à-dire la viande de l'éléphant dans la mesure où celle-ci est à la portée de tout le monde. De la même manière que cette femme partage son corps à plusieurs hommes, c'est de la même manière que la viande de l'éléphant est consommée par tout le village. Aussi, contrairement à certains textes oraux qui rapportent le lion comme étant le roi de la forêt, chez les Bisir, c'est plutôt l'éléphant qui est considéré comme étant le roi de la forêt, comme l'indique Kabou Mbemeni Jean Pierre quand il dit : « (...) C'est le président de la forêt. L'animal qui fait le plus peur en brousse, c'est l'éléphant et non le lion ou la panthère. C'est l'animal que l'on évite le plus en brousse »119(*). Dans l'imaginaire du peuple gisir, la nature est essentiellement constituée de deux sphères : la sphère terrestre et la sphère maritime. Dans la première, c'est l'éléphant qui est le roi. Et dans la deuxième, c'est le domaine de l'hippopotame, c'est lui le roi des eaux.

* 112 Nigel Leader-Williams (1996), Contrôle de l'application des lois et des activités illégales  in : KADZO KANGWANA (1996), L'étude des éléphants, Nairobi, AWF, pp.159-173.

* 113Elie Hakizumwami, (2005).

* 114Karl Groning, (1999).

* 115 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n°2.

* 116 Mahamane Halidou Maiga, « Les relations homme/éléphant dans le Gourma malien», Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.20-26.

* 117 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n°3.

* 118 Jean Pierre Kabou Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°1.

* 119 Jean Pierre Kabou Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°2.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery