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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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3.4 Les techniques traditionnelles de la chasse à l'éléphant

Avant que l'Afrique ne fut divisée et administrée comme elle l'a été avant et après les indépendances, presque tous les peuples chassaient. Ils le faisaient pour défendre leur terrains de culture contre les déprédations et pour se procurer de la viande. Dans le sud du continent africain, l'éléphant est chassé depuis des longues dates. Il a toujours été un gibier pour les peuples autochtones. Sa chasse était rendue possible grâce à certaines méthodes. En effet, avant l'introduction du fusil de traite, arme de pierre ou à piston, qui nous parait maintenant d'un archaïsme très lointain, les peuples africains et en particuliers ceux du Gabon chassaient avec les moyens locaux qui étaient à leur portée.

La chasse à l'éléphant passait par la chasse au feu, la chasse à la sagaie, jetée du haut des arbres, et par l'usage du piège à harpon. Mais seule la mise en oeuvre de fosse-pièges et celle de battues à la sagaie furent générales. Aussi, la chasse de l'éléphant était individuelles ou, le plus souvent collective mais les procédées étaient multiples. Chez les Bisir en particulier, ce sont les pièges qui furent en usage. Le piégeage est un procédé très ancien. Il compte parmi les formes les plus vieilles de la technique cynégétique. Les chasseurs Bisir se servaient, pour capturer les éléphants, essentiellement de deux sortes de moyens : les fosses-pièges désignées en gisir par le terme « dubila », les pièges à harpon appelés « gilungu » et le noeud coulant appelé « munota u nzahu ». Selon Camille Mboumba (corpus n°7, séquence n°1), le « gilungu » se pratique en brousse. Il consiste à couper un gros bois lourd que l'on amarre au milieu. Puis l'on fabrique une grosse lance que l'on enfonçait dans le bois que l'on suspendait à partir d'un arbre. A notre avis, cette description brève correspond à celle du piège à harpon de Jeannin Albert (1947) dans son ouvrage « L'éléphant d'Afrique ».

Selon Jeannin Albert (1947), le piège à harpon était un piège composé d'un gros bloc de bois, armé d'une lourde pointe de fer et suspendu à 4 ou 5 mètres au-dessus du sol sur de bois de petite dimension comme en témoigne la figure n°1. La partie métallique terminale, en forme de lance, pèse jusqu'à 50 kg. Cette grosse masse est liée à la terre par une corde, faite de lianes, qui passe elle-même sur une barre d'appuie. La corde est fixée à son autre extrémité sur une traverse placée à peu près à deux mètres de hauteur au-dessus d'un passage des éléphants. La corde est à peine engagée dans la barre transversale. Elle est en équilibre précaire. Si une bête emprunte ce passage, elle heurte infailliblement la traverse, celle-ci est déplacée et la corde de dégage, le gros bois n'est plus retenu, il tombe sur l'animal. La disposition de l'ensemble est telle que le pachyderme est frappé à la nuque, et en cherchant à s'enfuir, la pointe de fer se baissait comme un levier et s'enfonçait dans son corps. Le type de construction de ce piège ne comprenait aucun bâti, l'axe d'appui était simplement posé entre les fourches de branches sur deux arbres voisins, de chaque coté de la piste.

Figure 1 : type de piège à harpon.

Jeannin Albert (1947).

Cependant, il y a une particularité dans la pratique de ce piège chez les Bisir. La pratique de celui-ci est réservée exclusivement à un oncle de famille car il doit se faire assister par l'un de ses neveux. Toute personne n'ayant aucun neveu est proscrite de la pratique de ce piège. Selon Camille Mboumba, « le gilungu se pratique que par une personne qui a des neveux (...) toi-même l'oncle tu montes et tu demandais au neveu de se courber et tu verses de l'eau qui passait par la pointe la lance et descendait sur le dos du neveu, c'est pourquoi tu attends que c'est le neveu que l'on fait courber au gilungu. Lorsque l'éléphant passe par là, il se fait forcement attraper » (...) le droit à la pratique de ce piège ne se faisait qu'avec le neveu parce que si le bois tombe, ça ne tombera que sur le neveu. Et s'il meurt l'oncle n'avait pas de compte à rendre puisque l'enfant qui est mort c'est son neveu, lui c'est le gilungu qu'il a fait et il ne peut le faire avec n'importe quel enfant. Même son père ne dira que l'oncle c'est le piège qu'il a fait »130(*). En effet, ce piège exige un rituel que l'oncle ne peut pratiquer qu'avec son neveu. Une fois le piège positionné, l'oncle monte sur le gros bois suspendu entre les arbres et demande à son neveu de se courber au niveau de la pointe de fer. Après s'être courbé, l'oncle verse de l'eau sur le gros bois qui, en passant par la pointe de fer, descend jusqu'au dos du neveu. Une fois ce rituel opéré, à tous les coups, le piège attrapera sa proie. Mais ce rituel était très dangereux, dans la mesure où il se produisait parfois des accidents. Il arrivait que le bois tombe et la sagaie transperce le neveu.

Mais cet accident était considéré comme légitime, et aucun différend ne pouvait survenir à cet effet. Même le père de l'enfant ne pouvait intervenir. Selon l'idéologie lignagère et clanique chez les Bisir, l'oncle à pleins pouvoirs sur ses neveux et nièces notamment, le pouvoir de vie et de mort. Lorsque le père ou même la mère venait à intervenir, toute la communauté convenait qu'il s'agissait d'un accident et que ce n'était pas de la faute de l'oncle. Il avait simplement fait un piège pour apporter de la viande au village. La deuxième méthode de chasse était un piège appelé « dubila ». Ce piège est également pratiqué chez d'autres peuples du Gabon tels que les Masangu.

Chez les Masangu, il est appelé « dibile ». Selon Rigobert Moukambi Pango (2003)131(*), ce piège consistait à creuser une grande fosse circulaire ou carré de 2 à 2m5 de longueur, sur un sentier d'animaux ou à un endroit où ils viennent souvent. On peut planter au fond de la fosse des sagaies en bois ou « misulu » qui transpercent l'animal une fois qu'il tombe. On peut aussi laisser la fosse sans sagaies. Cette fosse est fermée avec des feuilles mortes posées sur un matériel très fin tel que les tiges de bambou, pour ne pas donner trop de résistance sous le pied d'animaux. D'après Camille Mboumba (corpus n°8, séquence n°3), le « dubila » consistait à creuser une grande fosse proportionnelle à la taille de l'éléphant sur une de leurs pistes.

Dans cette fosse, étaient plantées des longues sagaies camouflées par des petits morceaux de bois en dessus desquels on mettait de la terre dont le tout était recouvert des feuilles mortes. L'endroit choisit pour ce piège, est un endroit où il n'y a pas d'arbres à côté de la fosse pour éviter que le pachyderme s'y accroche et parvienne à s'en sortir. Selon Jeannin Albert (1947), les fosses étaient des trous, de dimensions variables, ayant en moyenne 3 à 4 mètres de longueur, 2 de largeur et 3m.5 de profondeur. Ces excavations allaient en se rétrécissant et n'avaient plus que quelques centimètres de large à la surface inférieure. Cet étranglement progressif avait pour but d'annihiler tous les efforts que pouvait faire un animal afin de se dégager. Il était de la sorte absolument coincé entre les parois, dépourvu de point d'appui convenable pour s'aider de ses membres. Les ouvertures supérieures étaient habilement dissimulées, recouvertes d'un treillis de branches et de feuillages. Le fond était fréquemment muni de pieux en bois, aux extrémités taillées en pointe et durcis au feu.

Quant au « munota u nzahu », c'est un système du noeud coulant. A notre avis ce système semble avoir été mis en oeuvre récemment chez les Bisir car contrairement aux deux premiers, qui étaient faits à base des matériaux locaux, ce piège est fait avec du fil métallique d'introduction récente. Et Jeannin Albert (1947), soutient que « le système du noeud coulant ne semble guère avoir été mis en oeuvre que dans certaines parties de l'Afrique orientale, dans les contrées situées au nord du lac Rodolphe (...) »132(*). En s'inspirant, de la description de cet auteur, le noeud coulant comporte trois éléments essentiels. D'abord, une corde très résistante, faite de peaux de buffles ou d'antilope, tannées à l'huile ou au beurre, tordues et serrées ensemble.

Chez les Bisir, cette corde est remplacée par un fil métallique d'épaisseur moyenne. Puis, un lourd billot de bois, généralement un tronc d'arbre, pesant 250 à 300 kgs. Ensuite, une claie composée de bambous, ayant une disposition circulaire de 1m.20 de diamètre, avec cette particularité que les tiges de bambous sont fixées sur le pourtour et que le centre est vide. Les pointes des tiges dirigées vers le milieu du cercle sont acérées. Le tout est placé sur un passage d'éléphants, de la manière suivante : un trou est creusé qui peut avoir 0m.50 de profondeur. Au-dessus, on met la claie et, sur celle-ci, la corde présentée en noeud coulant très large, dépassant amplement les dimensions d'un pied d'éléphant, ayant environ 0m.80 de diamètre. L'autre extrémité de la corde est solidement reliée à l'énorme pièce de bois, qui est déposée à 2 ou 3 mètres du sentier. Ceci est recouvert de terre. Si un pachyderme, suivant ce chemin introduit son pied sur la claie, celle-ci se rompt et le sabot s'enfonce dans l'excavation faite. La corde, qui était maintenue par la claie, enroule la cheville de l'éléphant. Les pointes pénètrent dans sa chaire et l'irrite ; il veut se débarrasser de l'objet mais ses efforts ne font que fixer davantage le noeud coulant. Même s'il arrive à se défaire de la claie à l'aide de sa trompe, la corde demeure étroitement jointe à son pied.

Lorsqu'il commence de partir, il lui faut traîner la lourde masse de bois. La bête s'émeut et veut quitter cet endroit, elle précipite ses mouvements mais, quelle que soit sa vigueur, elle est à chaque instant arrêtée ou retardée par ce tronc d'arbre pesant qui se heurte à tous les accidents. En surveillant le piège, les chasseurs s'aperçoivent qu'un sujet a été pris. Ils le poursuivent, il a pu effectuer dans des conditions effroyables dix ou vingt kilomètres, et ils peuvent le tuer facilement car il n'a pas la liberté de ses mouvements et il est épuisé. Cependant, contrairement aux deux premières méthodes (gilungu ne dubila), la troisième (munota u nzahu) est encore employée de nos jours, mais avec moins d'intensité qu'autrefois.

* 130 Camille Mboumba, corpus n°7, séquences n°1 et n°2.

* 131 Rigobert Moukambi Pango (2003), Les Masangu et leur univers social, Ed. Raponda Walker, Libreville, pp. 97.

* 132 Jeannin Albert (1947), Les éléphants d'Afrique, Paris, Payot, p.155.

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