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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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B- LA POLITISATION DE LA PROCEDURE

Elle s'illustre principalement par l'institution du rejugement (1), voie de recours exceptionnelle au profit des pouvoirs publics, et l'immixtion du président de la République dans le déroulement du procès (2).

1- La procédure de rejugement.

Bien qu'excluant toute voie de recours, en principe à l'égard de toutes les parties au procès, l'article 12 al.4 de la loi n°63/30 du 25 octobre 1963 prévoit une procédure inédite en faveur du gouvernement, qui peut déclarer non avenue une décision rendue par un tribunal militaire et faire rejuger l'affaire par un autre tribunal militaire.

Ce texte dispose clairement : "S'il l'estime opportun, le garde des sceaux, ministre de la justice peut, après avis conforme du ministre chargé des forces armées, ordonner qu'il soit statué à nouveau par un autre tribunal militaire, ou par le même tribunal militaire autrement composé si le jugement a été rendu par le tribunal militaire permanent de Buéa."

L'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire militaire va oublier de reconduire la procédure de rejugement, mais très rapidement l'oubli sera rectifié avec l'article 3 de l'ordonnance n°72/20 du 19 décembre 1972, qui va reprendre les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 octobre 1963 : "Nonobstant les dispositions de l'article 29, al.2 de l'ordonnance portant organisation judiciaire militaire, le ministre de la justice peut s'il l'estime opportun, après avis conforme du ministre des forces armées, ordonner qu'il soit statué à nouveau sur toutes les procédures en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat, de subversion et de législation sur les armes."

Le rejugement ne concerne que les affaires relevant du tribunal militaire et relatives à l'atteinte à la sûreté de l'Etat, la subversion et la législation sur les armes à feu. Il intervient à la suite d'une décision rendue en premier et dernier ressort et insusceptible de pourvoi en cassation, donc une décision définitive. En cela, le rejugement heurte de front le principe "non bis in idem" ou principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel.92(*) La loi n'a pas limité le nombre de rejugement dont une affaire peut faire l'objet. En théorie donc, une succession de rejugements est possible jusqu'à satisfaction complète des pouvoirs publics ; aucun délai n'a été prévu, ce qui en ajoute à l'insécurité créée par cette procédure pour la personne poursuivie ; ainsi, le rejugement peut être ordonné un an après la décision93(*) ou quelques jours seulement après la première décision94(*).

Il ressort que le rejugement est en fait une exception à l'interdiction des voies de recours pour les matières visées par l'article 29, al.2 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972. On peut déduire que le rejugement est lui-même une voie de recours. Mais, il s'agit d'une voie de recours sui generis, qui n'est assimilable ni à l'appel (a), ni à l'opposition (b).

a) Le rejugement n'est pas un appel.

On sait que l'appel est une voie de recours ordinaire et de reformation qui permet un nouvel examen de l'affaire au fond devant une juridiction supérieure et traduit la règle du double degré de juridiction. Cette voie de recours diffère totalement du rejugement, s'agissant aussi bien des conditions que des effets.

Sur le premier point, l'appel concerne des décisions rendues en premier ressort et est ouvert à toutes les parties. En revanche, le rejugement concerne les décisions rendues en premier et dernier ressort et n'est pas ouvert à toutes les parties au procès. De même, l'appel est soumis à un délai, ce qui n'est pas le cas du rejugement. S'agissant des effets, on sait que l'appel a un effet suspensif et un effet dévolutif, alors que le rejugement ne comporte aucun des deux.

b) Le rejugement n'est pas une opposition

On sait que l'opposition est une voie de recours de rétractation contre les jugements ou arrêts rendus par défaut en matière correctionnelle et de police en empêchant ceux-ci d'acquérir l'autorité de chose jugée. En ce qui concerne ses conditions d'exercice, l'opposition est, en outre, ouverte à toutes les parties au procès, à l'exception du ministère public, qui est nécessairement présent. Elle est soumise à un délai.

S'agissant des effets, le délai de l'opposition produit un effet suspensif. Quant à l'acte d'opposition lui-même, il produit d'abord un effet extinctif ; il produit en outre un effet de saisine de la juridiction qui avait déjà statué une première fois. La confrontation de ces conditions et effets de l'opposition avec ceux du rejugement fait apparaître des différences notables entre les deux procédures, qui ne sauraient donc être assimilées l'une à l'autre.

2- L'immixtion du président de la République dans le déroulement du

procès.

C'est une autre marque du durcissement de l'attitude des pouvoirs publics. Elle est l'oeuvre de la loi du 15 juillet 1987 qui va ajouter à l'article 11 de l'ordonnance n°72/5 du 26 août 1972, un alinéa 5, qui comporte une disposition inédite et bien curieuse. Ce texte qui, incontestablement, tend à accroître l'influence de l'exécutif sur le judiciaire, énonce : "Sur prescription du président de la République, le ministre chargé des forces armées peut arrêter à tout moment le prononcé du jugement, toute poursuite pénale devant le tribunal militaire. Cet arrêt n'empêche pas la reprise des poursuites lorsque cela se révèle nécessaire."

Le texte est muet sur les règles de prescription auxquelles doit obéir ce nouveau droit régalien. Autrement dit, on ne sait pas pendant combien de temps le bénéficiaire de l'interruption sera soumis à la menace de la reprise du procès, ou alors ce qu'il doit faire pour échapper définitivement à la menace d'une subite reprise des poursuites à son encontre.

De même, l'exposé des motifs de la loi est muet sur cette disposition. On n'a donc aucune indication sur le point de savoir si cette prérogative du chef de l'Etat concerne toutes les infractions relevant de la compétence de la juridiction militaire95(*) , mais on devine aisément que cette disposition visait surtout les infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat et la subversion.

* 92 L'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel est une règle qui ne bénéficie qu'à la personne poursuivie, en sorte qu'il faut non seulement que les faits qu'on veut poursuivre une seconde fois soient les mêmes, mais encore que la personne poursuivie soit également la même.

* 93 Dans l'affaire Mbinkar Kpunsa, le tribunal militaire de Buéa avait rendu son jugement le 14 mars 1978 et la dépêche ministérielle ordonnant le rejugement a été envoyé le 16 janvier 1979.

* 94 Cf. jugement n°104 du 22 novembre 1963, rendu par le tribunal militaire de Yaoundé, affaire Mpouma Kilama Théodore alias Makanda Pouth.

* 95 Il s'agit des infractions purement militaires, infractions commises par des militaires et des infractions politiques.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille