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L'infraction politique en droit pénal camerounais

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par Thomas OJONG
Université de Douala - DEA de droit privé fondamental 2005
  

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Paragraphe 2 : L'amnistie des condamnations politiques.

Etymologiquement, le mot amnistie provient du grec "amnaomai" qui signifie "la perte de la mémoire." Elle émane de la volonté de la société de faire tomber dans l'oubli la commission de certains faits et ses conséquences pénales. L'amnistie est par essence une mesure exceptionnelle. Elle ne devrait être prise que lorsque les exigences d'un retour à la paix civile s'avèrent capitales, ce qui conduirait, en fait, à restreindre le recours à cette mesure.

La mesure d'amnistie établie par la loi n°91/002 du 23 avril 1991 intervient à une période cruciale de l'histoire politique du Cameroun ; elle traduit incontestablement la volonté des gouvernants d'apaiser le climat socio-politique. Le bien-fondé de cette mesure peut être apprécié à la lumière de ses caractères (A) et de ses effets (B).

A- LES CARACTERES DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23 AVRIL 1991.

La loi n°91/002 du 23 avril 1991 dispose :

- "Est amnistiée, toute infraction punie de la peine de détention ou qualifiée de subversion à la date de sa commission. " (Article 1er)

L'article 2 dispose quant à lui qu'est amnistiée :

- toute personne condamnée pour subversion à la peine d'emprisonnement et/ou d'amende ;

- toute personne condamnée à une peine de détention ou purgeant une peine de détention ;

- toute personne, auteur d'une infraction à caractère politique, condamnée à la peine de mort."

De l'analyse de ces dispositions, apparaît l'aspect large de cette mesure. En effet une observation mure de cette législation fait apparaître le caractère à la fois réel (1) et purement législatif (2) de cette mesure d'amnistie.

1- Le caractère réel de l'amnistie121(*)

Lorsqu'on s'attache à l'objet de l'amnistie, on distingue traditionnellement l'amnistie réelle de l'amnistie personnelle. Cette dernière est attachée à des particularités ou à des qualités personnelles que la loi prend en considération dans le délinquant, et s'applique à ceux des délinquants qui peuvent en faire état indépendamment de la nature des faits qu'ils ont commis.

L'amnistie réelle est attachée à des faits délictueux que la loi énumère, et s'applique aux auteurs de ces faits, sans tenir compte de leur personnalité. Elle opère in rem, au sens où, décidant de l'oubli des faits en tant qu'infraction, elle bénéficie à l'auteur comme au complice.

Au regard de cette typologie, la mesure d'amnistie du 23 avril 1991 est une amnistie réelle, en dépit du recours, dans son article 2 à l'expression « toute personne » (cette expression indiquant, nettement, le caractère impersonnel de cette mesure purement législative).

2- Le caractère purement législatif de l'amnistie122(*)

Dans la pureté des principes, le législateur amnistiant doit faire bénéficier de ses faveurs toutes les personnes ayant commis tel ou tel type d'infraction ou, à la rigueur, toutes les personnes présentant telle ou telle qualité.

Mais la volonté du législateur de permettre l'adaptation de la loi d'amnistie à la personnalité des délinquants le conduit parfois à une délégation directe au pouvoir exécutif ou indirecte à l'autorité judiciaire du pouvoir de décider à qui bénéficiera l'amnistie qu'il a votée. Dans le premier cas, il s'agira, soit d'une grâce amnistiante, soit d'une grâce décrétée ; et dans le second, il s'agira d'une amnistie judiciaire. En l'absence de toute délégation, on dit que l'amnistie est purement législative.

La mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril 1991, qui émane du législateur, et n'accorde aucunement délégation pour son application, ni au président de la République, ni au pouvoir judiciaire, est par conséquent et sans n'en point douter une amnistie purement législative.

Il en reste que, cette mesure étant la seconde du genre depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance, surtout que la première mesure123(*)s'étant confrontée à d'énormes difficultés124(*)pour sa mise en application, il importe véritablement de s'interroger en profondeur sur les effets de cette seconde mesure d'amnistie que connaît notre ordonnancement juridique.

B- LES EFFETS DE LA MESURE D'AMNISTIE DU 23 AVIL 1991125(*)

L'article 3 de la loi n°91/002 du 23 avril 1991 dispose :

"L'amnistie prévue par la présente loi produit les effets de l'article 73 du code pénal.

Toutefois, les condamnés amnistiés ayant occupé des emplois publics seront réintégrés et les biens confisqués seront restitués à toutes les personnes amnistiées selon les modalités fixées par voie réglementaire."

C'est dire qu'outre les effets classiques de l'amnistie (1), cette mesure présente quelques particularités (2).

1- Les effets classiques de l'amnistie.

Les effets classiques de l'amnistie sont prévus par l'article 73 du code pénal, auquel renvoie expressément l'article 3 de la loi du 23 avril 1991. Deux types d'effets sont nécessairement attachés à l'amnistie. Ils ont trait à la responsabilité pénale (a) et à la responsabilité civile (b).

a) sur le plan de la responsabilité pénale.

L'effet principal de l'amnistie est qu'elle "efface la condamnation et met fin à toute peine principale et accessoire, et à toute mesure de sûreté, à l'exception de l'internement dans une maison de santé et de la fermeture de l'établissement126(*) ".

Mesure d'effacement du passé, d'oubli, affectant le fond du droit, l'amnistie se manifeste donc par des conséquences essentiellement procédurales. Ainsi, selon le moment de la procédure où elle intervient, elle fait obstacle tantôt aux poursuites, tantôt à la condamnation pénale. Elle empêche ou arrête les poursuites intentées ou déjà en cours.

b) sur le plan de la responsabilité civile.

L'amnistie sauvegarde les droits des tiers. En effet, la société peut renoncer, dans un intérêt général qu'elle est seule à apprécier, à la poursuite pénale de certains faits, mais elle n'a pas le droit de porter atteinte aux droits subjectifs que les particuliers pourraient puiser dans l'infraction. Les faits délictueux demeurent tels à l'égard de tous les effets civils qu'ils conditionnent. L'amnistie ne fait donc pas obstacle à l'action civile par laquelle la victime chercherait à obtenir la réparation de son préjudice. La juridiction compétente pour connaître de cette action civile varie selon le moment où intervient la loi d'amnistie. Si, à cette époque, le juge répressif n'a pas été saisi, seul le juge civil est compétent. En revanche, le juge répressif demeure saisi de l'action civile dès lors qu'il a eu à connaître de l'action publique avant la loi d'amnistie.

La mesure d'amnistie du 23 avril 1991 n'a pas non plus dérogé au principe de la sauvegarde des droits des tiers délinquants politiques, et même, elle a prévu certaines particularités attachées à l'amnistie qui découlent du pouvoir discrétionnaire reconnu au législateur dans l'article 73 du code pénal.

2- Les particularités de la mesure d'amnistie n°91/002 du 23 avril

1991.

Outre les effets classiques ci-dessus, qui sont nécessairement attachés à l'amnistie, l'article 73, al. 2 à 6 c.p. laisse à la discrétion du législateur une gamme d'effets qu'il peut faire produire, en totalité ou en partie à la loi d'amnistie. La loi du 23 avril 1991 a retenu deux de ces actes : la réintégration dans les emplois publics (a) et la restitution des biens confisqués (b).

a) la réintégration dans les emplois publics.

Aux termes de l'article 73, al. 6 c.p."Sauf disposition contraire, elle ne réintègre pas de plein droit dans les fonctions ou emplois publics...".

Suite à la mesure d'amnistie du 23 avril 1991, est pris le décret n°92/091 du 04 mai 1992, qui va fixer dans son article 3, al. 2, les modalités de réintégration dans les emplois publics.

Le législateur n'a visé que les emplois publics, à l'exclusion des emplois privés. Cette discrimination127(*) a été vilipendée, mais elle se justifie par le fait que l'Etat ne saurait imposer aux entreprises privées la réintégration de personnels dont la cessation d'activité ne leur est pas imputable, et qui ont certainement déjà été remplacés. Ceci étant, la réintégration englobe tous les fonctionnaires, y compris ceux en détachement dans les sociétés d'économie mixtes. Relativement à ces derniers, ils ne sont pas intégrés dans celles-ci, mais appartiennent toujours à leur corps d'origine128(*), et par conséquent ne peuvent réclamer leur réintégration que dans leur corps d'origine. Mais qu'en est-il de leurs biens confisqués ?

b) La restitution des biens confisqués.

Aux termes de l'article 73, al. 4 c.p."Sauf disposition contraire, les frais, amendes et confiscations déjà versés par le condamné restent acquis au trésor."

L'article 3 du décret n°92/092 du 04 mai 1992 fixant les modalités de restitution des biens confisqués reprend l'essentiel de ces dispositions en déclarant insusceptibles de restitution :

- les frais et amendes déjà versés au trésor public ;

- les confiscations déjà exécutées dont les produits ont été versés au trésor ;

- les biens aliénés ou inexistants ;

- les fruits et produits des biens confisqués déjà versés au trésor.

Ces dispositions consacrent le principe établi en la matière, de la restitution en l'état des biens confisqués. On s'accorde en effet pour admettre qu'il ne saurait être question de remettre en cause l'exécution déjà entamée de la sanction : cette exécution est régulière et la fiction de l'oubli ne peut sans excès aller jusqu'à l'effacer. "L'amnistie est une mesure de faveur, non une mesure réparatrice. Elle impose d'oublier le passé, non de le revisiter129(*) ".

Toutes ces actions du législateur doivent être appréciées à leur juste valeur. Les efforts faits en vue de mettre fin à une période sombre de notre histoire politique en général et de la politique répressive en particulier, par l'effacement du passé ténébreux de traitements infligés aux délinquants politiques sont louables. Mais, pour marquer davantage son option130(*) dont les deux premières mesures sus-évoquées sont fort indicatrices, le législateur va procéder à des mesures suppressives de la peine de détention, peine politique par excellence.

* 121 Minkoa She (A) ; op. cit. pp.239-240

* 122 Ibid. p.240

* 123 V° l'article 1er de l'ordonnance n°60/47 du 08 mai 1960 : cet article accordait une amnistie générale, totale et inconditionnelle "pour tous crimes, délits et contraventions à caractère politique ou en rapport direct avec des incidents d'origine politique commis antérieurement à la publication de l'ordonnance".

* 124 Pour les problèmes posés par la mise en oeuvre de cette première mesure amnistiante, cf. :

-C.S., n°247 du 13 juin 1961, B., p.162 ;

-C.S.C.O, n°78 du 19 janvier 1963, B., p.430

* 125 Minkoa She (A); op.cit., pp.240-243

* 126 Article 73, al. 1er c.p.

* 127 V° Anoukaha (F) ; "Droit pénal et démocratie en Afrique Noire francophone : l'expérience camerounaise", Archives de politique criminelle, 1995, n°17, p.133.

* 128 Cf. Pougoué (P.G) et Tchokomakoua (V) ;"Le fonctionnaire en détachement (à propos de l'arrêt n°17/5 du 26 décembre 1985 de la Cour Suprême) ", in jurisprudence sociale, annotée tome I, 1995, pp.9 et sq.

* 129 Desportes (F) et Le Gunehec (F) ; Le nouveau code pénal. Tome I, Droit pénal général, paris, Economica, 1994, n°1102, p. 758.

* 130 On constate que l'option choisie par le législateur est de supprimer toute allusion au caractère politique des infractions.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway