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L'application en Afrique centrale des principes de prévention et de précaution

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par Romain Bertrand DONGMO
Université de Limoges - Master 2 en Droit International et Comparé de l'Environnement (DICE) 2009
  

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Paragraphe 2 : Effets de la mise en oeuvre des principes

Indépendamment de la question du statut juridique des principes de prévention et de précaution et du fait que ceux-ci soient ou non consacrés en droit interne et sous-régional CEMA C par des dispositions législatives explicites, c'est donc bien davantage les effets de leur mise en oeuvre qui retiennent l'attention des pouvoirs publics, mais surtout du consommateur. En effet, la réalisation d'instruments aussi importants en appelle a l'application du poids de la preuve du dommage ou de son absence (A), garantie d'une protection adéquate de l'environnement (B).

A- L'application du poids de la preuve

Selon les termes de l'article 76.1 de la loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement, les Ministres de la santé et de l'environnement doivent appliquer la « méthode du poids de la preuve » (weight of evidence approach pour la version anglaise de la loi) en conjonction avec le principe de prudence lorsqu'ils procedent a l'une ou l'autre des trois opérations destinées a déterminer si une substance est toxique ou potentiellement toxique. Cette expression renvoi-t-elle au fardeau de la preuve qui doit être retenu dans la démonstration de la toxicité d'une substance ? signifie-t-elle plutot qu'il convient d'opérer un reversement du fardeau de la preuve et qu'il appartiendra dorénavant a celui qui utilise ou qui fabrique une substance visée par l'évaluation et les examens prévus a l'article 76.1

101 Voir article 6 notamment du Décret n° 2005/0577/PM du 23/02/2005

de démontrer que l'utilisation de la substance n'entrainera pas un risque significatif pour l'environnement ou la santé humaine102.

Le poids de la preuve est un point focal qui intervient pour éloigner des principes de prévention et de précaution. En effet, le principe de prévention s'applique a des situations ou des réponses claires au plan scientifique existent démontrant qu'une activité ou un produit a, ou risque d'avoir des effets nuisibles sur l'environnement ou la santé publique. L'étude d'impact qui est l'instrument phare de mise en oeuvre des principes de prévention et de précaution met, aux termes de l'article 17 alinéa 3 de la loi camerounaise n° 96/12 du 05/08/1996 portant loi cadre relative a la gestion de l'environnement son financement a la charge du promoteur ; des problemes particuliers n'existent pas pour ce qui est de la charge de la certitude scientifique de l'innocuité du projet pour l'environnement et la santé humaine. La question s'est plutôt posée de savoir si une telle certitude existe toujours et quel est le comportement a adopter lorsqu'elle fait défaut. Heureusement, le principe de précaution répond a cette interrogation, sans avoir vocation a remplacer la prévention103.

Le principe de précaution exprime en effet la crainte de voir se commettre l'irréparable et a pour portée essentielle la nécessaire anticipation du risque collectif potentiel. De fait, l'article 4 alinéa 3 f de la Convention de Bamako qui consacre le principe de précaution en Afrique et notamment en Afrique Centrale stipule « chaque partie s'efforce d'adopter et mettre en oeuvre, pour faire face au probleme de la pollution, des mesures de précaution qui comportent... des substances qui pourraient présenter des risques pour la santé de l'homme et pour l'environnement sans attendre d'avoir la preuve scientifique de ces risques... >>104. Certes peut-on véritablement parler de certitude scientifique absolue, alors que la science, en constante évolution, ne cesse de remettre en cause des résultats considérés hier comme acquis. Ainsi finalement, le principe de précaution allege la charge des scientifiques dont on n'attend pas de certitudes, et aggrave la responsabilité des

102 TRUDEAU (H.), op. cit., p. 26.

103 GALIBERT (T.), op. cit., p. 22.

104 Article 4, alinéa 3 f de la Convention de Bamako précitée.

décideurs habituels qui doivent prendre des mesures effectives mais aussi réalistes en choisissant eux-memes parmi les hypotheses qui leur sont soumises. On peut toutefois se demander si l'administration ou le politique ne va pas devoir apporter la preuve chaque fois qu'un doute subsiste, qu'il n'était pas nécessaire d'aller au dela de ce qu'elle a prescrit ou en deca de ce qu'elle a autorisé105. On a souvent affirmé a ce propos que le principe de précaution implique un renversement de la charge de la preuve, c'est-a-dire que c'est a celui qui entreprend une activité qu'il revient d'établir qu'elle est conforme au principe de précaution et non point a celui qui cherche a l'interdire d'établir qu'elle ne l'est pas106. On voit mal ce qui permet d'établir en droit une telle inversion de la regle du principe en dehors des rares secteurs ou certains Etats semblent la sanctionner explicitement. On peut juger l'idée satisfaisante. Il ne faut cependant pas se tromper. Cette distribution nouvelle de la charge de la preuve trouve sa pleine signification dans les contentieux judiciaires, oil elle déroge a la regle traditionnelle qu'exprime l'adage « actori incombit probatio »107. La Cour Internationale de Justice a également adopté une attitude réservée par rapport au principe de précaution. Dans l'affaire des essais nucléaires II108, la Nouvelle-Zélande invoquait le principe de précaution, pour sommer la France de faire la preuve de l'innocuité totale des essais pour l'environnement. Face a cette argumentation, la France soutenait que le statut du principe de précaution en droit positif est « tout a fait incertain », et que de toute fa~on il n'entraine pas un renversement total de la charge de la preuve. La Cour a rejeté la demande de la Nouvelle-Zélande en ne répondant pas aux arguments de la Nouvelle-Zélande109.

105 GALIBERT (T.), op.cit., p. 42.

106 Pour plus de détail sur la question, lire VERHOEVEN (J.), op. cit., p. 256

107 Ibidem.

108 CIJ, 22/9/1995, Affaire des essais nucléaires II, Rec 1995 p. 342-344, cité par DESSINGES (F.) : « Le principe de précaution et la libre circulation des marchandises » ; Mémoire de DEA Droit des Communautés européennes Université Robert Schuman de Strasbourg, Septembre 2000 note n° 112, p. 43.

109 Par DESSINGES (F.), ibidem.

La solution la meilleure est peut-être que la societe dans son ensemble assume en pareil cas l'obligation de reparer les dommages subis dans la perspective d'une prise en compte adequate de l'environnement.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery