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L'agriruralité, entre rêves et réalités

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par Marie-Laure SOULIER
Université Lyon II Lumière  - Master 2 Aménagement et Développement Rural 2010
  

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6. Combiner plusieurs activités atypiques ou non, pour un développement systémique de l'exploitation agrirurale dans le temps

Par agriruralité, on pense tout d'abord aux "productions atypiques" par rapport au modèle agricole dominant. Cela peut concerner l'élevage de races anciennes ou la culture de variétés locales. Cela peut également faire référence à des productions « de niche », peu répandues à l'échelle territoriale, régionale ou nationale comme par exemple l'élevage de chèvres angora pour la production de mohair, l'héliciculture, la production de safran et de plantes médicinales, la lombriculture, etc.

> L'agriruralité n'est pas synonyme d'atypicité

Toutefois, si l'atypicité semble liée au concept d'agriruralité, on constate que dans les faits, très peu d'entreprise classées comme agrirurales ont pour activité agricole principale ces filières atypiques.

La plupart des entreprises agrirurales le sont en raison de la mise en place d'un système qui peut également être considérée comme atypique dès lors que les activités mises en oeuvre sortent du cadre de la production spécialisée insérée dans l'économie de filière. Globalement, cela correspond aux pratiques de diversification des productions, des activités, ou à la pluriactivité par les pratiques de valorisation de la production (circuits courts, transformation, agritourisme) et de l'outil de production. Par pratiques de valorisation de l'outil de production, on entend toute activité ayant pour support les facteurs de production (travail, matériel, bâtiments, animaux) mais n'entrant pas dans la fonction de production de denrées alimentaires (accueil, travail en réseau, entraide, travail sur l'histoire régionale à partir de l'élevage de races anciennes,...). On fait également référence à la mise en oeuvre de systèmes intégrés d'affectation des ressources disponibles et des ressources produites peu reconnues (biodynamie, auto construction, autoconsommation, troc). On considérera les pratiques d'autoconsommation et de troc comme atypiques, ces pratiques n'étant pas tant atypiques par rapport à l'agriculture elle-même, mais plutôt par rapport à la société de consommation.

> La conception du projet agrirural

Il est très intéressant également de voir comment est-ce que les créateurs d'entreprises agrirurales envisagent leur projet entre la première fois où celui-ci a été pensé et sa réalisation. On s'aperçoit lors des entretiens auprès des créateurs d'entreprises, qu'ils ont une vision globale du projet dés son commencement qui est associée à une notion de développement entendu dans le sens d'un progrès. En définitive on se rend compte qu'un projet agrirural partage beaucoup de similitude avec le "développement local". Un projet agrirural parallèlement au développement local suppose d'élargir le champs des possibles afin de rechercher des potentiels exploitables dans le but de créer des dynamiques sur un territoire. Ensuite un projet agrirural, tout comme le développement local, comprend la possibilité d'un changement en direction d'un état final mais aussi une capacité à diriger ce processus vers un but. Enfin, on pourrait presque aller jusqu'à postuler qu'une mobilisation des potentialités et des acteurs endogènes est à même d'orienter, au moins partiellement, les dynamiques socio-économiques.

Notons également qu'un projet agrirural peut être envisagé selon un développement systémique de l'exploitation et du projet de vie du créateur dans le temps. Si l'on en croit les créateurs d'entreprises agrirurales rencontrés, on s'aperçoit qu'un projet agrirural se structure toujours autour d'une production agricole qui devient le noyau de l'exploitation ; viennent ensuite s'y greffer d'autres activités, selon les potentiels du territoire, selon les compétences et les envies du créateur, selon le contexte économique mais aussi selon le temps dont dispose le créateur.

Figure 15 : Exemple de complémentarité des activités ajoutées à une production agricole

Source : Photographies : La Ferme du Phaux - Auteur du schéma : SOULIER ML - aout 2010

En effet, si l'on prend l'exemple de la ferme du Phaux (voir la figure 15), ils ont tout d'abord développé une production agricole de petits fruits ; n'arrivant pas à tout commercialiser avant que les fruits ne pourrissent, ils les ont valorisés et transformés en confitures, sorbets, nectars, ect. Profitant dans les années 1990 d'un immobilier à bas prix, ils ont acheté une vieille bâtisse aux alentours de la ferme et n'ayant pas beaucoup d'activités l'hiver ils ont rénové la bâtisse pour en faire des gîtes, de fil en aguille avec la venue de touristes sur la ferme, une nouvelle activité s'est greffée : les goûters à la ferme.

Ainsi l'exploitation fait aujourd'hui système, les activités rajoutées peu à peu sont complémentaires les unes aux autres ; dans ce système la production est optimisée, rien ne se perd tout est valorisé. La boucle est bouclée tant au niveau professionnel que personnel puisque les créateurs ont réinvesti dans ce projet leurs compétences, tout en alliant projet de vie et projet professionnel.

La construction d'une activité agrirurale se fait ainsi de façon progressive en saisissant et en réagissant aux instants clés du moment (opportunités ou difficultés) ; elle mêle souvent projet de vie personnel du créateur et projet économique professionnel.

"On a développé cette nouvelle activité de ferme pédagogique à un moment où la ferme laitière de mon époux ne marchait pas trop ; il ne se projetait pas dans l'avenir. A ce moment, j'avais aussi un enfant, si je reprenais mes études, j'allais voyager et je voulais vivre avec mon époux. Je voulais concilier mon projet professionnel et mon projet personnel."

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - 2 juin 2010

Au regard de ces éléments précités, l'agriruralité apparait comme une opportunité pour les territoires de moyennes montagnes. Tout l'enjeu consiste maintenant à voir quels sont les atouts des Monts du Forez.

D. Un territoire rural de moyennes montagnes au coeur du Massif central dont les conditions géographiques, économiques, sociales et sociétales conditionnent la construction d'offres d'activités

Situé en interface entre la région Auvergne et la région Rhône-Alpes, les Monts du Forez sont un territoire de moyennes montagnes, dont les conditions géographiques et socio-économiques peuvent conditionner l'attractivité des porteurs de projets et la construction d'offres d'activités.

1. Les caractéristiques physiques d'un espace bien desservi par les réseaux de transports

Pour commencer, il convient de remarquer empiriquement que le fait de se situer en moyennes montagnes peut être un atout pour certaines productions, comme la production de petits fruits ou de plantes médicinales par exemple. En effet, le fait de se situer à une altitude plus élevée permet d'une part de disposer d'une diversité florale plus importante, et permet d'autre part : cela autorise d'obtenir des marges financières plus importantes, d'autant que la demande est toujours importante et que l'offre est plus réduite.

Les Monts du Forez sont, en effet, deux versants bien distincts en façades est du Massif Central. Marqués par un héritage glaciaire omniprésent ; il y a plus de 2000 ans, au Würm, une calotte de 60 km2 de glace recouvre les hautes chaumes et alimente des langues de glace coulant lentement dans les vallées en contrebas25. La glace modèle le relief ; les parois parfois en auge, les vallées suspendues tombant en cascade et les paysages en cirques témoignent de cette action.

Figure 16: Carte du relief dans le périmètre d'intervention de la Maison des Services

Source : Google relief - août 2010

Les Monts constituent, ainsi, une barrière naturelle entre la Loire et le Puy-de-Dôme allant du Pilat (au sud) aux Monts de la Madeleine (au nord).

Ainsi, comme l'indique Jean-Paul MAZIOUX26, érudit local, Noirétable est devenu un passage obligé pour rejoindre Lyon ou Clermont-Ferrand depuis une ancienne voie romaine comme en atteste la toponymie même du bourg de Noirétable. Noirétable vient, en effet, du vocable : Nigrum Stabulum, donné par des populations qui parlaient latin. Il ne pouvait s'agir que des Romains qui après la conquête des Gaules par César, vers les premiers siècles de notre ère, avaient tracé la route de Lyon - Clermont-Ferrand et avaient établis le relais de "l'Hostellerie Noire", noire pour des voyageurs romains qui venaient des plaines ensoleillées d'Italie et découvraient un pays couvert de noires forêts de sapins.

Aujourd'hui bien desservis, les cantons de Boën, Noirétable et St George en Couzan sont traversés d'une part par l'autoroute Saint-Etienne - Clermont-Ferrand (A72) ainsi que par la N 89 et d'autre part par la ligne de chemin de fer Saint-Etienne - Clermont-Ferrand. Ces cantons n'incluent

25 SEMA Forez conservatoire Rhône-Alpes des espaces naturels, Les monts du Forez, guide du patrimoine naturel de la région Rhône-Alpes n°14

26 MAZIOUX J.P., Le pays de Noirétable, essai d'histoire locale, imprimerie Dumas, 151p.

pas de grosses agglomération, toutefois ils se trouvent à équidistance de Clermont Ferrand (40 minutes) et de Saint-Étienne (50 minutes).

Figure 17 : Carte des voies de communication

Source : SOULIER Marie-Laure - août 2010 - MapInfo 7.5

Il convient de remarquer que les sept créateurs d'entreprises rencontrés sont conscients des réalités géographiques et temporelles quant à la desserte des marchés depuis leur lieu de production. Le positionnement géographique des Monts du Forez est pour eux un atout non négligeable car l'accessibilité du territoire leur permet de commercialiser plus facilement leurs produits et leurs services. En effet, le territoire ne souffre pas de l'enclavement ; cependant les contraintes géographiques (escarpement, vallées) accroissent les difficultés de communications internes, en particulier pour le canton de Saint-Georges-en-Couzan. Le relatif éloignement des pôles d'activité économique a valu a ces cantons d'être classés par l'INSEE dans le rural isolé.

Notons également que le passage de l'autoroute dans les Monts du Forez favorise non seulement l'accessibilité du territoire pour les producteurs mais elle participe également à faire connaître au grand public (au moins de nom) cet espace.

Figure 18 : Photographie yaourts des Monts du Forez

Source : www.fermedechapt.fr - Photo : Elise TURLAN & Olivier BREAL

Cet aspect représente un autre atout pour les créateurs d'entreprises qui lient leurs produits au territoire et utilisent l'image avec une connotation positive de moyennes montagnes comme stratégie marketing.

"Quelles sont pour vous les caractéristiques du territoire?

On est bien placé, on est à 80 kms de Clermont, 80 km de St Etienne, il y a l'autoroute qui passe ; on est à 3/4 d'heure de Clermont et de St Etienne. On descend 3 fois par semaine en ville ; on a des couts de transports élevés mais on utilise aussi l'image de Noirétable sur nos yaourts. Il y a des gens qui viennent à Noirétable parce qu'ils ont nous identifiés. On ne cherche pas à nous mettre en avant ce n'est pas ce qui m'intéresse."

Entretien avec créateur d'entreprise agrirural - Les Salles - le 7 juillet 2010

Ainsi, le territoire des Monts du Forez a un véritable rôle a jouer dans la création d'activités autant par ses aspects géographiques que par ses aspects sociologiques.

2. Un territoire en transition qui bénéficie d'une image à connotation positive

Figure 19 : Carte typologique des campagnes dans la Loire

Source : SOULIER Marie-Laure - août 2010 - MapInfo 7.5

Comme l'indique la carte de la typologie des campagnes de la Loire, le périmètre d'étude de la Maison des Services est classé dans le rural en transition.

> Les aménités du territoire

Les anciens cantons agricoles fortement boisés et parfois escarpés de ce territoire furent affectés par l'exode rural, désormais cette région se tourne vers une économie à la fois plus résidentielle et plus tertiaire. Si l'on en croit cette carte, les Monts du Forez représentent des espaces dans lesquels plusieurs futurs seraient encore possibles, grâce un contexte de densification lié à une attractivité renouvelée du foncier. Les Monts du Forez seraient donc séduisants et favoriseraient l'établissement d'activité rurale.

En effet, si l'on en croit les porteurs de projets rencontrés, ainsi que le notaire de Noirétable, le foncier reste très abordable dans les Monts du Forez. Ce facteur explique que de nombreux candidats à l'installation regardent du coté des moyennes montagnes pour s'y établir ; toutefois, le foncier y est également rare et difficile d'accès pour quelqu'un qui n'est pas du milieu agricole.

Figure 20 :Les Monts du Forez Figure 21 : La maison Forezienne

Source : Photographie personnelle - mai 2010 - Saint George en Couzan

Source : Photographie personnelle - mai 2010 Sauvain

Les Monts du Forez séduisent également pour leurs paysages vallonnés et leur habitat spécifiques ; la maison avec la galerie Forézienne est typique des Monts du Forez ; autrefois, elle permettait de faire sécher les vivres (haricots...).

> ~ qui permettent une inversion des tendances au niveau démographique

Au regard de ces éléments, nous ne sommes pas surpris de constater que les cantons de Boën, Noirétable et Saint-Georges-en-Couzan connaissent des évolutions démographiques positives, bien que la densité de population reste faible par rapport au département de la Loire (25 habitant/km2 contre 155 pour le département de la Loire).

Tableau 1 : Situations démographiques

Recensements

1982

1990

1999

2007

Noirétable

4524

4185

4007

4104

Boën

10907

10937

11172

12231

St George en Couzan

4727

4201

3838

3846

Département de la Loire

739521

746288

728524

740659

Source : INSEE, RGP 1982-2007

En effet, on observe, entre 1982 et 2007, un arrêt de la baisse régulière et continue de la population du canton de Boën depuis le début du xxème siècle. Cette reprise de la croissance s'explique par un solde migratoire positif et en progression depuis 1982. La politique municipale d'amélioration de l'image de la ville (réfection de la place, rénovation de certaines façades...) semble expliquer ce regain d'attractivité. La proximité de la plaine du Forez et de ses pôles économiques, des routes nationales Boën - Feurs et Boën - Montbrison ainsi que le pôle d'activités que constitue la ville de Boën semblent contribuer à ce phénomène. Toutefois, l'évolution démographique est inégale selon les communes : si les communes davantage situées dans les Monts perdent de la population (soldes naturels et migratoires négatifs), les communes situées le long des axes routiers ou bien à proximité des villes de Montbrison et de Feurs ont tendance à accroître leur population. Concernant l'arrivée de nouvelles populations, on peut distinguer notamment :

- Une population pratiquant des migrations journalières en direction des pôles d'emploi de la

plaine du Forez vers Saint-Etienne, Saint-Galmier, Montbrison, Saint-Just-Saint-Rambert... (phénomène de périurbanisation).

- Un public en difficulté, socialement et professionnellement, posant les questions de son

intégration locale.

Concernant le canton de Noirétable, la baisse régulière et continue du depuis 1901 se ralentit. Cela est lié au solde migratoire, devenu positif sur la période 1990-2007, mais qui ne suffit pas à compenser l'effet d'un solde naturel négatif . Ce schéma s'observe sur la quasi-totalité des communes du canton. Le canton de Noirétable accueille des habitants, par exemple sur les 26 % de la population recensés dans le canton en 1999 qui n'habitaient pas la même commune en 1990, 47 % provenaient d'un département différent. La proximité du Puy-de-Dôme participe à l'explication de ce phénomène. Cette attractivité du canton de Noirétable concerne notamment :

- Des couples de retraités, dont au moins une des deux personnes est native de la région. Il

s'agit de personnes relativement aisées constituant un vivier de compétences éventuellement mobilisables.

- Un public en difficulté. D'ores et déjà une dizaine de familles, en provenance du Puy-de-

Dôme (Clermont-Ferrand) qui nécessite une action d'ordre social, bénéficient de mesures d'accompagnement.

Quant-au canton de Saint-Georges-en-Couzan, la démographie semble se stabiliser entre 1999 et
2007 marquant une pause face à la baisse régulière et continue de la population du canton depuis

1911. Le faible développement tertiaire de ce canton et la baisse des emplois agricoles expliquent cette évolution toutefois le canton attire des touristes du fait du domaine skiable de Chalmazel et des villages médiévaux.

Cependant, bien que l'on note un regain démographique dans les Monts du Forez, on constate également que la population est vieillissante. Conformément à ce qui se passe dans le département de la Loire et dans l'arrondissement de Montbrison, la proportion des plus de 60 ans dans la population totale augmente et figure parmi les plus élevés du département. Parallèlement, la part des moins de 20 ans ne cesse de diminuer depuis 1982, du fait de la baisse des naissances dans ces cantons. Ces évolutions expliquent le déficit du solde naturel rencontré dans de nombreuses communes.

Les montagnes ont toujours présenté des particularités économiques et démographiques en raison des caractéristiques naturelles ; les évolutions importantes qu'elles ont connues ces dernières décennies n'ont pas effacé ces originalités. En passant d'une économie agro-pastorale à une économie touristique, les Monts du Forez sont devenus attractifs ; les activités et les systèmes d'emplois demeurent toutefois marqués par la prédominance de petites entreprises et par la pluriactivité. Cette réalité économique et sociale s'écarte plus ou moins fortement des grands schémas d'analyse utilisés pour l'ensemble de l'économie nationale, d'autant plus que nous sommes en présence d'un espace rural en transition où le secteur primaire est encore très présent.

3. Une économie Forezienne où le secteur agricole est encore très présent

Comme le rappelle J. PERRET27, il faut remarquer que l'économie de montagne, a toujours été plus ou moins confondue avec l'économie agricole, le recensement agricole restant l'outil de référence pour connaître la vitalité rurale.

> L'élevage : un système dominant dans les monts du Forez

Les Monts du Forez restent un territoire marqué par l'agriculture. En effet, les 776 exploitations recensées en 2000 représentent encore 15% des emplois de ces cantons (866 emplois), malgré une forte chute de leur nombre (- 350 entre 1988 et 2000) due aux crises, à la faiblesse des installations et à la forte concurrence des exploitations pour les terres laissées libres. Toutefois, les départs à la pré-retraite et les fortes incitations à l'installations des jeunes dans le département de la Loire, dés 1992, ont été à l'origine d'un rajeunissement de la population agricole dans les années 2000. Ainsi, selon de recensement général agricole de 2000, la part des plus de 55 ans avait reculé de 41 à 28% des agriculteurs et celle des moins de 40 ans était passée de 25% à 29% ce qui situé le Forez au dessus de la moyenne nationale située à 25%.

La profession agricole est particulièrement organisée dans les Monts du Forez. Impliqués dans la vie locale, les agriculteurs sont représentés dans les travaux de réflexion sur les documents d'urbanisme et les projets d'aménagement.

"Il y a un tissu humain comme sur Noirétable qui est le plus important. Tout s'est toujours bien passé pour nous, nous avons été soutenu et aidé par les locaux. On a bénéficié des prêts de matériels et puis on a trouvé un groupe d'ami qui se sont installés en même temps que nous, on s'est entraidé pour la livraison des produits ça a beaucoup contribuer a notre établissement... On a travaillé beaucoup en entre-aide à tous les niveaux."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirural - Noirétable - 10 juin 2010

27 Sous la direction de MATHIEU N., L'emploi rural, une vitalité cachée, L'Hermattan, Paris, 1995, 186p.

De nombreuses structures rapprochent les producteurs et facilitent les installations agricoles : les groupements, Coopérative d'Utilisation de Matériel Agricole (CUMA), comités de développement agricole animés par les techniciens de la Chambre d'Agriculture, réseau accueil à la ferme (association "Bienvenue à la ferme" et "accueil paysans"), réseau de fermes écoles et fermes pédagogiques (association Sildéa). En revanche, la concertation sur la mise en marché des produits semble encore peu développée.

Les Cuma ont fait la preuve que, même si la mécanisation parait nécessaire au développement économique des exploitations, elle n'est pas toujours nécessaire en possession individuelle. Les Cuma permettent d'utiliser en commun un matériel spécialisé et polyvalent a moindre frais. Mais comprendre le mouvement Cuma par la simple réduction des charges est extrêmement réducteur. Elles permettent également de fidéliser une main d'oeuvre compétente. Les Cuma offrent enfin une certaine forme de sociabilité : elles constituent un groupe où les agriculteurs peuvent se rencontrer, discuter, échanger leurs points de vue... La formule Cuma a connu un véritable succès qui s'explique par l'héritage de la JAC, la volonté de se moderniser, le dynamisme de certains hommes... Mais la Cuma n'est pas une panacée. Pour la croissance du nombre de Cuma, le développement de certaines activités de la fédération départementale va être capital, particulièrement en ce qui concerne l'animation et l'appui au groupe, les services de comptabilité des Cuma, et la création de nouvelles activités. Elle apporte des services et appuie les Cuma au quotidien. Le réseau a développé en son sein depuis le début de véritables réseaux techniques qui aident les agriculteurs dans la modernisation et la mécanisation de leur exploitation. Ces réseaux techniques se sont développés parce que la formule Cuma est mobilisée par les agriculteurs lorsque leur projet nécessite l'acquisition d'équipements spécifique mais aussi parce que les responsables fédératifs ont affiché dès le début leur intention de participer a la mise en place d'une véritable coopération au sein du mouvement. Le réseau joue un rôle d'éducation populaire, ce qui explique la capacité des Cuma a s'engager dans des actions innovantes (motorisation, ensilage, environnement...). A partir d'un champ relativement limité, celui du machinisme, le mouvement s'est constitué comme une organisation avec des valeurs politiques et sociales. Les Cuma posent avec acuité et précocité quelques-unes des questions essentielles de la société (productivité, environnement...).

Mémoire M2 recherche par Solen Billon : DEVELOPPEMENT D'UN MOUVEMENT COOPERATIF POUR AFFRONTER LA MODERNISATION AGRICOLE : De la Cuma a la fédération départementale d'Ille et Vilaine (1945-1970)

Les Monts du Forez apparaissent également comme un territoire herbagé dominé par l'élevage bovin lait ou viande. 86% de la SAU est constituée d'espace herbagé. Pays herbagé le Forez est d'abord tourné vers l'élevage bovin avec une dominante lait qui a tendance à diminuer au profit de la viande. La nombre de vaches allaitantes progresse fortement entre 1988 et 2000, les éleveurs laitier utilisant le bourse d'échange pour convertir leurs quotas lait en Primes Vaches Allaitantes (PMTVA) ; aujourd'hui les choses se calment car il est plus difficile d'obtenir des PMTVA sur le département de la Loire.

A noter également : la valorisation du lait avec l'AOC Fourme de Montbison sur les cantons de Montbrison, Saint-Georges-en Couzan et Noirétable.

Figure 22 : Carte des productions agricoles en Rhône-Alpes

Source : Agreste, RGA 2000

En effet, deux Appellations d'Origines Contrôlées (AOC) sont présentes sur le territoire : La Fourme de Montbrison et le vignoble des Côtes du Forez qui doit son développement à l'action de la cave des Vigneron Forezien en 1961. Elles apparaissent toutefois peu dynamiques du fait d'une promotion insuffisante et d'une commercialisation limitée en dehors du Forez.

Marqués par des systèmes bovins dominants, les autres systèmes de productions se développent peu, si ce n'est la production équine (le Forez est la deuxième région de France pour l'élevage de chevaux de trot) et la production de volaille ; particulièrement importante sur Boën et Feurs, elle se diversifie pour s'orienter vers le poulet de chair, les dindes et les canards.

Parallèlement à l'agriculture, le territoire dispose d'entreprises motrices héritées d'une tradition industrielle.

> Les autres secteurs économiques du territoire

La métallurgie et le travail des métaux dans la mouvance de Saint-Etienne et de la coutellerie thiernoise ont structuré l'emploi et l'activité de ces cantons. Ces secteurs ont été durement touchés par la crise économique provoquant des licenciements, des fermetures, une réorganisation des activités (processus d'externalisation...) et une baisse de la population. Aujourd'hui, l'industrie représente 1 560 emplois soit 27 % des emplois du territoire.

Notons également une progression du secteur tertiaire. Il représente la moitié des emplois de ces cantons (2 775 emplois). Ces emplois se trouvent principalement dans l'éducation, la santé, l'action sociale, l'administration et les services aux particuliers. Le tourisme et la filière bois représentent deux activités à fort potentiel pour le territoire. Ces deux activités semblent offrir des perspectives de création d'activités importantes, liées au patrimoine naturel et culturel du territoire.

De plus, un tissu artisanal et commercial dynamique est en renouvellement sur le territoire . En 1997, 773 entreprises artisanales et commerciales y étaient implantées dans ce territoire. Elles composent la majorité du tissu économique local. En effet, 90% des entreprises28 ont moins de 10 salariés. Ces entreprises sont principalement concentrées dans les bourg-centres. L'activité artisanale reste dynamique malgré des difficultés de reprise des entreprises et de recrutement. La dynamique commerciale est a nuancer selon le type d'activité et les cantons. De nombreux commerces ont disparu dans l'alimentation générale, les bureaux de tabac, les boulangeriespâtisseries, les boucheries-charcuteries.

Toutefois, les multiples crises sociétales auxquelles nous sommes confrontés pourraient peut être favoriser le renouveau démographique ainsi que le maintien et le développement de l'activité commerciale.

E. Les crises envisagées comme des éléments moteurs pour les espaces ruraux fragiles?

Les diverses crises que traverse notre société sont sources d'interrogation sur nos méthodes de production mais aussi sur nos façons de consommer. Toute la question est de savoir si ces crises peuvent elles ou non influencer la création d'activités nouvelles sur les territoires en réaction à ce que nous vivons.

1. Une société Française marquée par des crises agricoles, sanitaires, économiques et sociales

A l'heure où la société attache de plus en plus d'importance à la production ainsi qu'à la commercialisation des productions agricoles, il semble important de revenir sur les crises traversées par le monde agricole.

> Des crises agricoles et sanitaires...

Depuis trente-cinq ans, les agriculteurs doivent se battre pour valoriser au maximum les productions afin de compenser la baisse des cours. C'est une course permanente à la productivité, à la spécialisation, à la modernisation et aux rendements. Les orientations régionales traduisent un équilibre fragile et sans cesse recomposé entre la taille des exploitations, le choix des produits et le niveau des prix. Jusqu'en 1985, ces équilibres ont été maintenus dans l'ensemble grâce à l'expansion des marchés et au rôle des financements communautaires. Depuis cette date, la Politique Agricole Commune (PAC) est dans l'impasse, l'agriculture Française est en première ligne de cette affaire. Tout commence avec le lait qui est alors le meilleur moyen de valoriser la production de la petite exploitation, fut le premier à connaître le régime des quotas en 1984 ; les rendements des vaches laitières ont fait des progrès énormes, le marché communautaire est saturé et sans possibilité d'exportation.

L'agriculture se trouve depuis placée au coeur des débats de société. Le productivisme a atteint ses limites. Les réformes de la PAC témoignent surtout de l'impasse globale dans laquelle elle s'est enferrée et ce dans le domaine économique, social et écologique. De ce dernier point de vue, la situation est paradoxale puisque l'agriculteur est à la fois le gardien du terroir, dans le même temps on l'incite à polluer pour produire plus. Plus généralement, les logiques du marché imposent la recherche d'une rentabilité par la quantité. Ce sont ces éléments qui font que le monde agricole est parfois montré du doigt par la société. De plus, la situation sociale du monde agricole est affectée d'une précarité croissante. En attendant une réforme fondamentale de la PAC, les subventions européennes et nationales continuent d'aller aux exploitations les plus "productivistes", au

28 Entreprises cotisant aux Assedic en 1999

détriment des exploitations familiales, petites ou moyennes qui cherchent la qualité car c'est pour elles le seul moyen de tirer leur épingle du jeu.

Dans le même temps, l'agriculture est frappée par diverses crises sanitaires qui vont vers une remise en cause du modèle. La crise de la vache folle a commencé en 1995 au Royaume-Uni par l'apparition de dix cas de la maladie de Creuztfeld-Jacob atypique, transmise a l'homme par la viande bovine. En 1998, les recherches montrent que ce sont les farines animales insuffisamment chauffées qui sont le vecteur de la maladie qui se transmet par le prion. La crise de la vache folle s'est immédiatement répercutée sur la consommation de la viande bovine. La consommation s'est reportée sur la viande ovine, les volailles, le poisson. Au printemps 2001, l'épidémie de fièvre aphteuse a fait chuter la consommation de viande ovine. Les prix a la production ont baissé, entrainant une rétention du cheptel qui devait être commercialisé. Paradoxalement, les prix a la consommation se sont élevés, la demande se reportant sur les viandes de qualité supérieure et sur le bétail offrant toutes les garanties de traçabilité. De nombreux éleveurs ont fait les frais de cette crise.

Ces crises sanitaires a répétition et le débat sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), ont abouti a la mise en cause du modèle productiviste agricole et contribué a nourrir les réflexions sur le développement d'une agriculture durable, respectueuse de l'environnement, des paysages et des sociétés. La demande en produits issus de "l'agriculture biologique" a augmenté rapidement.

> A la recherche d'une alimentation saine

Le retour a la terre et les produits provenant directement de la ferme constituent une nouvelle tendance dans le domaine de l'agroalimentaire. Que l'on soit en France ou en Amérique du Nord29 le consommateur demande de plus en plus une agriculture alternative, a taille humaine. En effet, on assiste a un engouement sans précédent pour les aliments biologiques : aux États-Unis ; selon une enquête de ZINS BEAUCHESNE et associés, effectuée auprès de 600 consommateurs québécois, 84,6% d'entre eux achètent au moins occasionnellement des produits biologiques, et environ un cinquième des ménages prévoient d'augmenter leur consommation de produits biologiques au cours des prochains mois.

Les consommateurs développent une curiosité accrue au sujet de la provenance et des méthodes de fabrication des produits. Le vieillissement de la population, l'augmentation du niveau de scolarité, une plus grande diffusion de l'information, l'accroissement du taux d'obésité chez les jeunes, les reportages a sensation (p. ex. : «Pièces a conviction sur France 3»), le phénomène de "malbouffe" ainsi que les scandales liés a la sécurité et a la salubrité des aliments ont largement contribué a cette tendance qui progresse dans la société vers la recherche d'une alimentation plus saine. Par ailleurs, le mouvement croissant du «slow food» (par opposition au «fast food» et a la production de masse industrielle) a contribué a promouvoir les produits frais et locaux, les productions artisanales, l'agriculture durable et le plaisir de cuisiner et de prendre son temps pour manger. Ce courant ne peut qu'être bénéfique aux tendances agricoles qui souhaitent se dégager des modèles dominants.

Les consommateurs sont de plus en plus conscients du rôle majeur d'une alimentation saine dans l'amélioration de leur santé et celle de leur famille. Dans cette optique, ils ont de plus en plus tendance a se méfier des produits de masse, a rechercher davantage les produits "santé", frais et de meilleure qualité. Dans un tel contexte, l'agriruralité a travers l'agrotourisme peut saisir cette

29 Mémoire Master 1 géographie et aménagement par Marie-Laure SOULIER, La valorisation des productions agricoles locales, les circuits courts de distribution et le développement de l'offre agrotouristique dans la région Centre-duQuébec , 2009

opportunité pour se positionner comme une alternative crédible qui pourrait répondre aux besoins et attentes des consommateurs.

Paradoxalement, le phénomène de mondialisation qui s'est intensifié au cours des dernières décennies et la consommation de masse qui en a découlé, ont contribué a accentuer l'intérêt des consommateurs envers les produits plus authentiques, spécialisés et personnalisés : les produits régionaux et du terroir qui impliquent le travail d'un artisan (ou artisan-producteur) répondent à des besoins d'authenticité, de tradition, de qualité, de spécificité et de provenance.

Notons également que les porteurs de projets agriruraux actuels sont des consommateurs et des citoyens qui sont sensibilisés à ces questions. Nombre d'entre eux, sont grandement motivés pour s'installer sur une exploitation qui combine des activités respectant des pratiques durables. Ainsi, les candidats à l'installation sont bien conscient qu'ils devront utiliser les ressources locales, les protéger et les utiliser afin de tendre vers des productions de qualité et qu'ils devront utiliser d'autres canaux de commercialisation s'ils souhaitent réussir.

L'économie des ressources est une composante importante de l'agriruralité. L'agriruralité est bien souvent synonyme d'agriculture biologique, d'agriculture biodynamique, d'agriculture intégrée, d'agriculture à bas niveau d'intrants, ect. Si l'on cherche encore à obtenir une production maximale par unité de surface, l'agriruralité rime avec réduction des impacts négatifs pour l'environnement. La mise en valeur du territoire est un des rôles des activités agrirurales, elle est une nécessité pour la conservation du patrimoine et des ressources locales. La valorisation des ressources locales, par l'utilisation de sources d'énergies disponibles sur place, ou la culture et/ou l'élevage de variétés et races anciennes permet non seulement de valoriser les ressources disponibles au niveau local, mais également de les conserver pour les transmettre aux générations futures. Il s'agit d'éviter l'abandon de territoires menacés par l'enfrichement, de permettre que les paysages restent diversifiés et de sauvegarder les milieux favorables à une faune et à une flore sauvage dont la survie dépend du maintien de l'activité humaine. De même, la mise en place de pratiques de valorisation de l'environnement, la restauration de savoir-faire anciens, ou la réhabilitation d'un patrimoine local (au travers de l'agrotourisme par exemple) peuvent présenter des atouts non négligeables pour le territoire d'installation, et permettre d'établir des partenariats avec d'autres acteurs locaux.

Les pouvoirs publics semblent se préoccuper de la gestion et de l'utilisation du territoire puisque le loi du 4 février 1994 sur l'aménagement du territoire prévoit la "protection des écosystèmes, des zones humides, la restauration des réseaux de haies pour améliorer l'insertion paysagère des bâtiments agricoles, la prévention contre les incendies, l'entretien des zones naturelles d'expansion des crues de rivières". L'agriruralité a peut être un rôle a jouer dans la participation à ce que l'on pourrait appeler la création d'une richesse collective, elle pourrait être à ce titre rétribuée par la puissance publique ou le consommateur. C'est l'idée que développe au Kyrgyzstan, dans les montagnes qui dominent le lac Issyk-Kul, le Centre Environnemental Régional pour l'Asie Centrale en Franssouski. Il s'agit d'un projet de protection d'un bassin versant et de gestion durable des milieux agricoles qui démarre actuellement. Il s'agit de mettre en place une méthode pour gérer le bassin versant en implantant un système de paiement pour services environnementaux. L'idée part du principe que les agriculteurs et les forestiers, en ayant une utilisation raisonnable du sol dans les zones d'amont du bassin versant, produisent des services dont vont bénéficier les populations d'aval : eau de bonne qualité, diminution de l'érosion, ressource en eau plus stable pour l'irrigation. Il s'agit ainsi de lutter contre les problèmes de surpâturage et de surexploitation de la forêt en amont en créant un contrat qui va lier les populations d'amont et d'aval : celles d'aval fournissent une rémunération a celles d'amont, qui changent leurs pratiques pour en adopter de nouvelles plus soutenables, et ainsi d'alimenter de nouveaux services environnementaux.

L'agriruralité s'inscrit ainsi dans la transformation de l'espace agricole en espace rural ; cette tendance s'inscrit dans la continuité des concepts de la multifonctionnalité, de la pluriactivité et de la diversification.

2. La figure agricole de moins en moins présente dans les espaces ruraux

B. KAYSER30 montre que s'il est vrai que les agriculteurs sont devenus minoritaires dans les campagnes, cela n'empêche aucunement le maintien de formes renouvelées de la ruralité qui s'expriment sous "la forme d'un rapport de la société à l'espace". Avec la monté de l'individualisme dans la société Française et la diminution du nombre d'agriculteur dans les campagnes, la figure agricole s'est effacée ; elle a été diluées. Des concepts clés pour le développement agricole actuel ont été développés et introduits dans la PAC dans les années 1990. Les concepts de multifonctionnalité, de diversification et de pluriactivité sont utiles à la compréhension de l'émergence des exploitations agrirurales car l'agriruralité est la résultante de ces concepts.

> La multifonctionnalitéLa notion de multifonctionnalité de l'agriculture est apparue au sein des textes français dans

la Loi d'Orientation Agricole de 1999. Elle prend en compte le fait que les activités mises en oeuvre dans un système d'activités agricoles ont un impact sur le tissu économique et social rural ainsi que sur l'environnement. La multifonctionnalité de l'agriculture fait appel aux rôles multiples que l'activité agricole peut jouer en milieu rural ou péri-urbain. Les dernières versions de la PAC accordent de plus en plus d'importance à la notion de multifonctionnalité, dans le but que se développe une agriculture qui soit créatrice d'aménités rurales31, et qui participe au maintien ou à la création d'un tissu social et économique indispensable à la survie des zones rurales.

Ce concept se pose en opposition à la fonction essentielle de production qui a été l'axe du développement agricole depuis la 2ème Guerre Mondiale. D'une manière plus générale, les conséquences d'un tel schéma ont été la structuration de la profession, la spécialisation des exploitations, l'artificialisation des milieux, causant parfois des dégâts environnementaux, et une insertion sociale des agriculteurs qui ne se fait plus localement dans le voisinage, mais dans la profession qui devient la communauté de référence.32 La mise en avant de la multifonctionnalité, qui s'est réalisée notamment en réponse à une demande sociale au niveau européen, permet de prendre en compte les impacts que peut avoir l'activité agricole sur le territoire par la production de biens et services, marchands ou non marchands, économiques, sociaux, environnementaux ou culturels.

> La diversification

L'idée de multifonctionnalité appelle directement l'idée de diversification des systèmes agricoles. La diversification peut être appréhendée sous deux angles différents. Cela peut correspondre d'abord à la diversification des cultures, qui peut avoir des avantages environnementaux par la pratique de rotations permettant une utilisation moindre d'intrants, et par la diversification des milieux. Cela peut correspondre également à la diversification des ateliers, et à l'intégration d'activités de valorisation de la production (vente directe), de l'outil de production (ferme pédagogique), ou du territoire (agrotourisme). Dans ce second cas, un système diversifié met en avant la multifonctionnalité de l'agriculture grâce à la prise en main de l'impact qu'il peut avoir sur l'environnement économique, social et naturel local.

30 KAYSER B., la renaissance rurale, Armand Colin, 1990

31 Les aménités rurales, dans ce cas, sont des conséquences secondaires de l'activité agricole qui ont un effet positif sur l'environnement naturel et socio-économique (exemple : maintien d'un paysage bocager)

32 MÜLLER, P., 1991

> La pluriactivitéLa notion de diversification est souvent proche de celle de pluriactivité, tant dans les esprits

que dans les textes. En effet, il est parfois difficile de savoir si les personnes qui travaillent sur un système diversifié sont pluriactifs ou monoactifs, car leur système est souvent basé sur la mise en oeuvre d'activités relevant de plusieurs métiers différents (par exemple maraîchage, vente directe et accueil pédagogique). Par rapport aux deux concepts précédents, l'idée de pluriactivité est plus en relation avec le statut fiscal et social des exploitants, ainsi qu'avec la constitution du revenu des ménages agricoles (voir tableau 3).

Depuis les années 60, les revenus des ménages agricoles intègrent une part de plus en plus importante de Revenu Non Agricole (RNA)33 : on parlera alors de personne ou de ménage pluriactif. Malheureusement, il n'existe pas de définition statistique ou officielle du RNA. Globalement, on peut dire qu'il correspond aux revenus perçus d'activités extérieures à l'exploitation (par l'exploitant principal ou son conjoint), de diverses prestations sociales accordée au ménage, et d'activités para agricoles (entreprise de travaux agricoles, entretien de chemins communaux, accueil) soumises à des régimes d'imposition différents de celui du bénéfice agricole34.

C'est depuis les années 80 que les lois d'orientation agricole commencent à évoquer les effets bénéfiques de la pluriactivité pour le maintien d'un tissu économique et social rural. La création des EARL35 et l'extension en 1988 de la définition juridique de l'activité agricole36 va dans le sens d'un développement de ce type d'activités. De même, les dernières versions de la PAC qui vont dans le sens du soutien à la multifonctionnalité et a la pluriactivité en tant que travail a l'extérieur de la ferme (entretien de chemins, ...) avec notamment le découplage des aides par rapport a la production afin de favoriser la production de biens collectifs. Cependant il serait faux d'affirmer que la pluriactivité est une tendance « nouvelle » de l'agriculture : la pluriactivité n'était pas rare dans les fermes du XIXèmè siècle où les acteurs du « collectif » (les exploitations regroupant souvent au delà du cercle familial) étaient amenés à pratiquer diverses activités pour la pérennisation du système37. Avec la vague de modernisation et de mécanisation de l'agriculture, la pluriactivité a beaucoup diminué chez les agriculteurs.

Toutefois comme le précise A. Simon38, les montagnes Françaises représentent un cadre privilégié pour le développement des pratiques pluriactives, la saisonnalité permettant aux agriculteurs d'occuper leurs temps morts par un autre emploi.

Aujourd'hui, la profession agricole n'est pas forcément en accord avec cette vision de l'agriculture : les pluriactifs sont parfois vus comme "inaptes à répondre aux critères d'excellence technique caractérisant une agriculture moderne", ou exerçant "un cumul inacceptable de revenus qui spolie les "vrais" agriculteurs du foncier agricole dont ils ont besoin et du bénéfice des mesures de soutien à l'agriculture" 39. Les pluriactifs rencontrent alors des difficultés à s'installer et à exercer leurs activités : ils ne bénéficient pas de reconnaissance professionnelle, ni de de statut adapté à leurs activités. C'est ce problème de reconnaissance par la profession, ainsi que le fait que ces

33 BRANGEON ; JEGOUZO, 1992

34 Sont soumises au régime du bénéfice agricole les activités entrant dans le cadre de la définition de la loi 88- 1202 du 30- 12-88, ou les activités n'entrant pas dans cette définition représentant moins de 30% du chiffre d'affaires total, et moins de 50000€.

35 Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée, statut de société permettant de séparer le patrimoine familial de celui de l'entreprise atypique. On parlera d'exploitations professionnelles avec l'idée qu'une exploitation dite « classique » remplit uniquement la fonction de production et valorise sa production au travers de filières longues uniquement.

36 op. cit Loi 88-1202 du 30-12-88, code rural

37 JL Mayaud, 2007

38 SIMON A. La pluriactivité dans l'agriculture des montagnes françaises,Presse universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2002, 515p.

39 LAURENT, C. ; MOURIAUX, M.-F., 1999, p.193

systèmes soient basés sur la mise en oeuvre d'activités diverses nées en opposition au modèle dominant que représente une agriculture spécialisée qui fait que l'on parle aujourd'hui d'activités atypiques.

En un sens, la définition même de la production agricole présente deux aspects contradictoires : d'un coté, la production de masse des céréales, du lait, et d'autres denrées, etc. nécessite beaucoup d'énergie et subit beaucoup de transformation pour être livrée au consommateur. D'un autre coté, l'agriculteur vend ses légumes, ses oeufs, ses volailles en vente directe. Un pas de plus est franchi lorsque l'exploitant ajoute à cela une activité agrotouristique.

La boucle est bouclée lorsque les agriruraux élèvent des chèvres, fabriquent du fromage, le vendent au marché, accueillent sur la ferme des touristes, tout en exerçant durant les temps libres quelques petits métiers de bricolage ou d'affouage. Les équilibres entre ces structures sont différents selon la production agricole, l'autoconsommation et les revenus monétaires. Ces activités permettent en réalité à de très nombreux ménages de mieux vivre, de rester à la campagne, de construire eux-mêmes leur maison et de ne pas grossir le nombre de chômeurs. A travers les entretiens menés, on remarque également que ces activités apparaissent comme une opportunité aux yeux des personnes qui ont perdu leur emploi en ville et qui victimes de la crise économique que nous traversons, souhaitent s'établir en milieu rural afin de vivre et avoir un statut dans la société.

_ " La crise économique que nous traversons est-elle un facteur incitatif pour des candidats à l'installation?

_ Oui, c'est le but premier aussi ; c'est que je suis demandeur d'emploi, je n'ai plus de travail, plus de statut ; je souhaite devenir chef d'exploitation avec toutes les conséquences que ça génère, la surface minimum d'installation, la surface qu'il faut pour avoir ce statut.

_ Est-ce que certains s'installent sans capacité professionnelle?

_ Oui, il y en a qui parce qu'ils ont un bout de jardin, ils ont l'impression de savoir faire pousser des légumes.

_ Quelles sont les ressources valorisées le plus souvent?

_ Le maraichage, les volailles fermières, la vente directe de viande bovine, on sent que l'on se reproche du consommateur. Après il y a des projets que je qualifie d'atypiques : la lombriculture, le safran ; on sent que derrière il y a eu des émissions bien conduites parce que les gens s'y engouffrent ; plus il y a des productions particulières comme les escargots."

Entretien avec la responsable du point accueil installation de la chambre d'agriculture de la Loire - le

19 mai 2010 - Feurs

L'agriruralité s'inscrit dans ce lent processus de remise en question de l'agriculture conventionnelle avec ses systèmes bovins dominants ; elle s'inscrit également dans l'évolution des mentalités dans les campagnes.

3. De l'évolution des mentalités dans les campagnes vers l'agriruralité

La mutation de l'agriculture ne peut pas être isolée des autres mutations de la société Française.

> De la citadinisation des campagnes...

Dans le dernier demi-siècle, le mode de vie urbain, quelqu'en soient les formes s'est imposé partout jusque dans le rural profond. On assiste aujourd'hui a une citadinisation de l'espace rural40. L'étalement périurbain s'étend de plus en plus loin, si bien que les cantons de Boën, Noirétable et

40 BODIGUEL M., Le rural en question, L'Harmattan, Paris, 1986

Saint-Georges-en-Couzan, classés dans le rural en transition, apparaissent dans la troisième couronne de Saint Etienne et Clermont-Ferrand et regagnent au cours des dernières décennies progressivement des habitants : dans les années 1980 pour la canton de Boën ; dans les années 1990 pour celui de Noirétable, alors que la tendance commence seulement à s'inverser pour le canton de St George-en-Couzan comme nous l'avons déjà noté.

Cette tendance s'explique par trois facteurs : d'une part l'utilisation de la voiture dans les déplacements quotidiens de liaisons entre le domicile et le travail ; d'autre part, le moindre coût du logement en fonction de l'éloignement des centres-villes ; il s'y ajoute pour certains, la recherche d'une "qualité de vie", d'autant plus que l'on peut aujourd'hui jouir à la campagne des mêmes avantages qu'en ville. Cette remarque peut sembler banale, elle est pourtant un élément essentiel de la ruralité car par la modernisation des équipements et des modes de vie (eau courante, électricité, utilisation des énergies vertes, nouvelles technologies de l'information et des communication -NTIC), les campagnes ont bénéficié d'un regain d'intérêt.

La "conquête" de l'espace rural par le tourisme est également un élément qui doit être pris en compte dans notre analyse. Le développement des résidences secondaires est un des aspects les plus sensibles de ce mouvement de récupération par les citadins, de l'espace rural, qui prend luimême différentes formes. Les citadins se rendent possesseurs de l'habitat rural abandonné par les exploitants qui en agrandissant leurs exploitations, construisent des stabulations et abandonnent le bâti ancien, vétuste et signe d'un passé dont ils ont honte. On assiste alors à un changement de fonction de l'architecture rurale. Le cadre bâti reste à peu près le même mais son usage est tout autre puisqu'il est transformé en maisons de vacances ou de retraite par les utilisateurs. La résidence secondaire devient un moyen de préservation du paysage, puisqu'elle contribue à la conservation de bâtiments qui tomberaient en ruine s'ils étaient laissés à l'abandon.

Sur le périmètre d'intervention de la Maison des Services, seul le canton de Saint-Georgesen-Couzan, connait une proportion de résidences secondaires en augmentation. En revanche, dans ceux de Boën et de Noirétable, la proportion de résidences principales augmente, même si elle reste inférieure à la moyenne départementale.

Tableau 2 : Résidences secondaires et logements occasionnels sur le périmètre d'intervention

Résidences secondaires et logements occasionnels

1968

1975

1982

1990

1999

2007

NOIRETABLE

406

575

762

651

819

731

BOËN

386

585

764

747

605

560

SAINT-GEORGES-EN-COUZAN

258

367

561

534

583

668

DEPARTEMENT DE LA LOIRE

18 163

22 843

27 342

25 129

21 894

17 991

Sources : Insee, RP1968 à 1990 dénombrements - RP1999 et RP2007 exploitations principales

En fait, dans les trois cantons, la part des résidences secondaires est supérieure à la moyenne départementale ; ils sont attractifs (paysage, cadre de vie) pour des résidents secondaires. Il y a la marque du "tourisme vert" qui exprime le besoin des citadins de retrouver les origines rurales familiales. Outre que ce tourisme est moins onéreux que sous ses autres formes.

D'une façon générale, l'extension du tourisme rural a entrainé la hausse du prix des terres agricoles. Ces répercussions économiques ont rendu nécessaire l'établissement de règles d'urbanisme. Tel fut l'un des objets de la Loi d'orientation foncière de 1969 qui fait obligation aux

communes rurales d'établir un plan d'occupation des sols (POS) spécifiant les zones susceptibles d'être loties et les zones agricoles qu'il s'agit de protéger ; depuis 2001 le plan local d'urbanisme (PLU) remplace le POS.

> A la recomposition des pratiques et des activités

Cette population urbaine ou d'anciens "néoruraux" amalgamée à l'ancienne population rurale, fait de l'espace rural un lieu de résidence et un lieu d'activité qui doit assumer ses héritages. Une société rurale se constitue, qui n'est plus une société paysanne et qui modèle l'espace à son image. Au regard des entretiens menés et des lectures41 faites sur le sujet on se rend compte que généralement, les jeunes issus du milieu urbain connaissent le milieu rural par des séjours de vacances (tourisme vert, vacances au ski), ils retiennent de ce cadre la qualité de vie et la possibilité d'emploi plus facile qu'en ville, d'autres sont issus du monde rural mais pas forcément du monde agricole. Ils reviennent généralement une fois que la structure familiale est créée, ils ont des enfants et souhaitent concrétiser un projet qui leur tient a coeur depuis longtemps. C'est ce que nous explique un couple de porteurs de projets :

_ "qu'est ce qui a motivé votre projet?

_ M. : j'ai un Bac Agricole et j'ai fait une formation en traction animale que j'ai fait au Lycée forestier de Noirétable ; ça c'est fini en jambe cassée (rires), moi j'ai toujours tourné autour de l'agriculture, mes parents étaient agriculteurs : j'ai mon permis poids lourd, je suis laitier là, et puis il y a aussi la campagne, être à la campagne.

_ Mme : on veut travailler pour nous aussi.

_ M. : oui il y a ça et puis que ça se précise je pense aussi que c'est au fait qu'on ait deux enfants, on veut laisser quelque chose, avant on vivait, comment dire, pas sans but, mais du coup il y a les enfants...

_ Mme : ...voila et puis avant ça nous faisait rien de faire des kilomètres, mais là on veut être à la maison pour élever nos enfants.

_ M. : on veut un autre mode de vie.

_ et comment vous est venue cette idée de mêler plusieurs activités?...

_ il y a un peu de tout on voulait pas aller vers une grosse exploitation, à St Bonnet sur le premier projet, il y avait une activité qui tournait avec le poulailler à coté, on aurait apporté autre chose, il y avait aussi pas l'envie de partir seul, ça se fait pas finalement c'est peut être aussi bien.

_ vos critères ont aussi évolué peut être?

_ Mme : oui ca fait longtemps qu'on en parle.

_ M. : mais là avec les enfants, ça concrétise le projet ; et puis du coup l'accueil des gens aussi...

_ Mme : ..moi je n'aurais pas aimé traire les vaches et rien d'autres, j'ai besoin de voir du monde, je veux accueillir des familles".

Entretien avec des porteurs de projets agriruaux, le 3 mai 2010

Etablis sur le territoire, ils ont des réseaux de connaissance, de patrimoine et de formation qui leur permettent de s'intégrer. Ils cherchent donc à se rendre indépendant en créant leur propre emploi ; ils recourent à un minimum d'investissement de départ, en utilisant un éventuel petit pécule mis de coté durant leur emploi salarié, et surtout ils utilisent leurs formations initiales ou leurs expériences professionnelles comme force d'adaptation. Ils suivent une formation spécialisée en agriculture pour en retirer les dotations jeunes agriculteurs (DJA), mais aussi pour apprendre les rudiments du métier d'agriculteur et de cette façon être reconnus par la société rurale. Ils savent que les premières années seront difficiles et que la rentabilité de leur affaire ne sera pas tout de suite au rendez-vous. Deux jeunes femmes porteuses de projets nous expliquent cela :

41 MATHIEU N., l'emploi rural une vitalité cachée, L'Harmattan, Paris, 1995, 185p. - KAYSER B., BRUN A., CAVAILHES J., LACOMBE P., Pour une ruralité choisie, Datar, édition de l'aube, Paris, 1994, 139p.

_" comment vous est venue cette envie d'agriculture?

_ on se connait depuis la fac, après on a travaillé dans des domaines différents, je suis partie dans la gestion des déchets.

_ et moi plus dans la protection de la nature en ornithologie.

_ On a fait de la biologie, et puis moi j'ai fait une école de commerce, c'est pour ça que j'ai fini dans une boite privée de gestion de déchets, la dernière année, je tournais en rond en me disant "je ne fais plus ce que j'ai envie de faire, je fais des comptes de résultats". On faisait de l'argent plus que du développement durable même si on ne faisait pas n'importe quoi, je voulais revenir à quelque chose de plus terre à terre, et puis historiquement quand j'ai commencé au collège j'avais envie de faire de l'agriculture, mais comme j'étais à Lyon, que mes parents n'étaient pas du monde agricole ne comprenaient pas trop ; comme je marchais bien à l'école, mes parents m'ont dit : "continue passe ton bac" et l'agriculture est restée sur le coté, j'ai toujours eu cette envie là! C'est pas facile finalement parce que je me rends compte que là où on va en baver c'est que l'on est pas issu de ce monde agricole en lui même. J'ai l'impression que l'on nous prend un peu pour des rigolotes, c'est les locaux où c'est difficile. Ce n'est pas le regard des accompagnateurs, à l'ADASEA on a pas du tout eu ce regard, c'est plus les locaux.

_ moi ce n'est pas tout à fait ça mes grands parents étaient agriculteurs mais il y a eu un trou d'une génération, je travaillais dans la protection, j'allais faire traverser les crapauds sur les routes, ce n'est pas le manque d'envie, c'est parce que j'étais à Lyon il fallait que la ville s'arrête, il fallait que j'aille vivre à la campagne, ce n'est pas quand on aura soixante balais que l'on le fera.

_ voila c'était le moment, on a 33 ans, s'il faut le faire c'est maintenant.

_ et puis, il ne faut jamais jeter ce que l'on a fait.

_ j'ai côtoyé le monde agricole sur un coté conflictuel, "il faut faucher maintenant, on fauche" et puis avec les jeunes agriculteurs, ça passe mieux : parfois de décaler de 15 jours la fauche ça sauve une espèce.

_ vous suivez une formation agricole?

_ je suis en train de passer le bac agricole, j'avais déjà un bac mais je recommence. Bien c'est sûr qu'il y a les aides, ce sont des investissements lourds donc on va pas les jeter et puis j'apprends quand même des choses même si ça fait pas tout.

Au début c'est sûr que l'on se cassera un peu les dents, c'est vrai que l'on est pas toujours opérationnel au début quand on prend un poste.

_ même si les deux chèvres que l'on a sont encore en vie, elles vont avoir trois mois; la dame chez qui je travaille pour me faire la main me les a donné.

_J'ai une formation d'éducation à l'environnement donc c'était l'occasion de faire partager tout cela, un projet qui se tient au niveau de l'écologie, on a un projet bio et puis ça permet aussi de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier : avec la diversification, avec l'éducation à l'environnement, on est dans un secteur en plein développement. Au début ça va nous permettre d'avoir un fond de roulement non négligeable, surtout au début ça va être difficile.

_ et puis elle a aussi un réseau en plus.

_ oui voila j'ai déjà des réseaux en route, je sais comment on monte des projets pédagogiques, je sais comment on demande des subventions à l'environnement, c'était profiter de ce que l'on peut avoir tout de suite et puis ça m'éclate."

Entretien avec deux jeunes femmes qui souhaitent s'installer en GAEC sur une combinaison

d'activité - le 11 mai 2010

La survie sera souvent assurée grâce au salaire du conjoint. S'ils maintiennent plusieurs activités, ce sera dans des professions qui valorisent au mieux les formations initiales et qui s'articulent avec le projet global, en vue d'arriver à un développement faisant système au niveau de l'exploitation, comme nous l'avons vu plus haut.

Si l'affaire réussit et devient ancienne, ils ne seront pas pour autant reconnus comme étant

d'ici, ils seront toujours des étrangers. En revanche ils peuvent devenir des exemples de réussite et être perçus comme des éléments dynamiques et intéressants pour la société, au point d'être élus au conseil municipal, voire d'en devenir le leader. C'est le cas par exemple de M. TURLAN, de la ferme du Chapt sur la commune des Salles ; installé depuis 1984, élu de sa commune, il n'est pourtant toujours pas considéré comme "étant du pays".

" C'est difficile de s'intégrer. Naus, déjà an a eu du mal à avair accès à du fancier ; avant de pauvair m'agrandir j'ai vu taus les autres s'agrandir, j'ai eu du fancier parce que les autres en avaient assez. Au départ an était regardé camme des chevelus écalas. Après les gens se sant rendus campte que l'an était taujaurs là et que l'an gagne natre vie, peut être mieux qu'eux, danc an suscite de la jalausie. Ban après, an a pas les mêmes centre d'intérêt que les gens an ne jaue pas aux baules, aux cartes. On a fait des effarts paur s'intégrer à travers l'écale, à travers ceci, cela mais ça passe jamais ; au baut d'un mament an en a plus rien à fautre, chacun sa vie.

Au baut d'un mament an ase même plus aller demander du terrain parce qu'an sait que taute façan, an va se faire envayer pramener. Et puis après an fait ses preuves et puis ce sant les prapriétaires qui viennent vaus prapaser leur terre : alars là, ça change.

Paur arriver à tenir, je ne sais pas si c'est particulier à Nairétable, il faut avair un abjectif et être cancentré dessus sans écauter ce qui se dit, parce que sinan an deviendrait neuneu."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirurale - Les Salles - le 7 juillet 2010

L'installation en montagne d'une population active extérieure a de tout temps été problématique, notamment parce qu'elle a provoqué de la part des montagnards un réflexe de survie et de protection de leurs rente. Elle n'est acceptée que dans la mesure où elle ne remet pas en cause le fonctionnement et la reproduction du système économique local.

Enfin, face à la perte des savoir-faire locaux dans la société paysanne ancienne, l'agriruralité se pose comme une alternative entre la remise au gout du jour de pratiques oubliées, comme les fermes pédagogiques qui comme le précise Nadine COUTURIER de l'EARL du Champ Vert à Saint Etienne le Molard étaient une pratique utilisée déjà dans les années 1930, et l'utilisation de techniques résolument modernes tournées vers l'innovation afin d'adapter des productions atypiques en montagne malgré les contraintes climatiques. C'est notamment le pari qu'ont fait les producteurs du Groupement d'intérêt Economique (GIE) des Perles Rouges du Velay, en implantant il y a vingt ans des fraises, des framboises, des groseilles et aujourd'hui des cerises en altitude.

Figure 23 : Logo Perles Rouges des Monts du Velay

Source : http://www.perles-rouges-du-velay.com/histo1.htm

A travers l'agriruralité, il ne s'agit de revenir à l'agriculture de nos grands-parents, il s'agit d'optimiser au mieux les systèmes économiques et d'utiliser pour la partie agricole les pratiques héritées du passé en les combinant aux techniques agricoles nouvelles tout en misant sur l'avenir. En effet, qui aurait cru il y a trente ans que dans les zones de montagnes, on produirait à grande échelle des petits fruits de bonne qualité? C'est pourtant le cas aujourd'hui, parce que les producteurs se sont organisés, ont changé la façon de produire et ont tiré parti du milieu

montagnard ; ils ont su adapter les plants et utiliser des techniques plus respectueuses de l'environnement, et aller jusqu'à créer une nouvelle filière agricole. En pleine expansion, le GIE des Perles Rouges des Monts du Velay recherche actuellement des producteurs jusque dans la Loire. Profitant des dynamiques en place, cette piste peut constituer une opportunité et un atouts pour l'agriruralité dans les Monts du Forez.

Ces Monts du Forez qui au regard des éléments ci-dessus, apparaissent comme un territoire favorable pour le développement de l'agriruralité ; toutefois, jusqu'à présent, les activités agrirurales se sont peu répandues. Il s'agit dés lors de mieux cerner quels sont les obstacles qui limitent l'émergence de l'agriruralité dans les Monts du Forez.

II. Quels obstacles et quels inconvénients limitent l'émergence de l'agriruralité dans les monts du Forez ?

Les obstacles limitant la création d'activités agrirurales sont multiples. Il y a tout d'abord des inconvénients contextuels qui peuvent débouter des candidats à l'installation.

A. Des inconvénients contextuels qui peuvent débouter certains candidats à l'installation

Si le paysage agraire fournit des indices qui permettent d'étudier le contexte agricole des monts du Forez, il ne révèle pas forcément tous les éléments de contexte liés aux structures agricoles42 .

1. L'accès difficile aux structures agricoles

L'accès aux structures agricoles constitue souvent le premier frein à l'établissement de porteurs de projets agriruraux.

> La propriété foncière

La propriété tout d'abord est un terme chargé d'affectivité et de passion : la terre est à la fois un outil de travail indispensable à l'exploitant mais aussi un patrimoine objet de convoitise recherché par des propriétaires non-agriculteurs. Théoriquement le propriétaire peut "user et abuser de son bien", l'exploiter, le louer, le vendre, le laisser en friche si bon lui semble. L'étude de la propriété est donc fondamentale si l'on veut appréhender l'agriculture du territoire. C'est tout l'objet de l'étude que l'ADASEA a mené sur les monts du Forez au printemps 2010 afin de connaître qui sont les exploitants et les propriétaires et quelle est la taille des structures agricoles. Il apparait ainsi que si le foncier est abordable au niveau du prix (1 500€ par hectare), il est très difficile d'accès.

Cependant, au vu des entretiens réalisés avec les créateurs d'entreprises agrirurales (voir le tableau ci-contre) on constate que si le foncier apparait comme un frein, ce dernier n'est pas insurmontable. Au contraire, certains entrepreneurs ont adapté leur entreprise à la problématique foncière qu'ils rencontraient, c'est notamment le cas d'une créatrice d'entreprise agrirurales qui avait hérité de trois hectares de terre et qui souhaitait les valoriser. Pour cela, elle a développé une production d'élevage d'escargots et a créé son emploi en milieu rural.

42 Jean-Paul Diry la définit ainsi : "on entend par structure agraire étudier la propriété, l'exploitation et les modes de fairevaloir qui entretiennent d'étroit rapports entre eux et forment une structure, toute modification de l'un des éléments ayant des répercutions immédiates sur les autres. A l'inverse du système agricole elle est relativement stable.

Tableau 3 : L'accès au foncier par les créateurs d'entreprises agrirurales

 
 

Peu disponible pour

 

Le foncier

 

Madame a

 
 
 

les petites surface.

"difficultés à

est

Le couple

adjoint à

 
 

Difficile :

Difficulté pour

trouver 2-3

abordable.

disposait de

l'exploitation de

 
 

"Quand les

s'agrandir. Achat de

ha". Ici reprise

Installé sur

foncier, le

son époux une

 

accès

voisins se
sont
agrandis
" 4

la maison d'abord
puis des terres en
friches vendues par

familiale :
1974 : 16 ha --
> 35ha -->21

40 ha,
reprise d'une
petite ferme

projet s'est
adapté à la
surface dont le

activité de
ferme
pédagogique. Ils

Il s'est installé
avec son frère,
donc pas de

au

1984 : 26 ha ;

la commune, qu'il a

ha après

abordable

couple

ne souhaitaient

problématique

foncier

2010 : 60 ha.

fallu défricher.

reconversion.

car en ruine.

disposait.

pas s'agrandir.

foncière.

Source : Entretiens CreActE - SOULIER ML - juillet 2010

Les problèmes liés au foncier concernent essentiellement les projets ayant un besoin "important" en terres agricoles (le plus souvent entre quinze et vingt-cinq hectares). Les raisons majeures de ces difficultés sont la pression foncière qui existe dans certaines zones à cause de la volonté d'agrandissement de beaucoup d'agriculteurs. En ce qui concerne les projets agricoles avec des surfaces faibles, les reprises sont difficiles car les exploitations de petite taille partent souvent à l'agrandissement, elles ne sont pas forcément inscrites au répertoire départemental à l'installation (RDI) des ADASEA43. Les choix du cédant agricole et du propriétaire sont donc décisifs dans la transmission, agricole. Si l'on ne prend pas en compte ce facteur et si l'on ne sensibilise pas les cédants agricoles à la transmission on ne peut pas agir. Le fonds régional d'avance au fermage vise a inciter les exploitants et leurs propriétaires à louer à des jeunes qui s'installent avec les DJA en contrepartie d'un bail écrit respectant les tarifs préfectoraux du fermage.

Notons également le problème suivant : les exploitants sont très majoritairement propriétaires des bâtiments, leur lieu d'habitat se trouve également dans la majorité des cas à proximité de l'exploitation. La plupart des cédants ayant vécu toute leur vie sur le siège d'exploitation ne souhaitent pas quitter ce lieu à la retraite. Cela ne facilite pas les installations, surtout si aucune possibilité de logement n'apparait, d'autant plus que les résidences principales dans les cantons de Noirétable, Boën et Saint-George-en-Couzan sont occupées à hauteur de 70 % des logements par des gens qui en sont propriétaires. Le parc locatif se caractérise ainsi par une faiblesse des logements collectifs44, une faiblesse du nombre de locataires et des difficultés pour trouver des logements locatifs de bonne qualité. Le dispositif des Aides à la Transmission d'Exploitation (ATE) vise cet objectif. Présenté aux cédants, il offre des possibilités d'aides à l'exploitant qui libère son habitation.

Ainsi, afin de pouvoir concrétiser leur projet, de nombreux candidats à l'installation agrirurale ayant des projets nécessitant peu de terres (deux-trois hectares) font aujourd'hui appel à des agences immobilières pour trouver une bâtisse ancienne et le bien foncier nécessaire à leur installation. Ces nouvelles tendances se trouvent en dehors des canaux de l'agriculture traditionnelle.

Un autre frein concernant l'accès aux structures foncières concernent le prix des structures.

> Le problème du prix des structures agricoles

Si un certain nombre d'exploitations agricoles ne sont pas reprenables en l'état sur les Monts du Forez, elles constituent néanmoins un potentiel important pour la construction d'offres d'activité agrirurale car elles peuvent composer la base d'un projet agrirural rentable économiquement grâce à l'adjonction d'autres activités économiques. L'avantage principal de ces structures est qu'elles sont abordables financièrement par des porteurs de projets agriruraux contrairement aux exploitations reprenables en l'état qui nécessitent des capitaux importants. En effet, les exploitations non

43 SAUNIE G., SOULIER M.L., Les ADASEA : un outil de promotion de l'agriculture et de proximité entre les acteurs du monde rural, janvier 2010, université Lyon 2, M2 ADR.

44 10% de logement collectif contre 50% au niveau départemental

reprenables en l'état, moins chères car non adaptés aux normes actuelles, permettent dans un premier temps d'avoir financièrement accès à une structure dans un second temps elles permettent aux porteurs de projets d'avancer dans la restructuration de l'exploitation petit à petit ; enfin, elles permettent dés le commencement d'adapter le projet à la structure, alors que l'accès à une exploitation reprenable en l'état nécessitera des capitaux lourds et nécessitera dans un second temps une reconversion destinée à changer de production (exemple : passage du système bovin lait au système caprin, vente de la salle de traite, ect.).

Toutefois, certains créateurs d'entreprises agrirurales ont des perspectives pour la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement :

"Si les choses continuent, on va avoir des exploitations qui courent à la faillite ; ça va peut être libérer des hectares ; c'est peut être une chance de se retrouver face à quatre-vingt hectares qui ne trouvent pas de repreneur, les exploitations vont peut être se diviser ; ce sera peut être une chance pour les petits projets. Nous, on a fait les choses au fur et à mesure ; on avait pas trop d'argent au début pour s'installer ; on a acheté une exploitation un peu délaissée, on l'a retapée peu à peu et on a adapté nos activités. Le souci de nos dix prochaines années ce sera de passer notre outil de travail à nos enfants ou de le céder ou de faire un projet atypique (artisan-boulanger). On a des bâtiments disponibles, parce qu'aujourd'hui trouver un bâtiment et des terres quand on a rien c'est très dur."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirural - Noirétable - 10 juin 2010

Le premier frein sur le chemin du porteur de projets concerne donc l'accès au foncier ; toutefois, une fois la production définie, le candidat à l'installation devra également étudier la façon dont il commercialisera ses produits. Cet élément constitue une donnée essentielle du projet.

2. La question de la viabilité du projet envisagée sous l'angle de l'accès aux marchés

Nous l'avons vu plus haut, les Monts du Forez ont une agriculture peu diversifiée ; on compte notamment peu de cultures délicates, maraichères ou florales, ce phénomène peut s'expliquer par l'éloignement relatif du territoire vis-à-vis des centres urbains.

Figure 24 : Le modèle de Von Thünen

On peut adapter en partie le modèle de VON THÜNEN réalisé au début du XIXème siècle, à la réalité actuelle bien que la majorité des hypothèses initiales soient désormais anachroniques. Von Thünen montre que le revenu à l'unité de surface varie en fonction de la distance à la ville. La spécialisation agricole s'organiserait alors en aires concentriques, pour cela il part de l'hypothèse abstraite suivante : l'existence d'une ville isolée, vivant d'autosuffisance, dans un rapport de complémentarité avec la campagne proche. La réalité, notamment dans notre étude de cas, semble se conformer au modèle. On note, en effet, dans les espaces proches des villes, la présence de ceintures maraichères, la concurrence du foncier urbain imposant des cultures dégageant de forts bénéfices, et en marge des villes, dans le rural isolé, la présence massive de l'agriculture repose sur l'élevage.

Dans les Monts du Forez, on compte notamment très peu d'exploitations agricoles dont les produits soient périssables rapidement. En effet, produire des cultures délicates dans les montagnes implique de lourds investissements, car la distance empêche souvent un accès quotidien au marché. Ainsi, les producteurs doivent transformer les produits frais en produits à forte valeur ajoutée (petits fruits en confitures, escargots conditionnés...). Cela nécessitera souvent de réaliser de lourds investissements (installation frigorifique de grande envergure, séchoir de plantes, atelier de transformation...) pour "tenir" les produits périssables plus longtemps.

Les Monts du Forez sont marqués par des productions de qualité pour ceux qui ont su s'adapter à l'éloignement relatif des marchés en misant sur des produits finis à forte valeur ajoutée et non périssable ; toutefois, l'éloignement relatif vis-à-vis des marchés a des répercutions sur les prix des produits : cet aspect peut renforcer les difficultés économiques des producteurs agriruraux qui devront alors rechercher une clientèle aisée pour écouler leurs produits.

Cependant cet aspect ne semble pas gêner les créateurs d'entreprises agrirurales rencontrés. Tous reconnaissent que le territoire bénéficie d'un positionnement stratégique vis-à-vis des centres urbains où se trouvent les marchés, c'est que nous montre le tableau suivant.

Tableau 4 : Les caractéristiques géographiques du territoire selon les créateurs d'entreprises agrirurales

 

"accessibilité : autoroute ;

"accessibilité :

autoroute, proche des accés ; positionnement géographique, proche de ST Etienne, Clermont, Lyon, à 45 min de

"accessibilité des centres urbains tout en étant dans le

rural profond. Les moyennes

montagnes rendent

"c'est assez central, proximité

des services.

 
 
 
 

position-

Clermont et St Etienne ;

la productions de

Bâti pas

 

"facile

 
 

nement

Moyennes montagnes :

fruits plus délicates

cher. une

"une

d'accés :

"en

 

géographique : proche de St

contraignant pour le démarrage des plants

mais permettent de mieux valoriser la

région agréable en

région touristique

autoroute proche.

montagne, terre de

caractéristique s du territoire / aménités

Etienne, Clermont, Lyon"

MAIS beaucoup de plantes sauvages, diversité de la flore"

production avec une maturité plus tardive des fruits"

montagnes donc assez touristique. "

grâce aux montagnes "

Bonne acces- sibilité"

qualité. Accessibilité"

Source : entretiens CreActE - SOULIER ML - juillet 2010

En effet, le territoire des Monts du Forez constitue une "place centrale" vis-à-vis de St Etienne et de Clermont-Ferrand, car elle bénéficie d'un positionnement géographique stratégique, en étant situé à mi-chemin entre ces deux grandes agglomérations.

Il faut toutefois considérer ce que Christaller et Auguste Lösch appellent la "distance économique". Il s'agit du coût relatif de l'accès à un bien ou un service central. Pour comprendre cela, imaginons une région dans laquelle vivent des habitants aux revenus identiques ; ils sont régulièrement répartis, sauf à l'endroit où la population a tendance à s'agréger. Supposons qu'un magasin de producteurs ou qu'un marché s'installe au centre : tout le monde ne sera pas placé à la même enseigne, puisque les

producteurs qui habitent loin devront ajouter le prix du transport et le prix des investissements (afin de garder les produits frais) à leurs produits ainsi que le temps pour arriver au marché. La loi du marché, selon Christaller, pourrait expliquer d'éventuelles difficultés pour les producteurs à trouver des débouchés et ainsi expliquer que peu de productions agricoles autres que l'élevage s'implantent dans des espaces éloignés des villes.

Effectivement, dans un contexte de libre marché, chaque habitant produit ou consomme en fonction de la maximalisation de son revenu. Le producteur a intérêt à se placer au centre d'une aire de marché afin de diminuer au maximum la distance économique de la clientèle potentielle. Toutefois, dans le cas de productions particulières (escargots, savons au lait de chèvre, confiture aux plantes...), étant donné qu'il ne s'agit pas de produit de consommation courante mais de produits de luxe ou à offrir, on comprend l'intérêt des producteurs à se situer dans une place centrale à deux agglomérations, cela permet ainsi de toucher un maximum de clients potentiellement aisés, les petits marchés locaux ne leur offrent pas de débouchés suffisant pour les producteurs, c'est ce que nous explique une créatrice d'entreprise agrirurale :

"Nous sommes sur les marchés du Puy de Dôme, celui de Vichy entre autre ; on fait aussi le marché de Feurs, puis tous les marchés bio. C'est vrai que l'on a des produits un peu particuliers, on a freiné un peu sur les marchés locaux parce que ce ne sont pas des produits que l'on propose, ce ne sont pas des produits que l'on va offrir tous les jours ; ce n'est pas comme le pain que l'on achète tous les jours. On ne fait pas le marché de Noirétable parce que l'on va perdre notre temps, les gens ne vont pas acheter chaque semaine un pot de confiture au plantes. On essaye aussi de vendre par les magasins de producteurs bio."

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - le 11 juin 2010 - St Didier sur Rochefort

Lors du montage d'un dossier d'installation, il est également nécessaire de vérifier si les aspirations du porteur de projets vont de pair avec les caractéristiques du territoire ; en effet, si les moyennes montagnes ont des aménités attractives, on dit parfois "qu'il faut y être né pour y vivre".

3. La question de la viabilité envisagée sous l'angle de l'insertion au territoire

La viabilité est ici évaluée par rapport à des questions sociales d'insertion dans le territoire. > L'insertion sociale

L'insertion sociale est un facteur essentiel pour le bien être du porteur de projet, et donc pour le bon fonctionnement de son système. Cependant, un autre frein met en cause les conflits d'intérêts et d'usages. En effet, des conflits d'usages agricoles éclatent parfois, ils sont souvent le fait de concurrence de demandes d'autorisation d'exploiter. Obligatoires, elles sont examinées chaque mois en commission départementale d'orientation agricole (CDOA). L'ADASEA de la Loire doit souvent intervenir sur demande de la CDOA au cours de la médiation foncière afin de gérer au mieux les conflits. Si aucun accord local n'est trouvé lors des réunions de concertation organisées par l'ADASEA, la CDOA s'appuie alors sur les priorités définies dans l'arrêté préfectoral établissant le Schéma Directeur Départemental des Structures Agricole, pour accorder ou refuser les demandes d'autorisation. L'étude du contexte relationnel et humain entre agriculteurs doit être menée lors de l'installation d'un porteur de projets.

L'insertion territoriale conditionne ainsi la réussite d'un projet ; cette insertion peut être sociale mais aussi géographique.

> L'isolement géographique

L'isolement géographique peut être une entrave importante pour la réalisation d'un projet. La diversité des activités et des services dans les communes bourg-centres est un élément incontournable pour l'accueil de nouvelles populations et surtout pour le maintien de la population

locale. 49 % des communes du périmètre d'intervention de la Maison des Services disposent de moins de cinq équipements. Le niveau moyen d'équipement de ces cantons reste toutefois inférieur à celui de Rhône-Alpes ; le développement de ce secteur s'inscrit, aujourd'hui, dans un cadre intercommunal.

La distance entre le lieu d'activité et le lieu d'habitation doit être analysée selon les activités qui requièrent une présence fréquente, voire permanente sur le lieu d'activités (animaux, serres, accueil, vente à la ferme, ...), mais également en tenant compte de la famille (main d'oeuvre familiale occasionnelle, et temps de vie familiale). Boën et Noirétable sont deux bourg-centres, chefs-lieux de canton et concentrent la majorité des infrastructures socio-économiques (Collèges, Lycées, salles des sports, médiathèques...). La situation géographique et démographique de Saint-Georges ne lui permet pas d'assurer son rôle de chef-lieu de canton en terme d'équipements.

L'éloignement du bourg peut être évalué en fonction des questions pratiques (trajets, école, services), et de la disponibilité de moyens de locomotion. L'appréciation de cet indicateur pourra se faire notamment en comptabilisant le nombre approximatif de voyages quotidiens à effectuer (école, travail du/de la conjoint(e), ...). L'éloignement du voisinage et du bourg peut, à long terme, avoir des conséquences sur le sentiment d'isolement, que celui-ci soit recherché ou non. Il est ainsi nécessaire lors du montage de projet ou de la recherche d'un candidat dans la construction d'offre agrirurale, de mettre en adéquation le projet de vie et le projet professionnel du candidat. Joël FORTUNIER, de la ferme de la Gilbernie exprime très bien cela :

"_ Quels sont pour vous les atouts ou les contraintes du territoire?

_ Notre clientèle est très variée. Viennent au gîte des familles qui se réunissent pour des fêtes de

famille, c'est assez central, des bretons viennent... Les atouts du territoire, pour nous, c'est que le bâtiétait disponible, pas cher, en même temps on est prêt de tous les services ; les écoles sont à cinq

minutes, à Noirétable il y a tout ce qu'il faut, il y a encore une certaine dynamique avec le village qui se redéveloppe. La difficulté c'est les villages éloignés. Quand j'étais célibataire, bien avant l'installation, je me serais installé n'importe où, le plus loin possible de tout et puis quand j'ai rencontré ma femme qui est plus citadine, on ne voulait pas passer notre temps sur les route, on voulait une qualité de vie. Après c'est vrai qu'il y a le climat, les hivers sont longs mais je trouve que ça sélectionne un peu les gens."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirural - Noirétable - 10 juin 2010

De plus, dans les zones de montagnes il est également nécessaire que le porteur de projets prenne en compte les contraintes climatiques. Les monts du Forez constituent une barrière aux grands flux d'ouest, porteurs d'humidité. Les nuages s'accrochent et sans prévenir la pluie ou l'épais brouillard apparaissent très vite.

Figure 25 : Photographie du col de la loge eneigé

Sources : http://www.monts-du-forez.org/news/index.php/General

L'isolement hivernal constitue notamment un élément important à prendre en compte. Tout au long de l'hiver, les anciens cirques glaciaires sont comblés par la neige emportée des sommets par

le vent de nord-ouest. La présence de cette neige sur ces secteurs dure en moyenne six à huit mois par an.

Nous l'avons vu, il y a des freins contextuels à l'établissement des activités agrirurales ; il y a également des freins liés à la représentation même du concept d'agriruralité.

B. Une perception de l'agriruralité qui ne facilite pas la levée des obstacles

L'agriruralité est un concept méconnu du grand public. Lorsque que l'on utilise ce terme, on se rend compte que de nombreux acteurs s'en méfient car au premier abord il peut sembler "pompeux". Cette perception de l'agriruralité ne facilite pas la levée des obstacles pour les porteurs de projets.

1. Des organismes professionnels agricoles qui ont du mal à s'ouvrir à la ruralité

L'une des difficultés majeures rencontrées par les créateurs d'entreprise est l'hostilité ou l'indifférences du milieu agricole vis-à-vis de l'agriruralité.

> L'isolement professionnel

Comme nous l'avons vu les créateurs d'entreprises agrirurales parce qu'ils combinent plusieurs activités, se situent au marges de différents métiers. Ils recomposent des systèmes professionnels oi se mêlent artisanat, agriculture, commerce, services... En raison de la recomposition de ces petites structures, les agriruraux ne sont pas considérés comme agriculteur par la profession, c'est ce que nous a confié Corinne, créatrice d'entreprise agrirurale :

"on a pas de liens avec les agriculteurs, les gens sont surpris que l'on soit agriculteurs. En général, ils nous voient plus comme des artisans, on a pas de stabulation donc je ne vais pas aller défendre les problèmes du lait avec les agriculteurs, je ne fais pas parti de syndicat agricole. En fait, on fait parti du monde agricole mais on est à part. Quand on va dans le groupement des agriculteurs, on a peu de relations, sauf quand on a besoin d'un coup de main mais je ne pense pas qu'ils nous considèrent comme faisant partie de la famille des agriculteurs".

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - Champoly - le20 mai 2010

Les entrepreneurs agriruraux souffrent ainsi d'un isolement professionnel. Le fait qu'ils soient pionniers et donc plutôt solitaires à l'écart des grands systèmes professionnels explique sans doute en partie ce phénomène.

Beaucoup de créateurs d'entreprises pionniers qui ont aujourd'hui réussi dans la profession affirment que lorsqu'ils se sont lancés personne ne croyait à leurs projets, ces derniers apparaissaient comme marginaux, cet aspect est souligné dans le tableau ci-contre.

Tableau 5 : Aides et soutiens à l'installation agrirurale

 

"Au départ personne n'y

aide de la mairie qui a

"Si installation en bio petits fruits dés la première

"Très bon

 
 
 
 

croyait".

vendu le

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ELI en 2001

 

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lorsqu'il s'est

 

d'amis néo-ruraux, soutien de la famille

2006, ELI, Soutien de

de collègues dans le même domaine de production (dans

entraide avec les

 

"Au départ

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les monts du Lyonnais).

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l'extérieur

néo-ruraux

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ELI

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arrêté

Source : Entretiens CreActE - SOULIER ML - juillet 2010

En guise de soutien, ces créateurs d'entreprises se sont rattachés à leur motivation aux réseaux familiaux et amicaux. Les réseaux qui sont apparus aux cours des entretiens sont, ainsi, de deux types. On trouve d'une part les réseaux de type familial ou amical et d'autre part les réseaux

qui s'établissent sur le territoire autour de mode de vie ou de centres d'intérêts (groupe d'amis néo-ruraux par exemple).

Les projets agriruraux font souvent peur parce que l'on a pas de référence sur des productions atypiques, ce qui constitue un obstacle quant-à la confiance à accorder au projet.

"Aujourd'hui, on peut avoir un projet même s'il n'est pas ambitieux, de vouloir vivre même modestement, mais ça ne passe pas dans les fourches communes du développement agricole, les mini-projets je pense que c'est l'avenir. Pourtant ici on a du mal à attirer des néo. Ce qui est inquiétant c'est le formatage, le matériel, s'installer en grand, les projets de transformation sont encore trop peu pris en compte ; les école d'agriculture ont encore du travail. Et puis, les types qui détiennent le foncier, quand ils ont deux-trois ha à louer, ils louent toujours à la grosse ferme même si elle est en difficulté ; c'est pas dans les moeurs."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirural - Noirétable - 10 juin 2010

Généralement mal à l'aise avec la profession agricole ils sont en recherche de contacts avec des personnes qui ont conduit des expériences semblable à la leur. Il leur manque cependant une reconnaissance plus officielle.

> La méfiance des locaux envers les agriruraux

A ces écueils, s'ajoute l'attitude souvent méfiante des locaux, notamment celle des propriétaires fonciers, vis-à-vis de ces nouveaux habitants qui s'installent à la campagne. Beaucoup de porteurs de projets agriruraux rencontrent des difficultés d'insertion et de crédibilité, face aux cédants, du fait de leur origine non-agricole, de plus leurs projets sont parfois être jugés "farfelus". Les créateurs d'entreprises agrirurales doivent faire leurs preuves à travers leurs travaux :

"Nous avions quelque noyers mais pas suffisamment pour faire de l'huile en grande quantité pour la vendre. Nous avons rencontré les propriétaires, nous avons établi un contrat juridique de métayage, où l'on entretient le noyer, l'accès au noyers ; on remet en état et on rétrocède une partie de la production aux propriétaires. On a commencé avec trente noyers on en a aujourd'hui cent quatrevingt. Ça marche bien : l'an passé, on a eu de la chance, il y a eu beaucoup de noix, les propriétaires se sont dit que c'était dommage de laisser tomber cela et on a eu beaucoup de contacts par ce biais. Je pense aussi que beaucoup de propriétaires ont attendu, au début ils nous regardaient, ils se demandaient comment on allait aller récolter ces noix, ils se demandaient ce que l'on allait en faire parce que ça ne paye pas : c'est pour ça qu'ils les avaient abandonnés aussi et puis peu à peu, ils ont vu que ça pouvait marcher que l'on était plutôt sérieux et on a eu de bons contacts, de beaux vergers, ce qui nous a permis de développer notre activité huile de noix."

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - Champoly - le20 mai 2010

Il est également intéressant de faire un rapprochement entre les projets agriruraux et une citation de G. RIST (1996) : "Si le moteur du développement, c'est la croissance, le moteur de la croissance, c'est la croyance."

En effet, sur les sept entretiens réalisés auprès des créateurs d'entreprises agrirurales, quatre ont affirmé que personne ne croyait en leur projet au départ et que s'ils ne l'avaient pas portée, cette croyance en leur projet, était en fait leur croyance dans leur entreprise. Le témoignage de Corinne, créatrice d'entreprise agrirurale est révélateur de cet état :

"_ Vous avez bénéficiez d'aide, de conseil?

_ Non! Dans mon activité d'avant je faisais du bilan de compétence ; donc j'ai la méthodologie et l'élaboration de projet ; donc je n'ai pas eu besoin vraiment de conseils, pour les techniques je suis assez armée, après dans les projets de développement, je ne savais pas si je voulais faire de l'agricole, donc j'y suis allée un peu comme ça, sachant que le premier projet c'était de faire de l'huile de noix, ça a été notre point de départ, on a pensé à faire du cidre et de la pomme. Tout a été pensé.

Quand le projet a été un peu plus avancé, je me suis fait aidée par un conseiller agricole, il était pas très chaud pour les escargots mais vraiment pour l'huile, j'en ai rencontré un autre qui m'a dit de foncer. La chambre d'agriculture m'a pas trop soutenu, ils pensaient que c'était un peu trop léger.

On a eu plusieurs échos, à tel point que je ne savais plus à qui me vouer.

Je me suis rattachée à ma motivation, on fait deux activités donc ce n'est pas commun, les conseillers vont vous mettre dans des schémas, ici on est dans le laitier, le mouton, il faut le dire ils ne sont pas très chaud pour les projets atypiques."

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - Champoly - le20 mai 2010

Le manque de crédibilité rend également difficile la recherche de financements.

2. Un manque de crédibilité qui rend difficile la recherche de financements

La question de la construction du projet est directement liée à la recherche de financement.

> Les critères officiels de viabilité

C'est une étape primordiale du projet, durant laquelle le porteur de projet devra démontrer la viabilité et la pérennité économique de son projet à ses interlocuteurs. Le manque de références, "l'originalité" des projets et parfois le "manque de pragmatisme" des porteurs de projet viennent augmenter les risques attachés à ces projets. Ces aléas sont d'autant plus important qu'il s'agit de créations. Plus le projet est risqué et flou, plus l'obtention de financement est difficile. L'analyse des projets tourne alors beaucoup autour de la personne, et des capacités mises en oeuvre pour la réalisation du chiffre d'affaires. Les causes essentielles des difficultés rencontrées pour l'installation par les porteurs de projet innovants sont le manque de crédibilité, l'absence de compréhension et les incertitudes sur le projet.

L'évaluation de projets se fait souvent essentiellement en rapport avec sa viabilité économique qui est étudiée au travers du revenu prévisionnel dégagé par les activités envisagées. Il existe dans l'agriculture des critères officiels pour évaluer la viabilité des projets d'installation. En effet, pour l'attribution de la DJA, « le candidat doit s'installer sur un fonds dont l'importance lui permet [...] d'atteindre la viabilité économique requise. »45 La viabilité des exploitations agricoles est alors déterminée selon des circulaires préfectorales qui fixent les critères de viabilité des exploitations agricoles.

De plus, pour l'attribution des aides, la CDOA va se baser sur les pourcentages projet agricole départemental (PAD) pour vérifier la viabilité économique des projets. Le pourcentage PAD est le rapport en pour-cent entre la taille du projet, et la taille d'une exploitation de référence correspondant au seuil Exploitation à Dimension Economique Insuffisante (EDEI) fixé dans le projet agricole départemental. Le seuil EDEI correspond à des exploitations de référence selon des productions pratiquées, qui permettent de dégager un revenu supérieur au revenu moyen départemental (moyenne du revenu net des exploitations agricoles des 3 années précédentes), et compris entre 1 et 1,5 SMIC.

Enfin, d'autres critères seront vérifiés pour l'attribution des aides, qui sont :

-) la capacité agricole, validée par un diplôme qualifiant (au moins égal au bac professionnel ou au Brevet de Technicien Agricole) et la réalisation d'un stage de 6 mois hors de l'exploitation familiale ;

-) la réalisation d'un stage de préparation de l'installation de 40 heures pour mettre au point l'EPI : c'est-à-dire l'étude prévisionnelle d'installation, faisant ressortir les capacités techniques et financières de l'exploitation.

45 CIRCULAIRE DGFAR/SDEA/007-5007 du 13 février 2007

Ces critères sont complétés par des critères d'âge (avoir entre 18 et 40 ans à l'installation), de nationalité (française), de statut (première installation en tant qu'agriculteur à titre principal) et d'engagement (être agriculteur pendant au moins 5 ans). Mais ces critères paraissent trop discriminants car 85% des installations non aidées poursuivent leur activité au bout de 10 ans46, ce qui représente environ le même pourcentage que les installations aidées. La raison d'un âge supérieur à 40 ans se traduit par l'absence de dotations jeunes agriculteurs ; ces critères excluent souvent des systèmes qui sont pérennes économiquement.

Parce que les exploitations agrirurales touchent à plusieurs activités, elles posent la question des statuts lors du montage de dossier.

> Les statuts

C'est la question des statuts qui pose problème, nous l'avons vu, pour les porteurs de projet pluriactifs au sens ou leur activité dépendra de la mise en oeuvre de plusieurs métiers différents.

En effet, la complexité des règles de définition des statuts, tant sociaux que fiscaux, rend parfois difficile la détermination pour le système envisagé. Pour les systèmes à dominante agricole, la question des statuts est directement liée à la question du foncier. En effet, l'attribution du statut d'agriculteur à titre principal, et l'affiliation au régime de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), sont soumis à l'exploitation d'une demi-surface minimum d'installation (SMI), ou à la réalisation de 1200 heures annuelles de travail dans l'activité agricole si l'importance ne peut être évaluée en termes de SMI47.

Cependant, le critère de la demi-SMI ne prend pas en compte la valorisation qui est faite des produits, et le nombre d'heures annuelles effectuées doit être démontré par le porteur de projet. Ainsi certains porteurs de projet innovants ne peuvent pas obtenir le statut d'exploitant principal, notamment à cause de la diversification des activités mises en place. Ceci est un handicap car le statut d'agriculteur à titre principal donne droit à une couverture sociale, et se trouve quasiment indispensable pour obtenir des financements, ainsi que l'autorisation d'exploiter de la CDOA structures.

La question des statuts se pose également, lorsqu'il s'agit d'installation progressive : c'est un mode d'installation qui est bien vu, car il permet au porteur de projet de démarrer sur des investissements faibles, tout en se faisant une expérience et en développant une expertise de son propre système. Cependant il n'existe pas de statut pour les personnes qui sont dans ce cas, et cela limite ce mode d'installation.

La question des statuts est à la fois un vrai et un faux problème. Il est vrai que les formules sont compliquées et qu'elles sont avant tout pensées pour des entreprises qui entrent dans un schéma. Rien n'est simple pour l'entrepreneur personnel, toutefois de nombreuses combinaisons sont possibles, il s'agit d'être informé et bien conseillé. On peut cependant se demander si ce débat ne cache pas une question plus profonde concernant les aides aux entreprises. En étant agriculteur et en répondant aux exigences de ce statut, l'entrepreneur peut bénéficier de dotations à l'installation et de prêts bonifiés, chose qui sera moins favorable avec un autre statut.

Les éléments que nous venons d'aborder expliquent pourquoi de nombreux porteurs de projets souhaitent suivre une formation spécialisée avant de monter leur projet, il en va de la reconnaissance professionnelle et de l'éligibilité aux financements agricoles.

3. L'importance de la professionnalisation du métier d'agriculteur

Lors des entretiens menés, des créateurs d'entreprises ont soulevé la question de la professionnalisation du métier d'agriculteur, cette dernière passe le plus souvent par la formation spécialisée.

46 TRÉHET, C., 2007

47 Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, 2004.

> La formation

Le fait de suivre une formation spécialisée est très important pour les porteurs de projets ; cela leur permet d'une part de connaître les aspects techniques du métier d'agriculteur, d'autre part cela leur permet d'obtenir une reconnaissance professionnelle plus large que le simple diplôme.

Comme en atteste le tableau suivant, sur les sept créateurs d'entreprises agrirurales tous ont suivi une formation agricole.

Tableau 6 : Formation suivie par les créateurs d'entreprises agrirurales

 

Hors cadre familial. BTS

 

2 associés sur 3

 

Hors cadre

 
 
 

agricole ;

 

sont hors cadre

Hors cadre

familial.

Madame est hors

 
 

conseiller à

 

familial.

familial.

Formation en

cadre familial.

 
 

l'ADASEA du Puy de Dôme

 

Formation : ISARA à Lyon ainsi que

Brevet de technicien

arboriculture, formation

Brevet Professionnel de Responsable

Cadre

 

pour

Hors

l'associé avec qui il

agricole, son

complémentaire

Exploitant Agricole.

familial.

formation /

l'installation ;

cadre

est installé depuis

épouse

à l'héliciculture,

Auparavant travail

Ramasseur

expérience

travail en

familial.

1984, ils se sont

aussi ; il a été

bac agricole.

de gestion des

laitier,

profession-

Nouvelle

Brevet

connus en

ouvrier

Psychologue sur

agendas dans une

formation

nelles

Calédonie.

agricole.

formation.

agricole.

Lyon auparavant.

entreprise.

agricole.

Source : SOULIER ML - juillet 2010

Il s'agit d'une reconnaissance morale de l'ensemble de la profession qui permet d'entrer dans le monde agricole.

"Le projet de ferme pédagogique a été très très difficile ; c'était la première sur la Loire. En agriculture à l'époque, c'était difficile il y avait un manque d'ouverture, le monde agricole s'est ouvert avec des épouses qui n'étaient pas de ce milieu, et ces femmes ont proposé des solutions en fonction du vécu de leurs expériences... Je n'étais pas du monde agricole, c'est un monde très très fermé qu'il a fallu découvrir et comprendre mais les agriculteurs ne se rendent pas compte qu'ils parlent technique, ils se font comprendre de leur congénère mais pour le reste... Je tenais à découvrir cet univers. J'ai donc réalisé une formation agricole. "

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - le 2 juin 2010

Les créateurs d'entreprise agrirurales recommandent également aux porteurs de projets de se former et de maîtriser la production qu'ils souhaitent conduire, afin notamment d'éviter les échecs.

"-quels conseils vous donneriez à quelqu'un qui voudrait s'installer?

-De bien se former déjà, de connaître le métier et puis de ne pas trop se laisser influencer par la politique agricole du moment. Mieux se former et être ouvert. Il faut aller voir les gens dans la réalité."

Entretien avec un créateur d'entreprise agrirural - Noirétable - 10 juin 2010

En effet, les échecs pèsent lourds dans la représentation mentale que les gens se font de l'agriruralité. Les locaux retiennent plus facilement les "ratés" que les réussites, or ces échecs pèsent sur l'ensemble des entrepreneurs agriruraux.

A travers cela, on sent la volonté des entrepreneurs ruraux de prouver leur réussite, ainsi que leur volonté de ne pas être marginalisés.

> Eviter la marginalitéPour beaucoup d'entrepreneurs agriruraux, il s'agit par la professionnalisation, de montrer

qu'ils exercent un métier et qu'ils ont un statut. En bref, il s'agit pour eux de prouver à travers la réussite de leur entreprise qu'ils ne sont pas des marginaux.

Cette notion est très importante : les créateurs d'entreprises agrirurales même s'ils créent

des systèmes atypiques, ne souhaitent pas sortir de la société ; au contraire, ils souhaitent être au coeur de la société locale en créant des dynamiques, en participants aux évènements locaux ou en raccordant leurs activités à des projets de développement.

Les acteurs impliqués dans l'accompagnement des porteurs de projets sont nombreux sur les

Monts du Forez pourtant on note peu d'installation agrirurales.

C. De nombreux acteurs présents sur le territoire des Monts du Forez pour peu d'installations agrirurales

Le territoire agit sur l'acteur de la même façon que par ses agissements l'acteur agit sur le territoire par ses actions. Tout le problème consiste à comprendre comment se construit cette influence territoriale et à saisir les stratégies de ceux qui détiennent les "clefs de démarrage" des activités agrirurales. La première chose que l'on note en étudiant le territoire des Monts du Forez, c'est le nombre et la diversité des organismes agissant dans l'accompagnement des porteurs de projet ; si ce jeu d'acteur est organisé il manque toutefois de coordination.

1. Un jeu d'acteur bien organisé au niveau agricole mais qui manque de coordination avec le monde rural

Concevoir un "territoire organisation cognitive"48 passe par la mobilisation et la coordination des acteurs ainsi que par le développement des approches stratégiques et par la construction de partenariats. Le jeu d'acteurs, se doit donc d'être bien organiser afin de favorisé le développement de l'économie externe.

> Du territoire structurant au territoire actif

Selon la formule de J.L. Guigou (1995) "le rôle des institutions est de produire de l'organisation". Il s'agit de l'aptitude à faire coopérer des acteurs, de coordonner des moyens et des méthodes pour atteindre des buts préalablement arrêtés. Il s'agit ainsi de passer d'un territoire structurant, qui canalise, ralentit et appauvrit la circulation de l'information à un territoire d'organisation cognitive, conçu comme un système de collecte, de traitement et de diffusion de renseignements, afin que les informations puissent devenir actions.

Là est tout l'enjeu du dispositif Créafil mis en place au niveau du Pays Loire-Forez qui vise justement à créer un lien entre les acteurs qui oeuvrent dans l'accompagnement des porteurs de projets afin qu'ils se connaissent et coordonnent leur actions entre eux. Cette démarche est apparue sur le territoire, suite au dispositif Créafil Rhône-Alpes qui est né en 2006 de l'initiative des organismes régionaux d'appui a la création d'entreprise pour mieux accompagner les créateurs d'entreprise dans leur parcours ; depuis 2009, cette démarche régionale a essaimé sur les territoires de Rhône-Alpes en deux temps :

· Un diagnostic est réalisé sur le territoire avec les professionnels de la création d'entreprise et les collectivités locales. Il permet d'identifier ses forces et faiblesses en matière d'accompagnement de la création d'entreprise. Le rendu du diagnostic sur le Pays LoireForez a été présenté en juillet 2010.

· Un plan d'action est défini a la suite du diagnostic pour structurer le réseau Créafil RhôneAlpes.

Au regard de l'importance de l'agriculture sur le territoire, le dispositif Créafil au niveau du Pays Loire-Forez a une particularité par rapport au dispositif Créafil Rhône-Alpes, il intègre des

48 JAMBES J.P., Territoires apprenants, esquisses pour le développement local du XXIè Siècle, L'Harmattan, Paris, 2001, 250p.

organismes professionnels agricoles.

Confronter le dispositif Créafil Loire-Forez et les entretiens menés lors du stage, permet d'analyser le types d'acteurs et leurs types d'actions.

> Les acteurs et leurs interventions

Le tableau suivant met en lumière plusieurs éléments :

Tableau 7 : Tableau des acteurs

 

Type d'acteurs

Actions

Type d'actions

Echanges, partenariats

Acteurs impliqués

Des organismes ou des associations : - du milieu

agricole

- du milieu de la

création

économique qui accompagnent les entrepreneurs agriruraux

- Accompagnement

- Renseignements /

Conseils

- Aide à la création

Globales, elles s'inscrivent généralement dans la durée

Très abondants entre les acteurs impliqués

Acteurs non impliqués

Des élus, des organismes ou des magistrats qui interviennent à un moment du

montage de projet

- Effectuent des

actes

- Appui moral

- Apportent des

compétences nouvelles

Ponctuelles et cloisonnées

Maigres et obligatoires le plus souvent avec les acteurs impliqués

Créateurs d'entreprises

Des entrepreneurs agiruraux combinant plusieurs activités qui s'apportent des éléments les unes aux autres

- Gèrent leurs

entreprises, les

développent

- Peuvent donner

des conseils - retour

d'expériences

Durables

Variables ou non significatifs avec les acteurs impliqués, non impliqués et les porteurs de projets (selon les

créateurs)

Porteurs de Projets

Des candidats à l'installation qui ont un projet agrirural

- Cherchent des

renseignements - Portent leurs
projets

Préalables à
l'installation

Non significatifs avec les créateurs d'entreprises

Source : SOULIER Marie-Laure - juillet 2010

Tout d'abord les acteurs impliqués dans l'accompagnement et qui oeuvrent sur le territoire des Monts du Forez sont nombreux. Il apparait, notamment, deux catégories d'acteurs impliqués dans l'accompagnement des entrepreneurs ruraux, les acteurs liés au monde agricole, les organismes agricoles professionnels (OPA) et les acteurs liés au monde rural de façon plus large.

Les acteurs non impliqués dans l'accompagnement ou la création d'offres d'activités rurales ne doivent pas être oubliés car ils jouent un rôle a un moment donné du montage de dossier ou du développement de l'entreprise ; certains, comme les notaires ont également un rôle de conseils juridiques ; toutefois ils sont très peu écoutés par les acteurs impliqués. Les actions des acteurs non impliqués restent limitées à l'apprentissage pour les centres de formation, à la rédaction d'actes juridiques pour les notaires et à l'appui moral pour les élus non impliqués.

Enfin, on se rend compte que le concept d'acteurs recouvre une notion relativement large. Est acteur celui qui agit qui n'est pas passif. Ainsi, on peut être acteur à plusieurs niveaux d'intervention. Un créateur d'entreprise est un acteur en soit ; un porteur de projet l'est également, les deux sont, en fait, la structure même de la création des dynamiques locales.

En creusant un peu plus, on se rend compte qu'il existe des liens entre les acteurs du monde agricole oeuvrant pour l'installation agricole et les acteurs du monde rural oeuvrant pour la construction d'offres d'activités ; mais dans la réalité le nombre de ces derniers est maigre.

> Des acteurs du monde agricole et des acteurs du monde rural : deux approches différentes

Les acteurs impliqués dans l'accompagnement du monde agricole et les acteurs impliqués dans l'accompagnement du monde rural ont deux conceptions différentes de la création d'activités. Les premiers ont une approche purement agricole :ils considèrent qu'ils doivent contribuer à l'installation de chefs d'exploitations et protéger les agriculteurs des agressions extérieures (urbanisation...) ; quant aux seconds, ils ont une approche économique plus large car ils considèrent qu'ils doivent accompagner l'établissement d'activités économiques en milieu rural et favoriser les dynamiques locales.

Figure 26 : Les différentes approches des acteurs vis-à-vis de la construction d'offres

Source : SOULIER Marie-Laure - juillet 2010

Les ADASEA font le lien entre ces deux approches parce qu'elles font parti des acteurs techniques agricoles et parce que depuis plusieurs années elles ont su s'ouvrir à la ruralité49. On note également en toile de fond l'influence des syndicats agricoles qui influencent depuis plusieurs années ces conceptions.

En marge de ces mouvements, on rencontre les acteurs non impliqués qui ne tiennent pas compte de ces conceptions. En effet, leurs actions sont régies par d'autres logiques, tant

49 SAUNIE G., SOULIER M.L., Les ADASEA : un outil de promotion de l'agriculture et de proximité entre les acteurs du monde rural, janvier 2010, université Lyon 2, M2 ADR.

économiques que juridiques. Ces éléments peuvent expliquer pourquoi les activités agrirurales se développent peu sur les Monts du Forez alors que les acteurs présents sur ce territoire sont nombreux. Toutefois, produire de l'économie externe est un des objectifs que partagent tous les acteurs impliqués dans des stratégies territoriales.

2. Une volonté commune, des stratégies différentes

Comme le précise A. MOINE50, le territoire est avant tout un système dans lequel il faut replacer des acteurs qui ont des stratégies "personnelles" bien que toutes souhaitent contribuer au développement du territoire.

> Une volonté commune aux acteurs : agir pour produire de l'économie externe sur le territoire

Il s'agit pour tous les acteurs recensés, de procurer à travers des formes de proximité organisées des avantages significatifs, tant pour l'entreprise que pour les institutions et le citoyen ; en cela ces structures ont l'obligation de travailler en partenariat ou au moins en tenant compte les unes des autres.

Parce que les acteurs ont des missions parfois contigües, ils doivent travailler entre eux afin de maximaliser leur efficacité ; chaque acteur insère, ainsi, ses actions dans un système afin de produire sur le territoire une économie externe.

Voici comment nous pouvons représenter le système d'acteurs agrirural dans les Monts du

Forez :

Figure 27 : Graphe d'acteurs

Source : SOULIER Marie-Laure - juillet 2010

Ce graphe laisse apparaitre de nombreux liens de partenariat ou de convention entre les structures. On remarque notamment que le réseau des acteurs liés au monde agricole c'est-à-dire

50 MOINE A., Le territoire: comment observer un système complexe, L'Harmattan, itinéraire géographique 1, Paris, 2007, 176p.

les organisations professionnelles agricoles est très bien organisé, les structures se connaissent et travaillent entre elles. Cela s'explique par le fait que le secteur primaire depuis seconde mutation agricole a été refondé entièrement et a été réfléchi en une filière coordonnée de l'installation à la transmission des exploitations agricoles. Les acteurs du monde agricole sont donc très bien organisés pour le montage de projets purement agricole ; les démarches et les actions entre les diverses structures sont claires.

En revanche, on remarque également que ces OPA ont bien moins l'habitude de travailler avec d'autres structures oeuvrant dans la construction d'offres d'activités rurales. En cela, le réseau des OPA apparait comme un monde clos peu enclin à la construction d'offres d'activités agrirurales.

Les ADASEA font figure d'exception dans ce domaine car elles apparaissent comme un trait d'union entre les OPA et les acteurs du monde rural. Les ADASEA, de par leurs missions de services publics, sont intégrées au réseau des OPA ; toutefois afin de se financer les ADASEA sont allées de plus en plus vers un élargissement de leurs compétences, recherchant même auprès d'autres acteurs ruraux, des sources de financements (diagnostic, étude foncière...). Cela a permis de créer des relations de type commercial entre le monde agricole et le monde rural d'autant plus que les structures de type Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) s'inquiètent de plus en plus du devenir de l'agriculture.

De même que les ADASEA apparaissent comme la structure qui fait le lien entre des acteurs du monde agricole et le monde rural, la Maison des Services grâce aux partenariats qu'elle développe, fait elle aussi le lien, de façon plus large, entre les acteurs de la création économique.

Au travers ce graphe, on remarque également que certains liens établis entre les structures ne sont pas consentis : ils sont de nature juridique. C'est le cas notamment lors d'une mutation a titre onéreux d'un bien a vocation agricole, les notaires doivent préalablement à la signature définitive de l'acte de vente présenter, au nom du vendeur, un imprimé informant la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) compétente de l'opération envisagée afin de connaitre sa position sur la vente. En effet, les SAFER, disposent d'un droit de préemption qui leur permet d'acheter les biens agricoles mis sur le marché, a la place de l'acquéreur initial et au prix de vente convenu. C'est le cas également pour les groupements professionnels agricoles qui sont représentées dans les Chambres d'Agriculture, les SAFER et les ADASEA (art. R 511-6 et R 511-7 du code rural51).

Enfin, ce graphe laisse aussi apparaitre que des structures n'ont pas encore de lien partenarial avec les acteurs du monde agricole, mais qu'elles bénéficient tout de même d'une reconnaissance morale (charte de reconnaissance entre la SAFER et Terre de Liens par exemple).

Ainsi, si l'ensemble des partenaires partagent une volonté commune : créer des richesses externes, ces acteurs ont cependant des stratégies différentes et cela conditionne leur implication dans l'agriruralité.

> Des stratégies différentes selon les acteurs impliquant des implications variées dans l'agriruralitéComme le rappelle G. Di MEO52, les acteurs disposent de "compétences". Ce sont les marges

de manoeuvres dont ils disposent au sein des systèmes d'actions. L'acteur, en effet, est doté d'une
capacité décisionnelle autonome dont dépendent des stratégies. Celles-ci lui sont propres, même s'il
ne faut jamais faire abstraction des effets de contexte qui les influencent et les façonnent. Ainsi

51 AUDIER J., Droit rural, droit forestier, économica, CNFPT, collectivité territoriale, Paris, 1996, 357p.

52 DI MEO G, BULEON P., l'espace social, lecture géographique des sociétés, Armand Colin, Paris, 2005, 303p.

chaque acteur demeure en grande part imprévisible. Le système est donc parfois inscrit dans l'incertitude et dans la complexité.

Ainsi, si les acteurs ont des stratégies, ils ont aussi une compréhension de l'agriruralité différente ; celle-ci peut dépendre nous l'avons vu plus haut de certaines conceptions mentales ou structurelles ; dans tous les cas, cette compréhension conditionne l'engagement et l'implication des acteurs dans la construction d'offres d'activités agrirurales.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, les accompagnateurs ont une volonté commune de générer des richesses sur un territoire, volonté qui passe souvent par l'objectif de la réussite du porteur de projet. Généralement, ils n'ont pas d'intérêt économique dans le projet lui-même, toutefois, ils sont sollicités non seulement pour ce qui concerne l'approche économique, mais aussi en fonction de leurs compétences pour des questions techniques, juridiques ou pratiques selon leurs compétences.

Le graphe ci-dessous met en lumière l'implication des acteurs en fonction de leur compréhension de l'agriruralité mais aussi et surtout en fonction des stratégies qui leurs sont propres.

Figure 28 : Représentation de l'implication et de la compréhension de l'agriruralité par les acteurs, dans les Monts du
Forez

Source : SOULIER Marie-Laure - juillet 2010

Les ADASEA et la Maison de Services, en raison du partenariat que ces deux structures développent entre elles, sont au coeur de l'agriruralité tant dans l'action que dans la réflexion. En effet, la construction d'offres d'activités agrirurales est au coeur même de la Plate-Forme de Développement Rural dont fait partie la Maison des Services depuis 2005, comme nous l'avons vu dans la partie méthodologie. Cette volonté de promouvoir l'agriruralité se manifeste notamment par

l'édition en 2005 du guide L'agriruralité, des combinaison d'activités pour créer des entreprises et des emplois. Pour ce qui est des ADASEA, la stratégie de diversification de leurs activités rappelle l'agriruralité. En effet, elles ont su s'appuyer sur les compétences techniques dont elles disposaient en matière agricole pour optimiser et combiner des services en lien avec leurs missions de services publics (étude foncière, remembrement...). Toutefois dans leurs missions premières elles visent à favoriser les installations et les reprises agricoles.

Pour ce qui est des EPCI et des consulaires, ils s'impliquent dans la question agrirurale s'il y a un besoin ou si un porteur de projets les contacte. Cette attitude est due à leurs missions d'accompagnements et à leurs stratégies de développement économique, ils n'ont pas pour rôle de construire des offres d'activités agrirurales, en revanche, si un porteur de projet se manifeste ils accompagneront sa volonté.

La chambre d'agriculture et les centres de formation, ainsi que nous l'avons mentionné plus haut, ont une approche agricole traditionnelle de l'établissement en milieu rural. Une fois cette démarche bien cadrée, on peut avoir l'impression que ces organismes se retranchent derrière des actions qu'ils savent mener, sans forcément oser s'aventurer sur de nouveaux dossiers qui ne font pas l'unanimité dans la profession agricole53. De fait, on a parfois l'impression que ces organismes ferment les yeux sur les projets atypiques, les laissant à d'autres organismes qui ont une approche agricole et rurale, qu'ils ignorent plus ou moins.

Il s'agit là d'un frein mental : on préfère ne pas agir plutôt que de provoquer des réactions.

C'est tout l'avantage de la Maison des Services qui n'étant pas du monde agricole échappe à l'emprise de lobby, elle peut ainsi agir en bénéficiant de l'expertise technique de l'ADASEA avec laquelle elle a un conventionnement. Ainsi, la stratégie affichée par la Maison des Services est clairement volontariste, elle vise à la création d'activités économiques génératrice de revenus dans le monde rural.

Terre de Liens et l'ADEAR sont des organismes qui affichent une bonne compréhension des enjeux liés à l'agiruralité, ayant été créés il y a peu, leurs moyens sont limités, cela les freine dans leur volonté de s'impliquer dans la question agrirurale. De fait, ces acteurs ont du mal à se faire entendre et à se faire respecter dans le monde agricole. Ils ont une approche plus "civique" en rapport avec des projets qui ont souvent une dimension importante de développement local et d'utilité sociale. L'entretien que j'ai mené avec Terre de Liens Rhône-Alpes révèle que cet organisme a également des préoccupations citoyennes qui rejoignent l'économie sociale et solidaire, ils présélectionnent notamment les projets selon des aspects éthiques relevant de l'opinion (respect de l'environnement). Ils ont une plus grande tolérance d'une manière générale quant au risque lié à ces projets.

On retrouve également des acteurs qui ont des stratégies économiques. En effet, l'accompagnement d'un porteur de projets peut également fournir une source de financement pour les structures qui réalisent cet accompagnement, les SAFER par exemple touchent un pourcentage du montant des transactions effectuées, ce qui peut conférer une dimension économique et "industrielle" (recherche du nombre et de la performance) à leur approche des projets. Les SAFER affichent également une stratégie de défense du foncier agricole face à l'urbanisation, ils n'ont donc pas pour stratégie directe la création d'activités. De plus, les banquiers ont pour rôle d'attribuer ou non les prêts nécessaires à la grande majorité des installations, dans le cadre de l'activité économique de la banque. Ils auront donc une approche économique et marchande, basée essentiellement sur l'évaluation économique du projet et sur la capacité à rembourser du porteur de projet. Cependant, la personnalité du porteur de projet, ses compétences et sa motivations ont

53 Voir : Partie 2, II, Une perception de l'agriruralité qui ne facilite pas la levée des obstacles

également un grand rôle dans la décision d'accorder non les prêts. Nous l'avons vu, les références faisant défaut, l'évaluation de la capacité à rembourser est basée en partie sur le ressenti du conseiller sur le porteur de projet. Enfin dans ce graphe on retrouve des acteurs qui ne connaissent pas forcément la question agrirurale et qui doivent parfois recevoir des porteurs de projets ou des créateurs d'entreprises agriruraux. Ces acteurs interviennent généralement de façon cloisonnée en fin de montage de projet. Ce dernier point soulève la nécessité d'adapter l'accompagnement et les stratégies partenariales à l'agriruralité.

3. Adapter l'accompagnement à l'agriruralité

Comme nous venons de le voir, les acteurs en matière d'accompagnement ne manquent pas. Pourtant, certains acteurs se trouvent exclus du système ; d'autres se trouvent ignorés par d'autres membres. Ce contexte ne fait pas le jeu de l'agriruralité qui est reléguée en marge du système, pour que l'agriruralité devienne système, il s'agit donc pour les acteurs d'adapter leurs compétences en fonction du territoire.

> Constituer et mobiliser un portefeuille de ressources motrices

Quand on examine le jeu d'acteurs en place dans les Monts du Forez, on constate qu'aucun organisme ne se consacre spécialement à l'agriruralité. L'agriruralité, du fait même qu'elle associe la production agricole et d'autres secteurs économiques (artisanat, commerce), fait surgir des interrogations variées auquelles un seul organisme ne peut pas répondre.

Prenons l'exemple d'un paysan-boulanger, son activité dépend du régime agricole mais elle entre aussi dans l'artisanat et le commerce, ainsi ce même entrepreneur rural sera amené à voir plusieurs structures pour répondre à ses questions, par exemple : dans quelle proportion la vente de pain ne doit-elle pas dépasser l'activité agricole? Les acteurs impliqués dans l'accompagnement, qui ont l'habitude de monter des dossiers "classiques", doivent avoir des réponses sur des sujets qui sont aux marges de leurs métiers, l'artisanat ne concernant pas directement l'agriculture et réciproquement, afin que quelqu'un puisse renseigner cet entrepreneur rural.

Ainsi, alors que tout semble quadrillé autant au niveau agricole qu'au niveau artisanal ou commercial, avec la combinaison d'activité on a l'impression de ne pas avoir d'interlocuteur spécialisé ; au niveau des acteurs les choses ne semblent pas coordonnées, chacun agissant dans son domaine. Il revient donc à l'entrepreneur rural de porter son projet, de se renseigner en faisant le tour des organismes afin de pouvoir monter son projet. Telle est la perception de nombreux créateurs d'entreprise :

_ "avez-vous fait appel à d'autres organismes pour vous aider?

_ dans mon secteur d'activité il y a le groupement hippique national, ils éditent un logiciel qui permet de faire des études prévisionnelles, et ça par exemple tout ce qui est monde agricole ils n'ont pas forcément les chiffres ni le recul vu que l'on est activité agricole depuis 2005, ils n'ont pas les données socio-économiques; dans le cadre de ma formation aussi j'ai vu, déjà j'étais la seule à vouloir m'installer en centre équestre le reste c'était en lait, chaque fois c'est pareil pour les réunions avec la chambre d'agriculture, c'est toujours moi qui apporte l'information, personne ne me dit va voir ça... c'est vraiment au porteur de projet de porter son projet, on est pas coaché,

_ finalement vous pensez que ce n'est pas adapté à votre fonctionnement

_ non pas du tout, j'ai trouvé que la chambre d'agriculture, l'ADASEA tout cela ce n'est pas adapté, dés que ça sort un peu du cadre céréalier et laitier, même ma soeur qui s'installe en chèvre, il faut y aller, il faut se renseigner, faire par soi même.

Il n'y a pas assez de diversité, alors pour les DPU, les quotas ils savent nous expliquer, nous on sait
même pas ce que c'est les quota! Ils nous rabâchent la tête avec ça, tout le monde marche avec ces
primes, alors qu'une activité comme la mienne c'est bien si j'en ai mais ça ne marche pas comme ça,

alors je ne sais pas, s'intéresser pour que le monde équin s'ouvre. Des deux cotés il y a des efforts à faire.

Si on ne va pas dans un organisme spécialisé la chambre d'agriculture a du mal à nous répondre. On a plus de réponse si on veut s'installer en vache, avec une activité atypique, on a moins d'info." Entretien avec une jeune femme porteur de projet - le 5 mai 2010

La construction d'offre agrirurale en raison du fait qu'elle manque de référence fait l'effet d'un vide, elle nécessite d'adapter les compétences des acteurs à l'agriruralité et d'établir des partenariats entre les acteurs impliqués et les acteurs non impliqués puisqu'ils auraient aussi un rôle a jouer dans l'émergence des activités agrirurales.

Tout cela pose la question du franchissement des secteurs et des limites à l'intérieur desquelles un acteurs est légitime et d'autre part, aux moyens et aux conditions de franchissement de ces limites. Le franchissement des limites permettrait notamment aux acteurs de se renseigner mutuellement en vue de pouvoir renseigner sans délais un porteur de projets ou un créateur d'entreprise car le système d'acteurs actuel ne laisse pas la parole aux acteurs non impliqués, ni aux acteurs ayant peu de moyen pour s'impliquer dans la démarche agrirurale.

Enfin à l'écoute de créateurs d'entreprise on se rend compte qu'il y a un décalage entre l'accompagnement et la réalité. L'accompagnement proposé actuellement ne semble pas adapté à l'émergence des activités agrirurales.

> Le manque de réalité dans l'accompagnement

L'accompagnement proposé actuellement ne parait pas en adéquation avec la réalité.

Tout d'abord puisque que les acteurs qui montent les projets n'ont pas de référence sur les productions atypiques, ils sont empêchés de prendre en compte certains aléas, ensuite parce que les acteurs ne prennent pas en compte certaines contraintes administratives, comme le montre ce témoignage :

"On a eu un problème avec le notaire on devait signer au printemps on a signé en novembre mais tout nos prêts étaient signés, on devait rembourser des mensualités alors que l'on n'avait pas commencé la production. On est allé présenter le projet à la banque on aurait du négocier des choses a ce moment (...) et être accompagné pour négocier le prêt, le mensualité, avoir un retour. On s'est installé en 2007 on a eu les terres en novembre on n'a pu planter qu'au printemps d'après, ensuite on a eu une année pluvieuse, ça a commencé à démarrer que l'année d'après. On n'est pas responsable de tout, ça on ne l'avait pas prévu, on ne pensait pas sortir rien, comment est-ce que l'on prend en compte cela dans le montage de projets."

Entretien avec une créatrice d'entreprise agrirurale - le 11 juin 2010 - St Didier sur Rochefort

Ainsi, faire intervenir des créateurs d'entreprises installés depuis quelques années dans le montage de dossier de porteurs de projets agriruraux qui souhaiteraient s'installer dans le même domaine de production, apparait comme une opportunité qui inciterait à ne pas reproduire certaines erreurs que le créateur d'entreprise "tuteur" aurait connu.

SYNTHESE

Parce que les contraintes géographiques et naturelles freinent le développement d'une agriculture intensive et productiviste sur les territoires de moyennes montagnes, les hommes qui y vivent ont dû diversifier leurs activités et aller chercher ailleurs des revenus complémentaires à l'agriculture. Lors de la seconde mutation agricole, après la seconde guerre mondiale, les politiques agricoles ont essayé d'imposer partout un modèle agricole basé sur la professionnalisation des actifs, la modernisation des exploitations et la technicisation des productions, dédaignant ainsi la pluriactivité et les petits rendements.

Les espaces de montagnes bénéficient d'une image à connotation positive. Ils sont apparus pour des entrepreneurs ruraux comme une chance devant leur permettre de créer leur emploi en milieu rural tout en valorisant un patrimoine par la transformation et la valorisation de productions de qualité à forte valeur ajoutée.

Les processus en cours sont bien ceux d'une emprise grandissante de la ville sur l'espace rural, avec l'extension progressive des zones périurbaines vers le rural isolé (dont font partis les Monts du Forez) ; ce dernier change de nature en fonction de la rapidité des évolutions économiques. La "diagonale du vide" est, ainsi, en voie de résorption.

Dans ce contexte, les Monts du Forez apparaissent comme un territoire à potentiel opportunité pour l'émergence des activités agrirurales car les contraintes géographiques obligent à produire autrement, à cumuler les activités et à les optimiser afin de ne rien perdre des ressources utilisées et valorisées.

Les Monts du Forez, en effet, apparaissent comme un territoire attractif pour l'établissement d'activités agrirurales en raison de plusieurs atouts. Tout d'abord le foncier y est abordable bien que peu accessible ; d'autre part les Monts du Forez, bien que relativement éloignés et isolés des centres urbains sont centraux à plusieurs agglomérations. Ils bénéficient d'un positionnement géographique stratégique se trouvant à mi-chemin de plusieurs marchés, l'aménagement autoroutier ayant, en plus, amélioré la desserte de ce territoire. En ce sens, l'agriruralité, dans les Monts du Forez, en produisant et en valorisant des productions à forte valeur ajoutée, se démarque et subsiste ; les néoruraux installés sur le secteur dans les années 1980 en sont la preuve.

Les activités agrirurales permettent de créer des ressources économiques en milieu rural ainsi que des dynamiques culturelles et sociales. Elles apparaissent également comme une opportunité pour l'économie et l'agriculture dans les Monts du Forez. Les entrepreneurs agriruraux construisent ces dynamiques selon deux niveaux, de façon à former des exploitations qui font systèmes dans le temps.

Au niveau de la structure agricole tout d'abord, ils développent dans un premier temps autour d'une production agricole donnée une ou deux activités, on est alors plus dans la diversification agricole au départ. Au fur et à mesure du développement de la structure, ils vont ajouter d'autres activités complémentaires et optimisées, l'exploitation va devenir un système agrirural dans le temps.

Au niveau local ensuite, les entrepreneurs peuvent s'impliquer dans des associations ou vont développer en lien avec leurs exploitations, une activité de loisir en vue de valoriser des compétences qu'ils auraient acquises par le passé. Ils vont de cette manière contribuer à l'émergence de dynamiques culturelles qui seront pour eux un moyen de s'intégrer au territoire au départ et n'auront pas forcément une valeur économique, toutefois dans le temps, ces dynamiques pourraient constituer un terreau favorable à l'émergence d'activités culturelles en milieu rural, voire à l'émergence d'activités "agriculturales"...

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Toutefois, le système d'acteurs lié à l'agiruralité est complexe, si tous partagent une volonté commune de générer des richesses externes sur le territoire, les stratégies de chacun sont variées ; pour certains leurs compétences se limitent à favoriser des installations agricoles, pour d'autres il s'agit de sauver le foncier agricole de l'urbanisation ou de la friche, d'autres considèrent que leur champ d'intervention ne concerne que la création d'activités générant des revenus. La difficulté réside notamment dans le fait que l'agriruralité se situe à la marge de plusieurs secteurs et peut toucher à de nombreux métiers. Elle nécessite de la part des acteurs, une capacité d'adaptation ainsi que l'interdiction des préjugés. En effet, aucun acteur n'a pour coeur de métier l'agriruralité. Cette dernière interdisant la reproduction d'un modèle unique, chaque installation agrirurale sera différente des autres, elle sera propre à chaque entrepreneur agrirural.

L'agriruralité est une notion encore méconnue. Le terme ne fait pas l'unanimité, chacun l'interprétant selon sa vision des choses. Cette conception de l'agriruralité ne facilite pas l'émergence des activités agrirurales d'autant plus que les références dans ce domaine manquent. Parce que l'agriruralité nécessite d'ouvrir le champ des possibles, de sortir des modèles préconçus, d'élargir les compétences des acteurs et de travailler avec des acteurs impliqués et avec d'autres qui ne le sont pas, elle est déconcertante autant pour les acteurs du territoire que pour la profession agricole.

Ces quelques éléments impliquent donc des actions volontaristes de la part des acteurs mais aussi la nécessité d'avoir une approche globale du territoire afin de mener à bien la construction d'offres d'activités agrirurales.

L'agriruralité peut ainsi, permettre à la figure agricole de redevenir centrale, puisque l'entrepreneur agrirural en touchant à plusieurs domaines, devient incontournable ; il devient ainsi un moteur du dynamisme des campagnes.

Figure 29 : La création de dynamiques culturelles et sociales par les exploitations agrirurales

Auteur : SOULIER Marie-Laure - juillet 2010

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