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Le pouvoir décisionnel des chefs religieux traditionels Dogon aux dépens des lois et règlements en vigueur

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par Amadou Sangara
Université de Bamako, Mali - Maitrise Droit Privé 2007
  

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Section II: L'autorité des chefs religieux dogon.

La célébrité ou le pouvoir spirituel du chef religieux d'Arou est visiblement manifeste, car Arou est l'unique clan dont la tenue du chef spirituel est constituée d'un bonnet rouge et d'un costume blanc.

Egalement, la maison du chef religieux est crépie en rouge et blanc ; la couleur rouge symbolise la force du royaume, et signifie à l'étranger sa puissance spirituelle ou rituelle. La couleur blanche symbolise l'hospitalité, la patience, la tolérance et l'entre aide.

Contrairement à ce que beaucoup pourraient laisser entendre sur les religions traditionnelles, le dogon a foi en un seul dieu, l'unique Ama.

Cependant il a donné la possibilité aux hommes de l'approcher en s'adressant à différents intermédiaires placés sous le contrôle et la supervision des chefs religieux traditionnels.

Les chefs traditionnels, qui sont plutôt des chefs religieux, sont associés au serpent; leur autorité est liée à la terre. Le chef religieux est maître du village et de la brousse des hommes, des animaux et de tous les végétaux.

Le plus grand prêtre du lèbè au « pays dogon » est celui de «Arou.»

Prêtre de binru; pour avoir ce titre, il faut passer par une initiation qui consiste à avoir une certaine prédisposition, à accueillir la communication des ancêtres par la manifestation d'un rite de possession. Le prêtre binru est toujours de sexe masculin. Comme le chef spirituel, il est fondamentalement lié au cycle végétal, on lui présente les semences avant de les enfouir en terre, de même que les prémices avant les récoltes.

En outre les chefs sont astreints à des interdits très stricts. Le titre de chef religieux comporte un certain nombre d'interdictions allant de l'impossibilité de contact avec une femme en état de règles à l'interdiction de consommer certains aliments tels que la viande de chèvre ou encore le Fonio. Aussi un chef ne marche jamais pied nu, si le hogon marche pied nu, l'on dit que la terre devient rouge, ce qui est symbole d'infertilité et les récoltes ne donneront pas bien.

Ainsi la ``terre'' sanctionne l'inattention des citoyens envers leur chef caractérisé par le fait que celui-ci ait marché pied nu alors qu'il devait bénéficier d'une attention particulière de la part de ses subordonnés ou concitoyens.

Le chef religieux ne fait son apparition publique principalement qu'à l'approche de l'hivernage à l'occasion de la prestigieuse fête religieuse annuelle organisée pour rendre hommage aux ancêtres protecteurs qui n'ont ménagé aucun effort dans la réussite de la saison pluvieuse écoulée et sont adorés pour la bénédiction de la saison qui s'annonce vers l'horizon.

Tous les ressortissants où qu'ils soient se rendent là-bas (à Arou) pour les festivités dans la mesure du possible. Même les Moronaba (Mossi) du Burkina viennent lors de cette célébration annuelle des rites. D'ailleurs d'après les témoignages de traditionalistes ces Moronaba seraient même d'origine du clan Arou, donc auraient des liens ancestraux très proches ou de parenté avec les Dogon.

Deux situations expliquent cet état des faits d'abord, les chefs religieux dogons sont les garants des valeurs ancestrales (Paragraphe I) ensuite, la force obligatoire de leurs décisions (Paragraphe II).

Paragraphe I: Les chefs religieux garants des valeurs ancestrales.

Les chefs religieux traditionnels effectuent l'essentiel ou presque la totalité du travail religieux ou coutumier au nom, et dans l'intérêt des populations.

Le respect de l'autre, du culte des ancêtres est primordial et obligatoire. Les divinités priment sur tout même sur les hommes car celles-ci représentent l'ensemble des ancêtres morts et des dieux ou esprits protecteurs, bienfaiteurs, garants de la tradition et du bien être de la communauté, des dieux témoins des temps anciens, maîtres du présent, espoirs du futur c'est à dire qu'ils ont la destinée de la communauté entre leurs mains.

Les chefs religieux voyagent exceptionnellement de façon officielle, ils ne voyagent pas sur n'importe quelle destination et non plus par n'importe quel chemin ou encore n'importe quand. Ils sont sensés posséder d'énormes pouvoirs sur les eaux, ils ont le secret du contrôle des pluies. Il arrive dès fois que les leaders religieux interromprent les pluies pendant un lapse de temps très court pour rappeler aux populations qu'ils existent des autorités supérieures qui veillent au respect strict des principes de la vie communautaire et de la religion traditionnelle, qu'il ne faut pas ignorer ou sous estimer celles-ci. Notons que c'est une pratique très ancienne, léguée par les générations successives. Ainsi les citoyens amènent des sacrifices qu'on donne aux ancêtres à travers les divinités compétentes en la matière.

C'est un impôt que doivent effectuer les citoyens, qu'ils soient de prêt ou de loin concernés. Mais pendant ces dernières décennies on assiste dès fois à la pratique d'interruption des pluies par des particuliers, qui ont également pu posséder ce genre de pouvoirs et font subir des souffrances aux populations qui voient leurs cultures ruinées sous leurs yeux, car la pluie est perturbée, voire même empêchée de tomber au moment crucial de l'hivernage. Dans ce cas d'espèce, une fois les dieux (punitifs) de la pluie sollicités, si l'auteur de cet acte ignoble ne se précipite pas pour « détacher la pluie » sens plus près du mot en dogon, avant que ces divinités n'entrent en scène, sinon après la peine sera inévitablement la mort. Il n'existe rien, aucun individu, aucune autorité, qui puisse annuler ou empêcher l'application de cette peine, même pas les chefs religieux car ayant donné préalablement tout leur accord aux esprits concernés et d'accepter le verdict, qui n'est d'ailleurs pas un verdict prononcé, quel qu'en soit le sacrifice c'est à dire quel qu'en soit le rang social ou la personnalité du criminel. La condamnation à mort n'est pas approuvée dans la société dogon, ce qu'il faudrait préciser ici est que cette condamnation est du seul ressort des divinités qui ne font simplement qu'appliquer les principes et protéger les innocents contre les malfaiteurs ou ennemis de la société. Tout le processus est supervisé par les plus hautes autorités pour assurer son bon et plein aboutissement.

Dans la société dogon le mot d'ordre est « Ensemble préservons notre dignité, sauvons notre honneur » car pour le dogon l'honneur est l'essence de la vie pour un homme, il est un des éléments prépondérants de la qualité humaine qu'un homme doit préserver de façon intime dans le courant de sa vie. Par ailleurs, dans cette société, comme dans toute autre société, la collaboration entre vieux et jeunes est privilégiée et recommandée, car ici nul n'en doute de la nécessité de coopération entre ceux catégories centrales, de la vie communautaire. « Si vous voulez sauver des connaissances et les faire voyager à travers le temps, disaient les vieux initiés dogon, confiez-les aux enfants ». C'est pour signifier de l'importance et de la nécessité de collaboration et d'écoute entre vieux et enfants.

Amadou Hampaté Ba dans un discours à l'UNESCO, n'a-t-il pas dit la fameuse formule, intégralement « En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle.»

Les vieux doivent être approchés sans condition par les jeunes afin de perpétuer la tradition. Ainsi, dans le domaine de l'initiation aux masques cette collaboration entre anciens et jeunes, est bien visible et pratique.

En effet, à l'approche des grandes cérémonies religieuses traditionnelles, les autorités traditionnelles à travers leurs sages, qui sont des délégués et compétents en la matière, décident en rassemblant tous les jeunes hommes ayant relativement le même âge, du moins l'âge de la puberté, en tout cas tous ceux qui conviennent aux critères coutumiers prédéfinis, et qui devront s'isoler dans la brousse pendant quelques jours en compagnie des initiateurs aux masques. Permettant ainsi l'initiation de ces jeunes aux nombreuses techniques de danse des masques, aux mystères ou secrets des masques et éventuellement au langage tant mystifié des masques qu'on appelle en dogon (Sigssô4(*).)

En effet, le pouvoir décisionnel des chefs religieux traditionnels est l'un des garants de la stabilité de notre système républicain actuel et, de la consolidation ou préservation de la paix sociale.

* 4 Langage des masques, très codifié dont seuls les initiés peuvent parler et comprendre.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery