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Les populations rurales du Burkina Faso à  l'épreuve du déboisement : l'exemple du département de Toma

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par Jean Paulin KI
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - DEA en sociologie 2009
  

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IV.3. L'insécurité alimentaire et sanitaire

L'insécurité alimentaire et sanitaire fait partie des conséquences du déboisement dans le Département de Toma. Les populations ont conscience de cette réalité comme risque du déboisement. « C'est la coupe du bois et les feux de brousse qui font que la brousse est finie, s'exprime un de nos enquêtés septuagénaire. Il n'y a plus de gibier sauf les perdrix, le lièvre même a disparu. Les sols sont morts, nous ne gagnons plus du mil comme autrefois. C'est tout cela qui amène la famine. »77. Un autre s'exprime : « Tant que nous n'arrêterons pas la préparation du dolo, la famine ne finira pas chez nous ; c'est le dolo qui fait que les gens coupent la brousse (entendre par brousse les arbres) ».

De fait, les populations du Département de Toma connaissent des périodes de graves pénuries céréalières qu'elles imputent aux caprices de la pluviométrie dont la conséquence serait un déficit céréalier. Or, la part de céréales injectée dans la préparation du dolo durant toute l'année n'est pas négligeable. La récurrence de la pénurie est telle que certains villages, comme Sien (à 7 km de Toma), se sont organisés et ont mis en place une banque de céréales. Mais très peu de paysans mettent un lien entre les arbres et la pluie. Pour la majorité, surtout ceux qui n'ont pas été à l'école, la pluie est une création de Dieu que l'homme ne saurait expliquer. De fait, dans la langue san les termes « Dieu » et « pluie » ont la même racine : Dieu = Lawa ; pluie = lamou (La : Dieu, mou : eau ; d'où l'eau de Dieu). D'une manière générale, pour les Sanan s'il y a sécheresse ce n'est pas parce qu'il y a savanisation suite à la déforestation mais plutôt parce que quelqu'un a offensé la nature ; et généralement parce qu'il y a eu rapport sexuel dans la nature. A chaque hivernage, il n'est pas rare d'entendre la rumeur circuler d'un village à l'autre que quelqu'un a eu des rapports sexuels en brousse.

76 ROCHER, G., Introduction à la sociologie générale, T. 3, Le changement social, Ltée, Éd. HMH, 1968, p. 110.

77 Enquête réalisée à Sien le 09/08/2010.

Tant que les populations ne mettront pas de lien entre la pluie et l'arbre la menace de l'insécurité alimentaire sera omniprésente.

De leur côté, les phytothérapeutes interrogés sont unanimes pour dire leur difficulté à trouver de plus en plus certaines plantes médicinales. « Avant, il suffisait de sortir derrière la maison pour trouver une plante et soigner rapidement un enfant. Aujourd'hui, il faut aller loin et parfois il faut des jours de promenade en brousse avant de trouver la plante que tu cherches »78. Ces propos révèlent une exposition dangereuse des populations rurales aux maladies tropicales dans un contexte général de pauvreté où celles-ci peinent à payer les frais des ordonnances médicales des centres de santé. Or, « La déforestation modifie le mode de vie des populations autochtones. En plus d'une déstructuration potentielle de ces sociétés, le défrichement de la forêt favorise la diffusion du paludisme et de la fièvre jaune ».79

Dans le fond, le déboisement est non seulement une menace pour la stabilité écologique mais pour les populations exposées à l'insécurité alimentaire et sanitaire parce que la production agricole a baissé et que les produits phytosanitaires sont rares. La conséquence logique de la rareté des plantes médicinales est la disparition progressive de la science médicale locale et la dépendance des populations au système pharmaceutique moderne. C'est pourquoi le déboisement est un facteur sérieux de changement social qu'il convient d'analyser dans le prochain chapitre.

78 Enquête réalisée à Koin, le 18/08/2010.

79 ENTREPRISES POUR L'ENVIRONNEMENT, Problèmes d'environnement. Dires d'experts, Éd. Entreprises pour l'environnement, 1996, p. 18.

CHAPITRE V : DÉBOISEMENT ET CHANGEMENT SOCIAL DANS LE
DÉPARTEMENT DE TOMA

L'étude des conséquences du déboisement dans le Département de Toma nous permet à présent de dégager les éléments qui en font un facteur de changement social dans cette localité du Burkina Faso. A cet effet, une analyse sociologique profonde de la structure sociale s'impose. D'ailleurs, Claude Rivière écrit : « Le changement social se détermine positivement comme phénomène à la fois historique, collectif et structurel affectant l'organisation sociale, sinon dans sa totalité, du moins dans certains de ses composantes ».80 Le changement induit par le déboisement dans le Département de Toma se traduit en un changement de valeurs, en de nouvelles formes de contrôle et un développement des capacités d'adaptation dans l'espace.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore