WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Questions économiques liées à  la piraterie

( Télécharger le fichier original )
par Isabelle Le Meur
Conservatoire National des Arts et Métiers - Master 2 en commerce international 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION

Le phénomène de la piraterie a pris un nouvel essor dans la dernière décennie avec une recrudescence des attaques le long des côtes et au large de pays d'Afrique et d'Asie mais également d'Amérique du Sud.

Les médias ont reporté à l'échelle planétaire certains actes de piraterie et les esprits ont pu être marqués par des images souvent spectaculaires et la dimension dramatique des situations de prises d'otages et de tentatives de sauvetage.

J'ai personnellement été sensibilisée à la piraterie à l'occasion d'une cérémonie en mémoire de Sir Peter Blake (navigateur néozélandais tué par des pirates en Amérique du Sud en décembre 2001), hommage célébré lors de la remise des prix de la course internationale de vieux-gréements Cutty Sark Tall Ships' Race à laquelle j'ai participé en 2002.

Ayant par ailleurs été secourue entre l'Italie et la Grèce par un cargo transportant du bois et de l'acier entre la Russie et la Turquie lors d'une croisière à la voile entre l'Espagne et Israël en 2003, j'ai pu me rendre compte de la solidarité qui prévaut en mer et j'ai désormais une estime particulière pour la marine marchande.

Si les règles de la navigation et le principe de Liberté des Mers ne sont pas des termes abscons pour moi, je remercie en revanche Monsieur Naji ZENATI, consultant international en transport maritime, de m'avoir donné par son enseignement au Conservatoire National des Arts et Métiers une meilleure connaissance des caractéristiques techniques et des enjeux économiques du transport maritime commercial international.

J'essayerai dans ce mémoire de rendre compte de la régénération récente et de l'expansion des actes de piraterie maritime, des conséquences engendrées sur l'activité des armateurs et des solutions envisagées au niveau international pour endiguer le phénomène.

1 Le Monde - 25 janvier 2011 - L'inquiétant rapport de Jack Lang sur la piraterie.

I- LA PIRATERIE MARITIME, UNE ACTIVITE FRAUDULEUSE EN EXPANSION

A / Régénération de la piraterie « moderne » et évolution géographique

Au sens de l'article 101 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, « [o]n entend par piraterie l'un quelconque des actes suivants :a) tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commis par l'équipage ou des passagers d'un navire ou d'un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé : i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer; ii) contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d'aucun Etat; b) tout acte de participation volontaire à l'utilisation d'un navire ou d'un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef pirate; c) tout acte ayant pour but d'inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l'intention de les faciliter. »

1/ Des zones de piraterie liées à la pauvreté

Dans les années 70, des attaques de pirates frappèrent les boat people qui fuyaient le Vietnam. A la même époque, plusieurs actes de piraterie furent reportés dans les eaux méditerranéennes, la plupart sur des navires de tramp battant pavillon grec, panaméen ou chypriote. Selon le Marin du 16 novembre 19792, parmi les navires ayant été séquestrés, le Gloria L et le Betty « disparurent » en pleine mer et « réapparurent » sous un nom et un pavillon différents dans des ports libanais, où ils tombèrent aux mains de milices armées de différents partis ou organisations politiques, les pirates ayant auparavant falsifié les titres de marchandise et vendu le tout à des commerçants libanais. Le même article souligne que de telles actions de piraterie s'étaient multipliées, les navires étant la plupart du temps déroutés pour débarquer la marchandise dans d'autres ports.

Depuis, les zones d'action ont évolué et se sont étendues : désormais les pirates mènent leurs attaques essentiellement en Mer de Chine, dans le Détroit de Malacca (point de passage stratégique pour 90 000 navires par an), dans le Golfe du Bengale, dans le Golfe d'Aden (au large de la Somalie et jusqu'au Canal du Mozambique), dans le Golfe de Guinée, dans l'Océan Indien autour des Seychelles, ainsi qu'au large des côtes du Brésil et de l'Équateur.

2 Voir Annexe 1 : Affaire de piraterie maritime, Le Marin n° 1690, 16 novembre 1979.

Selon les chiffres du Piracy Report Centre du BMI3 (basé à Kuala Lumpur, en Malaisie, sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale de Paris), chargé depuis 1991 d'enregistrer les actes de piraterie au niveau mondial, le nombre des attaques a significativement augmenté depuis 2006, et notamment ces dernières années, avec une hausse de 10 % entre 2009 et 2010. Ainsi, un nombre encore jamais atteint de marins a été pris en otage en 2010, essentiellement au large de la Somalie4 (92 % des attaques, avec un total de 43 navires détournés et 1 016 marins pris en otages).

Les chiffres, peut-être en-dessous de la réalité, puisqu'il ne prennent en compte que les attaques déclarées, font état de 53 navires détournés et de 445 attaques, lors desquelles 1 181 marins ont été capturés et 8 d'entre eux tués. Au 31 décembre 2010, selon le BMI, 28 navires et 638 otages étaient encore détenus et faisaient l'objet d'une demande de rançon.

Sur le site Internet du Piracy Report Centre, il est possible de connaître les détails des attaques en cliquant sur les points indiquant les positions sur une carte interactive.

On peut voir ainsi que les pirates somaliens opèrent de plus en plus loin, menant désormais leurs attaques jusque dans le canal du Mozambique et jusqu'à une longitude de 72° Est dans l'Océan indien.

D'autres attaques ont eu lieu aux abords du Nigéria, principalement à proximité du port de Lagos (ville la plus peuplée d'Afrique après le Caire et l'un des plus grand ports du continent). En tout, 13 vaisseaux ont été abordés, 4 se sont fait tirer dessus et 2 autres tentatives d'attaques ont eu lieu.

Au Bangladesh, où le nombre de vols à main armée a augmenté pour la deuxième année consécutive, 21 navires ont été abordés en 2010, la plupart par des hommes armés de couteaux, sur des bateaux ancrés dans le port de Chittagong, deuxième ville la plus peuplée du Bangladesh, port majeur du Golfe du Bengale, connu surtout pour abriter le plus grand chantier de démantèlement de navires du monde.

L'Indonésie a aussi connu l'an passé le plus grand nombre d'attaques armées depuis 2007. 30 navires ont été abordés, 30 attaques ont été contrecarrées et un vaisseau a été détourné. 15 des navires étaient en route lorsque les attaques se sont produites.

31 incidents ont également été enregistrés dans les mers du sud de la Chine, plus du double en 2010 qu'en 2009. 21 navires ont été abordés, 7 attaques déjouées, 2 vaisseaux se sont fait tirer dessus et 1 a été détourné. Le dernier trimestre de 2010 a été plutôt calme, avec seulement un incident reporté.

À l'origine de la recrudescence de la piraterie ces dernières années, il y a très vraisemblablement l'absence de perspectives économiques pour les populations pauvres d'Etats défaillants, qui voient les bénéfices de la mondialisation leur échapper, alors que la situation politique et les structures étatiques ne permettent pas d'assurer le développement qui fait défaut. Ainsi, l'écart va toujours grandissant entre les populations pauvres des pays en voie de développement et les populations riches des pays développés.

- En Somalie, où le taux de pauvreté est de 81 % selon les critères du PNUD (santé, éducation et niveau de vie) et où plus de 55 % des habitants vivent sur une côte longue de 3 898 km, la volonté des populations de défendre leurs zones de pêche contre la pêche illégale des bateaux européens et asiatiques qui ne respectaient pas les eaux territoriales et la Zone Economique Exclusive5 a très certainement également joué un rôle déclencheur.

Si l'on ajoute à cette exaspération celle déclenchée par le dégazage sauvage et l'abandon de déchets toxiques par des navires étrangers au large des côtes - dont l'ampleur a été soulignée par le PNUE6 (Programme des nations Unies pour l'Environnement) - on comprendra aisément que certains profitent des lacunes des autorités publiques et de l'insécurité prévalant pour se tourner vers une activité rémunératrice, bien que frauduleuse.

3 Bureau Maritime International

4 Communiqué du lundi 17 janvier 2011, Piracy Report Centre, Bureau Maritime International.

5 Voir Annexe 2 : les zones maritimes en droit international, source CEDRE.

6 Rapid Environmental Desk Assesment Somalia, p. 133, Programme des Nations Unies pour l'Environnement, 2005.

Il s'avère également qu'au tournant des années 2000, pour faire face à la pêche illégale - notamment asiatique et européenne - le recours à une société de sécurité britannique pour former des gardes-côtes et théoriquement contrôler les droits de pêches, a eu des conséquences néfastes. En effet, rapidement, cette société n'a plus été payée et s'est retirée. Les personnes qu'elle a formées seraient devenues pour certaines des pirates très efficaces.

- Au Nigeria, le terreau de la piraterie est fertile : situation politique instable, précarité, chômage, corruption, prévarication, népotisme... La piraterie est venue s'ajouter au captage clandestin et illicite de pétrole (oil bunkering) ainsi qu'aux prises d'otages - notamment d'expatriés - avec demandes de rançon. Ces exactions relèvent d'activités criminelles à tendance mafieuse et sont « encouragées par la corruption régnante et la collusion entre les milieux criminels et les autorités publiques et militaires »7. Même si elle y reste sporadique, la piraterie est toutefois problématique pour les sociétés françaises Bourbon et Total, touchées par le phénomène. Les tensions et l'insécurité ont eu pour conséquence de faire baisser significativement la production pétrolière nigériane (de 2 millions de barils par jour en 2007 à 1,8 million entre 2008 et 2009) et donc les rentrées de devises, l'activité du Nigéria étant dominée par le secteur des hydrocarbures dont le pays est mono-exportateur (99 % de la valeur des exportations, 39 % du PIB, mais seulement 5 % des emplois).

- Dans le détroit de Malacca, outre une tradition séculaire bien installée dans la région, ce sont également le chômage et la pauvreté qui sont à l'origine de la piraterie. Cela a commencé par des vols à main armée pour s'approprier les biens et les liquidités à bord des navires marchands. Le vol et la revente de navires restent exceptionnels. La piraterie y est une activité relevant de la petite criminalité de gangs de trafiquants.

Dans tous les cas soulevés, les motivations sont clairement lucratives et n'ont pas de dimension politique majeure ni même d'objectif terroriste. L'exception qui confirme la règle est l'attaque du pétrolier Limbourg le 6 Octobre 2002 le long des côtes yéménites, cité en exemple par le MEDEF dans une note du 15 juillet 2004 sur la sûreté du transport de marchandises. Mais le lien entre piraterie et terrorisme ne peut pas être considéré comme pertinent aujourd'hui, même si à terme, les ressources dégagées pourraient attirer ce type de mouvance. Il y a eu par le passé des attentats terroristes sur des navires, mais ceux là visaient le transport de passagers.

Le terme d'« industrie émergente », utilisé par M. Jack LANG dans son rapport remis le 24 janvier 2011 au Secrétaire général des Nations Unies8 me paraît inadapté et exagéré, même si, comme le souligne M. Christian MENARD dans son rapport parlementaire sur la piraterie maritime9 en 2009, « cette activité frauduleuse est de mieux en mieux organisée et procure à ses différents protagonistes des ressources économiques importantes ». C'est ce que nous verrons au point suivant.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera