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Pauvreté et accès aux soins obstétricaux au Tchad

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par Aristide NADJIOROUM NDINGADET
Institut de formation et de recherche démographiques (IFORD), Université de Yaoundé II au Cameroun - Diplôme d'études supérieures spécialisées en démographie (DESSD) 0000
  

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2.3.4 Les conséquences de la crise économique sur l'accès aux services de santé au Tchad

Dans un contexte socio-économique particulièrement contraignant et face aux programmes d'austérité imposés (à certains pays d'Afrique dont le Tchad) par les institutions financières (BM, FMI entre autres) qui ont entraîné la baisse substantielle de la part des budgets nationaux réservée à la santé, il est impérieux de rechercher les facteurs sur lesquels des actions doivent être menées afin de maximiser la rentabilité des investissements dans le domaine de la santé.

Les services à assurer ne sont par ailleurs ni élaborés, ni très coûteux et la réduction de la morbidité et de la mortalité maternelles est l'une des stratégies de santé publique qui offre le meilleur rapport coût/efficacité.

Au Tchad, plus du quart de la population vit avec moins d'un dollar par jour et les dépenses de santé sont souvent supérieures aux revenus (Banque Mondiale, 2001). Dans ce contexte, les investissements en matière de santé à travers les structures sanitaires secondaires comme les dispensaires, les centres médicaux communautaires, la formation des accoucheuses traditionnelles, offrent un rapport coût-efficacité satisfaisant et épargne à l'Etat des gaspillages. Même si les nouvelles perspectives économiques présagent une relance économique, il convient de gérer au mieux les ressources qui existent déjà. L'accès aux services de consultations prénatales est très limité dans certaines DPS5, notamment celle du

5 Délégation Préfectorale de la Santé

Salamat, et constitue un problème à résoudre pour l'amélioration de la santé de la reproduction. La disponibilité des sages-femmes est très basse dans toutes les DPS, sauf dans le Chari-Baguirmi et à N'djaména ; c'est l'obstacle systématique le plus critique pour la fourniture des services de santé de la reproduction dans ces délégations. Aucune sage-femme ne travaille dans les DPS du Lac, du Biltine et du BET, zones parmi les plus pauvres du Tchad. Le manque de continuité dans l'utilisation des services des soins prénatals, d'accouchement et de planification familiale arrivent en deuxième position parmi les goulets d'étranglement à l'amélioration de santé de la reproduction. C'est un véritable problème pour toutes les DPS. Dans la DPS du Salamat (zone très pauvre), le taux de continuité est ainsi de 11,2% (MSP6, 2004).

Enfin, la prise en compte des problèmes de la femme, notamment les problèmes sanitaires, s'inscrit dans le cadre de sa considération comme « acteurs » à part entière dans le processus de développement. Cette prise en considération passe par le rétablissement de l'équité entre l'homme et la femme. Au-delà du paradigme biomédical, la nécessité d'offrir une meilleure santé à la femme est une question essentielle de « justice sociale ». En effet, les risques encourus par les femmes en donnant la vie ne relèvent pas seulement des « caprices » de la nature, mais aussi des politiques sociales et sanitaires.

A ces souffrances humaines, s'ajoute le fait que les maladies et les troubles liés à l'accouchement représentent aussi des pertes en terme de développement social et économique. Les femmes qui en meurent sont dans la plupart des cas acteurs économiques, des responsables de famille, responsables du bien-être et de la santé. Or, parce qu'elles produisent des revenus, se chargent de la production et de la préparation de la nourriture, leur décès pèse sur les efforts de lutte contre la pauvreté. Les études montrent qu'une grande partie de ces décès maternels pourrait être évitée si toutes les femmes sont assistées lors de la grossesse et de l'accouchement par un agent de santé qualifié et si elles ont accès à des soins obstétricaux d'urgence en cas de complications (OMS, 2003). En effet, lorsque les femmes consultent régulièrement un médecin, une infirmière ou une sage-femme pendant leur grossesse, les agents de santé peuvent les vacciner contre le tétanos, les inciter à observer une nutrition, une hygiène et un repos adéquats et à détecter des complications potentielles.

6 Ministère de la Santé Publique

La plupart des complications liées à la grossesse et à l'accouchement peuvent être évitées efficacement ou prises en charge si les signes et symptômes de danger ou de risque sont décelés à temps et si les services de soins de santé de qualité sont disponibles et accessibles à tous, ce à quoi s'emploie la communauté internationale depuis plusieurs années. Malheureusement l'objectif de maternité sans risque est loin d'être atteint et, si l'on connaît mieux les causes des décès maternels et les moyens de les prévenir, il est à promouvoir, auprès des femmes, des comportements permettant de les réduire, notamment par un recours aux soins de qualité avant, pendant et après l'accouchement. La proportion des femmes qui accouchent dans une maternité est de 40% (UNFPA de 1997. Des efforts restent donc à faire pour garantir aux femmes un accès universel aux soins pendant l'accouchement (Rosine ANGUE ELLA, 2005). D'après les résultats des enquêtes démographiques et de santé, la proportion des naissances pour lesquelles la mère a bénéficié d'une assistance médicale à l'accouchement est de 78% au Gabon, 65% au Bénin, 24% au Tchad, 58% au Cameroun, 49% en Centrafrique. Cette proportion demeure élevée même parmi les femmes ayant recours aux CPN : 29% au Cameroun, 43% en Centrafrique, 53% au Burkina Faso et 45% en Côte d'Ivoire (Rosine ANGUE ELLA, 2005).

Les facteurs à l'origine de la non assistance médicale aux soins obstétricaux sont encore mal connus et documentés d'où l'intérêt de la présente étude qui tente de les identifier, dans un pays l'un des plus pauvres du monde.

a) Stratégie tchadienne de réduction de la pauvreté

La stratégie nationale de la réduction de la pauvreté (SNRP), élaborée en 2003, préconise que l'élimination progressive de la pauvreté sera réalisée par la poursuite de politiques favorables à l'accélération de la croissance économique, surtout dans les activités pratiquées par les pauvres ; l'accroissement des dépenses publiques ciblées sur les contraintes à la réduction de la pauvreté ; et l'exécution des projets et programmes sectoriels selon les cinq grands axes stratégiques, pour lesquelles la SNRP fixe les objectifs, les indicateurs de performance et une matrice d'actions prioritaires.

Sur le plan économique, la première année de la mise en oeuvre de la SNRP coïncide avec celle de l'exploitation du pétrole de Doba. En matière des finances publiques, les secteurs prioritaires bénéficient, en sus des dotations budgétaires ordinaires, des fonds IPPT et du bonus pétrolier. La politique visant à augmenter de 20% chaque année la part du budget

Milieu rural N'djaména Autres villes Zone

ECOSIT7

FCFA $US FCFA $US FCFA $US FCFA $US

151

0,303 311

Seuil de pauvreté alimentaire

0,623 213 0,43 194 0,39

Seuil de pauvreté globale 195

0,39 414

0,83 276 0,55 253 0,51

des secteurs prioritaires s'est poursuivie, et les dotations budgétaires de ces secteurs représentent 60% des dépenses totales en 2003 contre 52% des dépenses exécutées en 2002 (SNRP, 2003).

Les difficultés et les contraintes sont celles relatives à l'insuffisance des ressources financières qui risque d'entraver le bon déroulement des activités dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie, les aléas climatiques qui constituent un handicap à la production agricole, la faiblesse du pouvoir d'achat des ménages face aux dépenses des soins de santé et de scolarisation des enfants des pauvres, et enfin la rareté de l'énergie électrique disponible et son coût exorbitant qui dissuadent les opérateurs économiques privés.

Des différentes consultations conduites dans le cadre du processus participatif, il est ressorti que la pauvreté est un phénomène multidimensionnel, que l'on approche en termes de revenus, de niveau de vie, de capacités (moyens de production entre autres) ou de risques encourus. Le déficit de productivité est un attribut de l'essentiel des activités économiques marchandes, traduisant un déficit, voire un défaut de capacités lié aux déficiences des systèmes sanitaire et éducatif. De ce qui précède, la dimension économique de la pauvreté est très importante donc il convient de mettre un accent particulier sur le cadre macroéconomique dans lequel s'exécute la stratégie de la réduction de la pauvreté afin de définir le cadre et d'en établir le lien avec l'évolution de la pauvreté. Au total, le Tchad est profondément touché par la pauvreté et la misère. C'est le pays le plus pauvre de la sous-région au regard des différents indicateurs sociaux publiés par les organisations internationales.

Tableau2.3 Seuils de pauvreté alimentaire et globale par tête et par jour

7 L'ensemble de la zone couverte par l'ECOSIT (Enquête sur la Consommation des ménages et du Secteur Informel)

b) La perception de la pauvreté par la population tchadienne

Des études ont également été menées sur la perception de la pauvreté par les populations au Tchad. Selon ces études (DSEED/ PNUD, EPBEP, 2000), cette perception est relative au milieu : on se sent pauvre par rapport à quelqu'un d'autre ou par rapport à sa capacité d'accéder aux différents marchés de biens et de services disponibles ou encore par rapport aux possibilités qui sont offertes à l'individu. Selon les résultats de l'enquête, la perception de la pauvreté par la population tchadienne apparaît très différente en milieu urbain et en milieu rural. Tandis que les populations urbaines placent l'éducation en première position et le manque d'argent en deuxième, les populations rurales placent, elles, le manque de matériel agricole en première position et ne classent le besoin d'éducation qu'en 7e position. Dans les deux cas, l'insuffisance de structures de santé émerge comme l'une des trois dimensions majeures de la pauvreté citées par les urbains comme les ruraux.

c) Les conditions de vie des ménages au Tchad

Il n'existe à ce jour que peu de données et d'études sur la pauvreté et les conditions de vie des ménages au Tchad. L'indice de la pauvreté humaine (IPH) est l'un des plus mauvais du monde, à 52,1%, selon le PNUD, plaçant le Tchad en 86e position dans un échantillon de 92 pays (PNUD, 1997). Les données du Rapport sur le développement humain indiquent également qu'au Tchad, le pourcentage d'analphabètes est de 49,7%, celui d'individus privés d'accès à l'eau potable de 76% et le pourcentage des personnes privées d'accès aux services de santé de 74% (PNUD, 2006).

Les données de l'enquête sur la consommation et le secteur informel (ECOSIT) réalisée en 1995/1996 ont permis de caractériser plus précisément le profil de la pauvreté au Tchad. L'indice de la pauvreté alimentaire c'est-à-dire la proportion de ménages qui n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins alimentaires, est estimé à 42%. Cette incidence est plus forte en milieu rural (48%) que dans les zones urbaines (34 à 38%), mais cette différence est moins marquée que dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne, où les citadins ont typiquement un niveau de pauvreté plus faible. De même, l'incidence de la pauvreté globale, c'est-à-dire la proportion de ménages qui ne subviennent pas à leurs besoins alimentaires, montre une plus forte incidence en milieu rural que dans les villes. L'extrapolation de ces données au niveau de l'ensemble du Tchad, on peut estimer que 90% de la pauvreté provient

du milieu rural. Cette mesure du degré de la pauvreté des ménages est basée sur le manque à gagner moyen des pauvres dans une région, c'est-à-dire la différence entre la consommation des ménages et le seuil de pauvreté utilisé. Les données montrent qu'il y a moins de pauvres dans les villes, et en particulier dans la capitale, que les campagnes mais ceux-ci sont en moyenne plus pauvres.

Ce résultat suggère que les ménages ruraux ont des activités ou des atouts qui leur permettent de maintenir un certain niveau de vie faible, alors que les ménages pauvres urbains n'ont pas ces ressources et sombrent dans une pauvreté plus marquée.

L'enquête démographique et de santé a permis de dresser une typologie des ménages selon le niveau de bien-être. Il apparaît que les plus pauvres ont un niveau d'éducation plus faible que les plus riches.

Les femmes vivant dans de ménages pauvres ont moindre accès aux services de base que leurs homologues de ménages riches. On note aussi une pauvreté légèrement plus prononcée dans les ménages dirigés par une femme.

Part de la population totale (%)

Part de la population en pauvreté (%)

Taux de pauvreté (%) 20,8 34,4 47,8 50,6 70,3 55,0

Source : INSEED/ECOSIT2, 2003-2004

Capitale Villes

secondaires

7,6 2,9 9,6 42,3 37,5 100,0

2,9 1,8 8,4 38,9 48,0 100,0

Autres villes

Rural sud

Rural nord

Pays

Tableau 2.4 Approche absolue (Estimations de la pauvreté)

2.4 Situation de santé au Tchad

La situation sanitaire du Tchad est plutôt moins bonne que celle des autres pays d'Afrique subsaharienne et l'évolution dans le temps des indicateurs de santé du pays ne laisse pas beaucoup d'espoir pour l'atteinte des objectifs de 2015. Il existe un lien entre l'accès aux services de santé modernes et niveau de pauvreté. Au Tchad, les données de l'enquête

démographique et de santé, le bilan commun des pays et le rapport sur le développement humain révèlent une situation grave de la mère et de l'enfant ainsi qu'un état de pauvreté inquiétant qui risque de compromettre le développement du pays. Les composantes prioritaires retenues pour faire l'objet d'actions précises sont : la maternité à moindre risque, le bien-être familial et la planification familiale, la santé reproductive des adolescents, la lutte contre les Ist/vih /sida, et la lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes, les violences conjugales et sexuelles.

Les indicateurs permettent de jauger de la santé de la reproduction (SR) ; les plus récents au Tchad sont fournis par l'Enquête Démographique et de Santé (EDST II) de 2004. Le ratio de mortalité maternelle est de 1099 décès pour 100 000 naissances vivantes ; autrement dit, le Tchad demeure un des pays où la maternité expose les femmes aux plus hauts risques. Au Congo Brazza et le Gabon, ces ratios sont respectivement de 510 et 420. La Suède est plus proche de l'idéal avec 2 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Quant aux enfants tchadiens, ils sont logés à la même enseigne que leurs mères; le taux de mortalité infantile sont logés à la même enseigne que leurs mères; le taux de mortalité infantile (enfant de 0 à moins d'un an) est de 102 %o ; celui des enfants de 0 à 5 ans (mortalité infanto-juvénile) est de 191 %o. Ces taux sont parmi les plus élevés au monde et le Tchad reste un des pays où un enfant court le plus de risque de décéder avant son cinquième anniversaire ! Ces niveaux de mortalité pèsent lourdement sur l'espérance de vie du Tchadien qui est de 49,6 ans. Ces chiffres remettent en cause les discours laudatifs sur des bilans des politiques et programmes socio-économiques souvent servis au peuple. En effet, les niveaux de mortalité reflètent et découlent des conditions sanitaires, environnementales, socio-économiques et culturelles des populations.

Certes, le Gouvernement et les partenaires ont consenti des efforts certains pour améliorer la santé de la mère et de l'enfant et le bien-être familial : entre 1994 et 2001, quelque 27,5 milliards de Fcfa ont été investis dans le secteur (Annuaire des statistiques sanitaires du Tchad, MSP, 2004). Mais ces investissements, quoique importants en valeur absolue, restent en deçà des besoins qui sont énormes. Quelques indicateurs de disponibilité et d'accès aux services de SR permettent de mesurer ce gap. D'abord les structures sanitaires et les ressources humaines sont très insuffisantes : la couverture sanitaire théorique de 73,4 % (avec 633 zones de responsabilité fonctionnelle) cache d'importantes disparités régionales. En outre, moins de 20 hôpitaux de district sur les 40 fonctionnels offrent des soins obstétricaux

d'urgence complets pendant la grossesse ou à l'accouchement. Une femme, surtout en zone rurale, doit parcourir en moyenne 15 km pour accéder aux services de SR ou faire vacciner son enfant.

Quant au personnel qualifié, le pays compte un médecin pour près de 28 000 habitants et une sage-femme pour 9 000 femmes en âge de procréer. Des chiffres bien loin des normes de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui recommande un minimum d'un médecin pour 10 000 habitants et une sage-femme pour 5 000 femmes en âge de procréer. De plus, ce personnel est inéquitablement déployé avec une forte proportion d'agents exerçant à N'Djaména. A cela s'ajoute un déficit en infrastructures et en personnel. La conséquence de cette carence à la fois structurelle et infrastructurelle est le faible accès des populations aux services de SR : 8 femmes sur 10 accouchent à domicile, pour la plupart sans assistance de personnel qualifié; seulement 2 grossesses sur 10 ont eu des consultations prénatales complètes. En principe, tous les enfants de 12 à 23 mois sont censés avoir reçu les vaccins prioritaires du Programme National de Vaccination (PEV), mais seuls 11% le sont; tandis que 19% des jeunes tchadiens de cette tranche d'âge n'ont reçu aucun vaccin (Annuaire des statistiques sanitaires du Tchad, MSP, 2004).

S'agissant de la planification familiale, seules 2% de femmes en union utilisent une méthode contraceptive moderne. Les Tchadiens continuent donc, comme au Moyen-Age, à faire des enfants au gré de la nature, loisible à celle-ci de faire son prélèvement pour laisser le reste aux parents ! Conséquence : l'indice synthétique de fécondité (moyenne d'enfants qu'une Tchadienne arrivée en fin de vie féconde peut avoir) reste parmi les plus élevés du monde : 6,3 enfants par femme. A ce rythme, d'ici 2050, le Tchad sera plus peuplé que le Cameroun (31,5 millions contre 27 millions).

Ces indicateurs sont révélateurs du niveau de la pauvreté au Tchad. Cette pauvreté agrège certes d'autres facteurs tels que les aléas climatiques, l'insécurité, la mauvaise gouvernance, la dégradation de l'environnement, les considérations socio-culturelles, etc. Mais les aspects liés à l'accès aux services de SR demeurent fondamentalement transversaux.

Le document du Bilan Commun des Pays (en anglais Common Country Assesment - CCA) élaboré en 2004 dans le cadre de l'assistance des Agences du Système des Nations Unies au Tchad décrit ainsi la pauvreté sous ses principales manifestations : la faim et la malnutrition, la forte mortalité maternelle et infantile, le faible accès à l'eau potable, la forte incidence du

Vih/sida et du paludisme, et la forte déscolarisation au primaire. Il existe de façon évidente une forte interrelation entre ces différents facteurs et la santé de la reproduction. Un seul exemple, l'analphabétisme est un obstacle pour l'accès aux soins de santé ; à contrario, l'alphabétisation rend les gens plus ouverts aux perceptions et pratiques positives en matière de SR, principalement en ce qui concerne l'utilisation des méthodes contraceptives modernes, l'accès aux services de SR, la perception des facteurs de risque et le comportement subséquent pour prévenir les IST et le Vih/sida, le refus des pratiques traditionnelles néfastes (mutilations/ coupures génitales féminines), etc. Ainsi, l'EDST II a révélé que 13% des femmes de niveau secondaire et plus utilisent une méthode de contraception moderne contre 0,5% de femmes sans instruction.

Cet aperçu des indicateurs met en exergue les liens de causalité entre développement humain et santé de la reproduction, d'où la nécessité d'améliorer l'offre et l'utilisation des services de SR grâce à de lourds, continus et judicieux investissements. Dans ce sens, on ne devrait pas perdre de vue que la croissance économique (dopée comme au Tchad par des ressources pétrolières), n'entraîne pas de facto et à court terme l'amélioration des indicateurs socioéconomiques, de la santé de la reproduction notamment. La preuve est fournie pas le Rapport Mondial sur le Développement Humain 2006. Le classement des pays selon l'Indice de Développement Humain (IDH) se fonde sur trois critères : la santé et la longévité, l'instruction et le niveau de vie de la population mesuré d'après le PIB (Produit Intérieur Brut). Résultat : le Tchad est classé 171e sur 177 et figure parmi les pays à développement humain faible), avec un PIB de 2090 $ US pour la période considérée. Le Soudan dont le PIB n'est que de 1 949 $ US est classé au 141e rang, parmi des pays à développement moyen tels que la Russie, le Brésil ou la Chine. Explication : notre espérance de vie est évaluée à 43,7 ans et le taux d'alphabétisation des adultes est de 25,7% ; au Soudan, ces indicateurs sont respectivement de 56,5 ans et 60,9%. Autrement dit, tout en étant plus riche que le Soudan - du moins pour la période considérée le Tchadien vit paradoxalement moins bien.

Ce phénomène peut certainement être relié aux forts niveaux de malnutrition, mais aussi au fait que les ménages ne font pas appel aux technologies simples comme les moustiquaires imprégnées, la vaccination, les micro-nutriments ou les solutés de réhydratation par voie orale. D'importants efforts restent à faire afin d'assurer une couverture effective pour une large partie de la population, notamment les groupes les plus pauvres.

Tableau 2.5 Indicateurs de santé Tchad, 2003

Indicateurs Tchad Pauvres Riches

Mortalité infantile (pour 1 000 naissances) 102,6 79,8 89,3

Mortalité infanto-juvénile (pour 1 000 naissances) 194,3 170,6 172

Taux de mortalité maternelle (100 000 naissances vivantes) 827

Taux de croissance annuelle de la population (%) 2,9

Espérance de vie à la naissance (années) 50

Indice synthétique de fécondité (enfants/femme) 6,6 7,1 6,2

Femmes recourant à des soins prénatals dispensés par du

personnel qualifié (%) 41,6 27,7 63,9

Couverture antitétanique chez les femmes enceintes (%) 41,6 33,7 61,5

Accouchements assistés par du personnel de santé qualifié (%) 16,3 4,6 56,9

Dépenses publiques de santé (% du PIB) 2,62

Dépense publique de santé (% de DST8) 67

Dépenses publiques de santé par habitant ($USD) 5,03

Taux de prévalence d'une contraception moderne (%) 2 0,2 6,1

Source : Statistique sanitaire du Ministère de la Santé Publique, 2003

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon