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La grève dans le transport maritime en Côte d'Ivoire


par David GBENAGNON
Université catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maà®trise en droit carrières judiciaires 2008
  

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B. La grève, cas de force majeure en matière d'affrètement au voyage : staries et surestaries

Dans l'affrètement au voyage, le temps court contre le fréteur car le fret est fixé eu égard à l'expédition (quantité de marchandises et conditions de voyage). Le temps passé au port est une perte sèche pour le fréteur dont le navire ne rapporte pas. Il a donc intérêt à l'écourter. Pour se faire, il laisse une certaine durée à l'affréteur pour charger et décharger, étant entendu que l'affréteur paiera en plus si la durée prévue est dépassée.

Ce temps de planche (laytime) est appelé staries. Le temps ajouté est appelé surestaries, ces dernières peuvent parfois être très importantes en égard au retard pour opérer le navire.

De plus, d'après la doctrine commune au monde entier « une fois en surestaries, toujours en surestaries » (once on demurrage always on demurrage) qui emporta parfois des conséquences qui ont été de plusieurs centaines de milliers de dollars pour un seul navire, ainsi on peut tout à fait imaginer que la grève, événement de force majeure joue un rôle fondamental en matière d'affrètement au voyage.

Le plus souvent les chartes parties contiennent des clauses relatives80(*) à la suspension des staries, l'étude de ces clauses sera envisagée ultérieurement.

De multiples clauses organisent la situation notamment les clauses les plus communément utilisées que sont les clauses WIPON, WIBON, WIFON, WECCON. Le navire étant prêt à opérer qu'après qu'ait été remise une NOR (notice of readiness).

En l'absence de clause relative au problème de la suspension des staries, le droit commun a vocation à s'appliquer, c'est à dire que la faute du fréteur et la force majeure suspend le cours des staries.

La grève qui n'aura pas été prévisible au moment de la signature de la charte-partie, qui aura été assez générale pour que l'affréteur n'ait pu la briser ou la tourner et qui n'est pas due à la faute de l'affréteur constituera un cas de force majeure qui suspendra les jours de planche.

On ne reviendra pas ici sur l'appréciation des caractères de la force majeure.

Ainsi, dans une affaire « Automoteur, La Chance »81(*) intervenue en matière d'affrètement fluvial, l'arrêt retient l'attention au regard d'un événement de force majeure suspendant le cours des staries.

Un chaland automoteur, se rendant vers la section maritime du port de Rouen pour y décharger sa cargaison de farine, avait été bloqué pendant près d'un mois par des barrages de mariniers. Par application des usages du port de Rouen, le délai de planche était de deux jours à compter de l'arrivée dans la section fluviale du port, et la propriétaire de l'automoteur réclamait le paiement de 29 jours de surestaries.

La cour d'appel l'avait débouté de sa demande au motif que s'agissant d'un cas de force majeur, le délai de planche n'avait pu courir. Le fréteur avait intenté un pourvoi en cassation en invoquant, entre autres, comme moyen du pourvoi, le fait que l'affréteur aurait pu décharger au port fluvial et faire le transport par voie terrestre.

La Chambre commerciale a rejeté le pourvoi formé contre la décision de la Cour d'appel, et il semble que, ce faisant, elle ait admis l'application d'une force majeure atténuée.

Au regard du critère d'imprévisibilité, la Cour suprême a considérée le « caractère inopiné » de l'événement relevé par les juges du fond.

Quant au critère d'irrésistibilité qui, en matière contractuelle, est facilement privilégié par les décisions arbitrales ou judiciaires, l'arrêt rapporté reste indécis. En effet il se contente d'affirmer que c'est sans renverser la charge de la preuve que la Cour d'appel a considéré que l'affréteur « avait établi l'existence de faits permettant de décider que le barrage présentait les caractères de la force majeure » tandis que le fréteur ne rapportait pas la preuve contraire.

Cette application de la force majeure atténuée paraît conforme à ce qu'en dit le doyen Rodière82(*). Il considère que l'application des règles de droit commun conduit à suspendre le délai des staries « pendant les jours où le travail ne peut pas se faire par l'effet d'une cause indépendante de la volonté de l'affréteur ».

Par ailleurs par analogie avec les circonstances de l'espèce, on reliera ce que dit le doyen Rodière83(*) des conditions que doit remplir la grève des dockers pour être suspensive du délai des staries, en l'absence de toute clause à cet égard.

Comme on a pu le voir précédemment la grève des dockers est très fréquente, elle appuie aussi bien les revendications des dockers que, par solidarité d'autres revendications.

Le droit privé ne verra dans les origines, l'ampleur, l'intensité et la durée de la grève que des éléments propres à reconnaître si le mouvement était imprévisible ou insurmontable, pour l'affréteur, c'est à dire si la grève peut être considérée comme un élément de force majeure.

Tout en tenant compte des caractères modernes de la grève et du fait que les dockers sont uniquement recrutés par leur syndicat et non par l'affréteur, on doit, notre droit positif n'ayant pas particulièrement été bouleversé, déclarer que la grève des dockers en l' « absence de toute clause de la charte », ne suspend le cours des staries que si :

- la grève n'était pas prévisible à l'époque où la charte a été signée et le délai des staries fixé 84(*) ;

- la grève a été assez générale pour que l'affréteur n'ait pu ni la briser ni la tourner, c'est sur ce dernier point que les caractères modernes de la grève doivent être pris en considération de sorte que cette dernière condition sera généralement satisfaite85(*).

- La grève n'est pas due à la faute de l'affréteur86(*), cette condition sera également satisfaite en général, étant donné que l'affréteur et l'acconier sont deux entrepreneurs indépendants.

En définitive, on peut considérer, en ce qui concerne les staries, que la logique conduit à suspendre le délai de ces dernières dès lors que le chargement ou le déchargement ne peut pas se faire par l'effet d'une cause indépendante de la volonté de l'affréteur.

Le contrat d'affrètement tout comme le contrat de transport étant régi pour l'essentiel par la volonté des parties, il contient de nombreuses clauses relatives à la grève.

* 80 Whether in berth or not - whether in port or not - whether in free practice or not - whether entered customs clearance or not, Sentence arbitrale 15 avril 1988, DMF 1988, p.696.

* 81 Cass com, 15 mars 1982, DMF 1983 p. 14.

* 82 Traité général TI, n°230.

* 83 Traité général TI, n°236.

* 84 Trib.Com.Marseille, 12 décembre 1900, Autran, XVI, 391.

* 85 CA Paris 14 déc. 1964 pré-citée concernant la grève du personnel EDF.

* 86 CA Rouen, 8 août 1900, D 1903 p. 389.

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