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La grève dans le transport maritime en Côte d'Ivoire


par David GBENAGNON
Université catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maà®trise en droit carrières judiciaires 2008
  

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SECTION II : LES RESPONSABILITES DE L'ETAT.

Légitimes ou non, les revendications actuelles des grévistes sont accompagnées d'actions de forces marquées par le recours quasi-systématique aux prises d'otage des installations portuaires, qui n'en sont pas moins des atteintes fondamentales aux libertés énoncées précédemment.

Le blocage des ports constitue un trouble sans équivoque à l'ordre public, que l'administration a le pouvoir, les moyens et le devoir de combattre, en vue de garantir à chacun le respect par tous des lois et règlements.

Dès lors, les usagers du port, qui sont touchés dans leur activité professionnelle par la non intervention ou l'intervention insuffisante de l'administration, peuvent tentés de démontrer la carence fautive des pouvoirs publics pour obtenir réparation des dommages subis, résultant du blocus de l'activité portuaire : immobilisation de navires, droits de port supplémentaires, pertes d'exploitation, retards dans l'acheminement des marchandises...

Lesdits usagers sont donc fondés à réclamer, devant les tribunaux administratifs, la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice, résultant de la carence de l'administration à prendre des mesures appropriées pour faire lever le blocus.

Paragraphe 1: De la responsabilité pour faute lourde.

Le fondement principal de la responsabilité est, en droit administratif comme en droit civil, la faute de celui à qui est imputé le dommage. Cette faute, en ce qui concerne la puissance publique, peut apparaître dans deux cas.

D'une part, dans l'exercice de son pouvoir de prendre des décisions exécutoires, d'autre part, dans l'accomplissement de ses missions de service public.

Dans le premier cas, la qualification de la faute est attachée à l'illégalité des décisions de l'autorité publique, dans le second cas, la faute réside plus généralement dans la défaillance du service public, et consiste en des faits ou agissements dont il appartient en principe au demandeur d'apporter la preuve.

Paragraphe 2 : Responsabilité de l'Etat à l'égard des usagers du domaine public maritime.

Il y a deux obligations qui pèsent sur les autorités chargées de la police, tout d'abord elles doivent veiller à l'application des réglementations et ensuite elles doivent prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à une situation dangereuse pour la sécurité ou pour assurer l'ordre public.

A. Refus des autorités publiques de prendre des mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public.

Les autorités de l'Etat, chargées de l'exploitation et de la police des ports maritimes sont tenues en principe d'exercer les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation, pour assurer aux usagers du domaine public portuaire une utilisation normale et conforme à sa destination.

En n'intervenant pas ou en assurant une intervention insuffisante contre les grévistes, l'autorité encourt une responsabilité à l'égard des usagers du domaine public maritime, victimes de la carence administrative à faire cesser le trouble.

L'Etat est tenu d'intervenir, dégageant la responsabilité du port, dès lors que celui-ci ne peut manifestement pas lever le blocus par ses pouvoirs de police spéciale

Quant aux actions et inactions de l'administration, la responsabilité de cette dernière est subordonnée à une faute lourde. Le juge reconnaît à l'administration une marge de réflexion et de prudence, liée aux nécessités de l'ordre public143(*).

Il arrive que la faute lourde de l'administration soit retenue, lorsque les autorités chargées du maintien de l'ordre public sont informées d'un conflit social, localisé et qu'elles s'abstiennent de prendre des dispositions pour s'opposer à la formation de barrages, alors qu'aucun risque sérieux de troubles graves n'existe, la faute lourde est alors constituée au vue de la prévisibilité de l'événement144(*).

En revanche, il a été jugé qu'à la suite d'un blocage du port de Marseille par les dockers, le préfet des Bouches du Rhône, en s'abstenant d'utiliser la force publique pour permettre et faciliter l'accostage et le déchargement des navires, et compte tenu des risques de troubles sérieux qu'aurait pu entraîner une telle décision, n'a pas commis de faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat145(*).

Ainsi le juge administratif se livre à une analyse in concreto et prend largement en considération l'ampleur et les risques sérieux ou non des différents conflits sociaux.

Dès lors, la responsabilité de la puissance publique pour inaction de la police ne peut être engagée principalement que sur le terrain de la faute lourde, car les autorités étatiques ont le devoir d'intervenir, lorsque les mesures de prévention et de dispersion, requises par la situation seraient la cause de troubles graves de la part des contestataires.

Par ailleurs, l'administration peut être poursuivie pour une insuffisance d'intervention à enrayer le conflit social. Il y a deux obligations qui pèsent sur les autorités chargées de la police de l'ordre public, elles doivent veiller au respect de la réglementation tout en prenant les mesures appropriées pour préserver le droit d'accès au port, sous peine de voir engager leur responsabilité pour faute lourde (carence des services de police). L'obligation qui pèse sur lesdites autorités entraîne une obligation de résultat, mais il paraît généralement bien difficile de l'imposer à une autorité publique, ce qui conduirait à la considérer comme fautive chaque fois que son action a été inefficace. Plus que jamais, l'exigence d'une faute lourde répond au souci d'assurer à un service dont les tâches sont difficiles, une marge de manoeuvre suffisante. Mais cette exigence est considérée non pas en fonction de critères théoriques (nature de l'action ou nature du service) mais en fonction de difficultés réelles que le service a rencontrées et que le juge a reconnues.

La mise en oeuvre de la responsabilité pour faute lourde doit nécessairement tenir compte du délai dont dispose l'administration avant de se trouver dans l'obligation d'agir. Les pouvoirs publics ont ainsi reconnu que si au delà d'un court délai de réflexion, ils n'avaient pas fait cesser le blocus par le recours à la force publique, l'Etat encourrait une responsabilité pour sa carence, au regard du préjudice dont les usagers du service pouvaient justifier

Mais en règle générale, ce n'est pas l'importance des pertes financières qui définit ce critère, c'est la durée du « délai de réflexion » de l'autorité administrative qui est prise en compte.

Ce délai est fixé par le Conseil d'Etat à quinze jours pour disperser un barrage formé par des manifestants sur des voies navigables146(*).

Pour les armateurs victimes de «prise d'otage», le Conseil d'Etat a considéré, en son arrêt du 11 mai 1984 susmentionné, que l'événement dont la Société Delmas a été la victime (immobilisation du navire  La Rochelle  dans une forme de radoub par les ouvriers en grève de l'entreprise de réparation pendant cinquante deux jours) était excessive mais que la responsabilité de l'autorité chargée de la police générale ne devait être engagée qu'au delà des deux premières semaines d'immobilisation.

* 143 CE 22 juin 1984, CE 22 juin 1984, Secrétaire d'Etat ministère des transports c/ Sté Townsent car ferries limited : «... cette obligation trouve sa limite dans la nécessité de l'ordre public », J.C.P 1985, II

* 144CE 11 mai 1984, Sté navale des chargeurs Delmas - Vieljeux c/ Port Autonome de Marseille et Etat Français, DMF 1984, p. 718 et s

* 145 CE 10 juillet 1987, Sté Sudcargos, Rec Lebon n°57, p. 506.

* 146CE 2 juin 1973, Sté des bateaux de la côte d'Emeraude dite « Les vedettes blanches », AJDA1972, p. 358

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